I. Lidwine
A travers la vitre de sa chambre, Lidwine pouvait apercevoir la prairie jouxtant le bâtiment gris de l'orphelinat. Au-dehors, un prunellier sauvage obstruait un peu la vue par sa grandeur resplendissante. Ses pétales blancs tournoyaient doucement au gré du vent, avant de se poser d'un mouvement délicat au sol, recouvrant le manteau vert de l'herbe de leur belle couleur blanche. La mère de Lidwine avait l'habitude d'appeler ces pétales "la neige du printemps". Chaque année, pendant près de treize ans, elles observaient à deux ce spectacle magnifique.
Il était difficile pour la jeune fille de s'imaginer que sa vie prendrait à nouveau un tournant différent. Une fois de plus, son quotidien allait changer du tout au tout.
Elle se rappelait encore lorsqu'elle était arrivée, un peu perdue, devant la lourde grille de l'orphelinat. Malgré le fait que trois ans aient passé, elle se sentait toujours aussi vulnérable à l'idée de se plonger dans l'inconnu.
Pourtant, le moment était venu. Une main sur sa petite valise, son épaule appuyée contre le chambranle de la porte, Lidwine jeta un dernier regard circulaire à la pièce où elle avait passé chaque nuit depuis trois longues années. Elle observa pour la dernière fois les quatre murs blancs, se regarda une ultime fois dans le petit miroir usé par le temps au-dessus du lavabo. Puis, elle se décida enfin, tremblante, à tourner le dos. Elle rabattit la capuche de son sweat sur sa tête et ferma la porte de sa chambre derrière elle. Ses petits pieds firent grincer le vieux plancher lorsqu'elle s'avança vers les escaliers.
— Line ! cria soudain une voix fluette et familière dans son dos.
Surprise, Lidwine se tourna, et entrevit une touffe de cheveux châtains accourir vers elle.
— Tu pars comme ça, sans me dire au revoir ? demanda le petit garçon en la serrant dans ses bras.
L'enfant avait les yeux embués de larmes, et celles-ci menaçaient de se déverser sur ses joues.
— Oh... Mathieu... on se reverra, j'en suis certaine, murmura Lidwine au creux de l'oreille de l'enfant, émue.
— Tu me le promets ?
— Oui, je te le promets.
Elle lui tendit son petit doigt, Mathieu fit de même et ils se serrèrent la main, perpétuant ainsi leur promesse. Il lui fit un bisou claquant sur la joue et s'enfuit en lui souhaitant bonne chance dans sa nouvelle vie.
Malgré son jeune âge, Mathieu se trouvait à l'orphelinat depuis plus longtemps que Lidwine. Dès son arrivée, cette dernière l'avait pris sous son aile, ne supportant pas les insultes que ses camarades lui lançaient. Il avait été son seul ami pendant longtemps. Elle ne pouvait pas s'imaginer l'orphelinat sans cette présence rassurante.
Une voix douce mais sévère la ramena à la réalité :
— Line, il est temps, tu viens ? Nous en avons terminé avec l'administratif, c'est à toi de jouer, à présent.
C'était une femme bien bâtie aux cheveux grisonnants qui avait prononcé ces paroles. Son image était associée pour beaucoup de pensionnaires à punitions et peur, mais pas pour Lidwine. Elle avait toujours adoré la dame bienveillante qui la serra dans ses bras quand elle eut fini de descendre les escaliers.
— N'oublie pas de donner des nouvelles, je t'en conjure, Line ! N'aie pas peur, surtout. Cette période à l'essai, c'est une chance qui t'est accordée, ne la gâche pas, et profites-en du mieux que tu peux. Je te souhaite une excellente continuation, ma belle !
— Merci, Madame.
— N'oublie pas que tu seras toujours la bienvenue ici !
Lidwine acquiesça, la tête pleine d'émotions, mais, comme à son habitude, elle gardait le visage indéchiffrable.
— Merci, merci pour tout ce que vous avez fait pour m'aider, Madame, dit la jeune fille en guise d'adieu.
La directrice hocha la tête, comme pour confirmer ce que Lidwine lui avait dit. Puis, elle s'avança et posa la main sur l'épaule de Lidwine
— Tout se passera bien...
