
𝙲𝚑𝚊𝚙𝚒𝚝𝚛𝚎 ₁₉
➠ ❛Ce que les étoiles ne savent pas ❜
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« Alors c'est décidé, ce sera un concours de talents, déclara le délégué Tora en remuant un de ses bras recouvert d'une attelle – souvenir d'un entraînement sportif qui avait mal terminé pour lui – en direction du tableau, entourant maladroitement la proposition avec le plus de voix. »
Les élèves approuvèrent le résultat du vote par des exclamations réjouies. Hizashi se redressa légèrement sur sa chaise, laquelle était en équilibre sur les deux pieds arrière. Il était satisfait que sa classe eut choisi ce thème d'activité, c'était ce qu'il voulait, lui aussi.
« Il nous faudra des volontaires pour la décoration et une équipe qui s'occupe de tout ce qui est technique...
- Je peux me charger de la lumière ?
- Oh moi aussi !
- Et pour les candidats, on garde que ceux de la classe ?
- Oui, c'est plus pratique pour les représentations, répondit placidement le professeur. Chaque classe sera suffisamment débordée avec leur propre activité durant le festival.
- Hey, teach' ?!
- Oui... Yamada-san ? Oh bon sang, noue moi cette cravate correctement, le signala le titulaire en posant ses yeux dénués de pupilles sur celui-ci avec sévérité. Et arrête de te balancer sur ta chaise. Qu'est-ce que tu voulais ?
- Je peux faire le présentateur ?! se proposa-t-il sans même avoir écouté ses lamentations ennuyées.
- Moins fort... Et oui, je n'y vois pas d'inconvénient si personne d'autre ne se propose. »
Ravi, celui à l'alter vocal croisa les bras derrière sa tête et échangea un sourire avec un de ses amis qui lui envoya un pouce en l'air en retour, content que son camarade puisse faire ce qu'il voulait. Son regard se posa ensuite sur Shōta, lequel était à moitié assoupi sur son bureau, un bras sous son menton et la main pendue dans le vide. Son visage demeurait invisible derrière ses cheveux noirs de jais qui repoussaient lentement mais sûrement, grossièrement arrangés pour qu'ils ne tombent pas systématiquement devant ses yeux.
« Ce serait bien si tout le monde a quelque chose à présenter, fit remarquer une élève. Et à chaque fois on fait un tournus pour que personne ne manque en équipe technique.
- Bien pensé. J'espère que vous aurez suffisamment de talents à présenter, ce serait plus attractifs pour vos familles qui vous regarderont. Est-ce que certains d'entre vous ont déjà une idée en tête ?
- Je sais faire du jonglage et du monocycle.
- Je chante.
- Moi aussi !
- Viens on fait un duo !
- OOOOH il nous faut un groupe !!
- Moins fort Yamada-san.
- Ce serait vraiment COOL si on n'se contentait pas que de solo ou de duo !
- Mec, t'es un génie.
- I know mais merci de le faire remarquer !! »
Après un instant de silence, Menma leva la main avec innocence.
« Katasugi se débrouille bien à la batterie.
- Hein ?? Mais Menma-kun... !
- Et moi à la guitare électrique.
- Oh, vous jouez ensemble ? demande Niragi avec un large sourire.
- Euh... Ouais, on se voit les samedis pour jouer dans mon garage... expliqua timidement Katasugi en collant nerveusement ses deux index ensemble. Mais c'est amateur...
- On est doués tu veux dire, Makoto-kun !
- Hmmm si tu le dis ! ...
- Quelqu'un d'autre veut monter un groupe pour cette journée avec nous deux ?
- Je joue de la guitare acoustique donc ça ne devrait pas être trop compliqué pour moi d'apprendre celle électrique, donc je peux... ? interrogea Mirai Fujimi, incertaine.
- Mais oui ! Je te montrerai comment brancher et tout ! s'extasia Menma.
- Je fais de la basse, annonça Tsukushi avec une expression dédaigneuse. Je pensais jouer solo, mais vous aurez l'air déséquilibrés à seulement trois musiciens.
