Chapitre 10
Nox
Le vent, froid et chargé d'humidité, glisse sur ma peau. D'ici, tout semble irréel. Le toit du musée est l'un des rares endroits où je peux encore respirer. Ici, au sommet, il n'y a ni visages, ni attentes, juste le silence et cette distance rassurante qui me sépare du chaos en bas. Pourtant, même cette solitude ne m'offre plus le refuge qu'elle promettait autrefois. Une vibration imperceptible se glisse dans l'air, une dissonance qui trouble le calme nocturne. Avant même qu'il ne parle, je sais qu'il est là.
— Tu comptes rester là toute la nuit à broyer du noir, ou tu vas enfin bouger ?
La voix traînante et familière surgit derrière moi, brisant le calme.
— Je médite, dis-je en haussant les épaules. Ce serait bien que tu essaies un jour, Khepri.
— Ah, mais je médite déjà. Sur ton incroyable capacité à faire toujours les mauvais choix.
Je soupire et me redresse, croisant les bras contre ma poitrine. Khepri est là, bien sûr, perché nonchalamment sur le bord du toit. Son sourire, tout en angles et en malice, brille dans l'obscurité.
— C'est drôle que tu parles de mauvais choix, dis-je. Toi qui passes ton temps à m'encourager à les faire. Ton talent pour critiquer dépasse ton utilité, Khepri. Peut-être que tu devrais méditer là-dessus
Il ricane, un son bas et déplaisant.
— Je ne fais que souligner l'évidence, Nox. Toi, Dawn... c'est écrit dans les étoiles, non ? Le grand drame cosmique, avec toi dans le rôle du martyr silencieux.
Je serre les mâchoires, mais je ne réponds pas. Parce qu'il a raison, et ça me tue de l'admettre. Je m'étais promis, cette fois, de rester loin d'elle. De briser le cycle. Mais elle est là, encore. Et, comme un maudit aimant, je gravite autour d'elle, incapable de m'extirper de cette spirale mortifère.
Khepri penche la tête, ses yeux sombres brillants d'un amusement cruel.
— Tu sais que ça ne sert à rien de lutter. Vous êtes liés, toi et elle. C'est toujours la même histoire : tu essaies de l'éviter, mais quelque chose, ou quelqu'un, te pousse vers elle. Une fatalité, une boucle... Appelle ça comme tu veux, mais la fin est toujours la même.
Je me lève d'un bond, le vent sifflant autour de moi. Ma colère bout sous la surface, mais je la maîtrise, comme toujours.
— Je ne suis pas obligé de suivre ce chemin, répliqué-je. Pas cette fois.
Khepri se redresse à son tour, ses mouvements aussi fluides que ceux d'un prédateur. Il s'approche, et même sans contact, je ressens le poids de son mépris.
— Ah oui ? Et les "coïncidences" ? La fac, le musée, maintenant ce bracelet qu'elle porte et qui la lie à toi de manière... fascinante. Tu vas me dire que tout ça, c'est un hasard ?
Sa voix est douce, presque hypnotique. Mais elle n'a pas besoin de l'être. Parce qu'au fond, je sais qu'il a raison. Je le sais depuis le moment où nos regards se sont croisés dans ce fichu musée, cet endroit qui était jusqu'ici pour moi un sanctuaire.
Je me détourne, fixant à nouveau la ville en contrebas. Mon poing se serre malgré moi. L'air autour de nous est chargé d'une tension électrique, comme avant un orage. Et quelque part en moi, une voix murmure que Khepri a raison : lutter ne sert à rien.
Mais je ne peux pas m'y résoudre. Pas encore.
— Tu vas rester planté là ou tu vas aller voir ? murmure la voix de Khepri, cette fois plus douce, presque séduisante.
— Laisse-moi, dis-je, ma voix basse et rauque.
— Comme si j'avais le choix, répond-il en ricanant.
