𝙲𝚑𝚊𝚙𝚒𝚝𝚛𝚎 ₂₃
➠ ❛Coup de tonnerre❜
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La neige recouvrait Musutafu de son manteau blanc, et les nuages cendrés ternissaient le ciel. Hizashi, comme souvent depuis les mauvais temps, venait au lycée en métro. Ce jour de février s'annonçait couvert, comme toujours ces dernières semaines, et malgré le soleil qui tardait à se lever, il avait décidé de venir avec un peu d'avance, au même titre que Shirakumo qui venait au lycée à pieds ou véhiculé de son nuage. Lorsqu'il arriva devant le grand bâtiment miroitant de Yuei, emmitouflé dans sa doudoune orange, le jeune Yamada s'amusait à souffler de la vapeur tout en louchant vers l'au-dessus qui floconnait. Un raclement de gorge l'interpela. Il se tourna vers son nouvel ami et lui rendit son grand sourire. Oboro était vraiment éblouissant comme garçon, assis sur son nuage avec un plaisir enfantin.
« HEY OBORO-KUN !
- Hizashi-kun !! Tu pètes la forme !
- Like every day, man ! »
Le plus grand glissa hors de son assise magique qui s'évapora alors dans un petit 'poof' étouffé.
« Tu sais ce qu'on devrait faire ? Faire une farce à Shōta en attendant la sonnerie !
- Houlà ton ami ne va pas apprécier ! affirma-t-il en éclatant de rire. Le connaissant, il va encore te réprimander. C'est à ce point marrant de le pousser dans ses retranchements ?
- Ça fait kinda like un an qu'il supporte mes enfantillages, tout va bien s'passer !
- Alors j'y suis. C'est quoi ton plan ?
- On colle des paillettes sur sa chaise !! (Il tâta le tube dans sa poche.)
- Mec, j'adore ton idée !! »
Alors que personne d'autre n'était encore dans la classe, les deux amis s'amusèrent à décorer la chaise d'Aizawa avec le tube de paillettes qu'avait apporté préalablement le blond. Alors qu'il faisait en sorte de tout bien recouvrir, Oboro décida d'engager la conversation.
« Et donc, ça fait un an que tu connais ton meilleur pote ?
- Yup ! On s'est rencontré le premier jour du lycée, et il ne m'a pas tout de suite beaucoup aimé.
- Hahaha ! De ce que j'ai pu constater il n'est pas très drôle.
- Non, pas trop ! Mais il a un charme, il est doux et très gentil quand on apprend vraiment à le connaître. Et puis il ne sourit pas beaucoup, mais je te jure que quand tu le vois, tu es REFAIT ! Son sourire est si beau !
- Tu le vends tellement bien que ça me donne envie de devenir son ami, plaisanta le nuageux avec plus de sincérité qu'il ne pensait dire.
- OOOOOH MAIS CARRÉMENT FAUDRAIT QUE TU DEVIENNES SON AMI !!
- Waaaaah alter alter alter !!
- Désolé !! It's okay ??
- Oui ! Je n'ai juste pas encore l'habitude de ta voix, mais je vais m'y faire, c'est cool ! »
Ils jetèrent innocemment le tube de paillettes au trois quart vide dans la corbeille et prirent place à leurs bureaux non-assignés, voulant profiter de discuter encore un moment avant l'arrivée des autres. Il était vrai qu'à force de papoter en cours, Hizashi avait été séparé d'Oboro et de Shōta, finissant quelque part au centre de la classe côté fenêtre, les laissant seuls tout derrière. Heureusement, ce n'était qu'une place éphémère.
« Dis, j'voulais te demander, commença le nouveau en se balançant sur sa chaise, les bras croisés derrière sa nuque. Tu serais chaud de m'entraîner quelques fois pendant les grandes vacances ? Vu que je ne verrais plus mon Senpai de terminale après mars, je n'aurais plus personne pour gérer mon retard.
- Je m'entraîne déjà avec Shōta, mais je suis sûr que ça ne lui posera aucun problème à ce que nous t'aidons ! Often, on s'retrouve sur la plage municipale de Takoba, dans la zone sans déchet.
