Le grognement revint, mais cette fois-ci, il était plus fort et ne contenait aucun ronronnement. C'était un son bas et graveleux qui la glaçait jusqu'aux os et faisait trembler ses mains normalement stables. Il lui était familier et elle était attirée par la grande bête devant elle, malgré les dents pointues et brillantes qu'elle lui montrait dans un large sourire menaçant. Ses entraves s'étaient relevées et sa fine queue blindée se dressait tout droit, de même que ses quilles sensorielles. Alva regarda droit dans ses yeux sombres et intelligents et vit son reflet : elle tremblait beaucoup mais tendait quand même une main à l'animal devant elle. Il s'est accroupi et le maigre, pourtant très visible sous la peau coriace, s'est crispé.

Elle lui murmura "Chut", sans faire attention à la façon dont la partie inférieure du corps de l'animal se soulevait lentement et dont les pattes arrière s'enfonçaient dans le sol meuble.

Alva a fait un pas en avant et a tenu sa main droite et stable. L'animal gardait son regard fermement fixé sur elle, sans jamais s'éloigner de son corps. La lèvre supérieure de la bête se replia et montra encore plus les dents, montrant pourquoi elle méritait le nom de bouche sèche apportant la peur. Elle pouvait sentir le sang dans son souffle et en voir la satisfaction dans ses yeux qui brillaient vers elle. Il y avait un défi dans ces yeux, alors qu'il n'y avait eu que douleur et peur la dernière fois qu'ils s'étaient rencontrés. La salive s'écoulait de sa gueule massive et formait une flaque claire sous sa tête qui grandissait à chaque seconde qui passait. Cet animal avait changé depuis la dernière fois qu'elle l'avait vu coincé dans la clôture à Hell's Gate - il était plus fort, plus en colère, et il l'avait trouvée. Il lui a grogné dessus, la faisant sursauter et baisser sa main sur le côté de peur qu'il ne la morde. Les mots de Grace sur le fait de garder ses mains loin des animaux affamés lui reviennent maintenant mais elle refuse de céder à la peur, c'était après tout l'animal qu'elle avait sauvé et qui ne l'avait pas encore attaqué, cela devait signifier quelque chose.

L'animal s'approcha d'elle d'un pas lent, d'une manière féline, douce et gracieuse. Alva se tenait debout, refusant de montrer à quel point elle avait peur de l'animal qui se rapprochait de sa silhouette vulnérable. Il ouvrit encore davantage ses mâchoires déjà béantes et rugit, faisant voler les oiseaux et les animaux à proximité à cause du son qui promettait douleur et sang. Elle sursauta et ferma les yeux, se préparant à l'attaque que l'animal laissait présager. Elle sentit un sentiment de paix l'envahir, et une force qui l'aida à ouvrir les yeux et à fixer la bête dans les yeux.

Alva prit une profonde inspiration, comme pour se purifier de toute cette peur, et avec des mouvements lents et doux, elle ramassa un long bâton hérissé de pointes qui se trouvait sur le sol herbeux de la forêt. Elle le serra fort dans ses mains - elle avait peut-être sauvé l'animal une fois, mais il était encore sauvage et venait pour elle comme un ikran pour son ikran makto choisi. Les pointes s'enfoncèrent dans ses mains déjà blessées, mais elle accueillit la douleur qui la clouait au sol et empêchait sa tête de s'envoler dans les nuages comme elle avait toujours tendance à le faire.

Avec un rugissement à faire trembler le sol, l'animal se précipita sur elle, arrachant la terre et les plantes sur son passage jusqu'à Alva qui était toujours debout, attendant la première attaque. Dès que l'animal maintenant silencieux s'approcha suffisamment pour la mordre, elle mit un pied devant l'autre et s'accroupit, trouvant son équilibre dans le sol inégal, et prépara son bras pour un puissant coup. Lorsqu'elle sentit l'haleine chaude frapper son bras, elle se retourna et frappa aveuglément une partie du grand corps maigre de l'animal et ressentit une pointe de satisfaction en entendant le glapissement qu'il poussa lorsque les pointes aiguisées griffèrent la peau dure. Alva s'éloigna du coup de griffes et frappa les pattes du milieu. Elle tapa avec son bâton sur la queue blindée de la bête et s'esquiva lorsqu'elle lui donna un coup en retour.

