Chapitre 23 L'élève et le maître
Le comte longeait soucieux la baie vitrée de son salon privé. Il était certaines décisions difficiles à prendre. Il avait toujours souhaité dominer le monde. Se complaire dans une vie monotone ne le concernait pas. Il visait toujours le haut du podium, choisissait un but impossible à réaliser. Et que faisait-il quand il l'avait obtenu ? Il en choisissait un nouveau.
Était-il satisfait ?
D'une certaine manière, oui, mais posséder le titre, le statut était mieux, glorifiant. On le craignait, le redoutait, mais c'était loin d'êtres suffisants. Rien que son nom imposait la crainte. De Vaucluse déclenchait toutes les émotion accompagnant la prise de conscience d'un danger, d'une menace, peur, effroi, intimidation, déraison... Il en était assez fier !
Luciang avait suivi un parcours bien à part. Il n'avait pas commencé au plus bas de l'échelle, comme simple serviteur. Il avait longtemps vécu en solitaire, apprit de ses erreurs pour s'améliorer.
L'erreur était le partie pris des faibles. Il n'en commettait jamais, il la classait simplement dans les imprévus.
Luciang possédait beaucoup plus d'ennemis que d'amis, mais l'ennemi de mon ennemi est mon ami ! Il jouait à la perfection avec les sentiments, les non-dits, les désirs inavoués.
Certains attesteraient qu'il était plus simple de l'avoir comme ennemi qu'ami !
Ragots de jaloux !
Mathieu avait-il était une folie passagère ?
Rien n'était hasardeux, Matt s'avérait beaucoup plus complexe que prévu. Il était parvenu à tuer Haverd, sa fidèle sentinelle. Il serait difficile de lui trouver un remplaçant. L'espion possédait toutes les qualités d'un bon soldat, audacieux, intègre, réfléchi, mais d'une loyauté à toute épreuve. Haverd n'aurait jamais contesté la moindre décision de son maître ! Luciang le connaissait suffisamment pour être dans la confidence des désaccords de son serviteur. Il les tolérait tant que cela restait dans les pensées de son espion.
Il alluma un cigare en se remémorant le sauvetage de Matt, il avait ordonné son sauvetage des flammes, de l'asphyxie !
Il décrocha une épée du dix-neuvième siècle, arme unique utilisée voilà une centaine d'années. Il regrettait souvent les combats à morts d'antan, trouvant inappropriées, rapides, inopportunes les nouvelles armes non distinguées du vingt et unième siècle, l'aptitude venant plus de l'artillerie que de l'homme. D'un coup élégant, brutal, il fendit l'air devant lui. Quelqu'un frappa soudainement à la porte en mettant un terme à ses souvenirs.
— Oui, s'écria-t-il furieusement ?
Un de ses serviteurs pénétra dans la pièce pour lui annoncer une nouvelle qui lui fit esquisser un sourire de plaisir.
— Un rôdeur vient de m'apprendre que la Meute de Gilles vit cloîtrée à l'intérieur du Château de Roquetaillade.
— Enfin un amusement de valeurs, s'exclama-t-il. Dis aux vautours de se préparer !
Le comte était bien évidemment déjà dans la confidence de leur présence dans le joyau médiéval bordelais. La chapelle du château de Roquetaillade raviva certains souvenirs qu'il choisit d'ignorer.
Le comte replaça l'épée sur le mur, puis approcha de la baie vitrée pour regarder avec insistance la silhouette devant le garage de ses voitures de luxe.
— Si tu ne viens pas à Lagardere, Lagardere ira à toi, récita-t-il la citation d'un film.
Il fit coulisser la paroi de la baie vitrée pour se rendre sur le balcon. Il croisa les bras pour observer la silhouette macabre de Matt le dévisageant de l'autre côté des douves. Le Maccabée ne traînait plus les pieds, n'avançait plus sans but. Comment était-il parvenu à pénétrer dans son domaine ? Il ne ressemblait à rien, juste un amas de chair putride mobile !
Le comte enjambait le muret, mais stoppa en regardant le pantalon de costume. Il refusait d'abîmer sa tenue de soirée. Il fit demi-tour pour pénétrer dans le salon privé.
À l'extérieur Matt observait grâce à la lumière de la lune la peau décollée de son visage dans le cours d'eau. À peine séchait-elle pour tomber qu'elle était remplacée par une nouvelle colmatant les trous. Comme si l'on faisait couler de la cire sur un crâne squelettique ! Malgré l'apparence, il se sentait en pleine forme. Il recula pour observer le château. Il n'arrivait toujours pas à comprendre comment il avait pu débusquer l'antre du comte. Il avait repris connaissance juste devant le portail fortifié. Il n'avait aucun souvenir du trajet. Il avait retiré ses vêtements en lambeaux pour ne garder que le boxer. La buée de chaque respiration trahissait une certaine fraîcheur, mais il n'avait pas froid.
— Reste à distance, ton odeur irrite mes narines, annonça le comte à une douzaine de mètres sur sa gauche.
— Que m'avez-vous fait, grogna furibond Matt ?
— Je t'ai offert les portes de la nuit, mais ne suis en rien responsable de ta décrépitude.
Matt avança d'un pas, le comte recula de deux.
— J'ai une affaire urgente à régler. Attends-moi ici, nous discuterons à mon retour.
— Suis je devenu un loup-garou ?
— Lycanthrope, Vulkodlak, insania lupina, vineficus, il en existe tant.
— Cela n'est-il pas censé me protéger des morsures zombis ?
— De toutes morsures, certes, mais les morts-vivants n'ont rien de naturel. Ils sont issus d'une certaine magie.
— Les loups-garous n'ont rien de naturel !
— Prétentieux, au même niveau que les humains.
Matt entendit le vrombissement d'une Jaguar dans son dos. Il fit demi-tour pour découvrir le comte au volant de la voiture anglaise.
— Patientes hors du garage, hurla Luciang en le frôlant avec sa voiture de sport.
Matt resta bouche bée, la vitesse d'action du comte était faramineuse ! L'instant d'un clignement de paupières le comte avait franchi la vingtaine de mètres le séparant de son véhicule.
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