[Friends — Anne-Marie]

En proie à une colère inégalable et à une profonde agitation, Hinata se dirigeait d'un pas déterminé vers la fête foraine, là où elle devait retrouver Kiba qui, par magie, lui avait passé un coup de fil, comme s'il avait deviné son besoin de se rafraîchir les idées. Le jeune homme, de passage en ville, s'était permis de lui faire signe après avoir eu la brillante idée d'aller à une foire aux jeux. Ce qu'elle approuva sans réfléchir.

Ses bottes à talons claquaient sur les pierres, martelant le sol comme pour exprimer sa rage intérieure. Les lumières colorées de la fête foraine se dessinaient à l'horizon, tel un phare dans la nuit, illuminant de ses vives couleurs la surface du fleuve figé dans de la glace, quelques mètres en dessous du pont qu'elle traversait. Le bruit des manèges et des stands de jeux se faisait de plus en plus fort à mesure qu'elle se rapprochait. Mais rien de tout cela ne pouvait lui arracher un sourire.

La demoiselle y entra comme en terrain conquis, cherchant frénétiquement du regard son ami Kiba. Elle fut transportée dans un monde de lumières et de couleurs vives. Les manèges tournoyaient à toute vitesse, les cris de certains s'enchevêtraient dans une cacophonie joyeuse tandis que les odeurs sucrées de barbe à papa et de churros flottaient dans l'air, attirant d'autres vers les stands de nourriture. Hinata, ne voulant pas de cette joie factice, désirait simplement oublier ses peines, sa douleur, son amertume.

La jeune femme se faufila à travers les allées bondées, cherchant Kiba du regard. Elle passa devant des stands de jeux d'adresse, où des joueurs s'appliquaient à gagner des peluches colorées. Elle croisa également des attractions plus sensationnelles comme la grande roue ou la maison hantée.

Puis, la brune aperçut son ami à l'autre bout de la fête foraine. Il jouait à un jeu de tir, concentré sur sa cible. Elle se fraya un chemin jusqu'à lui, évitant les passants pressés.

— Je parie deux pots de glace au caramel que tu vas rater deux tirs, s'exclamât-elle, une fois à ses côtés.

—  Pari tenu ! sourit-il. Tant qu'on y est, le premier qui explose tous les ballons, l'emporte.

— Alors ce sera un match en trois round, proposa la brune, sûre d'elle.

   Il approuva, excité à l'idée de lui mettre une bonne raclée. Hinata sortit quelques pièces de son sac à main qu'elle laissa tomber dans la caisse du gérant de stand, puis s'arma d'un revolver en plastique.

— J'espère que tu es prête à morfler, se moqua Kiba alors que le gérant donnait le coup d'envoi.

   Au bout des trois round, ce fut une défaite écrasante pour le jeune homme, incapable de rivaliser avec le ressentiment de la demoiselle envers son bien-aimé. À la place des ballons multicolores, celle-ci s'était imaginée décharger toutes les balles en caoutchouc sur le blond, se procurant un semblant de satisfaction.

La brune alla ensuite se défouler sur le jeu de la mailloche avec pour seul but d'extérioriser sa rage en martelant le clou. Cependant, son manque de résistance, de précision et de force lui firent abandonner l'idée alléchante d'atteindre le sommet et sonner la cloche de la victoire.

Avec Kiba, dont l'esprit compétitif était très accru, la jeune femme s'élança vers d'autres jeux pendant un petit moment puis, termina, une heure après, sur un banc près du fleuve gelé, loin de toutes les attractions impressionnantes dansant dans le vaste ciel étoilé.

— Ça fait un bail que je ne me suis pas autant amusée, lui confia-t-elle la tête tournée au loin, vers les mouvements circulaires que faisait l'attraction en forme de tournesol.

— Pareil pour moi, révéla le brun, debout à quelques pas d'elle. Kiri n'est pas une aussi grande ville, les attractions ne sont pas aussi cool. Tiens, une fois avec Shino, on a tenté le château hanté, mais un gars nous a tellement cassé les couilles à essayer de nous faire peur en vain qu'on a décidé de déguerpir.

   Hinata dissimula son sourire en goûtant à sa friandise, une pomme d'amour qui imprégnait ses papilles de sa saveur sucrée. L'odeur de la nicotine flotta dans l'air, emplissant pleinement ses sens, torturant atrocement ses narines. Elle tiqua, relevant soudainement la tête. C'est alors qu'elle vit Kiba porter une cigarette à ses lèvres.

