➠ ❛Rien à offrir, rien à perdre❜

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Hizashi rencontra le sable une nouvelle fois, sans plus faire attention aux lunettes qui s'échouèrent un mètre plus loin, mais se releva plus lentement que la dernière. Il essuya le filet de sang qui s'écoulait de son front et se repositionna, pas plus désavantagé que cela par son astigmatisme. Après tout, il percevait très bien la silhouette face à lui, quand bien même son visage demeurait flou. Shōta prit plusieurs profondes inspirations avant de réactiver son alter, empêchant son meilleur ami d'employer le sien, dans l'optique de profiter des effets qu'il portait sur un étrange ruban gris qui flotta autour de sa tête. D'un geste de la main, il l'envoya sur le bilingue et l'enroula autour des jambes, avant de le soulever et le faire voler au-dessus de sa tête, jusqu'au sol derrière lui. Un large nuage de poussière et de sable éclata autour d'eux et Aizawa dut fermer les yeux déjà affreusement secs, davantage aveuglé par les germes volatiles. Son écharpe retomba au même titre que ses cheveux.

« Temps mort ! »

Les muscles du blond se décontractèrent alors, soulagé d'enfin percevoir la fin de leur entraînement.

« Finally ! J'en peux plus de te servir de cobaye ! J'aurais le droit d'attaquer la prochaine fois, dis ??

- Il faut déjà que j'apprenne à utiliser correctement ce ruban. Après on reparlera d'un vrai combat. »

Hizashi se mit assis et essaya de défaire le nœud autour de ses chevilles, pas assez serré pour un vrai combat. Ses yeux trop verts se levèrent en direction du noiraud, qui se frottait les paupières en grimaçant, l'attention attiré par son action.

« Shō, prévint-il avec harassement à force de le reprendre.

- Oui oui, je prends mes gouttes... ! »

Se forçant pour ne plus se toucher le visage, il tâta dans la poche de son jogging pour trouver la petite fiole verte. Il l'attrapa mais elle lui échappa des mains. Il jura.

« Merde... Hizashi ? ...

- Yes, j'ai vu, j'arrive. »

Le blond se libéra enfin et s'approcha de son cadet. Il repéra facilement le petit contenant ophtalmique échoué dans les grains dorés, et le ramassa prestement. Comme par habitude, il se nettoya rapidement les mains avec une bouteille d'eau claire et utilisa son pouce et son index pour écarter de force les paupières de son ami, et de l'autre main, il lui administra des gouttes qui le soulagèrent presque instantanément. Les yeux toujours fermés, Shōta baissa enfin la tête en bredouillant un léger remerciement. Hizashi rangea la fiole et s'étira, le regard vagabondant sur le soleil déclinant au-dessus de l'océan, de la plage municipale de Takoba, de leurs têtes décoiffées et poussiéreuses. Il essuya la crasse et la sueur sur son visage avec son avant-bras, satisfait d'avoir pu observer une légèrement amélioration dans l'emploi de la nouvelle arme de son camarade aux yeux cernés. Même si ce n'était pas encore ça... il était ravi de voir que Shōta prenait leurs entraînements très à cœur.

« Je vais bientôt devoir rentrer, finit-il par souffler avec un petit sourire. Je viendrais chez toi demain matin pour le cours de trompette habituel, huit heures ça te va ?

- Dix. Mes parents risquent de te tuer si tu débarques aussi tôt un dimanche.

- Dix heures alors !

- J'ai le droit de répéter que ma trompette fournie par l'école est immonde ?

- Tant que tu joues, tu peux dire ce que tu veux ! »

Shōta rouvrit enfin les paupières et posa son regard légèrement rougi sur son meilleur ami.

« Ta mère va me tuer avant que les miens le fassent avec toi.

- Why ? ricana-t-il sans comprendre.

- Parce que je t'ai salement amoché. Ton front... »

Hizashi passa une main à la racine de ses cheveux et dévisagea l'hémoglobine qui tachait ses doigts. Puis il se souvint qu'il avait égaré ses lunettes lors de la bataille.

