𝙲𝚑𝚊𝚙𝚒𝚝𝚛𝚎 ₁₁
➠ ❛La théorie des âmes❜
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La fin des vacances avait été déprimante pour tout le monde, surtout pour la tête blonde. Il salua une dernière fois ses amis du coin, et accepta à contre-cœur le cap sur Musutafu. À présent, une nouvelle étape de leur été venait de débuter : le camp de sport. C'était une nouveauté mise au point pour permettre aux élèves de ne pas perdre la main grâce à ce stage. À ce qu'il a entendu dire, cela se déroulera pendant deux semaines. Il avait plutôt hâte. Cela voudrait dire quatorze jours en compagnie de ses amis à exercer leurs alters !
Ne ressentant que très peu le poids des valises dans les coffres, le car avançait à allure moyenne. La seconde A papotait, criait, riait et mangeait de concert avec la seconde B, sous les soupires fermes des deux professeurs principaux. Faire une sortie avec deux classes n'était pas une bonne idée, finalement.
Hizashi avait accepté de s'assoir à côté d'un garçon de l'autre classe qui voulait lui faire écouter sa propre playlist, étant lui aussi fan de musique, au grand damne de Shōta qui se retrouva un siège devant, lui aussi côté fenêtre, en compagnie d'une fille plutôt bavarde avec ses deux copines de devant.
Celui aux yeux trop verts approcha un écouteur de son oreille et apprécia le rock que lui présentait son voisin d'assise. Il aimait bien, et décida d'écouter le morceau jusqu'au milieu avant de comparer avec une autre chanson. Le temps s'écoulait lentement, et une fille se plaignait d'avoir envie de se dégourdir les jambes. C'est à ce moment-là que le titulaire annonça qu'il restait deux bonnes heures de trajet, mais pour la peine, ils allaient s'arrêter sur une aire d'autoroute pour permettre aux désirés de faire un passage aux toilettes. Chose promise chose faite, le véhicule fit halte sur un petite parking quasiment vide et ouvrit ses portes. La quasi-totalité des élèves en descendit pour prendre l'air ou faire un tour dans la station-service. Certains s'achetèrent même une confiserie ou une bouteille d'eau.
Comme Hizashi ne voyait toujours pas son meilleur ami en extérieur, il escalada les marches du bus et se hissa sur la pointe des pieds pour avoir une meilleure vue sur tout l'intérieur. Parmi les rares élèves qui avaient préféré rester à leur siège, le noiraud, les yeux fermés, n'y faisait pas exception. Son aîné se faufila entre les places et posa un genoux sur celui d'à côté de Shōta. Il se pencha un peu en avant, les deux mains se tenant à deux dossiers différents, et approcha son visage de celui de son ami. Il lui chuchota alors :
« Désolé de t'avoir lâché. Tu m'en veux ?
- Hm'oui.
- Tu veux que je demande à changer de place avec ta voisine ?
- Non.
- Tu m'en veux vraiment ?
- Oui. »
Il n'avait pas rouvert les yeux, et gardait même les bras croisés sur son torse. Le jeune Yamada s'assit normalement et posa sa main sur l'épaule de son ami.
« Tu ne peux pas m'en vouloir de me faire d'autres copains.
- Bien sûr que non.
- Alors pourquoi tu m'en veux ?
- Parce que même si je ne devrais pas, je t'en veux. »
Hizashi esquissa un sourire amusé.
« Regarde-moi, c'est lourd de parler avec quelqu'un qui fait semblant de dormir. »
Aucune réaction. Yamada se vit contraint de venir effleurer la joue de son meilleur ami pour le forcer à au moins tourner la tête dans sa direction. Il ouvrit les yeux par lui-même, pas plus gêné du contact que cela.
« Je veux bien demander à échanger avec la fille à côté de toi.
- Elle ne voudra jamais, elle a ses amis aux sièges de devant.
- Alors échange avec le garçon à côté de moi. »
Aizawa détourna le regard, mais pas la tête, toujours maintenue aux chaud dans la paume réconfortante de son meilleur ami.
