Alva désigna l'un des nuages blancs peints sur le ciel bleu du jour au-dessus de l'endroit où elle était allongée. "Celui-là ressemble à une vache", murmura-t-elle et elle entendit Kida émettre un grognement qu'elle supposa être d'accord. "Tu ne sais pas ce qu'est une vache", Alva laissa échapper de petites perles de rires et caressa une main le long de la tête de Kida qui reposait sur son ventre. La bête sombre souffla et se rapprocha du ventre d'Alva, la chaleur de sa peau s'infiltrant dans celle de l'autre.

"Ça ressemble à un autrapède. Je n'en ai jamais vu auparavant, en avez-vous mangé un ?" Alva incline la tête en regardant son compagnon animal, son ton interrogatif et plein d'humour. "Bien sûr que tu en as mangé. Tu es le meilleur palulukan, le plus beau aussi", elle sourit et chatouille le prédateur sous son menton.

Elle leva à nouveau les yeux vers le ciel, voyant les nuages d'un blanc pur s'assombrir. "Je pense qu'il est temps pour moi de retourner à l'arbre natal avant que Tsu'tey et les autres ne disparaissent à l'intérieur. Ça va être difficile de le trouver là-dedans."

Kida leva vers elle de grands yeux tristes et gémit lorsque l'animal sentit Alva s'éloigner de leur câlin. Alva se pencha et tapota la tête de son animal avant de le pousser doucement de ses genoux et de se lever de l'endroit où elle était allongée sur le sol herbeux. Son cœur souffrait du bruit, mais elle ne pouvait pas rester là à regarder les nuages pour le reste de sa vie, et elle voulait danser sous la pluie après avoir reparlé à Tsu'tey. Alva avait dansé sous la pluie sur Terre mais jamais sur Pandora ; son frère s'assurait toujours de la garder à l'intérieur pendant la pluie pour une raison quelconque, et jusqu'à présent il n'avait pas plu assez pour avoir l'effet qu'elle voulait.

"Je suis désolée, ma fille" murmura-t-elle avant de sortir un morceau de viande qu'elle avait pris dans les chefs de l'Omaticaya et de le jeter à l'animal qui lui lançait son plus beau regard de chiot. "Je te verrai plus tard. N'oublie pas de manger quelque chose. Byee" Alva a gloussé et a quitté la scène en sautillant, son petit panier se balançant dans sa main droite, en fredonnant dans son souffle alors qu'elle sentait de petites gouttes d'eau tomber sur son visage souriant.

La pluie avait augmenté lorsqu'elle pénétra dans l'arbre-maison et tapait doucement sur le sol à l'extérieur de l'entrée, apportant un léger frisson aux Na'vi entassés dans le premier creux. Alva haletait doucement, ses cheveux mouillés reposaient à plat sur son dos et son front, les quelques perles et fils d'or qu'elle portait tenaient à peine. Elle regarda autour d'elle ; quelques Na'vi étaient assis en groupes, s'occupant de leurs tâches ou bavardant entre eux, des enfants couraient partout en jouant, se suspendant aux branches et se précipitant dans les escaliers, mais pas de Tsu'tey. Le seul Na'vi qu'elle devait voir actuellement n'était pas là. Alva a ricané.

"Je le savais" dit-elle. "Je savais que j'aurais dû partir plus tôt." Alva continua, sa voix tintant et à peine audible par-dessus les bruits forts du clan qui l'entourait.

Elle soupira, haussa les épaules et commença à marcher vers les escaliers en spirale qui menaient au premier niveau de hamacs et de creux qui étaient utilisés par de nombreuses professions Na'vi différentes ; comme les guérisseurs, les sanctuaires spirituels de Mo'at et les salles de planification. Elle monta les escaliers à pas longs, gracieux, presque bondissants. Plusieurs Na'vi la croisèrent alors qu'elle se précipitait dans l'escalier, faisant parfois deux pas ou plus à la fois, mais aucun d'entre eux ne l'arrêta ; aucun d'entre eux ne connaissait son secret ou ne le soupçonnait. Pour eux, elle était l'étrange nièce de Tru'iel qui ne connaissait pas la langue et n'avait jamais appris le mode de vie des Na'vi.

Lorsqu'elle a atteint le sommet, elle n'a trébuché qu'une seule fois, lorsqu'un enfant a dévalé les escaliers et n'a pas eu le temps de s'arrêter correctement avant de tomber directement sur Alva qui était en train de sauter. Alva scruta la pièce, légèrement accroupie et la queue se balançant doucement derrière elle avant de se balancer plus rapidement lorsqu'elle aperçut Tsu'tey assis sur l'un des rebords en train de parler à un collègue chasseur. Le chasseur était petit, ses cheveux étaient rasés dans un style similaire à celui de Tsu'tey et comportaient un minimum de pièces décoratives, il portait également un pagne simple, pas de collier mais une petite bande sur son biceps supérieur. Tsu'tey ne l'avait pas encore vue, son visage était détendu, avec un soupçon de sourire sur les lèvres. Certaines de ses tresses étaient défaites et pendaient le long de son dos et de son cou, tentant Alva de les toucher.

