Chapitre 18
Dawn
Mon cœur bat si fort que j'ai l'impression qu'il va briser ma cage thoracique. Je fais un pas vers la porte, puis je m'arrête. Une part de moi hurle de rester là, de ne pas bouger. De verrouiller cette porte et de ne pas chercher à comprendre. Mais une autre part, plus insistante, plus forte, refuse de rester passive.
Je tends l'oreille. Rien. Juste ce silence oppressant qui semble m'écraser un peu plus à chaque seconde. Je me force à avancer, ma main tremblante se posant sur la poignée.
Je respire profondément avant de l'abaisser. La porte s'ouvre doucement, et un souffle d'air froid s'engouffre dans la chambre.
— Nox ? dis-je à mi-voix, presque un murmure.
Le sanctuaire semble figé dans l'ombre. Je fais un pas dans la pièce principale, mes yeux scrutant l'obscurité. Puis je le vois.
Il est étendu sur le sol, son corps massif presque méconnaissable. Ses vêtements sont déchirés, son torse marqué de blessures étranges qui brillent faiblement d'une lumière pâle, presque spectrale. Du sang noir s'écoule lentement de plusieurs plaies, formant des flaques sombres autour de lui.
Mon souffle se coupe.
— Nox !
Je m'élance vers lui, mon instinct prenant le dessus sur la peur. À genoux à côté de son corps, je ne sais pas par où commencer.
Je tends la main pour toucher son épaule, mais je m'arrête, hésitante. Mon cœur tambourine dans ma poitrine, et un frisson glacé me parcourt l'échine.
— Tu m'entends ? dis-je, ma voix tremblant légèrement.
Il ne répond pas. Ses paupières sont mi-closes, ses traits tirés par la douleur. Je sens une vague de panique monter en moi, mais je la repousse. Ce n'est pas le moment de perdre pied.
Mes mains tremblent lorsque je le retourne doucement sur le dos. Son poids semble infiniment lourd, comme s'il était ancré au sol par quelque force invisible. Mon regard se pose sur ses plaies, profondes et inquiétantes, leur lumière spectrale vacillant faiblement comme une bougie presque éteinte.
Le sang noir qui s'écoule est plus qu'étrange : il semble absorber la lumière autour de lui, laissant une teinte oppressante sur ses vêtements déchirés.
— Bordel, qu'est-ce qui t'a fait ça ?! murmuré-je, ma voix à peine plus qu'un souffle.
Il grogne faiblement, un son rauque et brisé qui me donne un frisson. Ses lèvres bougent, mais aucun mot intelligible n'en sort.
Je lutte contre l'envie de paniquer. Il faut que je l'aide. Il faut que je le sorte de là.
Je glisse mes bras sous ses épaules, tirant avec toute la force que je peux rassembler. Mon souffle s'accélère alors que je le traîne sur quelques mètres, ses pieds raclant le sol.
— Tu as intérêt à t'accrocher, Nox, parce que je refuse de crever ici. Tu m'entends ?! crie-je, plus pour moi-même que pour lui.
Je serre les dents, mes muscles protestant sous l'effort, et l'entraîne vers la chambre. Chaque pas est une lutte, chaque mouvement me semble interminable, mais je ne m'arrête pas.
Lorsqu'enfin nous atteignons le lit, je le soutiens d'un bras tout en balayant d'un geste brusque ce qui encombre le matelas. Des papiers, des carnets, même la statuette dorée tombent au sol dans un fracas indifférent.
— Désolée pour le bazar, lâché-je dans un souffle, presque hystérique.
Je l'allonge sur le lit aussi doucement que je peux, mais son corps s'affaisse lourdement. Je reste un instant figée, haletante, mes mains crispées sur les draps. Mon regard se pose à nouveau sur lui. Son torse se soulève à peine, ses blessures continuant de saigner lentement.
Je m'assieds à côté de lui, mes pensées tournant à toute vitesse.
— Allez, réveille-toi, murmuré-je, en posant une main sur son épaule.
Sa peau est brûlante sous mes doigts, tendue par des muscles que je sens vibrer de douleur. Cette chaleur, ce contraste entre sa force visible et sa vulnérabilité actuelle, me trouble. Je détourne le regard, essayant de me concentrer sur autre chose. Ce n'est pas le moment pour... ça.
Je tire doucement sur ce qui reste de sa chemise, déchirée et imbibée de son sang noir. Chaque mouvement révèle davantage de son torse meurtri, constellé de marques sombres et de ces étranges cicatrices lumineuses.
— Merde, qu'est-ce que je suis censée faire ? soufflé-je, ma voix se brisant légèrement.