« Okay. Si tu veux. Mais c'est toi qui demandes, céda le noiraud. »
Lorsque le bus redémarra, Hizashi eut tout le plaisir de pouvoir se trouver à côté de son cadet, à l'arrière du bus, le sourire aux lèvres. La flegme de Shōta était brisée par un rictus si discret qu'on n'aurait pas pu dire s'il existait, tandis que ses iris onyx dévisageaient le paysage à travers la fenêtre. Celui à l'alter vocal pianotait sur son téléphone pour répondre à un SMS de ses parents, très inquiets pour lui. Il les rassura platement et rangea son cellulaire dans la poche de son short. Il posa son attention sur son meilleur ami, dont l'attention était prisée par un paysage réchauffé par un midi grandissant. Encore deux heures de route, cela voulait dire qu'ils arriveraient vers quatorze heures. Heureusement qu'il avait pensé à prendre un paquet de Pocky... ! Connaissant la règle sur le partage au bon vouloir de la nourriture, Hizashi ouvrit son paquet discrètement, veillant à le cacher sous sa veste, sur ses genoux, et interpela discrètement son voisin d'assise pour lui en proposer un. Avec la même mesure sécuritaire que son meilleur ami, Aizawa s'empara d'un bâtonnet et le coinça entre ses lèvres, la tête basse. La tête blonde mordit le sien et rangea son paquet dans la poche intérieure de sa veste. Il laissa tomber sa tête en arrière.
« Tu as encore des Pocky, mec ? demanda son ancien voisin de siège, assis devant lui, qui s'était hasardement retourné.
- Nope, sorry.
- T'inquiète. »
Il mâchouilla sa confiserie en ignorant le ricanement de Shōta à côté de lui.
« Menteur. »
Son murmure ne fut entendu que par celui aux lunettes triangulaires.
« Tu sais que tu es mignon quand tu ris ? »
Le noiraud s'étouffa sous les éclats de rire de Yamada. Il en perdit son Pocky sur la moquette du bus, et tourna le visage vers son meilleur ami, rouge, perdu et les yeux écarquillés.
« Bah quoi ? »
Son regard innocent irrita le plus jeune.
« Je te déteste.
- Moi aussi, je t'aime.
- Ta gueule. »
Le blond baissa les yeux sur le reste de biscuit à leurs pieds et eut un sourire narquois qui déplut fortement Shōta. Il possédait toujours son Pocky entier entre les dents, suçotant patiemment le bout chocolaté. Visiblement, il était ravi de la réaction de son meilleur ami.
« Je te dis ce que je veux. »
Aizawa fronça des sourcils et baissa un peu ses pupilles sur sa gourmandise perdue. Il releva l'attention sur celui de son meilleur ami. Plusieurs secondes passèrent, où ils se regardaient droit dans les yeux, l'un provoquant, l'autre mi-furieux, mi pensif. Celui-ci se pencha ensuite doucement vers son aîné. D'abord, ce dernier ne comprenait pas l'intention du noiraud. Il n'arrivait pas à déceler ce qui pouvait bien se tramer dans sa tête, et ce ne fut que lorsqu'il comprit que son visage écourtait dangereusement la distance qu'il tenait avec le sien qu'il commença réellement à s'inquiéter. Shōta entre-ouvrit légèrement les dents, croqua l'autre bout du Pocky qui dépassait des lèvres de son ami, et leva la tête pour briser le biscuit en deux, sous la stupéfaction du jeune Yamada qui ne bougea pas d'un seul iota. Finalement, celui à l'alter d'effacement se recula sur son siège et tourna le regard sur la fenêtre, accoudé au rebord de celle-ci, mâchouillant victorieusement la moitié du bâtonnet fraîchement chapardé. Hizashi était figé, et lorsqu'il recouvra ses esprits, il n'était toujours pas sûr de ce qu'il venait de se passer. Personne ne les avait vu, personne pour dire s'il venait de rêver ou non. Il baissa la tête pour terminer sa confiserie, une jambe tremblante, allumant son téléphone portable pour se changer les idées.
« Je fais ce que je veux. »
Il tourna brusquement la tête vers son voisin, celui qui venait de susurrer ses mots en parallèle avec les siens, sans détourner le regard du paysage défilant. Clignant plusieurs fois des yeux, Yamada ne sut quoi répliquer. Ce garçon était imprévisible jusqu'à quel point ?
[...]
« Uh... Sensei ? Vous êtes sûrs ? »
La question du coureur de jupon officiel de la seconde A fit soupirer les deux professeurs principales des premières années.
« Cette forêt est moins vaste que ce que vous le pensez, expliqua le titulaire de la seconde B. Il vous suffit de la traverser pour rejoindre le chalet dans cette montagne. »
Il pointa le sommet du mont, sous les exclamations désespérés des étudiants qui n'avaient, en premier lieu, pas compris la raison pour laquelle le car s'était arrêté à la bordure de cette forêt pour le moins obscure.
