La réponse du Roi Fengel arriva enfin. Legolas l'attendait, tout en la redoutant. Si le souverain exigeait qu'ils se présentent devant lui à Edoras, que feraient-ils ? Celeanor était entre la vie et la mort. Ils ne pouvaient pas repartir pour l'instant.

Mais il n'avait pas à s'inquiéter. Le Roi, compréhensif, leur accordait l'autorisation de circuler sur le territoire du Rohan, en remerciement de leur aide envers les Rohirrim. Le prince n'avait donc pas à s'inquiéter des formalités administratives. Ils pourraient repartir dès que Celeanor se serait remise.

Car il essayait de garder confiance. La médecine elfique pouvait faire des miracles. Il n'y avait pas de raison de penser que le poison était plus puissant. Il voyait bien qu'Eldalóthë sombrait dans l'angoisse et le désespoir, mais lui-même tentait de rester confiant.

Et il eut raison. Deux jours après l'arrivée du message du Roi Fengel, l'état de Celeanor s'améliora nettement. Et, contrairement à ce qui avait eu lieu auparavant, il n'y eut pas de rechute. Lentement, les couleurs revinrent sur son visage. Ses gestes, lents et faibles, reprirent de leur vigueur et de leur assurance. Ses yeux redevinrent alertes.

Eldalóthë revivait en même temps que leur amie. Elle souriait à nouveau, retrouvait sa fougue et son entrain. Avec une féroce certitude, elle ne cessait de répéter « edledhio, guruthos ! » (Pars en exil, ombre de la mort !). Et cela sembla fonctionner, puisque Celeanor se remit lentement.

Au bout de trois jours, elle put se lever pour quelques pas. Ce fut un événement ensuite dûment célébré par un festin, donné par Déorred en l'honneur du rétablissement de son invitée. Mais personne d'autre que les trois elfes n'étaient dans la chambre lorsqu'elle tenta de se lever, pour la première fois depuis que son état s'améliorait.

Legolas et Eldalóthë l'aidèrent à quitter son lit, puis le prince s'écarta pour ne pas gêner les deux femmes. Pas à pas, elles s'approchèrent de la fenêtre. Les jambes tremblantes et le souffle court, Celeanor s'appuya contre le mur.

Mais elle souriait.

Car elle pouvait de nouveau marcher, parler, penser. Les brumes et les voiles noires qui avaient enveloppées son esprit des jours durant, comme un linceul, se dissipaient à la lumière de la magie elfique et de l'amitié. Contre son corps, elle sentait la chaleur de celui d'Eldalóthë. Dans son dos, elle percevait le regard de Legolas qui les couvait, comme un frère veille sur ses petites sœurs. D'habitude, c'était elle qui avait l'impression d'être l'aînée d'une fratrie soudée. Mais, aux portes des cavernes de Mandos, c'étaient eux qui avaient veillé sur elle, l'avaient soignée et avaient espéré de toutes leurs forces sa guérison.

— Hannon le, mellyn nín, murmura-t-elle. Melon le. (Je vous remercie, mes ami·es. Je vous aime.)

Notes :

Edledhio, guruthos ! : pars en exil, ombre de la mort ! Avec edledhia- = partir en exil (ici, à l'impératif) et guruthos = l'ombre de la mort, la crainte de la mort

Hannon le, mellyn nín : je vous remercie, mes ami·es. (le indique le vouvoiement)

Melon le : Je vous aime. Avec mela- = aimer (au sens affectueux, amical), ici conjugué à la première personne (à ne pas confondre avec mellon = ami·e!) ; et le = vous (vouvoiement).