Chapitre 4 - Premières rencontres - partie 1
"Les épreuves qui t'attendent ne devraient pas te poser beaucoup de difficultés. Si l'on se réfère aux précédentes cérémonies, il s'agit surtout de mettre en avant ta personnalité, tes motivations et tes talents. Heureusement, mes sœurs et moi avons reçu une excellente éducation. Mais est-ce que cela suffira pour attirer l'attention du prince ? Soyons honnêtes, pour obtenir la place de concubine, je doute que ce qui se trouve dans ta tête compte autant que ce qui se trouve dans ton décolleté... Et malheureusement, il n'y a pas grand-chose à signaler de ce côté-là. Alors espérons qu'Ishan soit un cérébral !"
Journal de l'autre - Chapitre 5
*
Shae pénétra dans les bains du palais. Le soleil se frayait encore une place timide dans le ciel et une légère fraîcheur se ressentait dans l'air. Les thermes étaient remplis d'une eau parfumée aux essences de patchouli. Les pieds de l'ondine foulèrent le sol couvert de carreaux de céramiques et rencontrèrent l'eau chaude d'un bassin.
Un frisson la parcourut. Chaque contact de sa peau avec l'eau éveillait en elle une sensation étrange, un vestige d'un passé à jamais mystérieux. Elle se sentait à la fois nostalgique et détendue. Une fois son corps recouvert entièrement d'eau, elle nagea avec aisance jusqu'à l'une des alcôves qui invitaient au repos.
Les bains étaient encore déserts à cette heure matinale, aussi Shae profita avec joie de ce moment de paix. Il fut interrompu bien assez tôt par l'arrivée d'une femme qu'elle reconnut aussitot : Falak, la femme du raja. Accompagnée de deux servantes, la souveraine fut dévêtue et ses cheveux relevés en un chignon alors qu'elle s'apprêtait à entrer dans l'eau. Lorsque les yeux de Falak rencontrèrent enfin ceux de Shae, la souveraine se raidit, murmurant à ses servantes de faire savoir que les prétendantes ne devraient pas utiliser les bains avant midi.
Shae se renfrogna. Devait-elle ignorer la souveraine, comme cette dernière le suggérait implicitement ? L'ondine décida de tenter de redorer son image. Après tout, si la femme d'âge mûr la détestait déjà pour un conflit dont elle n'avait même plus connaissance, alors cela ne pouvait pas être pire. Nageant élégamment jusqu'à se positionner à quelques mètres de Falak, elle s'inclina.
— Votre Majesté, dit-elle, je m'excuse si ma présence a perturbé votre routine. Je pensais que ce moment matinal était parfait pour profiter de la chaleur des bains, surtout par ces températures encore fraîches.
Malgré la banalité de ses paroles, elle espérait souligner le point commun entre leurs démarches, cherchant ainsi à établir une connexion.
— Peut-être n'êtes-vous pas faite pour supporter nos températures. Je vois d'ailleurs que le soleil n'a pas été clément avec votre peau crayeuse. Il est possible que votre décision de rejoindre ce palais ait été prise avec trop de hâte.
Shae pinça les lèvres. Pour une tentative de rapprochement, c'était un échec.
— Je suis certaine que je réussirai à m'y accoutumer, comme l'ont fait des milliers d'ondins qui comptent maintenant parmi vos concitoyens.
— Bien sûr, répliqua-t-elle amèrement. Il est vrai que l'on en voit de plus en plus dans le paysage.
— Comme je suis certaine que l'on trouve de plus en plus de Jivaranais sous les mers.
— Il y en a certainement beaucoup moins qui fuient notre pays que le vôtre.
— Notre roi fait tout pour...
— Votre roi n'est qu'un pantin aux mains de votre sorcier des mers, cracha Falak.
Au cours de leur échange, la souveraine avait gardé un regard fuyant, traitant Shae comme si elle n'en était pas digne. Pour la première fois, elle la fixa dans les yeux, ses prunelles sombres lançant des éclairs. Falak se rendit compte qu'elle avait perdu sa maîtrise de soi et reprit instantanément un masque impassible.
— Maintenant, je souhaiterais prendre mon bain au calme, reprit-elle avant que Shae ait pu lui répondre.
Shae s'inclina simplement et sortit de l'eau : la conversation était close. Le visage renfrogné, elle regagna son dortoir.
— Eh bien, dit Zarin, tu en tires une tête. Que s'est-il passé ?
La veille, Shae avait été de nouveau témoin des accès de mauvais caractère de la jeune femme lorsqu'elle s'était disputée avec une autre prétendante pour une histoire de brosse à cheveux. Shae la scruta de la tête aux pieds.
— Qu'est-ce que ça peut te faire ? Et pourquoi prends-tu la peine de me parler ?
— Quelle mauvaise humeur ! C'était juste par curiosité. Et puis, tu as l'air d'avoir besoin de vider ton sac.
— Tu es odieuse avec toutes les autres concurrentes, lâcha Shae qui était toujours passablement énervée par son entrevue avec la femme du raja. Pourquoi pas avec moi ?
— C'est parce que tu ne représentes aucune menace pour moi, dit Zarin sans ambages, alors je n'ai pas de raison de me montrer désagréable.
Shae ricana. Au moins, la jeune femme n'aurait aucun mal à converser avec le prince, elle semblait incapable de proférer le moindre mensonge. Sans lui répondre, l'ondine la dépassa, longea les lits ou la plupart de ses concurrentes étaient encore assoupies et se rendit dans le salon. Elle s'empara d'un livre et s'enfonça dans un fauteuil, l'humeur morose.
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