« Vous avez deux heures pour la traverser, sinon quoi vous n'aurez pas de dîner.
- Mais monsieur, on n'a même pas déjeuné... fit constater un garçon de la seconde B.
- Encore une bonne raison pour vous dépêcher.
- Les gars, si on nous fait faire cet exercice c'est pour nous conditionner à nous surpasser même avec la faim !! s'énerva Tora, le délégué de la seconde A.
- Il a raison...
- On y va du coup...
- Bonne chance les amis... »
C'est ainsi que les deux classes mélangées entrèrent dans la forêt, Hizashi et Shōta sur leurs talons. Le premier regardait nerveusement où il mettait les pieds, peu d'avis à croiser la route d'un insecte, et son cadet avançait les mains dans les poches, deux pas derrière.
« Bon, Shōta, je propose que plus vite on traverse cette forêt, plus vite on sera au chalet... !
- C'est plutôt mal parti, nous sommes derniers. »
Le blond eut une petite moue en voyant les autres élèves courir à travers les arbres, tandis qu'eux étaient les seuls à marcher.
« Tu as toujours à manger avec toi, on ne risque pas de mourir de faim tout de suite.
- Mais j'ai soif aussi !
- Fallait y penser. »
Ils enjambèrent une grosse racine.
« On ne les voit plus, fit remarquer Yamada en plissant des yeux.
- Tant mieux. »
Celui aux yeux trop verts soupira de découragement. Ils continuèrent d'avancer dans un silence reposant, entre-coupé par les plaintes du jeune Yamada qui avait faim, soif, mal aux pieds et envie d'aller au petit coin mais refusait de le faire derrière un arbre de peur de tomber sur une bestiole indésirée. Shōta ne l'y força pas, comprenant sa peur pour les insectes, et décida de le prendre sur lui, tâchant de garder l'attention rivé sur leur chemin plutôt que les lamentations de l'hyperactif, se forçant de tout son cœur pour ne pas lui en coller une.
Ce ne fut qu'après un certain temps de progrès qu'il s'arrêta. Son arrêt soudain retint Hizashi, et celui-ci se retourna avec interrogation dans le regard. Ils restèrent ainsi plusieurs secondes, jusqu'à ce que le plus grand décide de le briser.
« Tu as entendu quelque chose ?
- ... J'ai dû rêver. »
Aizawa effectua un pas en avant, mais c'est à ce moment-là que le sol en-dessous d'eux décida de se dérober sous leurs pieds. Dans la panique, le noiraud plongea sur le côté pour se cacher la tête, allongé sur le ventre. Ce n'est que lorsqu'il se retourna qu'il put être totalement soulagé ; Hizashi avait eu le même reflexe. Ils se relevèrent tandis que le bilingue s'époussetait les vêtements - ils étaient en civils car ils n'étaient pas au courant pour la petite ruse de leurs professeurs. Le plus jeune s'approcha lentement de l'antre de terre qui s'était ouvert. Ce n'est que lorsqu'il se pencha suffisamment en avant qu'il put percevoir une énorme racine en sortir pour l'attaquer. Aussi vif qu'il pût en être capable, son meilleur ami le tira par le sweat-shirt et l'entraina dans sa course. Ils s'étaient finalement mis à courir, maladroitement certes, afin de fuir le piège de la forêt.
« YUEI VEUT NOTRE PEAU !! cria Hizashi sans lâcher le bras de son meilleur ami qu'il traînait derrière lui. »
Essoufflés, ils ne remarquèrent pas tout de suite que derrière la broussaille qu'ils venaient de traverser se trouvait une pente terreuse qui menait jusqu'à un petit fleuve. D'abord déstabilisé par l'absence de sol, Yamada, ayant lâché la prise qu'il tenait sur le noiraud, fit plusieurs roulades dans la poussière avant que son corps ne s'arrête à moitié dans l'eau. Les bras faibles, il se redressa en toussant et chercha de vue son meilleur ami. Celui-ci avait connu une chute meilleure, et n'avait que les mains égratignées et les mollets. Shōta se releva en vitesse, ramassa la paire de lunettes échouées dans l'écoulement claire, et intima brusquement Hizashi à se relever. Il le força à escalader la pente de l'autre côté du fleuve, non sans peine, et reprirent leur course. Ils auraient dû courir avec les autres, ils n'auraient pas été tout seuls pour vaincre les pièges de la forêt pour les ralentir. Heureusement qu'ils ne s'occupaient pas de leurs valises en plus de cela... Ils s'arrêtèrent une nouvelle fois, devant un mur de terre qui venait de se dresser devant eux. Shōta regarda activement à gauche, puis à droite, et alors qu'il cherchait une solution, il dut brusquement se boucher les oreilles pour ne pas se laisser assourdir par l'atler de son ami qui s'était activé pour repousser l'obstacle. Les gerbes terreuses volèrent en éclat, laissant toute l'aisance recommandée pour poursuivre leur route.
