Chapitre 16 : Escapade nocturne
Je détestais cette situation, et même si je savais qu'Edan avait raison, j'étais déjà trop intriguée pour renoncer à cette opportunité de gagner des informations. J'avais senti dès nos premiers contacts que je pouvais me fier à Derek, malgré ses airs mystérieux, et personne ne pouvait plus me convaincre du contraire.
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Je restais encore un peu avec Kelyo au réfectoire, qui essayait comme elle pouvait de me rassurer par rapport au comportement d'Edan. J'en profitai pour observer plus en détails le reste des participants qui nous accompagneraient lors de la prochaine épreuve, puisque nous étions tous au complet.
Plusieurs groupes qui s'étaient petit à petit formés au cours de l'aventure étaient maintenant bien distincts. Tout d'abord, celui que je ne connaissais que trop bien : les anciennes amies de Rena. Elles étaient quatre, assises silencieusement à une table isolée, l'air déboussolées. Je ne pouvais m'empêcher d'avoir pitié d'elles. Je réfléchis soudain au fait qu'elles soient toutes encore en lice. C'était peut-être seulement de la chance, mais je me méfiais tout de même, elles cachaient peut-être derrière leur air naïf un talent redoutable.
Je repérai ensuite Saniah, la dernière à être sortie du labyrinthe, en compagnie de deux garçons que je n'avais quasiment jamais vu. Saniah avait tout d'un petit ange. Elle semblait si innocente que le contraste avec ce jeu en était perturbant. C'était un mystère qu'elle ait tenu jusque-là. Elle faisait probablement alliance avec les deux garçons qui avaient l'air protecteurs envers elle. J'avais d'ailleurs remarqué que l'un d'eux avait un comportement plus que familier avec elle.
Je grimaçai. Les histoires d'amour à Elevation finissaient rarement bien. Par rarement, j'entendais bien évidemment jamais. Au mieux, les deux mourraient et ne viveraient pas le reste de leur vie en ayant perdu l'autre.
Enfin, un groupe de trois garçons clôturaient mon passage en revue. Tous très baraqués, leurs profils étaient très similaires. Ils s'étaient probablement beaucoup préparés au jeu, vu leur allure militaire. Pas étonnant qu'ils aient tissé des liens.
Le fait qu'autant d'affinités se soient créées dans le jeu n'en finissait pas de m'épater. On se croyait sur la rive, à l'école.
Je soupirai. Tant de vies gâchées pour le divertissement d'autres humains nous prenant pour des animaux dressés. Je rêvais de leur prouver que nos vies valaient autant que les leurs, voire plus. Mais d'un autre côté, ils étaient autant manipulés que nous l'étions par Marcus. Pour eux, ce gouffre d'inégalité était parfaitement logique, on leur avait toujours appris cela. En étant nés du bon côté du Fleuve, qu'est-ce qui les pousserait à se questionner sur leurs privilèges ?
Je jetai un coup d'oeil à l'horloge. 23 heures. Mine de rien, l'heure fatidique approchait. Je sentais au fond de moi que mon choix était déjà fait, il était maintenant question de savoir comment procéder.
Je n'avais pas une multitude de solutions s'offrant à moi, je devais me contenter de reproduire le parcours de Rena, en comptant sur mon pouvoir de discrétion et, malheureusement, la chance. J'allais naturellement viser la fenêtre de la chambre de Derek, tout comme Rena, puisqu'elle était au rez-de-chaussée donc simple d'accès. Quant à mon départ d'ici, je ne pouvais probablement pas sauter de ma propre fenêtre, une chute du 3ème étage n'était pas très malin.
Peut-être pouvais-je passer par celle des douches, qui était au rez-de-chaussée ? Elle était assez étroite, mais il n'y avait pas de caméra à cet endroit à ma connaissance, et cela était beaucoup plus rapide et surtout moins risqué. J'optais donc pour cette option.
Après avoir fait comprendre discrètement à Kelyo mon plan d'action, tout en lui demandant de guetter mon départ et mon arrivée au cas où quelque chose ne se passait pas comme prévu, je remontai dans ma chambre à l'heure à laquelle je me couchais habituellement, ne voulant pas paraitre suspecte.