Nox grogne à nouveau, sa tête bougeant à peine sur l'oreiller. Ses paupières papillonnent, et un murmure presque inaudible s'échappe de ses lèvres :
— Trop... proches...
Je me penche vers lui, cherchant à comprendre.
— Quoi ? Trop proches de quoi ? De qui ?
Ses yeux s'entrouvrent brièvement, d'un gris pâle et trouble, avant de se refermer.
— Nox, tiens bon. Tu ne peux pas me laisser ici toute seule, tu m'entends ?!
Je passe une main dans mes cheveux, le souffle court. Rien de tout ça n'a de sens. Mais si je veux qu'il survive, il faut que je fasse quelque chose, même si je ne sais pas encore quoi.
Je fouille rapidement dans la pièce, ouvrant les tiroirs, cherchant quelque chose, n'importe quoi, pour nettoyer ses blessures. Un tissu propre. Une bouteille d'eau. Une simple idée de ce que je suis censée faire. Mais rien de tout cela ne m'apparaît évident.
Je reviens près du lit avec un morceau de tissu qui semble assez propre. Je le trempe dans l'eau d'un récipient trouvé sur une étagère et presse doucement sur une de ses plaies. Le sang noir s'étale sous mes doigts, épais et gluant, presque vivant.
— Qu'est-ce que tu es, Nox ? murmuré-je, plus pour moi-même que pour lui.
Sa poitrine se soulève faiblement, et un autre grognement lui échappe. Ses paupières bougent légèrement, mais il ne se réveille pas.
Je continue de nettoyer ses blessures, mes gestes maladroits et hésitants. Chaque pression semble inutiles face à l'ampleur des dégâts. La panique monte.
— Tu n'as pas le droit de mourir, tu m'entends ?! soufflé-je entre mes dents.
Ma voix tremble, mais mes mains refusent de s'arrêter. C'est comme si mon corps entier se battait contre l'impuissance. Je presse plus fort sur une plaie qui traverse son flanc, mais le tissu ne fait que s'imbiber de son sang sombre.
Je pousse un cri de frustration.
— Merde, Nox ! Fais un effort. Je ne vais pas pouvoir faire ça toute seule.
Et alors que ma main glisse sur son flanc pour essayer de stabiliser son corps, quelque chose d'étrange se produit.
Une chaleur monte en moi, d'abord douce, puis intense, comme un feu qui se propage de mes entrailles à mes bras. Mes doigts, posés sur sa peau brûlante, semblent s'illuminer d'une lumière dorée, vive et éclatante.
Je recule d'un coup, le souffle court, mais la lumière ne disparaît pas. Elle brille toujours, pulsant doucement au bout de mes doigts.
— Qu'est-ce que... ?
Mon regard se fixe sur Nox. Là où mes mains ont touché, les plaies commencent à se refermer lentement, laissant des marques plus pâles, presque cicatrisées.
— Non, murmuré-je en reculant davantage, les yeux écarquillés.
Je regarde mes mains comme si elles appartenaient à quelqu'un d'autre. La lumière s'estompe peu à peu, mais la chaleur reste, imprégnée dans ma peau.
Nox grogne à nouveau, et cette fois, ses yeux s'ouvrent.
— Arrête... murmure-t-il d'une voix rauque.
Je sursaute, mais je m'approche à nouveau, ma peur éclipsée par l'urgence de la situation.
— Nox, tu m'entends ?
Il tente de lever une main, mais son bras retombe sur le lit, trop faible pour soutenir son propre poids.
— Ne... fais pas ça, articule-t-il avec difficulté. Trop... risqué.
— Risqué ?! Tu es à moitié mort, et tu oses me dire ça ?!
Son regard croise le mien, et même dans son état affaibli, il y a une intensité dans ses yeux qui me coupe le souffle.
— Ils... viendront...
Ses mots se perdent dans un murmure indistinct. Ses paupières se ferment à nouveau, et sa tête tombe sur le côté.
— Nox !
Je le secoue doucement, mais il est déjà reparti dans l'inconscience.
Je reste figée, mes mains tremblant légèrement. La lumière dorée a disparu, mais la chaleur qui l'accompagnait semble imprégnée dans ma peau, comme une trace indélébile. Je ne comprends pas ce qui vient de se passer.
Je regarde mes mains, puis Nox, puis à nouveau mes mains. Une part de moi veut croire que c'est lui qui a provoqué cette lumière, que c'est encore une de ses anomalies, quelque chose qu'il a déclenché. Mais au fond, je sais que ce n'est pas vrai.
C'est moi.
C'est venu de moi.