"Tsu'tey" Elle l'a appelé en agitant la main et en lui souriant. "Je te parle en second ?"

La tête de Tsu'tey se tourna vers elle et se figea en un profond froncement de sourcils avant de lui jeter un regard noir. "Non", a-t-il répondu et il s'est remis à parler à son ami.

"S'il te plaît." Alva a pleurniché, ses yeux le suppliant. "Seulement quelques secondes", elle a levé deux doigts comme pour lui montrer le peu de temps qu'elle lui volerait. Sa queue s'enroula autour de sa jambe avant que ses oreilles ne vacillent.

"Bien." Il a grogné et s'est levé avant de s'approcher d'elle. "Qu'est-ce que tu veux ?", lui aboya Tsu'tey, ses yeux la regardant fixement et sa bouche se recroquevillant sur son habituelle grimace. Il croisa ses bras sur sa poitrine et se déplaça avec impatience sur ses pieds.

"Je veux parler en privé" répondit Alva avec un sourire timide sur ses lèvres peintes. "Viens Tey", lui dit-elle en souriant et en lui prenant le bras avant de les entraîner tous les deux loin des hamacs et dans l'un des couloirs, ou plutôt l'une des chambres, du même étage.

La pièce dans laquelle elle le traîna était claire, les murs couverts de différents matériaux qui pendaient des branches comme des rideaux ou des peintures, et des oreillers éparpillés sur le sol en bois propre. Une mince fumée flottait dans la pièce et une pipe en bois était posée sur le plus gros oreiller, rouge et doré, au centre du cercle d'oreillers. Alva se retourna et tira le drap vert pour couvrir l'ouverture du couloir, riant en voyant l'expression du visage de sa meilleure amie.

"Qu'est-ce que tu veux, tawtute ?" Il grogna dès qu'elle eut refermé le rideau et les protégea des autres. Il s'appuya sur l'un des murs, les bras croisés sur sa poitrine et un pied légèrement croisé sur les autres.

"Elle lui sourit en se posant sur l'oreiller le plus rose qui émettait un léger tintement de cloches lorsque son poids l'écrasait. "Tu ne peux pas dire non pour toujours"

"Combien de fois faut-il pour que tu comprennes que non ?" Son meilleur ami et futur professeur lui a aboyé dessus, se poussant du sol et s'avançant vers elle d'un pas qu'elle supposait être menaçant ou intimidant.

"Jusqu'à ce que tu dises oui", ricana Alva et fit tourner son bracelet autour de son poignet, regardant la légère déchirure que Kida avait faite dans l'une des lianes. "Ce serait vraiment si difficile de m'enseigner ? Je suis une bonne élève mais je n'obéis pas aux ordres", elle se frotta le menton avant de glousser et de faire un clin d'oeil à Tsu'tey, qui la fixait en silence avec un regard étrange et un pincement des lèvres.

"Pourquoi veux-tu tant que j'enseigne ?" Ses mots accentués coulaient de sa bouche comme du miel, le bonbon préféré d'Alva. Ses yeux étaient vifs, mais pas encore éblouissants.

"Tu es le meilleur", lui répondit Alva en levant brièvement les yeux de son inspection avant de passer à la bague de son père. "De plus, c'est la volonté d'Eywa. Alors épargne-nous des efforts et dis simplement oui."

"Je ne pourrai jamais enseigner à un démon comme toi. Eywa ne dirait jamais ça " Il lui grogna dessus, les yeux enflammés et les mains serrées sur les côtés, tremblant de colère et de rage. Alva plissa les yeux sur elle, voyant le léger flottement de son regard et le tiraillement presque invisible de sa lèvre.

"Je continuerai à demander jusqu'à ce que tu dises oui, tu le sais, n'est-ce pas ?" Alva gloussa et lança un oreiller bleu décoré de ficelles rouges. "Elle était choquée, comme elle l'était toujours, par le fait que Tsu'tey était la seule personne qui réussissait à garder sa concentration et son esprit clair. Ses yeux étaient vifs, seulement un peu de l'habituel trouble ou vacuité qu'ils avaient habituellement avec d'autres personnes.

A contrecœur, Tsu'tey s'assit, raide, sur l'oreiller qu'elle avait jeté sur lui tout en la regardant droit dans les yeux. "Je ne t'apprendrai pas".