« Vous voilà enfin, les retardataires ! »
Les deux adolescents firent halte de concert devant la silhouette qui venait de sauter d'un arbre.
« Qui êtes-vous ?! demanda Hizashi en la pointant du doigt.
- Un nouvel obstacle ! »
La femme, grande et au joli teint pêche, sourit aux deux garçons et tendit sa main dans leur direction. Une explosion de fleurs et d'artifice détonna autour d'eux, brouillant alors tous leurs sens. La vue obstruée par le flash arc-en-ciel, les oreilles qui sonnaient, l'odeur de poudre dans les narines... Shōta se bouchait les oreilles et essayait de remettre un peu d'ordre dans sa tête pour retrouver leur attaquante, alors destabilisé. Lorsqu'il recouvra une partie de ses capacités, il remarqua qu'Hizashi avait profité de l'explosion pour envoyer un coup de pied dans le ventre de l'adulte, qui était alors tombée par terre, s'y tenant.
« O-oh, donc c'est toi le jeune homme à l'alter vocal... Le bruit de l'explosion ne t'a dont rien fait, comme tu supportes plus de décibels que cela ! Impressionnant, s'enthousiasma la jeune femme. Jusqu'à combien peux-tu aller ?
- ... Cent décibels, un peu moins avant d'avoir les oreilles qui sifflent, I think ?
- Je suis persuadée qu'avec un peu plus d'entraînement tu parviendras à faire autant de bruit qu'un avion à réacteur ! »
L'attaquante se releva sans trop de difficulté. Sa douleur n'aura pas fait long feu.
« Vous êtes les derniers arrivés. Les autres sont déjà attablés, vous pouvez soit les rejoindre, soit prendre une douche en premier lieu. »
Shōta plissa doucement des yeux, ne sachant s'ils devaient lui faire confiance ou non.
« Mon nom d'héroïne est Flosion, je suis la propriétaire du chalet ! expliqua-t-elle en riant de bon cœur. Quels sont les vôtres ?
- Present Mic !!
- ... Eraser Head.
- Bien, maintenant les garçons, dépêchez-vous de rejoindre les autres ! »
Hizashi tendit la main à son ami pour lui intimer de le suivre, soulagé que leur ascension prenne fin ici et maintenant. Derrière les derniers arbres se trouvait une charmante petite plaine d'herbe grasse avec une maisonnette en bois se tenant sur deux étages. Un peu plus à droite du chalet se situait un petit abri où les quatre murs laissaient un léger espace au niveau du sol, d'où l'on pouvait voir la terre éternellement mouillée. Sûrement les douches, et à côté, trois cabinets de toilette. Le ciel dégagé enfin visible, Aizawa dû se protéger les yeux pour ne pas se faire agresser par le soleil de dix-sept heures, tout juste ascendant. Il regretterait presque ne pas avoir les lunettes semi-protectrices de son meilleur ami. D'ailleurs, celui-ci alla récupérer sa valise échouée à l'entrée, voisinant celle du noiraud - les autres ayant déjà rangé les leurs dans les dortoirs - pour en sortir une serviette et des vêtements propres. Son cadet préféra l'attendre plutôt que de prendre sa douche en même temps que lui, se contentant de passer le visage et les mains sous le jet d'un tuyau d'arrosage non loin de là.
Les cheveux encore dégoulinants le long de son dos, grossièrement tirés en arrière - comme le gèle était parti - et une chemise blanche sans manche quoiqu'un peu détrempé par les années de négligence à le porter à tout va, Hizashi entraîna son meilleur ami jusqu'à un banc inoccupé où ils purent manger en compagnie des autres premières années. Ce ne fut qu'à la toute fin du repas que Flosion et les deux titulaires se permirent de les interrompre.