« Help ? »

Aizawa comprit sa demande et partit ramasser la paire pour lui. Il l'essuya avec le manche de son sweat-shirt, et la lui tendit. Ce ne fut que lorsque le blond les renfila qu'un bruit d'explosion retentit dans la ville. Les deux jeunes adolescents s'échangèrent un regard inquiet avant de quitter la plage à pas de course pour trouver la source de la détonation. Ils se retrouvèrent alors dans un petit quartier bien habité avec quelques enfants et passants. Certains d'entre eux protégeaient les plus jeunes des foudres d'une silhouette noire qui se déplaçaient dans le croisement de route, là où quelques voitures avaient été sauvagement écartées. La grande ombre se tenait calmement en son centre, mais ses longs cheveux de flammes rougeoyantes s'occupaient de massacrer le paysage. Hizashi déploya alors son alter sur elle, la faisant arrêter tout mouvement, mais son corps n'ayant pas bougé d'un iota. Elle se tourna vers l'aspirant héros qui venait de l'attaquer, et croisa les yeux rubis de son ami. Son alter se désactiva alors, et l'enveloppe noire charbon qui la recouvrait entièrement s'évapora dans un nuage de poussière, dévoilant le visage d'une jeune femme à la visible petite vingtaine d'années, aux longs cheveux aussi bruns que ses yeux.

« Vous n'avez pas l'allure de super-héros, fit-elle remarquer avec un calme troublant.

- Nous sommes des élèves de Yuei !! s'exclama Yamada avec assurance. Retenez bien le nom de Present Mic parce que ce sera le dernier que vous entendrez ! »

Il déploya une nouvelle fois son alter, et cette fois, projeta la femme dans la haie entourant le jardin d'un foyer. Le noiraud profita de la diversion pour lui lancer son ruban, s'emmêla les pieds dedant, et tomba. Il voulut se remettre debout avant elle pour réessayer mais plus vive que lui, la vilaine s'était déjà relevée, les oreilles quelque peu sonnées encore.

« Sekitan-chan ! »

La voix qui venait de l'interpeler laissa place à un homme masqué qui avait fait matérialiser dans la paume de sa main une lance métallique, et n'hésita pas de l'utiliser pour pêcher le jeune blond par la jacket et ainsi le tirer contre lui, sous le couinement de stupeur de celui-ci. Il tenta de réactiver son alter mais le masqué l'avait balancé dans les airs, obligeant le plus jeune à se concentrer sur son atterrissage qui fut occupé par un troisième vilain, à la peau sombre et à la chemise ouverte, qui le paralysa lorsqu'il bondit pour le rattraper. Aizawa, pendant ce temps-là, n'avait pas arrêté de pourchasser la nommée Sekitan qui put, bientôt, réutiliser son alter par un bête manque d'attention de la part de l'apprenti. Reprenant sa forme de charbon, la femme lui envoya une langue de feu qui l'obligea un brusque mouvement de recul, recevant une trace de brûlure sur la joue. Il utilisa alors son arme pour se hisser à la panique sur un lampadaire et soupira de soulagement en s'y agrippant, quelque peu déstabilisé par la hauteur. Foutue peur du vide... Il chercha de vue son coéquipier, celui-ci totalement immobilisé sous le bras de monsieur chemise. Peut-être que le contact contre sa peau était la cause de l'immobilisation de Yamada ? Il s'empressa d'annuler son alter d'un seul regard et, reprenant conscience, le blond se dégagea promptement et lui asséna un coup entre les jambes avant de détaler en vitesse, criant à tout le monde de dégager la rue, avant de se manger le goudron. Ils étaient ridicules pour des supposés futur héros. Les adultes attrapèrent les enfants et coururent plus loin, sauf un couple, dont la moitié n'était pas totalement inconnue, qui venait d'arriver dans la bataille. L'appelant par son nom héroïque, Hizashi ne sembla pas mécontent de voir son amie débarquer à l'improviste, et se releva comme si de rien n'était.

« SOUNDER ! »

L'interpelée, ayant attachée à la va-vite ses cheveux bleus en queue de cheval basse durant son arrivée, s'empressa de sortir un grapin de son sac à main et l'utilisa pour se hisser sur le lampadaire voisinant celui d'Aizawa. Sachant qu'ils n'étaient pas sensés s'appeler par leur nom sur le terrain, elle s'adressa à lui par son pseudonyme.

« Salut Eraser Head, ça ne te dérange pas si je me tape l'incruste ?

- Qu'est-ce que tu viens faire ici ? cracha-t-il, énervé qu'elle ait à voir sa fuite sur le perchoire lumineux.

- Une date qui tourne au vinaigre, sans doute. Tu as un plan pour vaincre ces trois méchants ?