"Si, tu le feras" insiste Alva en souriant au Na'vi. "Je n'abandonnerai jamais"

"Non"

"Si"

"Non"

"Oui", dit-elle en faisant durer chaque lettre du mot. Sa main se dirigea vers l'arrière de son cou avant de frotter l'endroit douloureux où se trouvait l'encombrant traceur. "Je pense que vous devriez savoir qu'il y a un traceur dans mon cou", admit Alva d'un air penaud, en grimaçant légèrement lorsqu'elle poussa l'un des endroits les plus douloureux.

Tsu'tey se leva d'un bond, un grognement sortant de ses lèvres retroussées, les oreilles plaquées contre son crâne rasé et la queue se balançant avec un calme mortel derrière lui. "Pisteur ?", il lui grogne dessus. "Tu montres l'emplacement de l'arbre natal aux humains ? !" La salive s'échappa de sa bouche tandis que la rage s'accumulait dans son corps mortel, tendant chaque muscle et serrant la mâchoire. "Je devrais te tuer, démon"

"Je ne leur ai pas demandé de me faire ça" chuchota Alva, un sourire triste sur ses lèvres alors qu'elle fixait le mâle Na'vi absolument livide et meurtrier en face d'elle. "Je ne ferais jamais cela de mon plein gré. L'Omaticaya est ma maison, pas cette cage."

"Pourquoi devrais-je croire tes paroles ? !" Il faisait les cent pas devant elle, les pas chargés de colère et les mains serrées à blanc. "Comment puis-je savoir que vous n'avez pas l'intention de nous tuer !"

Alva soupira, se leva et se dirigea vers l'endroit où Tsu'tey s'était momentanément arrêté. "Tu veux que je te prouve ma loyauté ?", lui demanda-t-elle les yeux pétillants, mais ses mains tremblaient en pensant à ce qu'elle devait faire, et aux conséquences que cela impliquait.

"Comment peux-tu le prouver ?" Il lui demanda, ses mots plus épais et plus difficiles à comprendre au fur et à mesure qu'il s'énervait.

La dreamwalker lui fit un clin d'œil avant de se pencher et d'attraper le couteau qui était attaché à sa cuisse. "En faisant ça." Elle répondit, se tapant le cou avec le couteau et retournant vers son oreiller avant de s'y replonger, comme si elle n'était pas sur le point de faire ce qu'il pensait qu'elle était.

Tsu'tey cessa de faire les cent pas, ses muscles se détendant et son visage s'affaissant. "Alva, non", la prévint-il, ses yeux verts et effrayés la fixèrent, le doigt pointé sur elle. "Ne fais pas ça", lui cracha Tsu'tey, la queue battant derrière lui.

"Je dois faire mes preuves, je le vois maintenant" répondit Alva, massant l'arrière de son cou avant de gratter légèrement la peau à cet endroit avec le bord tranchant. De petites perles de sang rouge s'échappèrent de l'égratignure peu profonde, sans même toucher la chose qu'elle voulait sortir de son corps.

Elle inspira brusquement avant d'enfoncer le couteau dans sa chair, grimaçant sous la douleur brûlante avant que les grimaces ne se transforment en cris de douleur. Le sang s'écoula librement de la blessure, recouvrant son cou, sa main, le couteau et l'oreiller d'un cramoisi éclatant dont Tsu'tey n'oublierait jamais le souvenir, il serait à jamais gravé dans sa mémoire. Des larmes coulaient de ses yeux rouges comme des rivières et le sang de l'endroit où elle s'était mordue la lèvre avait peint son menton bleu en rouge, presque comme une peinture de guerre utilisée par certaines tribus.

Tsu'tey la regardait fixement, abasourdi et figé sur place à cette vue. Il voulait se précipiter vers elle mais ses muscles ne voulaient pas bouger. Son corps tremblait et ses yeux étaient grands, effrayés et brûlants d'avoir été ouverts trop longtemps. Il ne pouvait détourner le regard de la femme qui s'enfonçait dans son cou, pour lui, pour lui prouver qu'elle ne donnait pas volontairement des informations.

Alva hurla, le son lui perçant les oreilles et lui faisant fuir la vue. Elle sanglota, sa poitrine se soulevant et s'abaissant à chaque respiration laborieuse avant qu'elle n'enfonce le couteau plus profondément, atteignant finalement le traceur qu'ils avaient placé loin dans le sol. Le couteau s'est écrasé sur le sol, répandant des gouttelettes de son sang sur le sol autour de lui, certaines tombant sur ses pieds. Des rivières de liquide rouge tombèrent de ses doigts et tout autour d'elle avant qu'elle n'enfonce ses doigts dans la blessure brûlante qui laisserait une cicatrice dentelée après elle. Alva leva les yeux vers lui, souriant avant de crier une dernière fois en sortant le traceur et en le jetant à ses pieds. Il était ensanglanté et avait du tissu attaché à lui.