- C'est parfait, nouvelle recrue ! Donc trois cordes et une batterie, ça devrait suffire niveau instru'. Il nous manque peut-être un chanteur ? Yamada-kun, tu es chaud pour brailler sans micro sur nos sons ? demanda le leader avec amusement.
- Oi no no no, j'pousserai pas la chansonnette en public, s'exclama-t-il en secouant les mains, redoutant le moment où il serait capable de chanter devant la foule sans fausse note. J'ai déjà mon talent à représenter anyway !
- Ah oui ?
- Je fais de la trompette !
- Oh, joli ! Mais du coup on n'a pas de chanteur ? Ça passera, vous croyez ?
- Sinon demandez à Ekoshi, elle chante tout le temps sous la douche, dénonça Ine avec un sourire malicieux.
- T-traîtresse ! Plus jamais tu viens dormir chez moi !
- Tu es à l'aise avec un micro, Ekoshi-chan ?
- Je... Je ne peux pas... »
Elle ne savait pas si elle était capable de chanter en public, car la foule était sombre et donc personne dans son champ de vision pour utiliser son alter et ainsi s'entendre. Elle ne pouvait tout simplement par se permettre une telle honte si jamais elle enchaînait des fausses notes sans s'en rendre compte ou chanter en décalé avec la musique. Et personne d'autre ne devait savoir qu'elle était sourde.
« Ce n'est pas grave, on ne force personne. Un groupe sans chanteur ça passe aussi.
- Je me dévoue pour chanter alors ! »
Ils se tournèrent vers une fille de la classe qui n'a jamais adressé la parole à Hizashi. Cette dernière tentait visiblement sa chance, ce qui n'était pas pour déplaire.
« Super ! On est au complet ! »
Hizashi parut satisfait que personne n'insiste dans son cas de figure, mais croisa un drôle de regard de la part de son meilleur ami, celui-ci ne somnolant plus.
« Yes, Sho-chan ?
- Depuis quand tu joues de la trompette, toi ? demanda-t-il alors entre deux baillements.
- Depuis mes sept ans, j'en ai fait jusqu'au milieu du collège et j'ai repris il y a quelques semaines. Ça entraîne le souffle et donc pour utiliser plus longtemps mon alter sans manquer d'air !
- Oh.
- Et toi, qu'est-ce que tu vas présenter ?
- Rien, je pense. Je n'ai pas de talent particulier.
- Tu pourrais présenter une chorégraphie, pouffa-t-il avec moquerie.
- Arrête de me rappeler mon stage, ça n'a rien à voir. Ce vieil héros qui a essayé de m'apprendre à faire des claquettes n'avait pas les pieds sur terre. Je n'ai que des bases ridicules. »
Le blond se souvint alors des nombreux messages de son meilleur ami qui lui racontait son stage chez un héros, mais comme n'ayant eu aucune demande, a été envoyé chez un retraité qui a bien voulu s'en charger... Hizashi avait même eu droit à une vidéo prise par son infirmière qui trouvait adorable de voir le jeune aspirant héros répéter à contre-cœur les mouvements de pieds du vieil homme un peu trop énergique pour son âge, exactement comme son meilleur ami. Ce fut peut-être pour ça qu'il ne pouvait rien lui refuser...? Shōta aurait peut-être préféré se retrouver sur le terrain. Il enviait presque son meilleur ami qui avait été transféré dans le même établissement que Sensoji de la seconde B, à aider à remplir de la paperasse s'ils n'étaient pas dehors...
« Tu sais jouer d'un instrument alors ?
- Non.
- Chanter ? Jongler ? Danser le ballet ? Tricoter ?
- Je sais nouer une cravate en nœud coulant, ça devrait t'aller à ravir et remplacer ce nœud mal fait qui exaspère tant le prof, maugréa-t-il pour mettre un terme à la conversation.
- Mais tu ne peux pas ne rien faire, fit remarquer Sakudo en se tournant vers leur table, l'attention retenu par la menace. Rends-toi utile en décoration au moins ! »
Un ange passa, il dévisagea Aizawa avec hésitation, puis le lent secouement de tête du blond ainsi que le teint livide qu'il avait adopté.
