[Suffer — Charlie Puth]

   Moins de deux heures après le départ de son amie, la voiture du blond s'arrêta dans le garage, annonçant son retour. Le cœur de Hinata se crispa, n'ayant toujours pas réussi à identifier le moyen judicieux de l'aborder. Toutes ces événements en moins de quarante huit heures avaient laissé la brune dans un état de confusion profonde, telle une danseuse égarée sur une scène sans chorégraphie. À cela s'ajoutaient les révélations de Temari qui avaient ébranlé les fondations de sa réalité, fracturant le sol sous ses pieds délicats.

   En elle, les flots de ses émotions s'accumulaient, déferlant sur les rives de sa conscience, tandis que son coeur était en proie à une rage dévastatrice. La jeune femme se débattait pour comprendre, pour assimiler ces nouvelles informations qui remodelaient l'image qu'elle avait de son bien-aimé. Pour être honnête, Hinata ne savait plus quoi penser de lui. Elle l'aimait, elle l'avait cru, mais maintenant elle ne savait plus sur quel pied danser avec lui, ni si elle pouvait encore lui faire confiance.

   La jeune femme se sentait perdue, comme un marin sans boussole, incapable de trouver son chemin sur les mers inconnues. Les émotions virevoltaient en elle, se mêlant en un kaléidoscope de colère, de tristesse et de perplexité. Elle se sentait submergée par le poids des révélations, chaque mot ajoutant à la charge qu'elle portait déjà.

   L'Hyuga faisait face à un défi insurmontable, comme une alpiniste devant une montagne vertigineuse. Elle se demandait comment elle pourrait digérer ces événements, comment elle pourrait faire face à cette nouvelle réalité qui se dressait devant elle et surtout, comment allait-elle affronter Naruto Uzumaki sans nourrir de desseins obscurs ?

   Le bruit de la clé dans la serrure l'empêcha de remettre ses pensées en ordre. Trop tard, Naruto était là. La demoiselle se leva sur le champ et se dirigea vers l'entrée. Elle n'arrivait pas à déterminer si c'était pour l'accueillir ou juste l'inspecter car, même si son attitude et le récit de Temari affirmaient que le blond n'appréciait pas Sakura, son esprit, lui, ne se fiait plus aux apparences. Aussi, la demoiselle n'avait pas idée de là où il disparaissait des heures durant, renforçant davantage sa méfiance à son égard.

   La porte d'entrée s'ouvrit; elle entendit les pas de Naruto résonner sur le parquet stratifié et enfin, il apparut devant elle. Ils s'arrêtèrent à quelques mètres l'un de l'autre. Le calme s'invita entre eux à la manière d'une troisième personne, l'écrasant avec force. Un calme si pesant qu'elle avait, sur le coup, envie de lui hurler sa rage au visage afin de le voir réagir, la prendre dans ses bras musclés pour la rassurer et effacer de son esprit tout ce qu'elle avait appris ce soir.

Cependant Il ne bougea pas d'un poil, l'observant, du mieux qu'il le put, derrière les gros fourre-tout garnis de nourriture qu'il tenait. Dans un sursaut de conscience, la jeune femme eut le réflexe de lui prendre un sac de courses des mains, se doutant qu'il devait peser lourd.

— Tu as fais les courses ! fit-elle remarquer

— Ouais, il le fallait bien. Y'avait presque plus rien dans le frigo, alors j'ai profité pour faire quelques achats après mon rendez-vous avec le docteur Utatane. Tu sais, cette vieille harpie qui n'arrête jamais de se plaindre de ses choix dans la vie.

   Hinata opina du chef, se rappelant brièvement de cette femme aux manières bien étranges que Naruto n'avait d'autres choix que de passer voir, comme le lui avait demander sa grand-mère avant de quitter la ville. Paraît-il que la sexagénaire était seule, elle n'avait pas d'enfants, raison pour laquelle le blond devait lui tenir compagnie.

— Elle t'a encore parlé du temps de son époque ? se moqua Hinata.

— Bien sûr, elle n'a pas raté l'occasion, rit le blond. Aujourd'hui, j'ai eu également droit au récit mythologique sur la quatrième guerre ninja.

Naruto sur les talons, Hinata se dirigeait désormais vers la cuisine, en l'écoutant lui relater les faits sur cette grande guerre, datant d'une époque lointaine, pendant laquelle des multitudes s'étaient livrées bataille.