- Je vois où c'est ! »
La porte s'ouvrit sur Tora Fukusei. Sans même un regard, il se dirigea vers sa chaise et laissa tomber son sac par terre dans un bruit sourd. Il fut rapidement suivi de quelques autres, et bientôt, Aizawa, intimidé comme à sa grande habitude par la foule d'élèves. Hizashi, qui avait quitté sa place temporaire pour s'assoir à moitié sur le bureau de son cadet en l'attendant, remarqua ce dernier et ses yeux, trop grands et trop verts, eurent un éclat de joie en voyant son meilleur ami entrer dans son champ de vision. Shōta avait les joues un tantinet rosies par le froid, et après avoir dévisagé Oboro, celui à l'alter effaceur eut enfin le courage de traverser la salle de classe pour prendre place, ne faisant que très peu attention au derrière de son meilleur ami qui avait élu domicile à même sa table, et absolument aucune aux paillettes sur lesquelles il venait de s'assoir.
« Heeey Shō-chan, how are you today ?~
- Comme d'habitude.
- Vous êtes trop mignons ensemble, fit mielleusement remarquer le nuageux et s'accoudant devant lui.
- Nous n'sommes pas ensemble ! se précipita le noiraud en se redressant brusquement. C'est juste... »
Mais il n'avait pas les mots. Il en voulut au plus profond de lui-même à Yamada alors que lui-même n'avait jamais remis en question leur proximité. Ce garçon aux yeux azurs le rendait définitivement dingue.
« C'est juste amical ! répondit alors le jeune blond en voyant le trouble de son meilleur ami. Mais avoue que Shōta mérite bien son surnom, avec sa petite bouille toute mignonne !
- La ferme Hizashi, grogna le plus jeune en veillant méticuleusement à cacher son visage avec ses cheveux, la tête basse.
- Ah mais je n'ai jamais sous-entendu plus intime !! s'excusa Oboro en se grattant la nuque. Il y a malentendu, je suis désolé Aizawa-kun si je t'ai mis dans une position embarrassante !
- ... Ce... ce n'est rien... murmura-t-il alors plus doucement, mais toujours sans se montrer.
- Bonjour les jeunes, sortez vos cahiers de math, on ne va pas perdre de temps avant le chapitre d'aujourd'hui, salua le professeur en entrant dans la pièce, mettant un terme à leur discussion. Vu les tables il n'y a pas d'absent, parfait. »
[...]
Lorsque midi vint, la cafétéria était, comme bien trop souvent les jeudis, bondée d'étudiants affamés. Comme chaque fois qu'ils en avaient l'occasion, les deux meilleurs amis s'installèrent dans le couloir et sortir leur bento pour déjeuner. Tout était silencieux entre eux. Hizashi s'apprêtait à déballer le sien lorsqu'il remarqua que son cadet se contentait de fixer sa petite boîte recouverte de tissu avec un regard vague, perdu, pensif, inquiet. Le bilingue posa sa main sur son épaule, et celui-ci se dégagea rapidement, surprenant la personne qui avait tenté de l'effleurer.
« Il faut que nous arrêtions les contacts trop proches.
- Quoi ?!! Mais pourquoi, Shō-chan ?
- Et ne m'appelle plus comme ça en public. Ça me met mal à l'aise.
- Tu ne m'as jamais reproché ça, il s'est passé quelque chose ? C'est à cause des paillettes, c'est ça ?! J'ai dit que j'étais désolé !
- Et moi je t'ai déjà suffisamment tiré les cheveux donc ne remets pas cette histoire sur le tapis ou je recommence.
- OK OK !
- ... Et pour répondre à ta question, non, il n'y a rien.
- Are you sure... ?
- Oui, certain. Je commence à en avoir marre de voir les gens qui nous jugent parce que tu me prends la main, c'est tout.
- Mais ça ne t'a jamais dérangé, je croyais que tu t'en fichais !
- Je... je ne veux juste plus que tu le fasses, s'il te plait.
- Oi ! Hizashi-kun ! Aizawa-kun ! J'ai trouvé un endroit sympa pour manger, ça vous dit de vous joindre à moi ? demanda Shirakumo en s'approchant des deux installés à même le sol, avançant avec nonchalance, une main dans la poche et l'autre tenant son propre bento à bout de bras, derrière son épaule.
- Really ? Où ?!
- Sur le toit !
- Nous n'avons pas le droit d'y aller, fit remarquer le noiraud sans lever les yeux sur le nouvel arrivant.
- Et alors ? On ne dérange personne, personne n'en saura rien.
- Aller Shō... ta, on sera aussi tranquille que dans les gradins du terrain ! argumenta le grand blond, à deux doigts de l'appeler par son surnom.