Il disparaît presque instantanément, s'évaporant dans l'ombre comme il est venu. Mais son absence ne m'apporte aucun répit. Le poids de ses paroles reste, lourd et oppressant.
Je ferme les yeux un instant, cherchant à calmer le chaos dans mon esprit. Puis, avant que ma peur ne me paralyse, je me transforme. Mon corps se dissout en une brume sombre et froide, glissant dans la nuit comme un souffle.
Je n'ai pas besoin de réfléchir pour savoir où aller.
Mon instinct me montre le chemin.
Je me matérialise silencieusement sur le toit du Pigeon & Pen. Je reste là, figé, car agir signifierait ouvrir une porte que je ne pourrais plus refermer. Elle est encore si fragile, et moi... Je suis une tempête en cage. Si je m'approche, je pourrais tout briser.
Mes pieds touchent à peine la surface froide et rugueuse du toit. Mon souffle est lent, maîtrisé, mais mon esprit tourbillonne. Je scrute les lieux, et il ne me faut que quelques secondes pour la repérer.
Dawn est là, assise près de la fenêtre. Son visage est légèrement tourné vers son amie, qui parle avec des gestes animés. Un grand brun que je sais se prénommer Tyler, rit bruyamment, faisant mine de lever un toast, tandis que le blond déjà aperçu avec elle, plus discret, sirote son café en silence. Mais ce n'est pas la scène autour d'elle qui m'obsède. C'est elle.
Elle paraît calme, presque normale. Pourtant, je ressens encore l'écho de son aura, cette onde qui déchire la nuit comme un hurlement silencieux.
Khepri surgit à mes côtés, sa présence aussi légère que l'ombre d'un nuage. Il ne dit rien au début, se contentant d'observer avec moi. Mais je peux sentir son amusement, cette satisfaction moqueuse qu'il dégage toujours dans ces moments-là.
— Oh, mais qui vois-je... ricane-t-il.
Je ne réponds pas. Mes yeux restent fixés sur elle, absorbant chaque détail. Le léger tremblement de ses mains quand elle soulève son verre. La façon dont elle serre ses doigts autour du bracelet à son poignet, comme si elle cherchait un ancrage.
Ce bracelet. Je plisse les yeux, tentant d'ignorer l'agacement que suscite Khepri. Je connais ce genre d'artefact, ou du moins, je crois le connaître. Mais pourquoi ici ? Pourquoi maintenant ? Et pourquoi elle ?
— Tu pourrais descendre, tu sais. Aller la voir. Faire ton grand numéro mystérieux et protecteur, suggère Khepri avec une pointe de sarcasme.
— Tais-toi.
Il rit doucement, un son grave et moqueur qui glisse sur ma peau comme une lame.
— Oh, Nox. Tu es si prévisible. Toujours à lutter, toujours à espérer. C'est presque attendrissant.
Je me retourne enfin vers lui, mes yeux se plissant sous la lueur de défi qu'il m'adresse.
— Si tu es là pour me pousser à faire une erreur, tu perds ton temps, Khepri.
— Une erreur ? Il penche légèrement la tête, ses traits anguleux se tordant en une expression presque innocente. Et si je te disais que l'erreur serait de ne rien faire ?
Je détourne le regard, serrant les poings. Mes ongles mordent ma paume, mais la douleur n'est rien comparée au tumulte qui gronde en moi.
— Je me suis promis de rester loin d'elle, murmuré-je, presque pour moi-même.
Khepri ricane.
— Et comment ça marche pour toi, cette promesse ? Parce que d'ici, ça ressemble plutôt à un échec monumental.
Je serre la mâchoire, mes dents grinçant légèrement sous la pression. Il a raison, bien sûr. Cette promesse, c'était une illusion. Un mensonge que je m'étais raconté pour me convaincre que je pouvais briser le cycle.
Mais la vérité ? Elle est là, sous mes yeux. Dawn, toujours à portée, toujours au centre de ce maelström qui m'attire inévitablement.