— Tu fumes ! s'étonna-t-elle.

— Ah, ouais ! T'es pas au courant, réalisa-t-il. Ça fait un an maintenant.

— Tu devrais arrêter, lui conseilla-t-elle. Ça va te tuer sinon.

— On va tous finir par mourir, fumeurs ou pas, rit-il. Ça m'aide juste à calmer mes nerfs. Je préférerai mourir de ça plutôt que de problème quelconque.

   Il lui tendit sa clope, lui laissant le choix d'y goûter ou non. Hinata hésita un instant, nourrissant l'idée de s'y essayer, juste comme ça, pour savoir ce que ça faisait. Et découvrir réellement si cela lui permettrait d'oublier ses problèmes avec Naruto.

   Elle prit maladroitement la cigarette entre ses doigts, et comme le lui indiqua Kiba, inspira doucement. Aussitôt, la brune toussota, la gorge envahie par une fumée désagréable lui obstruant les poumons.

— Horrible ! grimaça-t-elle en lui rendant le mégot.

— C'est clair que ce truc n'est pas fait pour toi, s'esclaffa l'homme en tirant sur sa clope. T'as pas intérêt à recommencer.

— Plus jamais, promit-elle. Pas sûr que ce truc peut m'aider à régler mes problèmes de couple.

   Kiba lui jeta un regard étrange qu'elle évita, consciente d'en avoir trop dit. Il fronça les sourcils, sans doute parce qu'il avait fini par comprendre le sens de ses mots.

— T'as des problèmes avec Naruto ?

— Non non, tout va bien, ne t'en fait pas, feignit-elle dans l'espoir de le berner.

— Me prends pas pour un con, gronda le brun. D'ailleurs, ça explique pourquoi tu t'acharnais sur tous les jeux avec férocité et pourquoi tu as l'air dévastée.

Hinata paniqua. Sa peine se voyait elle sur son visage trop pâle ? Elle força un sourire, pour se redonner de la contenance.

— Tout va bien, lui assura-t-elle en se levant du banc. Je crois qu'on devrait y aller.

— Tu ne vas pas t'enfuir comme ça, clama-t-il, posant sa main sur son épaule, l'incitant à se retourner. Dis moi ce qui se passe.

   Pas un seul rictus, pas un seul sourire rassurant. Son expression était grave, avec une pointe de nervosité. Son visage était figé, ses sourcils légèrement froncés, trahissant son impatience contenue. Face à son sérieux, Hinata n'eut d'autres choix que de lui expliquer les grandes lignes en mentionnant le manque de communication et l'absence répétée de son bien-aimé, sans entrer dans les détails.

— Je ne vois vraiment pas à quoi tu t'attendais avec lui. Je veux dire, ce gars est un sale type, rétorqua Kiba, écœuré par ce qu'il entendait.

— Tu ne sais rien de lui, soupira la brune, regrettant déjà de lui avoir révélé une partie de sa vie de couple.

— Bon sang ! Ouvre les yeux Hinata, il n'est même pas capable de s'occuper de toi. Il ne pense qu'à sa gueule, ce gars ne te mérite pas.

— Ah ouais ? ricana-t-elle, secouée par une colère sourde. Qui me mérite d'après toi ?

Kiba jeta sa cigarette au sol, l'écrasant violemment sous la semelle de sa chaussure. Son regard ambré quitta son visage et loucha sur le reste de son corps, la mettant mal à l'aise. Puis il s'avança dangereusement vers elle, l'obligeant à reculer d'un pas.

— Moi, répondit-il. Je saurais mieux m'occuper de toi, il suffit que tu me donnes une chance pour te le prouver.

Une alarme se déclencha dans sa tête lorsqu'il tendit sa main glacée vers son visage. La froideur attaqua sa peau alors que la pulpe de son doigt effleurait ses lèvres gercées.

— Il n'y aura jamais rien entre nous, Kiba. Fais toi une raison, somma-t-elle en repoussant sa main.

— Tu préfères donc souffrir entre les mains d'un mec qui n'en a rien à faire de toi, sourit-il tristement. C'est parce que t'aimes la façon dont il te prend au lit ?