« Bonjour les jeunes ! s'exclama la femme aux cheveux vert forêt aux mèches bariolées. Maintenant que nous sommes au grand complet, nous pouvons faire les présentations ! Vous m'avez déjà combattue en arrivant, me permettant ainsi de pouvoir apprécier vos alters. Je vous remercie d'avoir joué le jeu ! Je m'appelle Hanabi Kōgei, je vous prierai de m'appeler par mon prénom, nous allons vivre ensemble pendant deux semaines !
- Ce camp devra vous permettre d'entraîner vos alters pour la rentrée, poursuivit le titulaire de la seconde B. Les entraînements se dérouleront l'après-midi de treize et dix-huit heures sous forme de différents exercices, un jour sur deux. Les autres jours seront consacrés à des activités ludiques. Le reste du temps, vous serez libres, mais les règles devront être respectés en toutes heures. »
Le dernier adulte présent les expliqua brièvement avant de laisser la parole à son collègue.
« La répartition des dortoirs a été libre, mais je ne veux aucun problème avec. Les premiers arrivés ont été les premiers à choisir. »
Il dévisagea les deux retardataires d'un regard mauvais avant de poursuivre.
« Ceux qui n'ont pas encore de chambre viendront vers moi à la fin des explications. »
Chose ordonnée chose due, lorsque tous les élèves furent libérés, Hizashi et Shōta se présentèrent vers le titulaire de l'autre classe.
« Ton nom ?
- Shōta Aizawa...
- Il y a un lit de libre en chambre six. Toi, tu seras en trois.
- Quoi ? Mais monsieur, on ne peut pas être ensemble ?! s'outra la tête blonde.
- Ce sont des chambres de quatre étudiants. Débrouillez-vous pour échanger avec un autre élève, ce n'est pas mon problème tant qu'aucune de vos chambres ne cache de fille. On ne mixe pas les dortoirs. »
Hizashi jeta un regard déçu à son meilleur ami. Ils auraient dû courir dès le début...
[...]
Il était vingt-trois heures lorsqu'Hizashi ouvrit la fenêtre de son dortoir, y trouvant l'air beaucoup trop étouffant. Il jeta un rapide regard vers les trois endormis de la seconde B, avant de se retourner vers le ciel noir d'encre qui s'étendait devant lui, entrelacé de nues cendrés et d'étoiles craintives tantôt visibles, tantôt endormies. Il s'accouda au rebord et reposa sa tête entre les mains, ébloui par la beauté de la coupole bipolaire. Il resta ainsi plusieurs minutes avant de percevoir un grincement plusieurs fenêtres plus loin. Il se pencha un peu en avant et remarqua une main pâle se poser sur l'encadrement, à la recherche d'un peu de fraîcheur, elle-aussi. Un insomniaque sûrement. Mais ce ne fut qu'au bout de cinq longues minutes qu'il comprit que la touffe noire qui apparaissait quelques fois à cause de la douce brise lui était étrangement familière. Il se pencha un peu plus en avant et chuchota assez fort pour se faire entendre.
« Miaouuu !
- ...
- Miiiiaaaaaouuuu !! »
Une tête apparut et Hizashi sourit idiotement en croisant les yeux curieusement trop noirs de son meilleur ami.
« Shōta, salut !
- Hizashi ?
- Hein ?
- Quoi ?
- C'est toi ? Je t'entends pas !
- ... »
La fenêtre se referma sèchement. Yamada laissa tomber sa tête en soupirant. Quelques instants seulement plus tard, quelqu'un toqua timidement à la porte, le faisant relever soudainement la tête. Il passa sur la pointe des pieds entre les deux lits superposés et entrouvrit la paroi de bois... pour tomber nez-à-nez avec un jeune garçon au regard terne et à la queue de cheval noire négligée.
« Shōta ! il chuchota avec enthousiasme. Tu... Tu n'as pas le droit d'être ici, finit-il par faire remarquer, notant que le couvre-feu était déjà levé depuis longtemps.
- Depuis quand c'est toi qui suis les règles ? »
Hizashi jeta un regard derrière lui avant de refermer la porte. Ils se retrouvèrent les deux dans le couloir du deuxième étage du chalet.
« Je n'arrivais pas à dormir. Il fait trop chaud dans la chambre.
- Et moi j'ai cru voir quelque chose dehors.
- Ah bon ?
- Hm hm...