— Elle est différente, dis-je, presque à contrecœur.
— Ah, voilà qui est nouveau, ironise Khepri. "Elle est différente." Où est-ce qu'on a déjà entendu ça ? Ah oui, partout dans les siècles précédents. Toujours la même histoire, Nox. Toujours.
Je me détourne de lui, mon regard revenant instinctivement sur Dawn. Elle sourit légèrement à la blonde à ses côtés, mais quelque chose dans sa posture trahit son malaise. Ce n'est pas un sourire complet. Pas un sourire sincère. Elle sait. Pas tout, bien sûr, mais suffisamment pour sentir que quelque chose en elle change.
— Tu crois qu'elle se souvient ? demandé-je finalement, ma voix rauque.
— Pas encore, répond Khepri, pivotant vers moi avec une nonchalance étudiée. Mais elle commence à sentir les fissures. C'est toujours comme ça au début, non ? Les rêves, les intuitions...
Je serre les poings, inspirant profondément pour calmer la colère qui gronde en moi. Mais cette colère, je sais qu'elle n'est pas dirigée contre lui. Elle est contre moi, contre cette malédiction, contre ce cycle interminable qui me lie à elle et à cette douleur.
Puis, mes pensées sont interrompues par un mouvement. Le jeune homme, assis près de Dawn, se penche légèrement vers elle. Ses lèvres bougent à peine, murmurant quelque chose que je ne peux entendre d'ici. Mais c'est son expression qui me fait tressaillir.
Ses yeux. Cette intensité qu'il réserve à Dawn, ce mélange de douceur feinte et de calcul précis. Je ne suis pas fou. Je sais ce qu'il est, et je sais ce qu'il veut.
— Oh, notre Dawn a un admirateur... murmure Khepri, sa voix redevenue traînante.
— Je ne le laisserai pas la toucher, dis-je entre mes dents.
Khepri éclate de rire, son amusement résonnant dans la nuit.
— Oh, Nox. C'est adorable. Tu crois encore que tu peux la protéger ? Tu crois encore que tu es celui qui peut changer la fin de cette histoire ?
Je ne réponds pas. Parce que je ne sais pas. Tout ce que je sais, c'est que je ne peux pas rester ici, sur ce toit, à regarder sans rien faire.
Je ferme les yeux un instant, me préparant à ce qui va suivre. La brume sombre commence à m'envelopper à nouveau, prête à m'emporter loin d'ici.
Mais alors que je m'évapore, une pensée me frappe comme un coup de poignard.
Et si Khepri avait raison ? Et si tout cela, cette lutte, ce combat que je mène depuis des siècles... n'était qu'un leurre ?
Je me matérialise quelques mètres plus loin, cette fois sur un lampadaire qui surplombe directement la table où Dawn et ses amis sont assis. Je ne sais pas pourquoi je suis venu si près. Peut-être parce que je n'ai jamais su rester loin d'elle, pas vraiment.
Je me tiens parfaitement immobile, l'ombre me recouvrant entièrement. Les rires et les voix résonnent clairement dans l'air froid. Kephri est toujours là, silencieux mais présent, comme une menace qui flotte à peine sous la surface.
Et elle... Dawn. Elle est assise, les mains serrées autour de son bracelet, son regard se perdant parfois sur l'or qui brille doucement. Ce geste semble instinctif, mais il en dit long. Elle cherche des réponses. Elle le sent, elle sent que ce qui se passe en elle dépasse l'entendement, même si elle n'ose pas encore l'affronter.
— Tu pourrais descendre, glisse Khepri dans mon dos. Juste pour lui dire bonjour. Ou peut-être lui t'excuser pour ton comportement à la Faculté. Tu sais, un geste gentil.
— Je ne suis pas ici pour ça, murmuré-je en réponse, mon ton plus froid que je ne l'avais prévu.