« Laisse-moi deviner, soupira leur camarade commun en pensant comprendre la réaction du bilingue. C'est pas une bonne idée de te laisser t'occuper de la déco ?
- Exactly ! répondit Yamada en se souvenant de la chambre presque vide de son ami, ainsi que sa passion pour les habits noirs, puis se tourna à nouveau vers le concerné. Et j'imagine que tel l'homme des cavernes que tu es ne serais pas capable de surveiller un simple projecteur ? »
Une image tirée de son imagination montra un Shōta en train de mettre le feu à la scène, les flammes dansant devant ses yeux ternes et son air passif qui admirait inlassablement le spectacle. Il eut un frisson désagréable.
« Tout le monde à un rôle à jouer ? demanda le professeur, mettant un terme à tout échange ou pensé.
- Aizawa n'a rien, Sensei ! dénonça l'élève de devant à simple titre informatif. »
Les pupilles sans vie du titulaire dévisagèrent le noiraud, songeant très certainement à quel rôle déplaisant il allait lui donner. Peut-être nettoyer les coulisses et la scène en fin de journée, seul ? Hizashi chercha en vitesse une sortie de secours, stressé à la simple idée que leur enseignant puisse lui donner une activité ingrate. Mais son meilleur ami avait un flegme impressionnant et aucune motivation, que faire de lui ?
Puis il eut une idée. Une idée stupide, irrationnelle, incroyablement tirée par les cheveux. Il le remerciera plus tard.
« Aizawa et moi allons faire un duo de trompettes !
- Quoi ?!
- Un problème, Aizawa-san ?
- Je... .... Non, aucun...
- Très bien. Alors tout le monde a quelque chose à faire, parfait. Vous pouvez partir déjeuner. »
Les élèves suivirent la sonnerie jusqu'à la sortie de la salle de classe. Seul Shōta n'avait pas bougé d'un iota. Il était en train de tuer son meilleur ami dans sa tête. Celui-ci eut un sourire nerveux.
« Tu crois qu'un mois suffit pour t'apprendre à en jouer ?
- Tu es un homme mort, Hizashi Yamada. »
[...]
« C'est impossible. En plus de me mettre dans cette situation tu n'es même pas capable de trouver une solution.
- Relax Shō-chan, tu vas y arriver ! On reprend, d'accord ? »
Hizashi vit que le noiraud avait baissé les yeux sur l'instrument en métal qu'il tenait sur les genoux avec un certain scepticisme. Voilà maintenant deux heures qu'il tentait de faire une simple gamme avec la trompette de son meilleur ami, dans la chambre de celui-ci. Sauf qu'il ne comprenait rien à la partition et ses doigts ne se coordonnaient pas correctement. Et il n'avait aucune volonté, tout ça, là, était à son bon vouloir.
« Commence par reprendre la trompette dans tes mains comme je te l'ai montré. »
Il tâcha de garder une certaine patience vis-à-vis son jeune ami. Celui-ci tenta de placer ses phalanges comme montrée en début de soirée sur les touches correspondantes, afin de maintenir en équilibre l'objet du vent. Il jeta un regard incertain à Yamada.
« Yes, like that ! Maintenant, tu pinces tes lèvres comme je te l'ai expliqué, et tu souffles dans l'embouchure. »
Il se mordit l'intérieur des joues lorsqu'Aizawa se pinça les lèvres en fronçant des sourcils.
« On dirait un poisson qui manque d'oxygène.
- La ferme, je fais comme je peux, d'accord ?
- Yeah, et tu le fais bien ! Tu veux que je te réexplique quels doigts correspondent à quelles notes ?