Je me tournai les pouces, assise sur mon lit, jusqu'à 1 heure du matin. La fatigue avait pointé le bout de son nez, j'étais exténuée après l'épreuve d'aujourd'hui, mais je m'étais fait violence pour rester éveillée, ne voulant pas louper le rendez-vous. L'angoisse y était également pour quelque chose.
Quoiqu'il en soit, le moment était venu de mettre les voiles. Je sortis de ma chambre, habillée de ma tenue de nuit, afin que ma douche nocturne paraisse plus crédible. Serrant le bout de papier froissé dans ma main, que j'avais gardé inconsciemment, je traversai les couloirs à présent déserts du Centre.
En pénétrant dans les douches communes, je jetai discrètement des coups d'oeil dans tous les coins de la pièce pour vérifier que je n'étais pas surveillée. Aucune trace de caméra, et évidemment personne ne faisant sa toilette à cette heure-ci. La voie était libre. Glissant le mot de Derek dans une poche intérieure de mon pyjama, je tirai ensuite vers le haut le battant de la fenêtre.
Je me penchai lentement pour faire un premier repérage. Le silence de la nuit m'enveloppa instantanément. Visiblement aucun garde était planté en vigilance dans les environs. Toutefois, je me doutais qu'ils étaient présents quelque part et seraient alertés au moindre bruit suspect.
J'allais devoir être rapide et silencieuse. N'attendant pas plus que ça, je fis passer mes épaules avec un peu de difficulté dans le cadre de la fenêtre. Prenant appui sur le mur l'entourant, je hissai le reste de mon corps jusqu'à avoir les mains touchant le sol.
Laissant tomber mes jambes le plus silencieusement possible, je me relevai avec rapidité de cette position peu gracieuse. Je me figeai, guettant un mouvement provenant de l'autre côté des deux bâtiments, mais personne ne se manifesta.
J'étais toujours aussi étonnée de l'absence flagrante de surveillance quant à ces trajets inter-bâtiments, mais en y réfléchissant, cela était peut-être volontaire. S'ils souhaitaient réellement prohiber le contact entre Chasseurs et participants, les deux bâtiments ne seraient pas à quelques mètres l'un de l'autre en premier lieu.
C'est sur cette pensée que j'entamais ma traversée, sprintant à ma vitesse maximale. Le son de mes pieds s'enfonçant dans l'herbe était totalement imperceptible. J'étais maintenant plaquée contre le mur du bâtiment des Chasseurs.
Je me dirigeai sans perdre de temps vers la fenêtre de Derek. De plus en plus incertaine quant à cette situation, je tapai avec hésitation sur la vitre. Aucune réaction.
Je déglutis. L'heure du rendez-vous était déjà passée, il était donc censé guetter mon arrivée. Je toquai de nouveau, ne voulant pas être trop bruyante. Plus j'attendais dans le silence, plus les battements de mon coeur s'accéléraient.
Pourquoi diable ne m'ouvrait-il pas ? Je risquai un coup d'oeil à l'intérieur, et ne pus que constater le vide de sa chambre. Je clignai des yeux avec violence, je commençais à me sentir de plus en plus bête, plantée dehors à cette heure-ci, pouvant me faire repérer à tout moment. Mon bras était toujours tendu, et toquait maintenant frénétiquement à la fenêtre, en vain.
Soudain, ce que je craignais finit par arriver. Des voix lointaines me parvinrent.
- T'as pas entendu quelque chose par là-bas ? marmonna une voix masculine ennuyée, suivie d'un soupir comme réponse.
Je blêmis. Des gardes. Ils paraissaient encore assez loin, mais le temps était à présent compté.
Tentant le tout pour le tout, j'abandonnai la chambre de Derek et me mis à arpenter la façade, dans l'espoir de tomber sur une fenêtre entrouverte. Des larmes de rage me venaient à présent. M'étais-je vraiment faite avoir de la sorte ?