Tsaheylu " lui chuchota une voix, l'exhortant de cette même voix maternelle et pourtant si autoritaire. Tsaheylu " lui aboya-t-il et elle se retourna une fois pour essayer de trouver celui qui essayait de la distraire pendant son combat contre une créature bien plus forte et mortelle qu'elle, une bête que tout le monde craignait.

Son esprit était déchiré - si elle voulait faire tsaheylu avec la bête, elle devait se rapprocher d'elle et jusqu'à présent, elle avait essayé d'éviter cela car cela signifiait qu'elle devrait réellement la blesser pour la faire partir. Alva détestait faire du mal à qui que ce soit, surtout aux animaux et elle avait formé un lien avec celui-ci lorsqu'elle l'avait aidé à échapper au danger dans lequel il se trouvait. Si elle ne l'avait pas sauvé, il aurait été abattu par les gardes, ou pire.

Une ampoule s'alluma au-dessus de sa tête, il n'y avait qu'un seul moyen de s'en approcher et cela impliquait une planification minutieuse, de grimper et de se forcer à être plus courageuse. Si elle grimpait dans un arbre, en gardant à l'esprit que cet animal pouvait aussi grimper, et se laissait tomber sur le dos, elle pourrait le surprendre et créer un lien plus fort. C'était le seul moyen.

Alva laissa tomber le bâton et roula sur la gauche quand la bête se mit à claquer à l'endroit où elle se tenait auparavant avant de se hisser habilement, et légèrement tremblante, vers l'arbre le plus proche avec des mouvements rapides et précipités comme si le diable était derrière elle - ce qui aurait très bien pu être le cas vu la façon dont l'animal essayait de l'atteindre.

Elle haletait fortement lorsqu'elle atteignit la branche d'où elle avait choisi de sauter et prit un moment pour fixer l'animal avec lequel elle allait établir un lien sacré. Elle n'avait aucune idée si l'animal serait comme un ikran dans le sens où ils n'ont qu'un seul cavalier pour la vie ou si l'animal était plus comme un pa'li et pouvait avoir plusieurs cavaliers. Néanmoins, elle faisait confiance à ses tripes et ses tripes lui disaient de faire le lien, une pensée qui ne lui avait même pas effleuré l'esprit jusqu'à ce que cette voix lui dise. C'était inouï. Alva fixa l'animal, observant comment il s'élançait vers l'arbre sans parvenir à le saisir, quelle que soit la profondeur à laquelle il enfonçait ses griffes dans le bois ou sifflait. Il s'est éloigné de l'arbre et s'est élevé jusqu'à ce que seules ses quatre pattes arrière soient au sol, déchirant le sol et rugissant vers elle. Elle n'avait ressenti la peur que quatre fois dans sa vie et c'était l'une d'entre elles, son sourire habituellement brillant et ses yeux laiteux et troubles étaient maintenant aigus et brillants, la peur étant l'émotion dominante et l'anticipation se cachant dans les profondeurs.

Elle prit une dernière inspiration avant d'arracher ses pieds de la branche et de tomber vers la bête hargneuse qui l'attendait impatiemment. A chaque mètre, une partie de sa peur disparaissait, la laissant dans une confortable couverture de paix et de sérénité. Alva frappa l'animal fort avec un bruit sourd qui fit gémir l'animal et le fit tourner en rond sous le choc, elle réprima une grimace à la douleur venant du bas de son corps. S'assurant qu'elle n'était pas projetée sur le dos de l'animal, elle relâcha une main de sa prise frénétique sur la peau dure de l'animal, s'assurant de ne pas égratigner les opercules sur les côtés de son cou dans sa lutte pour trouver quelque chose à quoi s'accrocher pour rester assise malgré les durs mouvements de recul, et tira son tswin en avant. Alva fit taire l'animal doucement, en murmurant une vieille chanson que sa grand-mère lui avait racontée et que ses ancêtres chantaient pour apprivoiser un cheval sauvage ou apaiser un animal blessé. La rêveuse sur la bête puissante et redoutée sourit, malgré les turbulences qu'elle devait endurer et qui menaçaient de l'envoyer à la mort dès qu'elle commettrait une erreur, et de la même main qu'elle tenait son tswin, elle se pencha en avant pour saisir l'un des quils sensoriels supérieurs qui se dressait sous sa douce emprise. Alva aboya à l'animal et s'élança en avant, déplaçant son poids pour ne pas tomber, et connecta les deux tswins - faisant tsaheylu.

