Chapitre 28 Gamer
Un plongeur quittait les flots sur une plage rocailleuse. Il resta sur le qui-vive tout en se faufilant furtivement dans la végétation. Le volumineux sac du butin ralentissait ses pas. Il traversa bientôt une piste d'atterrissage pour la longer en armant son pistolet silencieux. Il visa le crâne d'un homme armé pour presser la détente. L'inconnu s'écroula lourdement au sol. Le cambrioleur pressa le pas pour pénétrer dans un hangar. Comme à son habitude, il grimpa à l'étage pour voler la marijuana, les billets. Il descendit ensuite pour faire de même au rez-de-chaussée après avoir découpé au chalumeau la chaîne.
En ressortant à l'air libre, il évalua les différents choix, s'enfuir par la mer ou pirater la sécurité de la piste ? Il choisit la seconde.
Cinq minutes plus tard, il s'enfuyait par les airs.
Varulvac fêtait le succès de son braquage de l'île privée dans les Caraïbes, un million quatre cents cinquante-huit dollars moins les cent cinquante-trois milles de ses associés. Il festoyait en compagnie de son receleur tout en admirant la cité des hauteurs du chalet de luxe. Le criminel avait utilisé tous les moyens proposés pour accoster sur l'île, bateaux, avions, hélicoptères, sous-marin. La meilleure manière restait de subtiliser la place d'un pilote de cargaison du cartel.
Carl s'adossa dans son fauteuil de gamer pour boire son café froid. La position assise des six dernières heures rendait douloureux son postérieur inactif. Le seau près de la poubelle puait l'urine. Il prit la décision de changer de session dans le jeu pour le vider. Le jeu ne permettait pas de rendre inactif son personnage n'importe où, il serait devenu une cible trop facile. Chercher une nouvelle session le ferait apparaître dans un local privé, donc intouchable !
Le trentenaire s'étira longuement tout en bâillant à gorge déployée. Il se baissa ensuite pour attraper le seau d'urine.
Le salon sentait la transpiration à cause de la pièce rarement aérée ! La pénombre presque totale imprégnait les lieux presque toute l'année. Le sédentaire plissa les narines de dégoûts en traversant la cuisine, des insectes tourbillonnaient au-dessus de l'évier. Il les noya en vidant le récipient d'urine dedant. Il saisit le liquide vaisselle pour faire couler le contenu sur la vaisselle souillée de nourriture de plusieurs jours, puis fit couler l'eau du robinet pendant quelques secondes. Satisfait du nettoyage, il fit demi-tour pour ouvrir le frigidaire. Il en sortit un plat de piémontaise avec couverts en plastique ainsi qu'une canette de cola.
Carl reprit rapidement sa place pour découvrir les nouveaux véhicules, leurs baisses de prix dans le jeu en ligne. Son personnage Varulvac possédait douze millions de dollars, une voiture puissante coûtait en moyenne deux millions, ses garages en contenaient douze hors de prix.
Les jeux en ligne partageaient le plaisir entre amis, favorisaient le travail d'équipe en renforçant la confiance. Carl n'avait pas plus d'amis en ligne que dans la vie. C'était inné, il se croyait plus intelligent que les autres. Il ne fréquentait que sa sœur Benedict payant absolument toutes ses dépenses. Elle occupait le poste de directeur d'un hypermarché. Cela avantageait Carl de plusieurs manières. L'activité professionnelle de sa sœur l'empêchait de lui rendre visite, mais pas d'exécuter des virements bancaires.
L'écran de jeu disparut subitement pour revenir au bureau.
— Putain, non, fais chier, hurla-t-il en jetant la manette !
Des bris de glace dans la rue attirèrent son attention. Il se dirigea vers la baie vitrée pour lever le contrevent.
— Non, sérieux, s'exclama-t-il en déverrouillant la porte pour se rendre sur le balcon !
Plusieurs émotions se bousculaient dans sa tête, la peur, la surprise, la fascination ! Une multitude de morts-vivants fourmillaient dans les rues. Il peinait à apercevoir les trottoirs. Ils recouvraient tout autant le parking du supermarché. Leurs gémissements, leurs lenteurs, le fascinaient. C'était magnifique, enivrant, excitant, terrorisant...
C'était plus simple dans un jeu, on pouvait recommencer autant de fois que l'on voulait. Dans la vraie vie, le réel, on ne mourrait qu'une fois sans aucun espoir de retour. Quand avait commencé l'invasion ? Cette nuit, avant-hier ? Il n'avait pas quitté l'appartement depuis... Trois, quatre semaines... Un mois, c'était le rendez-vous chez le dentiste ! Il se faisait livrer la nourriture par coursier, parfois le drive du magasin de sa sœur. Il était totalement coupé de la réalité, vivait dans la dimension d'internet.
Qu'allait-il faire ?
Que pouvait-il faire ?
Envoyer des mercenaires pour éradiquer l'invasion ?
Était-ce possible dans la réalité ?
Il s'adossa contre la baie vitrée pour pleurer. Cela ne s'éternisa pas longtemps, car il se releva presque aussitôt en apercevant une silhouette au sommet du supermarché. L'inconnu lui faisait signe de la main. Il devait se trouver à deux, trois cent mètres, voir plus de sa position. Que voulait-il ?
Un impact brutal sur sa droite le fit sursauter. Il découvrit un tube métallique de vingt centimètres de long profondément enfoncé dans le béton au-dessus de la baie vitrée. Il trouva une feuille coincée à l'intérieur. Il la retira pour la lire: bonjour, cher ami, je me présente, Comte De Vaucluse, propriétaire du château de Cazeneuve. Si vous pouviez attirer l'attention de ses manants croque-mitaine en mettant les haut-parleurs au maximum, je serais vous récompenser. Je serais être généreux.
Carl esquissa un sourire de joie, on lui demandait un service. Il acquiesça de la main avant de rentrer dans son salon pour ressortir avec deux haut-parleurs de cent vingt watts. Il avait choisi du hard rock comme chansons. Les vibrations des enceintes faisaient trembler les barreaux du balcon. Le volume trop fort rendait son audition douloureuse, mais il s'en contrefichait.
Tous les zombis environnants levèrent les yeux dans sa direction. La plupart s'entassèrent au bas de son bâtiment en geignant. Carl jeta un coup d'œil en direction du comte, mais il avait disparu.
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