Matt longeait le garage de voitures de luxe en fumant un cigare. Le masqué détourna le regard en direction du manoir, du parc, puis de l'immense portail coulissant de plusieurs tonnes ! Il observa longuement l'entrée du domaine que franchirait prochainement Luciang. Une question l'avait turlupiné au sujet du prénom de comte passant de Lucien à Luciang ? Ludwig lui avait répondu qu'afin de maintenir une identité médiatique au cours des siècles, ils étaient dans l'obligation de changer de nom. Ce n'était pas essentiel pour une minorité, mais obligatoire pour une personnalité de haut rang comme le comte. Lucien était d'actualité depuis quarante ans !

L'invité réfléchit à un autre prénom pouvant remplacer le sien.

— Bond, James Bond, murmura-t-il.

Il aperçut un attroupement sous l'arche du domaine. Matt reconnut les différentes factions assurant la sécurité intérieure, extérieur du château de Cazeneuve ! Le masqué approcha d'Amaël, Andréas partageant un désaccord verbal !

— L'intrusion du domaine n'est pas l'embarras, mais l'odeur, si, remarqua le molosse Amaél en frappant son torse.

— L'odeur, l'odeur, qu'est-elle réellement par rapport à la puanteur permanente lors de la peste noire ?

— Tu ne l'as pas connu, alors tais-toi ! J'ai connu la deuxième pandémie de peste, alors, je peux attester de la différence. Ta présence n'est pas nécessaire, tu peux vaquer à...

Le nordique bomba le torse pour faire face à l'affront.

— N'oublies jamais la chaine de commandement, grogna Andréas.

Le molosse inclina le visage respectueusement, Andréas occupait effectivement la gestion de la sécurité. L'effusion ambiante d'aquavit expliquait le court refus d'autorité, le nordique avait bu ! Tyr, un homme au trait tiré, chevelure tressée, prit la parole.

— Que nous certifie que la pandémie zombiesque ne peut se transmettre par volatile ?

Tous les regards se détournèrent en direction de Matt pour le dévisager avec rancœur.

— Aucun cas d'infection n'a été relaté depuis son arrivée, s'exclama Ludwig.

— Tu te talques, se moqua Améal ?

Un géant de deux mètres de haut, dont Matt ignorait le prénom, s'intercala pour pointer l'entrée du domaine.

— Le maître sera bientôt de retour, nous devons maintenir l'accès !

— Vas Unfread, se moqua Andréas, ratisse les rues !

Le colosse bouscula brutalement du torse le nordique pour le regarder de haut.

— Entre gens d'honneur, parole vaut contrat. Rien n'est plus important que le comte.

Andréas connaissait la loyauté exemplaire du colosse, il ne gagnerait pas à le taquiner !

— Luciang connaît tous les passages secrets menant au domaine, rappela Andréas.

— Tu déshonores le maître en supposant qu'il utiliserait un autre chemin que l'entrée principale !

— Mais putain, Unfread, nous subissons une invasion...

Les pétarades d'un moteur six-cylindres résonnèrent à l'extérieur du domaine.

— Qu'est-ce que je disais, confirma le colosse en courant vers l'un des garages.

— C'est une Jaguar Type-E, le comte n'en possédait aucune à son grand désarroi.

Deux volumineux SUV rouleaient bientôt en direction de la lourde porte d'entrée du domaine. Le nordique donna immédiatement les consignes aux chefs d'équipe, renforts aux positions stratégiques, aux tours surplombant la zone, les manœuvres d'écailles devant assurer la sécurité de l'entrée. Des bombes incendiaires furent projetées sur les abords de l'entrée extérieurs. Des pompes crachèrent sous pression de l'eau non potable mélangée à des cailloux sur le périmètre proche afin de libérer le passage. Les morts-vivants déjà en lambeaux des explosions précédentes remplissaient les bords de la route donnant sur l'entrée. La lourde porte coulissa pour libérer le passage aux deux lourds véhicules renforcés suivis bientôt par six motos touts terrains.

Matt observait sans comprendre la logique de risquer l'intégrité du périmètre pour un seul homme ! Chacun offrirait sa vie pour Luciang ! Andréas approcha en silence pour lui murmurer à l'oreille.

— Tiens, c'est mon oreillette personnelle en relation directe avec le portail ! Si tu devais donner l'ordre de fermeture définitive, elle se fermerait sans condition !

Le masqué attrapa l'oreillette sans accepter ni refuser, le nordique avait déjà disparu de son champ de vision. Un vieux souvenir jaillit dans son esprit.

« Andréas posa un genou à terre pour pencher son visage en servitude.

— Matt, corrige ce malotru de la manière que tu jugeras méritante, proposa le comte.

— Sérieux, douta le prisonnier libéré ? »

Luciang lui avait offert la vie de son serviteur ! Il aurait pu accepter de le tuer.

Que devait il faire ?

Le temps était compté !

Aucune décision n'était prise que la lourde porte se refermait derrière les SUV recouverts de boue, de chairs, de sang. Les pilotes des motos descendaient pour hurler leur joie en brandissant leurs hachettes ensanglantées. Une jaguar de collection à l'avant arrondi stoppa sous l'arche. Luciang en descendit en compagnie de sa fille. Une foule s'agglutina pour féliciter l'arrivant, la dame.

Le comte se faufila entre eux pour approcher du masqué.

— Aurais-tu quelque chose à me dire, Mathieu ?

— Euh, non, pourquoi, balbutia-t-il en dévisageant avec inquiétude le chauve.

— En es-tu certain ?

Matt n'avait pas le courage d'avouer la tentative infructueuse d'Andréas afin de le retourner contre lui. Le comte obliqua vers le responsable de la sécurité du domaine.

— Et toi, Andréas ?

— Il est assez hésitant, peu convaincant, mais vous pouvez lui accorder votre confiance.

Le comte contourna Matt pour se diriger vers le manoir.

— Andréas a voulu que je prémédite votre mort, osa avouer le masqué.

Luciang concentra son attention vers le chauve. Il accéléra le pas pour lever le bras. Ils s'empoignèrent en éclatant de rire.

— Sache, jeune prétentieux, que la trahison n'existe pas dans mon entourage proche. C'est ta loyauté qu'Andréas devait vérifier.

— Ah ! C'est qui la jolie fille ?

— Anne, ma fille !

— Vous êtes gonflé d'avoir joué avec moi. J'aurais pu être dangereux !

Luciang dévisagea le chauve interloqué, puis éclata de rire en prenant le chemin du manoir.