- Ce serait mieux, oui. »
Alors le bilingue recommença son explication, pour la quatrième fois, sous l'air las de son cadet qui essayait pourtant de tout retenir. Il était bon en apprentissage mais en solfège, il était le désespoir absolu. Il tenta de refaire la gamme de do, se trompa deux fois de note, manqua d'air sur la fin, mais au moins, y était maladroitement parvenu. Hizashi ne cacha pas sa joie, et proposa de retenter la partition instrumentale qu'il jouait étant petit, chose largement moins aisée pour le jeune embryon qu'était le non-musicien. Shōta n'avait aucune détermination à retenter le déchiffrage de la feuille, des notes et des indications, n'ayant jamais pris de cours de solfège de sa vie, et voulut faire une pause, encore.
« On a déjà fait une pause !
- C'est épuisant, on travaille dessus depuis deux heures. Ma tête s'oxygène trop. Et pour information, contrairement à toi je ne subis aucun entraînement journalier pour entraîner mon souffle. »
Hizashi soupira devant la justesse des propos du plus rationnelle des deux, et récupéra son instrument, compréhensif. Il essuya l'embouchure avec le bas de son tee-shirt et entama la portée avec une aisance remarquable, quoiqu'un peu effacée par les quelques années de non-pratique. Shota se laissa adosser contre le mur et l'écouta, les bras croisés, jouer de cet instrument de malheur qui sonnait pourtant si joli à l'oreille lorsque ce n'était pas lui qui s'essoufflait dedans. Il ne lui en voulait plus du tout de l'avoir entraîné dans cette mission impossible. Lorsque la dernière note fut soufflée, il se permit une question qui lui brûlait tant les lèvres, au trompettiste moyen.
« Pourquoi tu as refusé de chanter avec les autres ? »
Le blond serra son instrument entre les doigts et leva un sourcil.
« Parce que je n'en ai pas envie ?
- Ton alter est ta voix, tu adores parler et crier. Mais pas chanter ? Tu me prends de court, Hizashi.
- Je ne sais pas chanter juste, rigola-t-il en rangeant l'instrument à vent dans son étui, sous le lit. Muer c'est pas ouf comme moment de la vie, surtout avec mon alter. »
Mais il se garda bien de préciser qu'il aimait chanter, pourtant. Pour lui.
« Si tu t'entraînes, tu pourrais t'en sortir, lui confia-t-il. »
Surpris de cette affirmation, le plus grand se tourna vers l'autre.
« Pourquoi tu dis ça ?
- Parce que tu fredonnes quand tu écoutes de la musique, et ça se voit que tu y prends du plaisir. »
Il fixa le noiraud et eut un large sourire pour cacher sa gêne. Il ne la montrait que rarement, il gérait bien sa timidité.
« Tu devrais laisser tomber la trompette et te joindre au groupe.
- Et te laisser t'en tirer sans rien à présenter ? No thank you ! Et te connaissant tu n'accepteras jamais de jouer de la trompette seul devant tout le monde !
- J'aurais essayé. Mais dis-moi au moins pourquoi ça te met aussi mal à l'aise ? Tu n'hésites pas de te proposer pour jouer les présentateurs, pourtant.
- Parce que s'exprimer devant un public, c'est naturel, tu te contentes de parler à des gens pour les divertir ou les informer ! Chanter, c'est différent. C'est plus personnel, ça vient du cœur. Quand tu chantes tu veux transmettre des émotions plus intimes. Au moins avec la trompette, il y a la barrière qui ne laissent pas les mots exprimer ce que tu ressens !
- ... Qui es-tu et qu'as-tu fait de mon idiot d'ami ? »
Il souffla du nez et réajusta ses lunettes, faussement vexé. Aizawa cala une mèche de ses cheveux derrière l'oreille, celle-ci retombant immédiatement après sur sa joue, et reprit plus sérieusement :
« Il y a des choses que tu ne veux pas dire aux autres ?
- Je n'ai rien à cacher, mentit-il avec nonchalance. »
Shōta sembla troublé par cette vitesse de réponse, et le sourire d'Hizashi retomba un tantinet. Il regretta presque avoir dit ces mots, car voilà que des bribes de souvenirs le hantèrent à nouveau.
« Pourquoi tu mens ? »
« Pourquoi toi tu n'es pas heureux ? »
« Tu le vois comment, le monde ?