- Bien sûr que non ! On n'est même pas censés agir ! »

Ils cherchèrent Hizashi mais il était invisible, ce qui inquiéta un tantinet l'introverti. Dans quelle merde s'étaient-ils fourrés ? Le seul membre du trio qui manquait à l'appelle était la femme charbon. Les deux hommes regardaient les adolescents depuis le bas des lampadaires avec un rire moqueur. Nao détacha son regard de son ami à l'alter déstabilisant pour chercher son copain, et l'aperçut. Ce dernier était caché derrière un buisson, seule la fille le voyait. Shōta remarqua qu'elle le fixait silencieusement mais avec attention, et elle hocha la tête, comme comprenant ce que disait doucement son petit-ami, ou alors l'entendant chuchoter. L'alter de Sounder était bien pratique lorsqu'il fallait se faire discrets, mais aucunement pour attaquer. Comme lui... Elle se reconcentra sur les deux vilains, un sourire espiègle ornant ses lèvres. C'est alors qu'une voix derrière eux attira leur attention.

« Oi, vous deux. Connaissez-vous le comble pour un héros doué en tuyauterie ? »

L'homme chemise eut un air surpris sur le visage, de concert avec le masqué, lorsqu'ils firent volte-face.

« Qui c'est ce guignol ? Qu'est-ce que tu veux ? »

Le petit-ami de Nao sourit malicieusement et là, le plus musclé des deux vilains s'effondra, vidé de toutes ses capacités motrices. Shōta put enfin voir son visage. C'était un jeune adulte avec les cheveux ébouriffés et violets, et ses yeux noirs, noirs comme ceux d'Aizawa, croisèrent ceux de ce dernier. C'est alors que le masqué s'agita.

« H-hein, mais qu'est-ce que tu lui as fait ?!! »

Et il s'effondra à son tour.

« C'est de laisser un vilain prendre la fuite. »

Nao et Shōta quittèrent leurs perchoirs pour rejoindre l'étudiant en médecine qui venait de leur sauver la mise. Nao s'accrocha au cou de son copain.

« Merci, Ayumu-kun ! Tu es mon héros ! »

Et pendant que le noiraud bandait les deux vilains avec son ruban, une seule pensée ne pouvait quitter son esprit : Et Hizashi, dans tout ça ?

C'est alors qu'un super-héros professionnel fit son apparition, frôlant les deux mètres vingt et scotché d'un large sourire éblouissant. Sa longue cape flotta lorsqu'il atterrie, et là, sa voix puissante électrisa les cinq membres de l'assemblée.

« La cavalerie vient d'arriver, mais je vois que tout est déjà sous contrôle !!

- All Might !! s'écria Nao avec les étoiles dans les yeux, étouffant Ayumu dans son étreinte.

- All Might ? Le numéro trois ? Urf, marmonna Shōta, seulement entendu par Ayumu qui lui jeta un regard indifférent, bien que légèrement surpris par ce dédain envers l'un des plus grands des héros du Japon.

- Donc... Vous vous êtes chargés de ces vilains tous seuls ? interrogea le grand blond avec fierté, bien qu'un tantinet surpris.

- C'est lui qui a tout fait, expliqua Shōta avec lassitude. Mais il en reste encore un dans le coin.

- Encore un vilain ?! Ne vous inquiétez pas, je m'en charge de ce pas !

- Peut-être devriez-vous commencer par vous occuper de ces deux-là ? proposa Sounder en désigna les deux hommes à terre, ensaucissonnés dans le ruban du noiraud.

- Euh... Oui ! C'était ce que je comptais faire ! Dites-moi, vous êtes des élèves de Yuei ?

- Moi pas, mais ça va, je veux bien remplir votre formulaire de protocole je sais pas quoi pour avoir utilisé mon alter illégalement blablabla, soupira celui aux cheveux violets avec un regard ennuyé, appuyé dans ceux vivement bleus du héros qui sembla surpris de cette honnêteté. 

- Je crois qu'il ne sera pas le seul... soupira Nao, honteuse. »

C'est alors qu'une voix puissante attira leurs attentions, un alter déployé qu'Aizawa ne connaissait que trop bien. Il voulut laisser en plan les autres pour partir à la rescousse de son meilleur ami, mais la main ferme d'All Might le retint par l'épaule. Il remarqua alors qu'un duo d'héros survolaient déjà le ciel en direction de la voix, et une voiture de police s'arrêta près d'eux. Shōta comprit alors que c'était au tour des vrais professionnels d'intervenir. De toute façon il a été inutile. Comme toujours.