— Ah, bien sûr. Tu es là pour... quoi, exactement ? Observer de loin comme un sombre héros maudit ? Regarde-toi, ricane Khepri. Jaloux comme un gamin dans une cour d'école.
— Ce n'est pas de la jalousie, répliqué-je brusquement, serrant les poings.
— Bien sûr que si. Mais ce n'est pas grave, Nox. Tout le monde sait que tu es pathétiquement attaché à elle. Pourquoi ne pas l'admettre ? Ça te ferait du bien.
Je tourne enfin la tête vers lui, mes yeux étincelant d'une colère contenue.
— Si tu continues, je vais te jeter de ce toit, grogné-je.
Il éclate de rire, ses bras croisés sur sa poitrine.
— Oh, je t'en prie. Tu ne te débarrasseras jamais de moi. On est liés, toi et moi, pour le meilleur et surtout pour le pire.
Je détourne à nouveau mon regard, incapable de le supporter plus longtemps. Dawn se lève à cet instant, attirant mon attention. Ses mains glissent sur la table pour récupérer son sac, et je remarque un mouvement imperceptible : elle frotte son poignet, là où repose le bracelet. Une lumière dorée vacille faiblement sur le métal, invisible à l'œil nu. Mais pas pour moi.
Cette lumière... Elle résonne en moi. Une énergie familière, ancienne, qui me traverse comme un écho d'une époque lointaine. Une époque où elle et moi étions différents, mais déjà liés. Un frisson me parcourt, mélange de nostalgie et de peur, et je recule d'un pas, oppressé par cette sensation, mais incapable de m'en détourner.
— Elle s'éveille. Plus vite que prévu. Et toi, tu ne fais rien, murmure Khepri, sa voix étrangement sérieuse cette fois.
Je serre les poings, mes ongles creusant des marques dans mes paumes. Je ne peux rien faire. Pas maintenant. Pas quand je sais que chaque pas vers elle ne fait que renforcer le cycle.
Mais alors que je contemple Dawn une dernière fois avant qu'elle ne quitte le café, une pensée s'impose à moi avec une clarté déconcertante : et si cette fois, c'était différent ? Et si cette fois, il y avait une chance, aussi infime soit-elle, de briser le cycle ?
— Descends, murmure Khepri, sa voix étrangement douce. Va lui parler.
— Non.
— Alors regarde-la partir, comme tu l'as toujours fait.
Ses mots me frappent plus fort que je ne l'aurais cru. Dawn s'éloigne, ses amis marchant à ses côtés. Son sourire est là, mais il vacille, tout comme sa démarche. Elle est fatiguée, troublée.
Je reste là, figé, à la regarder disparaître dans la nuit. Mon cœur est un poids lourd dans ma poitrine. Parce que je sais que Khepri a raison. Je sais que je suis lâche. Mais surtout, je sais que cette lumière, aussi belle soit-elle, est aussi une malédiction. Et elle finira par tout détruire. Je ferme les yeux et laisse la brume m'envelopper à nouveau.
La brume se resserre autour de moi, froide et dense, un cocon familier. Je me laisse glisser à travers la ville, survolant les toits et les rues endormies. Le souvenir de Dawn reste gravé dans mon esprit, comme une empreinte brûlante que je ne peux effacer.
Quand je réapparais enfin, c'est au sommet du musée, mon sanctuaire. Les rues désertes et silencieuses s'étendent devant moi. La brume de la nuit adoucit les contours, rendant tout flou, irréel. Mais rien de tout cela ne m'apaise.
Khepri est déjà là, bien sûr. Il n'a pas besoin de brume pour se déplacer. Il se tient accroupi sur le rebord, ses yeux brillants fixés sur moi. Son éternel sourire sarcastique a disparu, remplacé par une expression que je ne vois pas souvent chez lui : le sérieux.
— Tu ne peux pas continuer comme ça, dit-il simplement.