- Saturé en couleurs, avec du bruit. Beaucoup trop de bruit.
- Au contraire, moi je le vois trop triste, trop fade et incolore. »
« Mais je suis parfaitement heureux, moi ! J'ai une famille absolument adorable, pleins d'amis et je fais des trucs que j'aime.
- Tu mens. »
« Tu es un mouton à cinq pattes, et ça te rend inconsciemment triste. »
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Une jeune fille fixait le vide avec un air pensif. Ce fut Hizashi qui la ramena sur terre en lui prenant la main, détourant ses yeux du paysage qui fondait doucement dans la noirceur du soir.
« À quoi tu penses ?
- Je ne sais pas vraiment... »
Le soleil commençait à décliner mais aucun des deux n'avait le courage de mettre un terme à leur sortie. Et pourtant, c'était ce qu'elle voulait. Lui, il l'aimait, sincèrement, pourquoi est-ce que ses yeux ne brillaient plus quand elle le voyait ? Lui voulait juste la regarder, encore et encore, sentir son cœur battre à tout rompre, la serrer dans ses bras jusqu'à n'en plus pouvoir. Ce sentiment le déchirait. Lui se sentait presque vaincu, comme s'il savait qu'un seul recul, qu'un seul éloignement, pouvait la faire perdre. Alors il ne lâcha plus sa main, la caressant même avec le pouce comme pour sentir ce peu de réalité qui refusait de se laisser découvrir par le rêve qu'il s'imaginait. Elle, elle ne savait pas à quel point il l'aimait. Parce qu'il ne le disait pas ? N'était-ce pas évident, pourtant ?
Puis, après réflexion, elle décida de fournir une réponse plus acceptable.
« À notre avenir, sans doute. Dis-moi, Hizashi-chan, tu nous vois vraiment ensemble, une fois adultes ?
- Bah, yeah, of course ! Why ? Tu doutes ?
- C'est que... Tu comptes entrer à Yuei l'année prochaine, et moi j'ai mes propres rêves, le voyage, tout ça... Je sais ce que je veux faire de ma vie, comme si j'avais déjà écrit au préalable mon histoire, mais partager le foyer avec un super-héros qui pourrait ne plus revenir du jour au lendemain, ça me fait peur. »
Elle baissa la tête pour regarder leurs chaussures trempées, sentir ses cheveux flotter sous le vent d'automne, apercevoir sa main dans celle un peu trop grande de son petit-ami.
« C'est difficile de songer à un avenir avec quelqu'un qui ne rêve ni de mariage, ni d'enfants. Et qui n'a pas la valeur de sa propre sécurité. Je sais qu'on est encore jeunes, et que les idées changent, mais... Je ne sais pas... J'ai toujours su ce que je voulais, mais pas avec toi, et ça me perturbe. Comme si... Je... je n'en sais rien... »
Elle ne savait plus rien.
« Meg-chan, arrête de douter ! Je veux rester avec toi, vraiment ! Je veux être un super-héros mais ça ne veut pas dire que je ne voudrais pas me battre tous les jours pour me retrouver dans tes bras le soir ! And yeeeees, j'avoue, j'veux pas me marier et les enfants, pas trop pour moi. Mais qui sait ? Peut-être que c'est ce qui arrivera ! »
La jeune noiraude leva ses yeux pour scruter le visage de son petit-ami, à la recherche de quelque chose à laquelle se retenir, quelque chose qui l'empêcherait de reculer, tout simplement. Cette affirmation n'était pas la réponse qu'elle attendait. Tout simplement parce qu'elle n'arrivait pas à se positionner de telle sorte à le croire. Remarquant son trouble, Hizashi approcha son visage du sien et lui arracha un langoureux baiser, maladroit mais sincère, laquelle elle laissa s'approfondir en proie de perdre la tête. Le couple garda leurs fronts collés ensemble, tandis que sa main libre vint glisser sur la joue de sa petite-amie, et lorsqu'il ouvrit les yeux, il croisa ceux vert kaki de son vis-à-vis, si tristes, si dénués de sentiment, et son rythme cardiaque se déchaîna de stress. Son visage fin, ses taches de rousseurs, ses lèvres toutes roses, sa peau dorée, sa timidité mais son affirmation, tout lui plaisait chez elle. Même lorsqu'elle n'adhérait pas à ses délires. Même lorsqu'elle le dévisageait du bas de la pente de skate-parc, lui surélevé avec sa trottinette après la pluie, et l'instant d'après, lorsqu'elle marmonnait des 'je te l'avais dit' qu'il prenait par des sourires et des baisers pendant qu'elle essayait de désinfecter les plaies. Il aimait son côté trop sérieux qui le ralentissait, c'était comme une sécurité qu'il ne pouvait se permettre de négliger. Elle était celle qui réfléchissait pour eux deux. C'était une chose qu'il adorait. Mais c'était cette chose qui lui déplaisait.