La main toujours sur l'épaule de sa protégée, la directrice se rapprocha du hall d'entrée, où sa nouvelle famille attendait Lidwine. Celle-ci recouvra son masque impassible, vérifia que sa capuche couvrait bien une partie de son front, prit une grande inspiration et marcha à pas assurés vers le renouveau. Elle ne s'arrêta pas avant d'être arrivée sur les quelques marches menant au bâtiment d'où elle sortait. Elle aurait voulu continuer son chemin directement vers la voiture qui l'emmenait, mais pila net quand elle aperçut le couple et leurs trois enfants qui l'attendaient. Lidwine savait bien qu'elle les avait déjà vus, pourtant, ils lui firent autant d'effet que la première fois.
Le père de famille était un grand homme, d'une carrure impressionnante. Ses cheveux noir corbeau contrastaient fort avec ceux de sa femme, qui étaient naturellement blond clair. Le plus âgé de leurs enfants avait l'air d'avoir un an de plus que Lidwine et se tenait un peu en retrait. Ses cheveux blonds foncés tirant sur le châtain coiffés impeccablement lui donnaient un air sérieux que sa mâchoire carrée accentuait. Il dégageait un charme certain. Lidwine n'avait jamais vu les deux plus jeunes qui ne devaient pas avoir plus d'une dizaine d'années. Les deux petits se ressemblaient très fortement, un copié-collé parfait. Leur seule différence était la couleur de leurs cheveux. La fille avait de longs cheveux noirs, à l'image de son père, et son frère avait hérité des cheveux blonds de sa mère.
— Bonjour, Lidwine, la salua Eïleen, la mère de famille.
— Je préfère que l'on m'appelle Line, répliqua la jeune fille d'un ton posé, sans le moindre animosité, omettant de leur rendre leur salut.
Elle était peu habituée à être appelée par son prénom complet. Très peu de personnes l'employaient et ces dernières étaient aux yeux de Line les privilégiés.
— Très bien, excuse-nous. Nous ne savions pas, répondit doucement son mari de sa voix basse. Veux-tu bien nous suivre, il est temps. Gauthier, tu veux bien aider porter les bagages de Line, s'il te plaît ?
Après avoir jeté un regard étrange à son père, le jeune garçon se dirigea docilement et sans un mot vers la petite valise que Lidwine tenait à ses côtés. Remarquant le peu de bagages qu'elle emportait - seulement sa valise, un violoncelle et un petit sac à dos - il lui demanda d'un ton intrigué :
— Tu n'as que ça ?
— Je n'ai jamais été le genre de fille ayant une garde-robe de trois kilomètres, répondit Line.
Sans soulever son ton direct, il haussa les épaules et attrapa l'anse de la valise. Lidwine nota que son bras était anormalement maigre ; lorsqu'il souleva la valise, son bras fit un soubresaut qui lui attira un regard inquiet de la part de sa mère.
Mais Lidwine n'eut pas le temps de se questionner plus longtemps ; elle se tourna vers la directrice, dont elle avait complètement oublié la présence et qui était adossée à la porte, les observant. Elle adressa un signe de la tête discret à Lidwine qui lui sourit en retour, d'un sourire qui se voulait rassurant. Elle resta quelques instants les deux pieds campés au sol, incapable de bouger, avant de se décider.
Un pied devant l'autre, doucement, se répéta-t-elle dans sa tête pour se rassurer. Inspire, expire. Inspire, expire. Elle se rappela, petite, c'est ce que sa mère lui répétait quand elle avait peur. Elle s'empressa de chasser cette image de sa tête, et avança plus vite, de manière déterminée. Arrivée sur le parking, elle se tourna une dernière fois et sourit en apercevant Mathieu à la fenêtre de sa chambre faire un signe de la main qu'elle s'empressa de lui rendre. Ce petit était certainement celui qui allait le plus lui manquer.
Dès que la voiture démarra, Line détourna les yeux du bâtiment grisâtre dans lequel elle avait passé trois ans de sa vie pour regarder vers l'avant, la route qui défilait, l'emmenant vers de nouveaux horizons...
Voilà mon premier chapitre ! Votre avis m'intéresse grandement, n'hésitez pas ! J'ai tellement hâte de vous faire découvrir la suite...
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