- ... D'accord... »
Ils remballèrent leurs bentos et sortirent sur le toit de l'école, une grande place sans âme qui y vive avec une vue phénoménale sur tout Musutafu. Doucement, Shōta s'approcha de la barrière métallique et observa les alentours. Il devait bien se l'avouer, le paysage était impressionnant vue d'aussi haut, et pour une fois, sa peur du vide ne l'atteignait pas. Parce que son regard était concentré sur l'horizon, et non ses pieds.
« J'ai entendu dire que jamais personne ne venait ici, et comme j'ai remarqué que vous ne mangez jamais avec les autres de la classe, je me suis dit que ça vous plairait ?
- C'est extraordinaire, Oboro-kun ! Tu connais déjà mieux le lycée que nous !
- Que veux-tu, j'ai le goût de l'aventure ! Oi ! Aizawa-kun ! T'en penses quoi ? »
L'interpelé se retourna lentement vers eux avec un léger sourire admiratif au coin des lèvres, rapidement chassé par une expression plus troublée, comme s'il était pris en flagrant délit. Comme si être heureux était un crime
Hizashi remarqua que son nouvel ami avait bêtement sourit en croisant son regard obsidienne, et lui envoya un léger coup de coude dans le bras pour le tirer de ses contemplations.
« Je t'avais dit qu'il avait un beau sourire. »
[...]
L'entraînement super-héroïque de l'après-midi venait de commencer. Aujourd'hui, cours de sauvetage. Des mannequins avaient été cachés dans les décombres d'un faux appartement de plusieurs étages littéralement en feu. Un héros capable de générer de la glace carbonique demeurait à proximité en cas de dégénérescence de l'exercice. Les élèves, eux, se positionnèrent, déterminés. Hizashi enfila son casque et régla ses haut-parleurs directionnels aux poignets, au cas où il aurait besoin de faire appel à son alter pour éjecter un mur. Une élève jeta un coup d'œil vers lui, et lui souffla :
« Yamada-san, évite de détruire l'immeuble avant le feu, s'il te plait... »
Le blond se tourna vers elle mais leur professeur interrompit tout action pour siffler le départ. Les étudiants de la classe A se précipitèrent à l'intérieur du bâtiment.
« Je veux que vous nous rameniez la totalité des civils !! Et n'oubliez pas les premiers soins ! C'est un exercice collectif, vous avez quinze minutes ! »
S'aventurant au sixième étage, Hizashi et quelques autres camarades traversèrent les pièces et récupérèrent les mannequins qu'ils croisaient sur leur chemin. Transportant un corps en plastique sur son dos, le bilingue se précipita vers le couloir avec Ine et Ikuto.
« Si on ne se dépêche pas, nous allons mourir plus rapidement par intoxication que par les flammes elles-même ! déclara la fille en supportant son mannequin avec un bras par-dessus ses épaules.
- Yuei veut vraiment notre peau !!
- Arrête de dire ça, Futo-kun !
- On risque littéralement notre vie pour des poupées !
- Et qu'est-ce que tu diras quand il s'agira de vraies personnes ?! Yamada-kun !
- YES !
- Tu vois le robinet là-bas ?! Prends du tissu et imbibe les d'eau, nous allons nous en servir pour mieux respirer en descendant par les escaliers !
- Pour nos mannequins... ? tenta le coureur de jupon en serrant sa silhouette de plastique comme une princesse.
- Pour nous, crétin !! »
Yamada se précipita dans la cuisine et trouva trois torchons dans un placard. Si les professeurs les ont placés là, c'est qu'il fallait les utiliser. Il les imbiba grossièrement d'eau et les tendit à ses deux camarades qui se protégèrent la bouche avec. Et tant pis pour les mannequins, ils aviseront le jour où ils s'agiront de vrais civils. Dévalant les marches deux à deux, les trois adolescents quittèrent le dernier étage, et croisèrent la route de deux autres.
« Il reste des mannequins ? Euh, des civils ? se corrigea l'un d'eux.
- Non, il n'y en avait que trois !
- Et le toit ? Vous avez contrôlé le toit ? interrogea le second.
- Merde ! Le toit ! »
Une poutre en bois tomba quelque part près d'eux, surprenant les cinq jeunes qui dévisagèrent tour à tour le sixième et le quatrième étage.
« Je vais voir sur le toit !! prévint Oboro en passant au-dessus d'eux, assis sur un coussin de nuage.