Megumi leva les sourcils avec inquiétude et recula légèrement la tête, brisant le contact, comme redescendant sur terre. Elle fixa ce garçon si adorable, si naïf, si énergique, si hardi, qui la faisait jadis tant sourire, tant rire, tant l'aimer, et son cœur se serra douloureusement dans sa poitrine à la simple pensée du présent. Il était une si bonne personne, si gentil, si soucieux des autres, mais si différent de ces autres, et son cœur fermé ne parlait ni de ses troubles, ni de ses sentiments, ni de ce qu'il désirait. Il donnait de l'amour sans oser en recevoir. Parce qu'il n'a jamais appris à être particulièrement proche de quelqu'un. Parce que son enfance se résumait à se lier d'amitié avec tous ceux qui le voulaient bien mais sans jamais approfondir les relations. C'était pour ça que ses couples ne duraient pas. Parce qu'il n'était pas communicatif. Il parlait fort. Il criait. Mais il ne communiquait pas l'essentiel. Parce qu'il refusait de recevoir. Parce qu'il ne réfléchissait pas assez. Parce qu'il avait peur.
Peur de quelque chose que lui seul voyait. Parce qu'il ne vivait pas dans le même monde que nous. Parce qu'il le voyait différemment.
Après tout, sa réalité n'était pas compatible avec la vision du monde de ceux qu'on appelle plus communément : les Autres.
« Je... je crois que... »
Elle ne pouvait pas lui faire ça. Elle ne pouvait pas faire du mal à ce garçon. Celui avec qui elle sortait depuis leurs onze ans. Quatre ans de relation qu'elle s'apprêtait à faire partir en fumée. Elle prit une profonde respiration, et souffla sur la dernière boujie, sur la dernière flamme qu'il tenait à maintenir chaude.
« Dans quelques mois tu vas passer les examens d'entrée pour Yuei. »
Elle avait peur de le briser plus que ce qu'il ne l'était déjà. Ce garçon qu'elle faisait sourire et oublier sa différence, le faire se sentir aimé par quelqu'un d'autre que ses parents. Mais elle ne pouvait plus faire semblant. Elle pensait être celle qui pourrait l'aider, le rendre heureux, le faire parler, mais elle avait eu tort. Elle n'était pas la personne qu'elle pensait être pour lui. Il avait besoin d'autre chose qu'elle n'avait pas, n'était pas, et ne sera jamais.
« Ce serait une bonne chose si ton admission servait à tourner la page. Comme un point de nouveau départ. »
Le sourire de l'énergique se figea. Il serra sa main un peu plus fort.
« Tu... tu me quittes ? »
Hizashi l'aimait tellement. Son cœur déjà si fragile était en train de se briser. Le peu de confiance qu'il avait promis de lui accorder l'avait blessé.
Megumi n'arrivait plus à l'aimer. Elle avait besoin de stabilité. Elle ne pouvait pas se voir construire un avenir avec quelqu'un qui n'en voyait aucun, hormis du flou et de la surprise.
« Je suis désolée...
- M-mais, et si je n'étais pas pris à Yuei ?? T-tu resterais avec moi, pas vrai ?!