Alors que je passais devant la énième fenêtre verrouillée et que les pas se rapprochaient dangereusement, j'écarquillai les yeux. Une ouverture. Je n'hallucinais pas, cette fenêtre était bel et bien entrouverte. Sans plus m'interroger, je me jetai tête la première à l'intérieur. Les gardes étaient probablement en train de tourner dans l'allée au moment où je repliai mes jambes.
Paniquée, je fermai alors la fenêtre. Tant pis pour le bruit, j'étais à présent à l'abri. Je m'assis par terre, me remettant de mes émotions. Un long soupir de soulagement m'échappa.
- Où est-ce que j'ai atterri, me soufflai-je à moi-même en me redressant.
Vu la grande table trônant au centre de l'espace, j'en déduisis que je me situais dans la salle à manger de ce bâtiment. Toute la pièce était plongée dans le noir, seule la lumière de la lune éclairait faiblement le sol. Parcourant la pièce du regard, je m'immobilisai soudain à la vue d'une silhouette assise dans l'ombre sur l'une des chaises.
Je retins mon souffle. Cette silhouette, les jambes croisées, me semblait masculine. Plissant les yeux pour discerner les traits de son visage, je reconnus, au fur et à mesure que mes yeux s'accoutumaient à l'obscurité, un sourire carnassier désormais bien trop familier.
Soudain paralysée de peur, je me maudis intérieurement. De tous les Chasseurs, il fallait que je croise Elijea durant mon escapade. Décidant de briser ce silence angoissant la première, je bafouillai misérablement.
- Je... je ne pensais pas croiser quelqu'un ici...
Les mots étaient sortis de ma bouche dans un murmure presque inaudible. Je peinais à camoufler ma peur grandissante. Allait-il me laisser passer ? Nous n'étions pas dans un contexte d'épreuve, il n'était donc pas mon ennemi. En théorie. Cet homme était si imprévisible, je pouvais m'attendre à tout.
En réponse à ma phrase étouffée, il sourit un peu plus. Cette expression me glaça le sang. J'avais un si gros mauvais pressentiment que je sentais des sueurs froides couler le long de ma nuque.
- Merci d'avoir accepté mon invitation, ricana-t-il.
Ces mots résonnèrent dans ma tête mais mon cerveau refusa de comprendre ce qu'il venait de se passer. Tout mon corps fut parcouru d'un effroyable frisson. J'avais pourtant déjà, au fond de moi, compris ce qu'il sous-entendait avant même qu'il ait fini sa phrase. Je me cramponnai au dossier d'une chaise, manquant de m'effondrer.
Je ne m'étais jamais sentie aussi humiliée et manipulée de ma vie. Une terreur glaciale se répandit en moi lorsque la vérité me percuta de plein fouet. Derek ne m'attendait pas patiemment dans sa chambre. Il n'était d'ailleurs pas le moins du monde au courant de ma présence dans ce bâtiment. Celui qui avait glissé ce mot sous la porte des toilettes cet après-midi n'était autre que l'être démoniaque se tenant devant moi.
- Je n'étais pas dupe devant la défaite de Derek dans le labyrinthe. J'étais certain que tu ne pourrais pas résister à l'opportunité d'avoir des réponses à tes questions, expliqua Elijea nonchalamment.
L'obscurité l'entourant rendait la situation encore plus angoissante qu'elle ne l'était déjà.
- Qu'est-ce que tu veux de moi ? rétorquai-je faiblement, livide.
Avant même que j'aie le temps d'esquisser le moindre geste, il se tenait déjà juste devant moi, si proche que je sentais son souffle sur mon front. En une fraction de seconde, l'espace qui nous séparait, mon seul rempart de sécurité, s'était évaporé.
A présent éclairés, ses yeux me dévisageaient d'une lueur démentielle. Le piège s'était refermé sur la proie.
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Je fais mon grand retour ! Je suis réellement désolée de cette (relativement longue) absence, mes études m'ont totalement fait décrocher mais je suis loin d'avoir terminé cette histoire !
Ce chapitre est haut en rebondissements, est-ce que vous vous y attendiez ? J'espère en tout cas qu'il vous a plu, le suivant arrivera surement dans la semaine ^^
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