Je l'ignore, préférant me concentrer sur les ombres mouvantes des rues en contrebas. Mais il ne me laisse pas m'échapper.
— Pourquoi es-tu si silencieux ce soir ? continue Khepri, sa voix un peu plus mordante.
D'habitude, tu as toujours une réplique, une excuse pour justifier ton inaction.
— Je réfléchis, dis-je enfin, ma voix rauque.
— Tu réfléchis ? C'est une nouveauté, ricane-t-il. Allez, dis-moi. À quoi ?
Je ferme les yeux, essayant de mettre de l'ordre dans mes pensées. Mais c'est un chaos.
— Je ne veux pas la condamner, murmuré-je, à peine audible.
Khepri reste silencieux un instant. Quand il reprend, sa voix est étrangement douce.
— Ce n'est pas toi qui la condamnes, Nox. C'est le cycle. Tu peux essayer de te tenir à l'écart, mais tu sais que ça ne changera rien. Vous êtes liés, toi et elle. Depuis toujours.
Je serre les poings, ma mâchoire se contractant sous la tension. Liés. Ce mot me hante, parce qu'il est à la fois une promesse et une malédiction. Je ne peux pas la protéger de ce lien. Et chaque fois que je m'approche d'elle, c'est pire.
Mais ce que Khepri ne dit pas, ce que je refuse de reconnaître, c'est que je ne peux pas non plus rester loin d'elle.
— Alors, qu'est-ce que tu vas faire ? demande-t-il enfin, rompant le silence.
Je ne réponds pas tout de suite. Mes yeux se posent sur l'horizon, là où Dawn a disparu. Une partie de moi veut croire qu'il est encore temps, qu'il y a une autre voie. Mais une autre, plus sombre, sait que le destin n'a jamais été de mon côté.
— Je vais observer, dis-je finalement.
Khepri éclate de rire, un son rauque qui résonne dans l'air froid.
— Observer ? C'est tout ce que tu sais faire, hein ? Observer, attendre, et laisser les choses s'écrouler. Bravo, Nox. Vraiment.
Je ne réponds pas, car il a raison. Et c'est précisément ce qui me terrifie. Je suis paralysé, incapable de choisir une voie.
Mais alors que je fixe les lumières de la ville, une pensée surgit, claire et inéluctable : peut-être que cette fois, je dois agir différemment. Peut-être que cette fois, rester en retrait n'est pas la réponse.
— Peut-être que je devrais lui parler, dis-je finalement, à mi-voix.
Khepri se redresse, surpris. Son sourire s'élargit.
— Oui, bien sûr, fais-le, Nox. Mais souviens-toi : chaque fois que tu t'es approché, elle en a payé le prix. Es-tu sûr d'être prêt à porter ce fardeau encore une fois ?
Je l'ignore, mais une étincelle de détermination commence à s'allumer en moi. Parce que même si je sais que m'approcher de Dawn est risqué, rester loin d'elle l'est tout autant. Si elle s'éveille, si cette lumière grandit, elle aura besoin de réponses. Des réponses que je suis probablement le seul à pouvoir lui donner.
Et peut-être... peut-être qu'il y a une chance, aussi infime soit-elle, que je puisse briser ce cycle.
— Mais pas maintenant, ajouté-je, me détournant de Khepri.
— Évidemment. Parce que pourquoi faire quelque chose maintenant quand tu peux attendre et compliquer encore plus les choses ? lance-t-il, moqueur.
Je lui lance un regard noir, mais il ne se démonte pas. Il sait que j'ai déjà pris ma décision, même si je ne veux pas encore l'admettre.
La brume me ramène à mon appartement exigu, perché en haut d'un immeuble abandonné en périphérie de la ville. L'endroit est vide, silencieux. Des murs nus, un lit simple, une table encombrée d'objets anciens. Ce lieu n'a jamais eu besoin d'être confortable, seulement fonctionnel. Un abri temporaire pour une vie sans ancrage.