- Non, mais j'espère que tu seras pris.
- What did I do wrong ?! »
Il tremblait. Sa main de libre passait nerveusement dans ses cheveux blonds.
« Je ne sais pas. »
Ces mots sonnaient comme une douce mélodie, un refrain qu'elle lui ressortait un peu trop souvent depuis quelque temps, une musique qu'il commençait à détester. Et sa main lâcha celle de Megumi par l'éloignement de celle-ci. La noiraude eut un triste sourire, se pencha légèrement pour poser un baiser papillon sur les lèvres du jeune Yamada, rien qu'un dernier, et tourna définitivement les talons. Elle quitta le parc, seule, et lui, brisé, la regardait partir avec l'incapacité la plus totale de se mouvoir. Elle ne savait plus comment l'aimer. Et Hizashi se retrouva seul. Seul avec ses démons, sa différence, sa solitude et sa tristesse. Son silence. Et cette amour qu'il ne savait plus quoi en faire.
Il y a des choses qui ne se disaient pas, comme des 'je t'aime' mensongers ou des 'adieux' sans valeur justifiable. Des choses qu'on apprenait à ne pas dire pour se protéger, pour se cacher, parce que c'était plus facile de sourire que d'expliquer. C'était plus facile de se cacher derrière des rires et des blagues que de devoir mettre un chiffre au nombre de personnes qui vous jugent, qui disent que vous n'allez pas y parvenir, qu'être bon à l'école n'aidait pas toujours, que d'avoir plusieurs amis ne servaient à rien si personne ne se souciaient réellement de vous. Être un adolescent était stressant, mais incompris était pénible. S'entourer pour mieux comprendre la douce valeur de l'isolement. La chanson était une sortie trop intime pour la partager avec les autres. C'était sa bouée, il ne pouvait pas la partager aux autres, ils couleraient tous ensemble. Et il ne voulait pas ça. Il voulait juste rêver de musiquer et se cacher derrière sa logorrhée. Ne pas leur laisser le temps de réfléchir. Ne pas leur laisser le temps de poser de questions. Mais Shōta, lui, lisait en lui comme un livre ouvert. Parce qu'il était plus intelligent que les autres. Parce qu'il était plus attentif à Hizashi.
« Pourquoi tu mens ? »
Il cligna plusieurs vois des yeux et se rappela qu'ils se fixaient depuis un certain temps sans rien se dire. Celui à l'alter vocal secoua la tête et sourit avec assurance.
« Et puis, la trompette, c'est bien aussi ! Believe me, je préfère en jouer plutôt que chanter ! »
Le noiraud sembla sceptique, malgré son hésitation, décida de lui faire confiance. Peut-être aurait-il dû insister, essayer de comprendre les eaux troubles qui noyaient son ami, mais il ne l'a pas fait. Parce qu'il ne savait pas. Lui non plus ne savait rien, mais cette fois-ci, Yamada ne voulait pas qu'il sache. Alors il souriait. Et son cadet força un sourire lui aussi, pour ne pas le chiffoner. Pour ne pas le brusquer.
Et ils furent appelés à dîner. Dans la plus grande des ignorances. Car ce que les étoiles ne savaient pas, Hizashi gardait sous clef. Jamais plus il n'ouvrira son cœur. Jamais plus il se laissera avoir par le mensonge d'un univers qui n'était pas le sien. Laissons-le donc profiter de l'insouciance de sa rêverie en attendant que sa cinquième patte ne tombe. Laissons son cœur garder le silence. Après tout, Hizashi trouvait plus facile de sourire sans un bruit plutôt que d'expliquer pourquoi il n'aimait pas l'univers qui tournait indépendament de lui, qu'il soit sur Terre ou dans les nuages. Où était donc sa place, dans ce joyeux bordel ? Il ignorait.
L'ignorance était partout.
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Le peuple a parlé, j'ai l'autorisation de continuer mes chapitres beaucoup trop longs !! 😁❤
On se revoit jeudi prochain sur cette lancée du coup ! (Je suis vraiment contente haha, ça se voit ?)
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