« Dis-moi, petit, tu veux un autographe ? demanda-t-il pour détourner son attention. »

Mais tout ce qu'il détourna fut son regard sans répondre, totalement désintéressé par le grand malabar au sourire digne des plus grandes pubs 'Colgate'. Ce fut Nao qui répondit avec toute l'enthousiasme du monde, à moitié retenue par son copain.

« Sur mon grapin s'il vous plait, Monsieur All Might !! »

[...]

Le pauvre Hizashi avait couru à plein régime jusqu'à un endroit isolé dans un parc, et regardait activement sur tous les côtés à la recherche de la vilaine qui s'était enfuie. Sur ses gardes, il continua d'avancer, attentif, et réagit au quart de tour lorsqu'une langue de feu déchira son champ de vision. Il recula vivement et déploya son alter sur la femme charbon que l'homme masqué avait appelée Sekitan pour l'envoyer plusieurs mètres plus loin, totalement sonnée. Il était temps ! Avec toute cette voix qu'il a dû utiliser pour enfin la mettre hors d'état de nuire, il commençait à désespérer, à croire que le charbon qui enveloppait son corps et ses oreilles n'avaient pas une durée de protection optimale. Ravi d'avoir pris le dessus, il effectua un pas vers elle, et ne remarqua la silhouette dans son dos que lorsque le soleil déclinant envoya son ombre sur lui. Sa main tenant une batte de baseball, il assomma à moitié l'apprenti héros, qui rencontra alors brusquement le sol à genoux en se tenant l'arrière de la tête en grimaçant et en gémissant de douleur. Le sang qui coulait sur son front depuis tout à l'heure ruissela jusqu'au sol, dans quelques flaques rouge carmin. Il n'aurait jamais dû s'en mêler, il n'était qu'un gamin de première année...

[...]

Shōta devait attendre avec les deux autres jeunes près de la voiture de police en attendant que quelqu'un s'occupe d'eux. Pour faire passer son inquiétude, Ayumu décida d'engager la discussion.

« Shōta Aizawa, c'est ça ?

- Ouais.

- C'est un plaisir d'enfin mettre un visage à ce nom. Moi, c'est Ayumu Shinsō. »

Il dévisagea Ayumu qui s'était penché en avant en guise de politesse, avant de se redresser, une main dans ses cheveux.

« Dis-moi, c'est quoi la nature de ton alter ? Je n'ai pas vraiment eu le temps de comprendre.

- ... Effacement d'alter...

- Joli. Moi, je peux vider quiconque me répond de toutes leurs capacités motrices. »

Il parut vraiment impressionné par le pouvoir du plus jeune, mais Eraser Head en resta indifférent. Nao se faufila sous le bras de son petit-ami. Celui-ci embrassa alors sa joue, juste en-dessus de ses cernes. Elle reposa ensuite son attention sur son ami de classe, et sembla moins enjouée.

« J'espère que tout se passe bien du côté d'Hizashi-kun, il a dû partir à la poursuite de la vilaine.

- Hm. »

Un ange passa. Il jeta un regard en coin au garçon aux cheveux violets.

« Mon garçon, appela All Might à côté d'un policier, tu peux venir instant ? Ce gentil policier veut entretenir avec toi.

- C'est pour quoi ?

- Le protocole d'emploi d'alter illégal contre un vilain.

- Ah. Oui, j'arrive. »

Shōta détourna le regard. Celle aux yeux roses voulut le rassurer, mais elle n'en avait pas les mots. Alors elle garda le silence en espérant avoir des nouvelles bientôt. Ils allaient avoir de sacrés problèmes pour avoir utilisé leurs alters sans permis, mine de rien...