L'animal se cabra plusieurs fois avant de s'écrouler sur le sol, haletant doucement et une rivière de salive coulant sur les côtés de ses mâchoires encore grandes ouvertes. Alva rit et pencha la tête en arrière, épuisée et heureuse. Elle, une humble humaine, avait fait du tsaheylu avec un animal qui était craint et vénéré par les indigènes de Pandora. J'ai réussi, se dit-elle en tapotant l'animal sur le côté droit de son cou, elle pouvait sentir les souffles chauds qui sortaient des trous dans son cou servant à la respiration.

"Tu as bien fait" lui chuchota Alva et s'allongea sur son dos chaud et cuiré, soupirant avec satisfaction et ressentant la même émotion à travers le lien qu'ils partageaient. "Tu t'es bien débrouillé" continua-t-elle avant de sursauter en voyant le revêtement de sa main gauche qu'elle avait posé sur sa cuisse gauche. Elle baissa les yeux et découvrit l'entaille qui saignait abondamment d'un rouge vif qui contrastait avec son cyan apaisant. "Ça m'a fait une égratignure aussi"

Chacun de ses muscles était douloureux et lourd d'épuisement, mais elle se força à se redresser sur le dos, c'était la première chevauchée qui avait scellé le lien avec l'ikran alors elle supposait qu'il en était de même pour ces animaux. Avancez ", pensa-t-elle, " lentement " ajouta-t-elle quand elle se souvint d'être précise.

L'animal avec lequel elle venait de se lier fit quelques pas en avant avant de balancer sa queue en avant pour la frapper doucement dans le dos, en faisant attention à la force derrière le membre. Alva gloussa, son sourire illuminant son visage dans son expression normale, et incita l'animal agité à aller un peu plus vite, ne serait-ce que pour lui faire un peu plaisir.

"Elle souffla quand l'animal commença à trotter dans la forêt. Alva sentit les muscles légers bouger sous elle tandis qu'il se déplaçait et elle se souvint de la puissance et de la létalité qu'elle contrôlait et avec laquelle elle s'était liée.

Comme un animal transformé, il ronronna sa réponse et accéléra, changeant le rythme d'un trot lent à une course presque rapide qui, pour Alva, était plus douce et confortable que de monter sur un pa'li. Elle passa une main sur le long cou de l'animal, passant par l'endroit où le cou rencontre l'épaule avant de saisir deux quilles sensorielles et de dire à l'animal de courir.

Alva fit claquer sa langue puis hulula joyeusement tandis que les deux animaux s'envolaient à travers la forêt, sautant par-dessus les arbres tombés, zigzaguant entre les gros buissons et profitant du vent froid qui passait dans ses cheveux encore très peu tressés. Si Alva devait choisir une chose pour représenter ce qu'était la liberté, elle choisirait ceci : monter sur le dos d'un puissant prédateur et se sentir comme la femme la plus puissante de tous les temps, comme si rien ne pouvait la faire tomber. Pour une fois dans sa vie, sa tête était claire comme le ciel au-dessus d'elle et ses pensées et sentiments étaient ancrés, un sentiment qu'elle n'avait ressenti qu'avec Tsu'tey.

Ils coururent tous les deux dans la forêt jusqu'à ce que l'animal commence à ralentir et Alva s'était presque endormie trois fois sur son nouvel ami, oubliant tous les sentiments et événements précédents. Ils avaient choisi de s'arrêter dans une clairière près d'un petit ruisseau où l'animal, Kida, comme elle l'avait appelé, pouvait boire et se rouler dans l'eau froide pour rafraîchir sa température déjà élevée.

