Linéa était agité par une nausée semblable au mal de mer. Elle tanguait étrangement, comme à bord d'un bateau ! La bile dans la gorge menaçait de la faire vomir. La jeune femme peinait à soulever les paupières. Elle entendait un bruit de roulement parfois saccadé, mais sa position restait stable. Elle bougea les doigts sur le côté pour se heurter à une bâche plastique semblant la recouvrir. Elle suivit les contours pour bientôt croiser ses mains sur la poitrine. La fraîcheur de l'air confirma que son visage était à l'air libre.

Elle ouvrit les yeux pour découvrir des morts-vivants de chaque côté. L'un d'entre eux poussait le brancard avec bâche à roulettes. Il devait faire dans les soixante centimètres de largeur pour deux mètres de longueur ! Sa position l'empêchait de distinguer le paysage. Elle ne voyait que le ciel ! Où se trouvait-elle ? Ou l'amenaient-ils ? Pourquoi se préoccupaient-ils de son confort ?

Elle aperçut légèrement en retrait un second brancard ou étaient entassées une multitude de victuailles, boissons sous la bâche. Qui les avait installées ? Comment ? Les zombis ne se nourrissaient que de viande fraîche ! Un autre survivant l'accompagnait-il ?

Elle reconnut la cité administratif entre les zombis circulant en file. Combien de zombis l'accompagnaient ? Une trentaine, une cinquantaine ? Elles se trompaient, ils occupaient toute la surface des boulevards de Bordeaux jusqu'au troisième pont Jacques Chaban Delmas. Leurs nombres croissants atteignaient déjà le millier. Comme suivant un signal inconnu, tous les zombis environnants traversaient les rues adjacentes pour les rejoindre.

Les morts-vivants remontaient en direction du stade boulevard Maréchal Leclerc.

Elle perdit connaissance.

« Linea restait figée dans l'entrebâillement de la porte du salon. Sa peluche de Dingo de cinquante centimètres occupait la chaise de Mathieu. La sienne était légèrement décalée en position d'invitation. Deux couverts étaient installés, l'un pour le personnage de Disney, les autres pour elle. Un bouquet de tournesol reposait entre les deux assiettes, elle adorait ses fleurs! Des marguerites recouvraient une partie de la table. Elle approcha pour retirer le couvre-plat. Trois hot dogs soigneusement garnis patientaient au milieu de frites au four. Elle s'assit pour lire la carte posée sur une large enveloppe. Joyeux saint Valentin ma précieuse ! Mathieu n'avait pu se faire remplacer au travail, mais il ne l'avait pas oublié. Elle ouvrit la boîte pour découvrir un bon de vingt-cinq euros dans un salon de maquillage. Il avait dû économiser tout un mois, voire deux ? »

Elle secoua la tête pour se plonger dans un autre souvenir.

« Linea regardait admirative le canapé en coin, les immenses enceintes disposées aux quatre coins de la pièce, l'immense écran de cent vingt-cinq pouces fixé au mur, le bar en bois brut contenant différents alcools, boissons sucrées, cocktails, amuse-gueule. Elle baissa la tête pour observer les carreaux en bois taillé, la table basse en verre, le tapis noir et blanc. Laurent pénétra dans le salon avec un plateau d'apéritifs frais, fromage en cube, jambon roulé, moule au vinaigre, petites saucisses...

Le blondinet déposa les amuse-gueules, puis se dirigea vers le bar.

— Que désires-tu ? Mon père a acheté un Whisky du clan Mac Leod à quatre vingt euros la bouteille. Le léger goût caramélisé est excellent.

— Pourquoi pas !

Laurent lui tendit son verre en cristal, puis s'assit à ses côtés. Linea restait subjugué, elle pouvait profiter avec excès des plats proposés, sans comptabiliser avec regret leurs coûts ! Elle posa le verre pour empoigner son hôte afin de l'embrasser fougueusement. »

Elle reprit connaissance pour découvrir un couple de zombis se tenant par la main. Était-ce un simple hasard ou un souvenir persistant ? Comme en réponse, la femme en nuisette déchirée, blessure béante au niveau de l'aine gauche relâcha la poigne de l'homme en tenue de soldat au visage sans mâchoire. La frêle jeune femme reconnut le stade Chaban-Delmas sur le côté de la route.

Pourquoi avait-elle commis l'adultère ?

Laurent était un chiot fougueux, mais loin de la satisfaire sexuellement ! Alors pour quelle raison avait-elle trompé Mathieu ? Lassitude comportementale, envie de changement, frustration... On lui offrait la vie sur un plateau d'argent ! Qui pourrait le refuser ?

Elle refusait d'admettre que l'argent pouvait tout acheter !

Laurent l'avait abandonné.

Mathieu avait bravé mille dangers pour la retrouver.

La fortune de son amant n'avait pu la protéger.

Son chevalier servant la retrouverait, espéra-t-elle en perdant connaissance.

On regrette toujours l'amour perdu !

Le meilleur choix reste celui que l'on ne regrette pas !