II

[We don't talk anymore — Charlie Puth]

   Les jours s'enchaînaient, tels les maillons d'une chaîne qui se resserre, étouffant peu à peu la vie palpitant dans leur demeure. Naruto et Hinata y vivaient, mais leurs pas ne retentissaient plus, leurs voix ne s'élèvaient plus. Leur maison, jadis accueillante et chaleureuse, était maintenant froide, presque glaciale, comme si elle avait été dépourvu de son âme.

   Les murs semblaient avoir perdu leur couleur, leur texture, comme si le temps les avait effacés. Les fenêtres, autrefois grandes ouvertes sur le monde, étaient dorénavant fermées, donnant l'impression qu'elles avaient peur de laisser entrer la lumière. Ils étaient pareils à des ombres qui se croisaient sans se voir, prisonniers d'un silence oppressant.

   Leurs regards ne se trouvaient plus, leurs sourires s'étaient évaporés dans l'air. Et pourtant, la vie continuait, implacable, comme un torrent qui ne s'arrêtait jamais. Les jours passaient, les semaines s'égrenaient, mais Naruto et Hinata restaient des inconnus l'un pour l'autre, étrangers dans leur propre maison. La froideur de leur foyer semblait avoir glacé leur cœur, les empêchant de retrouver la chaleur qui les unissait autrefois.

   Même si cette situation lui déplaisait fortement, Hinata affirmait qu'elle ne pouvait rien y faire. Le blond non plus n'avait esquissé aucun geste pour arranger les choses, pas même pour les réconcilier.

   Telle une étoile solitaire dans un ciel obscur, Hinata se tenait silencieuse parmi ses collègues qui s'animaient comme des flocons de neige dansants. Dans la cafétéria de VogAttitude, l'effervescence de Noël se propageait telle une mélodie enchantée, mais son cœur demeurait emmitouflé dans une tristesse profonde.

   Les conversations joyeuses résonnaient comme un raffut lointain, tandis que les rires réchauffaient les âmes autour d'elle. Cependant pour Hinata, ces doux éclats de bonheur étaient similaires à des notes discordantes qui ne parvenaient pas à toucher son être. Les décorations chatoyantes et les chants festifs se fondaient en un tableau vibrant, toutefois son regard restait voilé d'une mélancolie insaisissable.

   Les discussions animées autour des préparatifs de Noël semblaient lui échapper, comme si elle était enfermée dans un monde à part. Les sourires qui illuminaient les visages de ses collègues n'arrivaient pas à éclairer le sien, figé dans une tristesse solitaire. Alors qu'elle observait les autres s'épanouir dans l'excitation de l'approche imminente de Noël, Hinata restait esclave d'une peine muette, incapable de trouver la joie dans cette période enchantée.

— Je déteste vraiment Noël, déclara-t-elle en rapprochant ses lèvres de son bol de soupe.

— Tu m'enlèves les mots de la bouche, répondit Sasuke Uchiha, se tenant debout devant elle.

Le jeune homme n'attendit pas d'obtenir l'autorisation de s'asseoir et prit place sur le siège en face de la brune. Cette dernière se renfrogna. Elle ne savait pas grand chose de lui – si ce n'est sa capacité hors pair à renforcer l'identité visuelle des boites avec lesquelles il s'engageait, raison pour laquelle il était très demandé – mais le peu qu'elle avait entraperçu ne lui plaisait guère. Certes il lui avait offerte des fleurs, toutefois il ne restait pas moins un homme difficile à cerner tant sur le plan professionnel que personnel.

— Je ne comprendrais jamais pourquoi la plupart s'excite à l'idée de célébrer cette fête qui, pour moi, n'en vaut pas la peine. Toutes ses décorations dans les rues, tout ce remue-ménage, quelle perte de temps !

— J'imagine que cette période de l'année fait renaître des souvenirs trop douloureux.

— Pas le moins du monde. Je n'aime pas voir autant de gens heureux. Ça me donne la chair de poule.

— Décidément tu es l'être le plus sinistre que j'ai eu à rencontrer, lui balança la brune. Comment as-tu fait pour être reconnu dans tout le pays avec une telle personnalité?

— La plupart des gens s'intéressent très peu à moi, mais plutôt à ce que j'ai là, dit-il en pointant sa tête. Tant que je peux apporter plus à leur boîte, c'est tout ce qui compte.

— La prochaine fois, je demanderai à Neji de ne pas se fier à la renommée d'une personne avant de l'embaucher et de bien se renseigner sur son comportement.

— Pour un directeur artistique, ton cousin est un bon businessman et il a de l'œil pour dénicher les talents. Alors soit heureuse qu'il m'ait embauché. Votre boîte avez besoin d'un esprit comme le mien pour vous élevez à un niveau supérieur grâce à ce nouveau projet avec la marque Killer Bee.

— Et en plus d'avoir un comportement à chier, tu es arrogant...

— Te plaindre ne va pas arranger la situation. Plus vite on avancera avec le projet, plus tôt je m'en irai.

   Malheureusement, il leur restait beaucoup de travail avant la fin de cette collaboration. Hinata but à nouveau une gorgée de sa soupe aux légumes.