- Tu veux qu'on aille regarder ensemble ?
- Ça me rassurerait. »
Après un dernier regard à gauche, puis à droite, celui aux yeux trop verts montra les escaliers qu'ils empruntèrent ensuite pour rejoindre le rez-de-chaussée. Ignorant la porte des cuisines et de la salle commune, ils quittèrent l'établissement pour un extérieur sombre et réchauffant. Bien qu'ils ne soient tout deux qu'en pyjamas, être pieds nus ne sembla pas les déranger plus que cela. Mais quand bien même, Shōta ne regretta pas son sweat-shirt. Il préférait l'avoir en tout temps. Et lorsque ce dernier tourna la tête vers son ami, il nota que ce dernier avait oublié ses lunettes dans la chambre, et que ses yeux trop verts étaient totalement à découverts, si bien qu'il pouvait en observer tous les aspects jusque lors cachés par la monture. L'objet de ses observations scrutaient rêveusement le ciel sombre, où un dernier jet de lumière gris perçait lointainement. Puis, comme redescendant sur terre, Hizashi baissa la tête et observa les alentours à la recherche d'une potentielle silhouette indésirée qui aurait pu effrayer son meilleur ami. Sauf qu'il n'y avait rien, et au bout d'un certain temps, ils en convinrent qu'il a dû voir passer un bête oiseau, et l'explication rationnel le rassura. Ils se laissèrent tomber sur le perron du chalet, le plus grand adossé contre une poutre, et son contraire serré contre lui pour profiter du dossier de fortune, la tête reposant sur l'épaule du blond.
« On devrait retourner dans nos chambre, proposa Hizashi en sentant le noiraud bailler.
- Hm. Pas envie.
- J'aurais préféré être dans la même chambre que toi. Faudra que je demande à un des gars pour échanger.
- Hm.
- C'est chiant de ne pas avoir de réponse, Shōta.
- ... Hm. »
Le blond souffla du nez en souriant.
« Je m'y ferai. »
Un ange passa.
« Est-ce que tu as peur d'être seul, toi aussi ?
- Encore cette histoire de trou noir ? Non...
- Quelle question stupide. »
À travers la brume de la somnolence, Aizawa expliqua :
« Tu savais que personne n'avait peur d'être seul, à proprement parlé ?
- What do you mean ?
- Imagine-toi en haut d'une tour à plus de quatre-cents mètres de hauteur. De quoi aurais-tu peur ?
- Bah, du vide.
- Non. Tu as peur de tomber dans le vide, la nuance est là. Quand tu dis avoir peur d'être seul, tu as en réalité peur de ne pas l'être.
- ... C'est fou.
- Tu as vu... ricana discrètement Shōta en se frottant un œil.
- Et quand on dit aimer le ciel, ça veut dire quoi ?
- Hm... Je ne sais pas.
- Si utile.
- Quand on parle d'amour, sous n'importe quelle forme, je n'ai jamais été très doué.
- Comment ça ? Tu n'as jamais aimé ?
- Et toi ?
- J'ai déjà été amoureux.
- Moi aussi.
- ... Tu as un style en particulier ?
- Non, pas spécialement.
- Et là, est-ce qu'une fille t'intéresse ?
- Pas du tout. »
Hizashi réfléchit un instant.
« Tu sais... Une légende japonaise raconte que notre visage actuel est celui de la personne qu'on a le plus aimée dans notre vie antérieure.
- J'avais de si bon goût, ironisa le noiraud.
- J'ai ma propre théorie qui en découle, enchaîna le blond en retenant un soupire face à la remarque négative qu'il avait vis-à-vis son apparence.
- Est-ce qu'elle est aussi tordue que toi ?
- Oui, complétement.
- Je t'écoute.
- Alors moi, mon idée c'est que cette légende est vraie. Let's admit. À l'époque, les Hommes naissaient, vivaient, tombaient amoureux... Et mourraient. C'est le cycle de la vie imposée par les lois de la nature. Et dans leur vie suivante, ils ont l'apparence de la personne qu'ils ont tant aimé. Les hommes prenne le visage d'une femme, et les femmes ceux des hommes. Les nouvelles âmes aimaient ceux de sexe opposé, et les anciennes se mélangeaient un peu entre elles. Over the centuries, les âmes, à force de renaître sous le visage d'un amant de sexe opposé, commençaient à aimer les âmes de genre opposé mais sous le visage du même sexe. Tu me suis ?