Alva siffla un air joyeux en aspergeant ses bras sales d'eau et en frottant la boue qui s'était formée. Ses yeux étaient baissés et menaçaient de se fermer à tout moment, mais elle était sûre qu'elle serait en sécurité avec Kida même si elle n'était pas connectée par leurs tswins pour le moment, tant la loyauté était déjà présente entre eux. Elle s'approcha et frotta l'animal sur le ventre, éclaboussant un peu d'eau pour l'aider à se nettoyer.

Au moment où elle attrapait une feuille géante pour l'aider à frotter la saleté la plus tenace, elle entendit une brindille se briser derrière eux et sa tête se retourna plus rapidement que Kida se leva et grogna contre l'intrus - se sentant déjà protectrice et sur la défensive de son cavalier.

"Tsu'tey ? Approche-toi" Alva s'est assise, a croisé ses jambes et a offert à Tsu'tey un doux sourire. "Elle ne mordra pas", poursuit-elle en faisant un geste vers l'endroit où Kida grogne toujours et montre toutes ses grandes dents pointues et brillantes au Na'vi mâle qui se tient juste à la limite de la forêt.

"C'est du palulukan". Il fixait les deux hommes avec des yeux grands ouverts et un corps tendu qui vibrait d'adrénaline et de lutte ou de fuite. "Comment pouvez-vous être si près ?"

"Tsaheylu, mon ami, nous nous sommes liés" révéla Alva avec un sourire d'autosatisfaction et un clin d'oeil. Sa poitrine se gonfla, fière d'avoir réussi là où d'autres avaient échoué, et ce, sans entraînement approprié.

Tsu'tey sortit son arc et saisit une flèche dans l'autre, prêt à tirer sur son compagnon au moindre mouvement de muscle qu'il jugerait menaçant. Alva le fixait en sourdine, mais son sourire était toujours présent et elle était calme et posée. Kida, de son côté, n'appréciait pas le fait que Tsu'tey ait dégainé une arme sur eux et avait fait un pas en avant, déclenchant un rugissement sonore qui fit mal aux oreilles d'Alva.

La marcheuse de rêve se leva et caressa une main sur la tête de Kida avant de se diriger vers Tsu'tey. "Je l'ai sauvée il y a quelques jours." Elle révéla et lança un sourire affectueux au palulukan sur la défensive avant de continuer, "Je n'aurais jamais pensé la revoir, mais il y a quelques heures, elle m'a littéralement sauté dessus."

"Tu es folle, démon" Il lui a craché dessus mais elle n'a pas été dissuadée.

"Je ne suis pas folle, sey" Le surnom a glissé avant qu'elle ne réalise qu'elle l'avait fait et elle a haussé les épaules au regard incrédule qu'il lui a lancé. "Je l'ai appelée Kida en l'honneur d'une femme puissante sur Terre, une princesse, c'est approprié, n'est-ce pas ? Elle lui demanda en inclinant la tête et avec de grands yeux innocents qui le fixaient.

"Il lui grogna dessus et la tira derrière lui, faisant grogner Kida qui fit un pas en avant. Ses yeux étaient concentrés sur l'animal qui lui grognait dessus et Alva pouvait voir ses mains trembler et ramena doucement les siennes et les posa sur les siennes.

"Ne t'inquiète pas, grand guerrier, elle ne nous fera pas de mal. Je suis son cavalier élu et tu es mon meilleur ami".

Elle le sentit se raidir dans son emprise mais elle ne lâcha pas sa main. "Je ne suis pas ton ami, insecte." Tsu'tey a aboyé le mot "ami" comme si c'était de la terre sur sa langue.

"Bien sûr que tu l'es"

"Non" Le mot étranger était dur sur sa langue, mais elle pouvait entendre qu'il avait un certain entraînement à la prononciation, même s'il le niait jusqu'à ce qu'il ait le visage jaune.

Alva gloussa et resserra son emprise sur ses mains maintenant stables, en le regardant avec somnolence. "Tu es mon meilleur ami, idiot." La dreamwalker se réveilla alors qu'une pensée lui traversa l'esprit : "Veux-tu être mon professeur ? Oh s'il te plaît dis oui, mon meilleur ami, s'il te plaît"

"Non"