— Pourquoi détestes-tu noël?

La question prit la demoiselle au dépourvu. La prendrait-il pour une écervelée si elle lui révélait que c'était à cause de son petit ami ? Qu'elle ne voulait pas passer Noël sans lui et que voir les autres heureux pendant qu'elle vivait dans la tristesse lui donnait envie d'hurler de rage ?

— Parce que c'est pas trop la joie en ce moment.

Il l'étudia un moment, cherchant sans doute à comprendre ses paroles, puis il s'attaqua à son assiette encore pleine et Hinata comprit qu'il ne voulait pas en savoir davantage.

— À tous les coups, c'est à cause d'un homme, un amant peut-être, assuma le brun.

Le designer avait tapé dans le mille, mais hors de question de le lui dire. Son arrogance pointerait le bout de son nez sans hésiter.

— Bref, qu'est-ce qui t'amènes ? J'ose croire que tu as une bonne raison de te trouver sur ma table.

Sans un mot, il déverrouilla l'écran de sa tablette et la poussa vers la jeune femme qui y jeta un coup d'œil.

— C'est au sujet de de la stratégie et du positionnement de la marque Killer Bee, j'ai proposé une modification.

   Dans cette cafétéria où les conversations se mélangeaient aux rires, ils se mirent à travailler oubliant leur pause déjeuner. Leurs regards se rencontraient parfois, furtivement, comme des éclairs dans la nuit, mais leurs esprits restaient concentrés sur leurs tâches. Les bruits ambiants se fondirent en une douce mélodie de fond, tandis qu'ils écrivaient, tapaient sur leurs claviers, plongés dans un silence actif.

   À l'heure de la descente, Hinata se hâta vers la sortie, telle une feuille emportée par le vent, ses bottes à talons claquant bruyamment dans les couloirs de l'entreprise. Elle semblait pressée, comme si elle avait une urgence à fuir ce lieu. Mais soudain, la voix de Konan, la réceptionniste, la rappella à l'ordre, brisant son élan. La brune se dirigea alors vers le comptoir entendre ce que la gente dame avait à lui dire.

— Excuse-moi de t'accoster comme ça, alors que t'as sûrement quelque part où aller, mais il y'a quelqu'un qui est venu te voir.

— Une visite, souffla-t-elle, à cette heure? Je ne me rappelle pas avoir un rendez-vous de prévu à cette heure.

— Ce n'est pas en rapport avec le boulot. Il dit qu'il est venu te chercher, lui apprit la réceptionniste. T'aurais dû me dire Hinata que tu t'étais dénichée un beau blond.

   L'annonce la lassa de marbre. Elle voulut demander plus d'informations, puis quelque chose que son amie venait de dire l'interpella.

— Un blond, tu dis ?

— Oh fais pas la meuf surprise, petite cachotière, se moqua Konan. Je comprends mieux pourquoi t'es toujours pressée de rentrer, tu as déjà trouvé ton apollon grec.

— Où est-il ? demanda-t-elle voulant savoir si c'était bien celui qu'elle croyait.

— Suis-moi, tu dois avoir hâte de te retrouver dans ses bras, gloussa Konan.

   Hinata marcha tout doucement derrière Konan, telle une ombre qui glissait dans l'obscurité, ses pas feutrés comme des murmures dans le silence du grand hall. Son regard se perdit dans les méandres de ses pensées, tandis qu'elle se demandait si Naruto l'attendait vraiment.

   Les battements de son cœur augmentèrent, tonnant comme les tambours d'une danse mystérieuse, emplissant ses oreilles de leur rythme vibrant. Les questions tourbillonnaient dans son esprit, tels des papillons cherchant la lumière. Pourquoi Naruto était-il ici ? Qu'est-ce qui l'avait poussé à venir la retrouver dans cet endroit improbable ?

   Son souffle se fit plus court, l'air lui manquait, tandis qu'elle avançait, guidée par Konan. Ses pas étaient hésitants, elle craignait ce qu'elle allait découvrir dans la salle d'attente où elles se dirigeaient.

   Puis, soudain, elle le vit. Naruto, assis là, dans toute sa splendeur. Son regard se posa sur elle, et dans cet instant fugace, le temps semblait suspendu. Les émotions se bousculaient en elle, comme des vagues déchaînées qui cherchaient à la submerger. La surprise se mêla à la joie et à la confusion, créant un tourbillon d'émotions contradictoires. Son cœur battait beaucoup trop vite, comme s'il voulait s'échapper de sa poitrine. Elle se demanda pourquoi il était là, quelles étaient ses intentions, mais les réponses restaient floues, dissimulées dans les méandres de l'inconnu.

   Alors qu'elle s'approchait lentement de lui, chaque pas était marqué par une tension palpable, lui donnant le sentiment d'être sur le point de franchir un précipice invisible. Et dans cet instant suspendu, où leurs regards se heurtaient et les émotions s'entrechoquaient, Hinata savait que quelque chose avait changé.

•••
Qu'est-ce qui aurait bien pu changé selon vous ? Une idée ?

Merci d'avoir lu ^^