- Est-ce que je peux être honnête ? Pas tellement.
- Listen. Imagine une âme féminine.
- Parce que pour toi les âmes ont un attribut ?
- C'est une image, c'est pour que tu comprennes. So. Imagine une âme féminine. Pourquoi féminine ? Parce que lors de sa première apparition, elle a eu le visage d'une femme. Elle tombe amoureuse d'un homme. Dans la vie suivante, l'âme X renaît sous le visage de cet homme. Elle vit sous son apparence masculine, et tombe amoureuse d'une femme. Lors de sa vie suivante, redevient une femme, et ainsi de suite.
- Je te suis.
- Maintenant imagine que cette âme se perd. Qu'au plus profond de son intérieur, son amour pour les homme ne l'a pas totalement quitté, parce que peu importe son apparence, elle se sentira comme une femme, même sous l'identité d'un homme. De là découleraient les trans. Où du moins les personnes qui se sentent un peu plus différentes.
- Mais pas tout le monde est transgenre.
- No, et ceux qui ne le sont pas alors qu'ils sont nés dans le corps d'un individu du sexe opposé au genre de leur âme peuvent ne pas ressentir ce besoin de transgenre. Tout simplement parce que l'âme est trop ancienne et en perd la mémoire de sa première naissance. Ou alors s'en fiche.
- Hm...
- On reprend l'âme X, qui est une âme féminine. Elle aimera donc les hommes par défaut. Mais que se passe-t-il si cette âme a connu mainte et mainte naissances, et se retrouvent à présent dans le corps d'un homme ?
- Elle devra aimer une femme dans ce cas.
- Et si son âme recouvre la mémoire de son attirance par défaut ?
- Donc elle aimera un homme.
- Alors qu'elle sera dans le corps d'un homme. C'est de là que viendrait l'homosexualité.
- Elle est vraiment tordue ton explication.
- That's not all.
- Tu vas me parler des non-binaires ?
- Non, eux, ce sont de vieilles âmes qui se sont emmêlées les pinceaux, je pense. Ou qui ont compris que ça ne servait à rien se s'attribuer un genre. Moi je vais te parler d'âme-sœur.
- Encore un truc dont je ne crois pas...
- Au fils des siècles, ces âmes chercheront à retrouver leur moitié d'âme, car elles auront été séparées lors de leur arrivé dans ce monde, et passeront les suivants à se courir après, indépendamment du genre qu'on leur aura attribué aux naissances nouvelles. Ce sont deux âmes qui ont pour but de passer leurs vies à se retrouver encore et encore.
- C'est tout ?
- C'est pas mal déjà, tu ne crois pas ?
- Donc on passe notre vie à comprendre la raison de notre médiocre existence, et toi tu me résumes une théorie complétement sortie de ton imaginaire, comme ça, sans aucune pression ?
- C'est un point de vue. Tu en penses quoi ?
- Je ne sais pas, je n'ai jamais cherché à faire des théories, je préfère le rationnel. Me dire que tout est chimique et que si les gens sont homosexuels, vue que tu as engagé le sujet, ce n'est qu'une molécule autrefois rare qui commence à s'imposer dans notre société. Et que si les homophobes existent, c'est parce que la molécule est encore trop exceptionnelle à leurs yeux.
- Tu parles de quelle molécule exactement ?
- Tu sais, l'amour ce n'est pas qu'une simple question de sentiment. C'est aussi une réaction chimique en chaîne entraînée par des hormones dégagés par le système endocrinien. Par exemple ; les phéromones. Ce sont des odeurs propres à une identité. Quand deux personnes qualifient leur rencontre comme étant le coup de foudre, leurs pupilles se dilatent et les odeurs perçues inconsciemment des phéromones de l'autres font réagir le cerveau.
- Comment tu sais tout ça ?
- J'ai du temps à perdre. Je lis beaucoup.
- Mais l'amour ne peut pas être programmé juste comme ça ! Et les âmes-sœurs ?
- J'en sais rien, mais je ne suis pas sûr qu'une âme invisible et potentiellement inexistante puissent te parler de la phényléthylamine, des endorphines, de la sérotonine, de l'ocytocyne ou de la dopamine.
- C'est quoi ces trucs, encore ?
- Des hormones sensées répondre à la question de la chimie de l'amour. Je ne me souviens plus trop de ce qu'elles représentent, mais tu vois l'idée.