- Je viens avec toi ! »
Yamada laissa un des élèves sans mannequin tout le plaisir de s'emparer du sien, et aussi vite qu'il le put, il partit à sa poursuite, sa serviette humide sur la bouche.
Après avoir forcé la porte blindée avec son alter vocal, le blond laissa le nuageux poser les deux pieds sur le béton et baisser ses lunettes qui le protégeaient de la fumée. Ils remarquèrent alors trois mannequins posés dans un coin. Rapidement, Shirakumo en allongea deux sur son nuage, et le plus petit porta le troisième. Plusieurs voix les interpelèrent, et en se retournant, les deux amis constatèrent qu'une partie de la classe avait décidé de leur tenir compagnie.
« Les escaliers sont bloqués au niveau du quatrième étage, nous sommes obligés de descendre par-là ! expliqua un garçon en tenant deux civils de plastique.
- Comment on fait ?!
- Je peux tous nous faire descendre sur des nuages, proposa le nouveau en joignant ses deux mains. Sauf que je ne suis pas encore capable de transporter plus de cent kilos à la fois, ni plus de deux nuages en même temps.
- Fais-moi descendre avec d'autres, ordonna Huran. Une fois en bas je transformerais quelque chose de suffisamment grand en flan pour que vous puissiez sauter.
- Ça reste pas mal haut, nota Kuga. Et avec ce vent on risquerait de dévier la trajectoire de notre chute et atterrir à côté. Non, trop risqué.
- Merci d'avoir fait remarquer. Sutikkunori-chan, toi tu peux descendre en longeant la paroi avec la colle sur tes mains et tes pieds, proposa Huran en montrant l'équipement spécial de la jeune fille qui opina du chef. Aizawa-kun, tu es capable d'utiliser ton ruban pour descendre tout seul ? Si c'est le cas, Shirakumo peut descendre les quatre autres avec leurs mannequins. »
Hizashi se tourna vers Shōta, sa poupée de secourisme sur le dos, le lorgnant comme s'il était devenu fou. Il ne s'était pas encore rapproché du bord, veillant même à garder une distance raisonnable entre lui et la barrière.
« Il n'est pas question que je descende d'ici. Je fais demi-tour.
- T'es sérieux ? Tu as quoi, peur du vide ? demanda durement le délégué. Tu es ridicule, tu dois surpasser tes foutues craintes si tu veux devenir un super-héros !
- Il va nous faire rater l'exercice s'il arrive après les quinze minutes ! se plaignit Kuga. »
Énervé contre ses camarades, le noiraud leur tourna néanmoins le dos sans d'autres mots et disparut dans les escaliers.
« Putain, Aizawa !!
- Laissons tomber, descendons déjà les autres. Yamada-kun, ramène-toi.
- Descendez mon mannequin, je vais le chercher !
- Yamada !! Non, reviens ! Merde ! jura Tora en recevant la poupée dans ses bras. »
Lors de sa descente à pas de course, celui à l'alter vocal ne croisa aucun autre élève, ni même de mannequin. C'était un point qui le soulagea. Il ne lui restait plus qu'à rattraper son meilleur ami et espérer qu'il soit saint et sauf. C'est là qu'il l'aperçut, au quatrième étage, cherchant à humidifier une grande serviette. Hizashi arriva derrière lui pour l'aider, ce qui fit sursauter son cadet.
« Hizashi ?
- Let me help you !
- Hein ?
- T'aider ! Laisse-moi t'aider !
- Très bien. Prends ça, nous allons foncer dans les flammes.
- C'est la chose la plus irrationnelle que tu m'aies dit de faire !
- Fais-le ou retourne avec les autres, je ne t'ai pas demandé ton avis.
- Je reste avec toi. »
Ils trempèrent l'intégralité du tissu et se recouvrèrent avec, serrés l'un contre l'autre, la poupée de secourisme tenue entre eux. Ils traversèrent le mur de feu qui leur faisait barrage.
[...]
Les élèves présentèrent tous les mannequins à sauver.
« Il en manque un et deux de mes élèves, fit remarquer le professeur de cours super-héroïque, jetant un regard las à son collègue héros. Nous sommes à combien ?
- Dix-huit minutes. Ils sont en retard. »
Soupirant, l'un des deux adultes appuya sur son oreillette et appela ceux des adolescents manquants, mais juste un grésillement lui répondit. Inquiet, il insista dans son appel. Il finit par se tourner vers son collègue.
« Va les sortir. Vous autres, vous... Shirakumo reviens ici ! »
[...]