— C'est bien la guerre entre Tobi, le déchu et l'alliance shinobi ?

— Oui, celle-là. J'ai bien failli m'endormir en écoutant la vieille.

L'Hyuga sourit, un sourire qu'elle espérait vrai, puis elle déposa la besace sur le plan de travail, tout en feignant la curiosité malgré son indifférence. Son esprit était bien loin de cette cuisine, dans une vaste contrée où ses pensées vagabondaient librement, et l'histoire de Naruto ne l'intéressait pas. Si d'ordinaire, la brune se sentait hypnotisée par sa présence, il n'en était rien en cet instant. Toute sa colère aussi s'était dissipée.

Alors qu'elle s'appliquait à ranger un à un les aliments dans les placards, la jeune femme se rendit compte de son détachement et se surprit à le détailler à la dérobée. Les cheveux d'un blond clair, des yeux d'un bleu sans pareil, des lèvres charnues, des cicatrices similaires aux vibrisses de chat, à peine visibles sur ses joues et un corps bien bâti. Elle avait pour tendance de le magnifier, mais ses traits, des plus avenants, la laissait pour la première fois insensible.

   Même quand ils s'embrouillaient, Hinata n'avait jamais paru aussi désintéressée par sa personne qu'elle ne l'était en ce moment. La jeune femme savait que les paroles de Temari y était pour quelque chose, que le mystère autour de Sakura Haruno et les secrets du blond y étaient pour beaucoup. Naruto se jouait-il de ses sentiments?

C'était bien la perspective qu'elle envisageait à force de vivre dans l'ignorance à ses côtés. Peut-être ne le connaissait-elle pas autant qu'elle l'affirmait, sinon comment expliquer le dilemme dans lequel elle se trouvait. En fin de compte, qui était Naruto Uzumaki ?

Le ventre de la jeune femme se tordit d'appréhension. Malgré son esprit emmêlé par les idées sombres et le doute, elle s'affaira à finir sa tâche, motivée par son envie de s'éloigner de Naruto. Elle récupérait le paquet de crevettes surgelées quand la main du blond empoigna la sienne.

Hinata sursauta. Elle resta immobile quelques instants, les yeux fixés sur sa grande main que, à sa grande surprise, elle voulait retirer, puis avec lenteur, fit face à celui qui osait la déranger dans son train de réflexion.

— Pas les crevettes, j'en ai besoin pour notre dîner, lui apprit-il.

— Notre dîner ?

— Oui, ça fait longtemps qu'on a pas mangé ensemble toi et moi. Je me suis dis qu'une petite soirée à deux ne nous ferait pas de mal. Brochettes de crevettes, Saint Jacques marinées et film comédie, qu'en dis-tu ?

   Le sourire qu'il lui dédia lui retourna l'estomac. Ne sachant que répondre, Hinata resta un moment interloquée, à le dévisager.

— Tout va bien, Hinata ? demanda Naruto devant son silence.

— Oui, ça va je suis juste un peu fatiguée, j'ai bossé toute la journée, mentit-elle.

   Ses iris claires la scrutaient avec une telle intensité qu'elle eut l'impression d'être nue sous son regard, qu'il devinait son mensonge. Elle déglutit péniblement.

— Tu préfères te reposer alors ? s'enquit-il, cachant à peine sa déception.

Hinata devait bien reconnaître qu'il possédait un talent incroyable pour la soumettre à sa volonté. Si, de prime abord, elle avait conçu l'idée de rester enfermée dans sa chambre afin de le garder le plus éloigner possible, cela ne lui paraissait plus être une option.

— Non, ton programme me paraît plus alléchant.

— Génial ! se réjouit le blond. Va t'asseoir, je m'occupe de tout.

Son téléphone se mit à sonner, libérant les notes d'une musique classique qu'elle affectionnait. Naruto, à quelques pas de l'objet, jeta un coup d'œil sur l'écran et, en un rien de temps, son regard se voila. Une lueur obscure dansa dans ses prunelles. La brune s'approcha, intriguée de voir le nom de celui qui tentait de la joindre quand l'Uzumaki, mu par une colère dont elle ignorait l'origine, attrapa le cellulaire.