- Je vois surtout que de ton point de vue, l'amour est conditionné. Elle n'a rien de magique. Absolutely no mystery.
- Tu penses réellement que l'amour a quelque chose de magique ?
- Si ce n'était pas le cas, on s'en ficherait et personne n'en parlerait dans les films ou les chansons.
- ... Peut-être.
- Mais tu t'en fiches, n'est-ce pas ?
- Ce n'est pas une priorité. »
Hizashi passa sa main sur son visage et remonta jusqu'à derrière la tête, tandis qu'il la laissait tomber en arrière, pointant des yeux les étoiles à la recherche d'une lune introuvable. Shōta ne quitta pas son coussin de fortune, bien trop confortablement installé, bien qu'il eût conscience que si un enseignant les retrouvait ici à pas d'heure, ils risqueraient d'amèrement le regretter.
« Tu as dit que tu n'étais pas très doué quand il s'agissait de parler d'amour sous n'importe quelle forme.
- Ouais.
- Tu n'aimes pas beaucoup de choses, ma liste prend un peu la poussière. Je ne veux pas croire qu'il est possible d'être indifférent à ce point-là.
- C'est toi qui voulais faire une liste de ce que j'aimais, pas moi.
- Tu n'as toujours pas de nourriture préféré ?
- Non.
- Un parfum favori ?
- Non plus.
- But it isn't possible ! Quand tu achètes un shampoing, tu ne sens pas l'odeur qu'il a ?
- Je me lave avec un gel douche basique...
- Ok, ok. Quand tu vas acheter une glace, tu prends quoi ?
- Une fusée en général.
- Ah ! Bah voilà !
- Je n'ai jamais dit que je préférais ça.
- RaaaAAAH !!
- Moins fort.
- Une couleur ! Ta couleur préférée, dis-moi que tu en as une. Et avant que tu me répondes, non, le noir ne compte pas !
- ... »
Hizashi réfléchit attentivement, essaya d'extraire de ses souvenirs un moment où Aizawa portait un peu de joie sur lui. Il se souvint alors d'un jogging bleu, d'un sac de couchage rouge, puis il se rappela que pour le dépanner, il lui avait prêté une paire de chaussettes. Le noiraud avait pris celle de couleur jaune, peut-être que c'était ça ?
« Ta couleur préférée ne peut être que le jaune ! »
Son sourire s'agrandit. Son cadet, un peu déconcerté, était prêt à répliquer qu'il avait, encore une fois, aucune couleur préférée, mais voir ce rayon de soleil le bloqua. Il s'était reculé pour le dévisager, hésitant entre lui dire la vérité ou acquiescer. D'un côté, s'il approuvait cette supposition, au moins, il le laisserait tranquille avec ses questions... Il décida d'opiner du chef.
« I knew that !! »
Shōta haussa des épaules et reposa ses yeux sur la forêt, à demi-plissés à cause de la fatigue.
Il bailla une nouvelle fois, et ne comprit qu'après plusieurs secondes de patience que son meilleur ami s'était relevé et l'attendait pour rentrer. Il devait être minuit passé, et le lendemain ils avaient leur premier jour d'entrainement. C'est la raison pour laquelle il accepta de suivre la tête blonde jusqu'à l'étage des dortoirs. Plantés devant la porte numéro six, Hizashi lui offrit un dernier sourire avant de, les mains dans les poches, se diriger vers sa chambre à lui. Shōta, à moitié endormi, tituba jusqu'à son lit et se laissa tomber sur le matelas vide où il ferma les yeux. Quelques murs plus loin, le bilingue en fit de même, un peu plus difficilement cependant, à cause de l'étouffante chaleur de la pièce.
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Certainement l'un des quelques chapitres que j'ai préféré sur les 30 déjà écrits !
En ce qui concerne la théorie des âmes qu'a expliqué Hizashi (pas la japonaise, non je parle de la longue), c'était une théorie que moi et une amie avions sorti il y a longtemps, et j'avais tenu à la retranscrire par écrit de ce que je me souvenais ! J'espère avoir été suffisament clair en tout cas ^^ (si tu passes par là, regarde je te fais coucou ! ❤💛)
À la semaine prochaine 😸
Note inutile : Je voulais corriger mon prochain Two Shot (que j'ai publié un jour avant ce chapitre dans mon recueil), je tombe sur quoi... ? Wattpad a fumé de la fourrure de lama je crois 👀 Regardez juste cette répétition de parties et cette date 😂😭
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