"Non. Non..."

La remarque de mon professeur me trotte dans la tête, comme un cauchemar qui refuse de laisser place au jour, un souvenir qui refait surface.

"Ce n'est pas possible. J'ai le droit, non ? On en a tous le droit ! Pourquoi ne pourrait-on pas...?"

Je m'appelle Alix. Et ceci, est le pire cours de français de toute mon existence d'étudiante.

Ou le meilleur. Mais cela fait si longtemps que mon jugement est altéré sur toutes ces questions philosophiques, que j'en suis réduite à ne plus savoir distinguer ce qui est le meilleur de ce qui est le pire...

"Être heureux. On rêve de tous de ça, pourquoi est-ce que nous... atteindre la plénitude, pour nous, ce serait impossible ? Il doit bien y avoir des moyens de briser les codes !"

Malgré toutes ces pensées, qui contestent la véracité des paroles de mon professeur, celles-ci font sens dans ma tête.

Ce qu'il dit est vrai.

Jamais Charles Baudelaire, Jean-Jacques Rousseau, Victor Hugo, n'ont pu prôner le bonheur qu'ils éprouvaient à écrire des ouvrages condamnés le jour d'après, à la recherche d'un Idéal incompris... Jamais n'ont-ils pu affirmer un état de plénitude, en delà de leurs heures, où mus par une inspiration soudaine, ils saisissaient leur plume pour la faire glisser sur le papier...

"L'écrivain est souvent, très souvent, malheureux. Pour plusieurs raisons : recherchant l'Idéal et ne le trouvant pas, la seule solution pour lui, reste de l'écrire. Cependant, cela ne peut lui faire oublier qu'il sera toujours un tiers incompris de ses lecteurs. Pensez à Houellebecq. N'a-t-il pas été hué pour sa vision pessimiste de l'humanité ? Écrire... il faut aimer la solitude, pour y consacrer sa vie. Et c'est ici, que vous vous rappelez vos cours de première sur Baudelaire. Son mode de vie n'était pas le plus sain de son époque. Et puis, ne dit-on pas que les malheureux doivent s'exprimer ? Peut-être est-ce ainsi que Palamède a inventé l'écriture... Le pauvre homme en avait besoin, coincé dans sa Grèce Antique... Les ouvrages de l'écrivain, de plus, sont souvent jetés aux oubliettes, à peine sortis, sans même avoir eut le temps de prouver leur valeur... Tout cela pour dire que l'écrivain d'aujourd'hui, écrit son mal-être en espérant pouvoir conjurer le mauvais sort qui s'abattra sur lui... "

Voici les paroles de mon professeur. À quelques mots près.

Alors...

Que penser ?

N'y a-t-il jamais eu d'exceptions ?

Jamais ?

L'écrivain serait, systématiquement malheureux ?

Moi, écrivaine amatrice, aimant plus que tout tracer les méandres de mes pensées sur un beau papier blanc, je ne serais jamais, jamais heureuse ?

J'aimerais pouvoir affirmer le contraire, mais...

Je ne peux pas m'empêcher de penser, au fond de moi-même, que mon professeur est, ce que les parents qualifient "d'érudit." Un homme d'une grande culture littéraire, et d'une grande sagesse. Jamais je n'ai eu à remettre en question son jugement, ses idées, parce que toutes, dans mon esprit, prenaient un sens particulier, chacune de ses paroles étaient empreintes de vérité.

Alors, sur ce sujet aussi ?

Nous autres, écrivains, amateurs, confirmés, romanciers célèbres, ou entamant à peine une carrière, n'atteindrons jamais la plénitude ?

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