Ils se débarrassèrent de leur drap qui avait subitement pris feu, et se cachèrent dans une petite salle de bain. Sans aucune réflexion, Shōta se précipita sur les robinets et humidifia le plus de tissu qu'il pouvait trouver, quand bien même il n'y en avait pas infiniment. Il recouvrit le bas des portes et Hizashi, quant à lui, prit l'initiative de gonfler ses poumons pour user de son alter et ainsi faire voler en éclat la paroi qui menait à l'extérieur. Aizawa recula vivement contre le mur opposé.
« Shōta, il faut que tu utilises ton ruban pour nous faire descendre ! »
Aucune réponse.
« Shōta !
- Heeey Hizashi-kun ! ricana une voix derrière eux. »
Lorsque Yamada se retourna, il fit face à Oboro, assis sur son nuage, quelques mètres plus loin dans le ciel.
« Le feu fait éloigner mon nuage, je ne peux pas m'approcher plus que temps, si vous voulez sortir d'ici en un seul morceau, je vous conseille de sauter !
- Crazy ! s'exclama Hizashi en s'emparant du mannequin. »
Il jeta un regard vers Shōta qui serrait son ruban gris comme si le simple fait de le lâcher pouvait le tuer, et sans plus attendre, il fonça jusqu'au bord pour jeter la poupée en direction d'Oboro, qui l'intercepta sans encombre.
« Ton tour ! »
Yamada, sans un regard vers le sol, fit un pas de recul, fléchit les genoux, et fit un large bond en avant. Remonté d'adrénaline, il ne ressentit pas l'effet de son cœur qui cessa de battre le temps que son corps flottait au-dessus du vide, penché en avant, le bras tendu à son paroxysme pour attraper la main de son ami. Et c'est au moment de l'attraper que sa fierté se faisait la plus grande. Aidé de celui à l'alter nuageux, le blond se hissa derrière lui et fit de grands gestes à son meilleur ami pour l'inciter à suivre le mouvement.
« Il va me falloir un second nuage, fit remarquer le nouveau en collant son pouce sous son menton. »
Et aussitôt dit, aussitôt fait, un second amas cotonneux poppa dans le ciel, jusqu'à côté de l'originel.
« Aller Aizawa-kun, saute ! »
Silence. Le noiraud fixait les deux garçons avec le teint livide.
« Shōta ! Come on ! »
Le feu fit craquer la porte de la salle de bain. Ce fut le moment qui poussa celui à l'alter effaceur de courir la maigre distance qu'il entretenait avec le bord du vide, avant de sauter le plus loin qu'il pouvait sur le nuage de libre. Atterrissant sur les genoux, ses mains se posèrent dans le vide et il plongea en avant, attirant les cris de Yamada et Shirakumo. Le souffle coupé, il lui aura fallu plusieurs secondes avant de se reprendre, se retourner vivement sur le dos et envoyer son ruban en l'air, l'enroulant autour du nuage qui ne l'avait pas rattrapé, et se laissa balancer brusquement, la chute interrompue. Les bras tendus, le visage tourné vers le sol, Aizawa cherchait à reprendre sa respiration mais son cœur battait la chamade et ses mains moites menaçaient de lâcher son ruban.
« Aizawa, ne lâche pas ! lui ordonna le professeur capable d'utiliser la neige carbonique, penché à travers la fenêtre du premier étage, quelque peu rassuré de voir son étudiant s'être rattrapé aussi rapidement. »
Déglutissant, le noiraud se contenta d'un vague regard dans sa direction avant de relever les yeux. Il vit alors l'autre nuage, conduit par Oboro, faire quelques tourbillons autour de lui avant de s'arrêter à sa hauteur. Hizashi s'était déplacé sur l'autre assise de coton.
« Wow, tu as fait une sacrée chute ! Tu vas bien ?
- ...
- Donne-moi ta main, Shōta. Je peux t'appeler Shōta, ça ne te dérange pas ? »
Aizawa dévisagea cette main tendue, le regard azur d'Oboro, son sourire étincelant, et là, il ne pouvait dire si ses battements accélérés de cœur étaient dûs à la peur ou tout autre chose. Néanmoins, il décida de serrer les dents et se forcer à lâcher une main pour attraper celle qui n'attendait que l'aider. Après quelques tentatives ratées, il réussit à la saisir, et son ruban se détacha de lui-même pour lui permettre de se hisser dans le dos d'Oboro et s'y tenir, oubliant même l'idée de regarder à nouveau le sol.