Je m'effondre sur le vieux fauteuil près de la fenêtre, une main passée sur mon visage. Mes pensées tourbillonnent, hantées par l'image de Dawn et de cette lumière. Cette force qu'elle a dégagée, brutale et pure. Elle ne contrôle rien pour l'instant, mais c'est une question de temps. Une fois que son pouvoir s'éveillera pleinement, les conséquences seront inévitables.
Khepri, bien sûr, ne m'a pas suivi. Ici il ne peut pas, aucune magie ne peut franchir les murs. Les hiéroglyphes tracés sur ces derniers sont autant de barrières lui en interdisant l'accès. Son absence est presque un soulagement. Mais même sans lui, ses mots résonnent encore.
« C'est toujours la même histoire. »
Je serre les poings, luttant contre la vague de frustration qui monte en moi. Ce n'est pas la même histoire. Ça ne peut pas l'être. Pas cette fois.
Mes yeux se posent sur un objet posé sur la table : un petit scarabée en obsidienne, l'un des nombreux artefacts que j'ai restaurés au fil des siècles. Sa surface noire reflète faiblement la lumière de la lune qui filtre à travers la fenêtre. Je tends la main pour le saisir, le poids froid et lisse contre ma paume me ramenant un instant à la réalité.
Le scarabée, symbole de renaissance. D'un cycle sans fin. Une ironie cruelle.
Je le repose avec un soupir, fixant le plafond. Khepri avait raison sur un point : je ne peux plus rester passif. Mais me rapprocher de Dawn signifie aussi risquer de la condamner. Chaque fois que nos vies se croisent, elle finit par souffrir. Par mourir. Je ne peux pas supporter l'idée de provoquer cela à nouveau.
Et pourtant... Peut-être que cette fois, elle est différente. Peut-être qu'elle est plus forte que les autres.
Ou peut-être que je me berce d'illusions. Encore.
Mon regard dérive à travers la pièce, s'arrêtant sur une petite boîte en bois sculpté, rangée sur une étagère poussiéreuse. Je me lève lentement, mes pas résonnant sur le plancher. Ouvrir cette boîte, c'est plonger dans un passé que je préfère oublier. Mais quelque chose me pousse à le faire.
À l'intérieur, une collection de souvenirs. Des fragments de vies passées, des reliques d'un temps révolu. Une mèche de cheveux brun clair, une bague en argent ternie, un morceau de tissu usé. Des choses sans valeur pour quiconque d'autre, mais qui représentent tout pour moi.
Au milieu de ces reliques, une lettre. Le papier jauni et fragile semble prêt à se désintégrer au moindre contact. Je l'ouvre doucement, mes yeux parcourant les mots écrits dans une écriture que je connais trop bien.
« Nox,
Je sais que tu essaies de me protéger. Mais ce n'est pas à toi de porter ce fardeau seul. Nous sommes liés, toi et moi, pour le meilleur et pour le pire. Tu ne peux pas m'éloigner de toi, car je reviendrai toujours. Alors arrête de te battre contre ce qui est inévitable. Peut-être que cette fois, nous pourrons briser le cycle. Ensemble.
I. »
Mes mains tremblent, incapables de refermer la lettre. Son écriture, pourtant si simple, porte le poids de siècles d'échecs. Chaque mot est un coup de poignard, me rappelant toutes les fois où j'ai échoué à la protéger. Mais au milieu de cette douleur, une étincelle d'espoir s'éveille. Et si elle avait raison ? Et si, cette fois, tout pouvait être différent ?
Je serre le papier dans ma main, mes yeux se posant à nouveau sur la ville endormie à travers la fenêtre. Dawn ne sait pas encore qui elle est, ni ce qu'elle est capable de faire. Mais elle aura besoin de moi pour comprendre. Pour se préparer.
Et peut-être que cette fois, je pourrai la sauver. Peut-être que cette fois, je ne la perdrai pas.
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