   D'un mouvement habile et rapide, la jeune femme récupéra l'appareil sous les yeux exorbités du blond, surpris par tant de finesse. Et lorsque ses perles grises se posèrent sur l'écran du téléphone, tout comme lui, son visage se ferma.

Kiba.

Hinata soupira, agacée de l'avoir dans les pattes. Certes elle devait remettre les pendules à l'heure avec lui, mais ce n'était pas le moment. Elle avait plus urgent à gérer, comme savoir où elle en était avec Naruto.

— Tu ne lui réponds pas ?

Hinata se maudit en sentant les battements de son cœur s'accélérer au son de sa voix basse, marquée par un soupçon de jalousie. Bien qu'elle fut flattée de ne pas le laisser indifférent, la demoiselle crut bon de garder son sang froid car mieux valait rester aux aguets avec lui.

— Non, je n'ai rien à lui dire.

— Et pourtant, il semblerait qu'il ait à te dire. Ne serait-ce pas mieux de lui répondre ? dit-il d'un air faussement détaché.

— Ce qu'il a à dire ne me semble pas important pour le moment.

   Naruto la devisageait comme s'il cherchait à décoder les mystères qui se dissimulaient derrière chacun de ses mots, chaque infime mouvement de son visage captivant son attention, révélant ainsi l'ampleur de son intrigue et de son intérêt pour elle. La brune le défia sans ciller une seule fois.

   Puis, sans un mot, le jeune homme avança vers elle d'un pas lent, comme s'il lui donnait l'opportunité de fuir si l'envie la traversait, chose que Hinata ne fit pas. Sentant son cœur s'emballer, elle se raidit lorsqu'il posa les mains sur ses hanches et qu'il se pencha à son oreille, le souffle chaud caressant sa peau, faisant naître en elle un mélange troublant d'appréhension et d'excitation. Elle n'était pas si indifférente à lui qu'elle le croyait.

— J'aime pas quand un autre te tourne autour. Ne puis-je pas être ton seul et unique ?

   Sa voix était douce et curieusement suave, mais Hinata savait bien qu'il y avait un désir de monopole et de passion qu'il tentait de contenir.

— Tu l'es déjà, répondit-elle d'une voix neutre.

— Alors pourquoi il continue de te courir après ? C'est comme si être avec moi n'a pas d'importance à ses yeux. Il pense encore avoir sa chance.

— Peut-être que si tu ne laissais pas Sakura Haruno te faire du rentre dedans devant tout le monde, il penserait autrement.

Naruto répondit à sa provocation par un rire, ce à quoi Hinata ne s'était pas attendue. Elle fut alors frappée par le ridicule de sa jalousie évidente et sentit ses joues rougir de honte. Le blond recula d'un pas pour mieux l'observer.

— Tu n'as que ce nom à la bouche, à croire que tu doutes de ce que je t'ai dit.

La jeune femme songea à lui révéler ce qu'elle avait appris auprès de Temari; le dîner avec ses amis auquel elle n'avait pas été convié, les piques de la rose et son comportement étrange en sa présence. Cependant elle préféra tout garder pour elle, car nul ne savait ce qu'il ferait si elle lui en informait. La demoiselle ne voulait pas réduire ses chances de se rapprocher de la vérité.

— Non, évidemment que je te crois, mentit-elle. Je veux simplement t'avoir pour moi toute seule. Je ne veux pas qu'elle s'interpose entre nous.

— Aucune chance que ça n'arrive, lui promit-il.

   Disait-il la vérité ou était-ce un énième mensonge de sa part ? Hinata ne saurait le dire. Elle ne s'accrochait plus à ses paroles comme à une bouée de secours.

Alors qu'il l'embrassait pour consolider sa promesse, son esprit se tourna vers Sasuke Uchiha, son collègue de travail et, avec amertume, lui donna gain de cause. Il était grand temps pour elle de réévaluer cette relation.

•••

Une fois que le doute plante ses racines, difficile de les retirer. Dans ce chapitre, Hinata se retrouve à se poser la même question qu'elle s'était posée avant de le rencontrer, mais pas pour les même raisons. Et tristement, elle aussi décide de plonger dans les secrets et les mensonges. Comment auriez-vous réagis à sa place ? Que pensez-vous de son comportement ?

Merci d'avoir lu ^^