Chapitre 43 Ravier
Ravier visionnait pour la énième fois la célèbre série relatant la mafia napolitaine sur son écran plat poussiéreux. Il n'avait jamais lu le livre écrit par l'écrivain et journaliste italien. Le trentenaire n'avait ni la patience ni l'imagination d'interpréter les écrits en lisant. Il préférait le voir, goûter au spectacle réel de la dépravation humaine à l'état pur !
Personne ne pouvait réellement comprendre la luxure, le banditisme sans l'avoir vécu au préalable.
Il porta la bouteille de whisky aux lèvres pour en engloutir trois cents millilitres d'une rasade.
Quelle était la distance séparant nos deux mondes ? Le nôtre, celui respectueux des lois, anxieux de réprimandes policières et l'autre, celui du milieu, des affranchis, des truands ou encore des voyous.
Il posa la bouteille trop proche du bord de la table, elle trébucha sur la moquette pour rouler contre un carton de sachet vide de nourriture séché.
Ravier avait mal débuté dans la vie, niveau scolaire ridicule, perte malencontreuse de sa mère dans un attentat terroriste, suicide de son père.
Le premier tournant positif avait été la rencontre de Laetitia. Il avait accepté de renoncer à son défaitisme. Le Palois avait eu l'opportunité de se présenter à une formation d'agent de sécurité et d'avoir le diplôme. Une société de sécurité l'avait embauché pour gérer des interventions d'urgence.
Mais le changement radical dans sa vie avait été la rencontre avec le comte Lucien De Vaucluse. Il avait répondu à une demande d'agent de sécurité devant exécuter des patrouilles sur un domaine privé. Il se souviendrait toujours du passage de la lourde porte coulissante. On pénétrait dans un autre monde. Les tourelles, les fortifications, certains hommes armés démontraient que Lucien n'était pas seulement comte ! Ravier s'en contrefichait, la paye était intéressante, le respect de patron à employer n'existait nulle part ailleurs. Lorsque le comte croisait son chemin en jaguar il le saluait avec sympathie en disant, « salut Ravier » !
Il existait les patrouilles intérieures et extérieures au domaine. Ravier appartenait à l'équipe « traverse » responsable des patrouilles extérieures au mur d'enceinte. Il occupait la place passager d'une jeep conduite par Esteban, dont la vingtaine toute tapante ne coïncidait ni avec le comportement ni la parole. Le breton plaisantait sans arrêt, mais reprenait son sérieux à la moindre entourloupe. Ravier et lui partageaient de longues discussions, mais il ignorait ou se trouvait la vérité ou la fiction dans les propos de son interlocuteur. Seul un centenaire aurait pu vivre autant de souvenirs !
Mais la malchance fut de retour lorsque Laetitia avait été promue manager dans un centre commercial sur Bordeaux. Elle l'avait obligé à démissionner pour emménager à Gradignan.
Ce fut le début de la fin.
Le comte l'avait fait embauché par une société de sécurité sur Bègles, mais le travail n'était pas aussi intéressant. Sa compagne le trompa à plusieurs reprises avant de rompre. Il commit l'erreur de chercher vengeance en brutalisant les responsables de l'adultère. Le jugement avait statué six mois de prison avec sursis. Il fut incarcéré dix mois.
A la sortie, Ravier sombra dans l'alcoolisme.
Lorsque la pandémie avait commencé, Ravier travaillait dans une entreprise de nettoyage. Il avait tenté de rejoindre Langon pour demander asile au comte. Aurait-il accepté ? On ne le sera jamais, car Ravier avait échoué dans la ville de Cadillac.
Il avait vainement fait du porte-à-porte pour finalement se retrouver dans un camping-car récemment abandonné. Il logeait depuis plusieurs semaines sur l'Avenue Joseph Caussil à Cadillac. Le cimetière se trouvait sur sa droite, la caserne de pompier juste en face, la gendarmerie à côté.
Ravier observa son reflet dans la bassine d'urine, traits tirés, croûtes de peau, cheveux gras. Il ne ressemblait à rien, n'était qu'une loque. Le gémissement incessant des zombis rappelait leurs présences. Ils tapaient, frôlaient le véhicule, mais sans s'en écarter. Ils le sentaient, patienteraient !
— Dégagez, hurla-t-il en frappant la vitre plastique.
Il balaya les coussins du canapé pour se lever. Les grognements, gémissements doublèrent de volume dans la rue. Ravier tambourina la paroi pour glisser dessus afin de tomber à genoux.
— Pourquoi ? Pourquoi suis-je seul, abandonné, murmura-t-il en pleurant ? Qu'ai-je fait ?
Les zombis heurtaient brutalement le camping-car en le faisant tanguer. Le Palois ne pouvait en davantage. Il se leva pour approcher d'un amas de vêtements, guenilles sales.
Il attrapa le fusil récupéré peu de temps avant pour le regarder. Il colla le canon sous son menton, posa son pouce sur la détente pour la presser. La détonation fit trembler la pièce en arrachant une partie de son visage.
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