   La question lui fit l'effet d'une douche glaciale. Hinata se figea, incapable de rétorquer quoique ce soit, pendant qu'il passait une main sur son visage, soudain conscient de sa bêtise.

— Oh mon Dieu ! Hinata, excuse moi, je suis...

— Jaloux ? rit-elle amèrement. Ça je l'avais compris.

   Les jointures blanches, la mâchoire crispée, le brun prit difficilement sur lui, se forçant à contenir ce sentiment que la demoiselle ne connaissait que trop bien.

— Ouais, souffla-t-il ne pouvant taire sa fureur. Tu dois en connaître un rayon avec un gars qui n'aime pas ta présence. Sûrement qu'il a décidé d'aller voir ailleurs.

Une douleur aiguë la cisailla de part en part. Chaque mot énoncé avec amertume lui fit l'effet d'un poignard dans le cœur. Malgré elle, son cerveau créa diverses images de Naruto couvrant la rose, Sakura, de baisers brûlants. Une larme stria le long de sa joue. Devant son manque de réaction, Kiba ricana, furieux. C'était la première fois que Hinata le voyait ainsi.

— Ce n'est pas comme ça que je t'ai connu, Hinata, confia-t-il en passant son pouce sur la goutte d'eau.

— Tu ne t'attendais quand même pas à ce que je reste une jeune fille naïve, rétorqua-t-elle, dégoûtée de lui.

— Non, mais je ne m'attendais pas à ce que tu sois aussi... pathétique.

— Va te faire foutre, Kiba, s'écria la brune en le poussant de toutes ses forces.

Kiba lui retint fermement les poignets, lui empêchant de le propulser en arrière. Surprise, Hinata se demanda s'il allait la libérer. Seulement, son champ de vision fut brusquement envahi par une touffe brune et sa bouche se retrouva prisonnière de la sienne. Kiba Inuzuka était en train de l'embrasser.

Totalement abasourdie, la tête vidée de toutes pensées, Hinata ne put réagir lorsque le goût répugnant de la nicotine imprégna son palais. Sa langue vint caresser sa lèvre inférieure, alors que sa main serpentait sur son corps.

   Dégoûtée d'être touchée par un homme qui n'était pas le sien, Hinata sortit de son état second. Elle aspira une urgente goulée d'air et le repoussa brutalement. Sans plus tarder, sa main fendit l'air, s'abattant lourdement sur sa joue.

— Ne t'avises plus jamais de m'embrasser, maugréea-t-elle au bord des larmes.

— Quand vas-tu comprendre que mes sentiments pour toi sont vrais, Hinata ?  Ce mec ne fais que te vendre du rêve pour ensuite te jeter quand il n'aura plus besoin de toi. Tu perds ton temps à vouloir t'accrocher à une relation sans lendemain.

— Si tu crois que c'est en disant ça que je te donnerai une chance, tu te mets le doigt dans l'œil. Quand bien même ma relation avec Naruto ne marche pas, il ne se passera jamais rien entre toi et moi, Kiba.

Hinata se racla la gorge avant de continuer :

— Je te l'ai dit par le passé et je te le répète, je ne t'aime pas, pas comme ça. Alors oublie ses sentiments car ils ne sont pas réciproques. Tu ne fais que te nourrir de faux espoirs.

— Tout comme toi, lui asséna-t-il, un brin moqueur. On fait bien la paire, non ?

Kiba ne lui donna pas l'occasion de répondre et disparut dans la pénombre de la nuit. Complètement abattue, la brune se laissa tomber sur le banc, le regard vide.

Hinata eut la désagréable impression d'être souillée. Elle ressentit un étrange picotement sur ses lèvres, là où Kiba avait posé les siennes et voulut se les arracher, ne pouvant supporter l'idée qu'un autre que son homme eut pu l'embrasser.

Éprouvant le besoin de prendre une bouffée d'air, Hinata inspira profondément, les yeux fermés. Elle qui avait cru pouvoir se libérer de son chagrin en venant à la fête foraine, se retrouvait assaillie de remords consciente d'avoir, en plus d'être en froid avec Naruto, perdu celui qu'elle avait un jour considéré comme son ami.

•••
Pas facile facile pour notre chère Hinata, que devrait-elle faire quand les choses se compliquent comme ça, selon vous ? Rendez-vous la semaine prochaine pour la suite.

Merci d'avoir lu ^^