« Super, sauvetage accompli, on retourne à la base ! plaisanta le deuxième luron aux cheveux ondulées. »
Une fois sur terre ferme, les trois garçons furent sévèrement réprimandés pour autant de négligence, mais surtout Oboro pour ne pas avoir su se tenir en place, chose qu'il ne prit que trop peu au sérieux. Cependant, les professeurs notèrent qu'ils avaient fait preuve de courage pour aider un camarade en difficulté, et se demandèrent s'il n'était pas judicieux de leur laisser plus d'autonomie sur le terrain. Ils s'étaient inquiétés pour leurs élèves, après tout.
Lorsqu'ils furent libérés pour rentrer chez eux, le ciel commençait déjà à s'assombrir comme le voulait bien la saison à cette heure-ci de la journée. Hizashi s'étira et sa main passa hasardement dans ses cheveux.
« C'était sympa, je suis content que vous soyez tous les deux en vie, je n'ai personne d'autre à qui parler sinon, moi ! avoua le nouveau sans cesser de sourire.
- Thanks for your help ! T'es un vrai ! dit celui aux lunettes orangées en lui envoyant deux finger gun.
- Mais de rien ! »
Aizawa, qui jusque lors n'avait pipé mot, passa à côté d'eux, le nez caché sous sa grosse écharpe caramel.
« Oi, Shōta-kun ! appela Oboro. »
Il s'arrêta et se tourna vers les deux garçons, dont son meilleur ami.
« Tu es vraiment une sacrée tête de mule, c'est dingue ! Mais je suis content que tu sois en vie ! »
Ce n'était pas un reproche mais une remarque qui le faisait rire. Le noiraud, lui, ne riait pas. Il ne souriait pas. Il était tout simplement obnubilé par ce courage et cette façon de parler ou d'agir sans aucune gêne. Tout ce qu'ils n'avaient pas de base, ni lui, ni Hizashi, étant tout deux plutôt sensibles de ce côté-là. Pouvait-on dire qu'il était en total admiration de ce garçon ? Peut-être.
« Merci... Shirakumo-kun... »
Il tourna les talons et s'éloigna tranquillement sans jeter le moindre regard derrière lui. À ces mots, Yamada avait senti son cœur battre à rythme inquiétant. Oboro, lui, semblait satisfait.
« Je crois qu'on va bien s'entendre, tous les trois, fit remarquer le nuageux sans lâcher de vue Shōta. »
[...]
Lorsqu'il émergea du métro, Hizashi remarqua que les lampadaires étaient déjà allumés. Les halos de lumière se reflétaient aussi bien dans la neige que contre les verres de ses lunettes, et en un clin d'œil, il arriva au foyer des Yamada. Ses parents cuisinaient tranquillement, et lorsqu'ils entendirent leur fils unique entrer, n'oublièrent pas de le saluer avec leur enthousiasme habituel. Ils furent néanmoins surpris de l'énergie nouvelle que dégageait le garçon en passant devant eux.
« Hiza, qu'est-ce qui te rend aussi heureux ? interrogea Chōko avec malice.
- Je suis grave super heureux because mon nouvel ami vient potentiellement de se faire accepter par Shōta !
- Le garçon dont tu nous avais parlé il y a quelques semaines ? Vraiment ?
- Yup ! Vous savez comment est Shōta, alors le savoir respecter quelqu'un d'autre, voire peut-être MÊME y porter de l'intérêt est un très bon signe ! Si ça se trouve, il va enfin se sociabiliser ??
- Ne pars pas trop vite en besogne, Hiza. Laisse-lui le temps de s'adapter à ce nouvel ami, rigola le père en s'essuyant les mains contre son tablier. Commence par ranger ton sac, we're going to eat.
- Yeah ! »
Hizashi se précipita à l'étage de sa chambre et débarrassa son sac de cours, n'oubliant pas de se changer pour plus d'aisance. En remuant ses affaires, il tomba sur son vieux walkman, inutilisé depuis qu'il avait ses écouteurs ainsi que son casque anti-bruit de son costume de Present Mic. Il le ramassa, et le dévisagea sous toutes ses coutures, pensif.
« Il faut que Shōta apprenne à s'ouvrir aux autres... »
Exactement comme il l'a fait avec lui, et peut-être un peu avec Nao.
« Je vais faire en sorte qu'ils deviennent amis ! »
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