Et puis une série d'actions s'enchaîna. Shōta et Nao durent reculer derrière All Might car un vilain muni d'une batte de baseball, épaulé d'une femme-charbon, fit son apparition sur scène. Et, au bout de son bras valide, il tenait Hizashi par la nuque. Celui-ci serrait les dents, les deux mains sur la grosse main du méchant, remuant les jambes pour se libérer. Sans attendre, le numéro trois avait tenté de négocier avant de comprendre qu'ils ne cherchaient que la bagarre. Le noiraud fixait la scène sans la voir. Son cerveau tournait au ralentit, il observait avec une certaine admiration le grand malabar se démener pour sauver la vie de son meilleur ami, alors qu'il n'était même pas capable de réagir, juste bon à se percher sur un lampadaire en paniquant. Aizawa se dégoutait d'agir ainsi. Il n'était pas fait pour devenir un héros. Il n'était qu'un gros nul, comme toujours. Un boulet. Un boulet pour ses parents. Un boulet pour ses professeurs. Un boulet pour ses camarades de classe. Il devrait s'en éloigner. Il ne leur apporterait rien de bon. Il aurait dû écouter son père. Devenir un héros n'était pas fait pour lui.

Heureusement, Hizashi fut sauvé, mais tout ce que voyait Aizawa, c'était du flou.

[...]

Le tictac lointain d'un horloge interne rythmait son rythme cardiaque. Il dormait. Il rêvait. D'un bon puissant, le numéro trois quitta le sol grâce à son alter de puissance, laissant en plan total le jeune étudiant qui s'était protégé le visage avec les bras pour ne pas laisser la poussière se rependre en plein visage. Il remarqua alors la silhouette disparaître dans le ciel, et il se sentit bien inutile, planté ainsi au milieu de la voie à sens unique, cette longue route sans début, sans fin. Il prit la décision de suivre la même direction, mais à pieds, en bon coureur qu'il était. Il n'oublia bien sûr pas de laisser un SMS mensonger à sa mère, notant qu'il restait dormir chez son meilleur ami. La nuit venait de tomber, et Shōta continuait de courir, encore et encore, dans son jogging poussiéreux et plein de sable.

« Putain... Hizashi... »

Sa course effrénée, caractérisée par un net ralentissement du pas, le guida jusqu'à la fin de la route à sens unique. Les deux mains sur les genoux, Aizawa chercha à récupérer son souffle, le visage spongieux de sueur et de crasse. Il s'essuya les joues avant le dos de sa main, et leva le regard dans ce coin reculé proche de la campagne, avec quelques maisons et beaucoup de champs. Au loin, des montagnes. Il jura. Mais il s'y dirigea, priant pour y trouver quelque chose. Il continua sa course. Ses muscles criaient, mais l'adrénaline ne le rendait que plus résistant. Veillant à maintenir une respiration stable, il longea la petite route rurale et bientôt, les foyers de Musutafu ne furent plus qu'un lointain souvenir.

À bout de souffle, il se retint à la clôture d'une maison isolée. Un vélo un peu trop grand y était échoué, dénué de selle et rouillé de part et d'autre. Il réfléchit à toute vitesse. L'instant d'après, le voilà qui pédalait dans la nébulosité magique d'un monde onirique, suivant le halo de la dynamo qu'il faisait clignoter à vitesse constante. La voûte céleste, dégagée de n'importe quelle nue, laissait ses taches de rousseur incandescentes accompagner la lampe du véhicule non-motorisé et ainsi dévoiler le mont que prenait Shōta pour direction. Il pédala. Pédala. Pédala. Son halètement mettait ses poumons en feu, et lorsqu'il engagea enfin sur la route montante, l'absence d'énergie fit chavirer le vélo et il tomba sur l'asphalte froid. Cognant sa tempe contre, son épaule subit le plus gros choc et sa jambe droite s'érafla entre le sol et la pédale. Il toussa, sans se relever, et chercha quelque chose, n'importe quoi, mais la dynamo s'était éteinte, et le voilà dans l'obscurité casi-totale. Il ne ressentait aucune douleur. Il ne sentait pas son corps.

Et alors qu'il fermait les yeux, une seule pensée traversa son esprit. Il voyait All Might. Il aurait beau critiquer ce grand super-héros, jamais il ne sera aussi bon que lui. Il n'avait aucun but dans sa vie. Il n'avait rien. Pas d'alter utile. Pas de capacité physique hors du commun. Juste sa tête et son ruban de merde. Il n'était même pas capable de se sauver lui-même, alors sauver son meilleur ami ? Ou un autre ?

Il n'avait rien pour lui. Rien à offrir. Rien à perdre.

Shōta se réveilla en sueur, dans son lit trop grand pour lui tout seul. Et là, sans même chercher à comprendre ce cauchemar, Shōta se plia en deux et éclata en sanglots, seul, dans ce noir si maternel, furieux envers le monde entier mais surtout, envers lui-même.

Il était inutile.

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