Un frisson me traverse, glacé et brûlant à la fois. J'ai vu ces plaies se refermer sous mes doigts. J'ai ressenti cette énergie comme si elle faisait partie de moi, comme si elle avait toujours été là, tapie dans l'ombre, attendant d'être réveillée.
— Qu'est-ce que tu m'as fait, Nox ? murmuré-je, ma voix brisée par la panique.
Mais il ne peut pas répondre. Il est là, allongé, presque immobile, et c'est moi qui ai fait ça. Moi qui ai...
Je me redresse brusquement, reculant jusqu'au bord du lit. Mon souffle est court, saccadé. Mon cœur tambourine dans ma poitrine, et mes pensées tourbillonnent dans un chaos que je ne peux pas contrôler.
"Tu es spéciale."
Les mots de Nox me reviennent comme un coup de fouet. Cette fois, ils ne sonnent plus comme une énigme ou une insulte. Ils sonnent comme une vérité que je refuse de regarder en face.
Je serre les poings, mes ongles s'enfonçant dans mes paumes, cherchant un ancrage dans cette réalité qui m'échappe.
— Non, non, non...
Je fais les cent pas dans la pièce, évitant de poser les yeux sur lui. Mon esprit me joue des tours, ramenant des images floues et incohérentes. Des souvenirs d'enfance, des sensations étranges que j'ai toujours ignorées, des moments où je savais que quelque chose ne tournait pas rond chez moi.
L'oiseau. Cette lumière dorée qui a traversé mes mains, il y a des années, et que j'ai enterrée si profondément que je croyais qu'elle n'avait jamais existé.
C'est elle. C'est la même.
Je m'arrête net, mon regard se posant à nouveau sur Nox.
— Tu savais, soufflé-je. Tu savais que ça arriverait.
Mais lui, toujours inconscient, ne bouge pas. Sa respiration est lente et laborieuse, mais régulière.
Je retourne m'asseoir sur le bord du lit, mon regard passant de ses blessures partiellement refermées à son visage, si étrangement paisible malgré tout ce qu'il vient de traverser.
— Si tu crois que je vais attendre ici sans rien faire, tu te trompes, dis-je à voix basse, presque pour moi-même.
Je serre mes mains l'une contre l'autre, comme pour retenir cette lumière qui pourrait surgir à nouveau.
Je reste immobile, assise sur le bord du lit, le regard rivé sur Nox. Sa poitrine se soulève lentement, chaque respiration semblant un effort monumental. Ses blessures sont encore visibles, mais moins terrifiantes qu'avant. Malgré moi, un poids quitte ma poitrine à cette constatation.
Les hiéroglyphes sur les murs pulsent faiblement, leur lumière dorée vacillant comme une flamme fragile. L'air dans la pièce semble plus lourd, chargé d'une tension que je ne peux pas nommer.
Je me lève lentement, jetant un coup d'œil à la pièce principale à travers la porte entrouverte. Rien. Juste ce silence oppressant, ce vide inquiétant qui semble engloutir tout.
Je reviens vers lui.
— Qu'est-ce qui t'a mis dans cet état ? murmuré-je, ma voix à peine audible.
Pas de réponse. Évidemment.
Je m'installe à nouveau à ses côtés, mes doigts frôlant inconsciemment le tissu qui couvre ses épaules. Sa peau est toujours brûlante sous mes doigts, mais cette fois, elle ne me fait pas peur. Elle est vivante.
Je serre les dents. Une vague de colère monte en moi. Pas contre lui, mais contre tout ce qui nous entoure. Ces mystères, ces menaces invisibles, cette lumière dorée en moi que je ne comprends pas.
— Si tu savais tout ça... si tu savais ce qui allait arriver... pourquoi tu ne m'as rien dit ?
Je m'interromps, réalisant l'absurdité de parler à quelqu'un qui ne peut pas me répondre.
Je tire une chaise près du lit et m'y installe. Mon regard reste fixé sur lui, cherchant des indices sur ce qu'il vient de traverser. Je me demande quelle sorte de monstre ou d'ennemi a pu infliger de telles blessures.
Un léger frisson me parcourt.
Je ne peux pas fuir. Je ne peux pas sortir d'ici. Il n'y a que ce sanctuaire, ses murs ornés de runes et de secrets, et cet homme inconscient qui semble porter tout ce chaos sur ses épaules.
— Reviens vite, Nox, murmuré-je. Je ne peux pas affronter tout ça toute seule.
Les hiéroglyphes s'éteignent presque entièrement pendant une seconde, plongeant la pièce dans une obscurité quasi totale, avant de se rallumer d'un éclat vacillant. Je sursaute, mais rien ne bouge.
Je me rassieds, mes mains croisées devant moi, prête à veiller sur lui. Peu importe combien de temps cela prendra.
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