14 heures 15 le 28 octobre 2021.

Matt sursauta en ouvrant les paupières. Il aperçut un lit avec tiroirs, un nombre incalculable de peluches étaient empilées aux quatre coins de la chambre, les posters d'un enfant de moins de douze ans remplissaient totalement les murs. Où était-il ? Comment était-il arrivé dans cette chambre ? Mais, ce n'était pas le souci principal de son inquiétude, ses vêtements étaient déchirés, en lambeaux ! Les semelles entrouvertes de ses chaussures comportaient une usure anormale. Il retira le haut pour scruter les avant-bras sous toutes les coutures, mais ne distingua aucune morsure. Il s'approcha en panique du miroir de l'armoire pour regarder le reflet de son dos et pareil, pas la moindre lacération. Il retira ensuite son pantalon pour se figer en découvrant la peau légèrement granulée à l'endroit où il avait cautérisé la plaie avec la lame. Il s'assit sur le lit pour se concentrer sur l'étrange blessure recouverte de fines cloques. Cela ressemblait à des boursouflures dont les teintes de couleurs primaires de jaune, bleu, vert, formant différents marrons n'étaient pas très jolies ! Il quitta la chambre.

Il découvrit dans le couloir le pire spectacle de sa vie, les cadavres déchiquetés d'une famille. Les membres arrachées étaient éparpillées sur le plancher ; la tête du père était encastrée dans un lustre ; celle de la mère écrasée comme un melon aplati sous le dossier d'une chaise. Le plus horrible encore demeurait les têtes de jeunes enfants reposant de chaque côté de la porte entrouverte de la cuisine. Ils semblaient se regarder comme dans un sordide tableau satanique.

Matt sursauta lorsqu'il aperçut les yeux de la gamine obliquant dans sa direction. Son frère émit un grognement étouffé en le dévisageant de son unique œil valide. Il choisit de les ignorer pour regagner la salle de bain sur sa gauche. Il ressentit leur regard en refermant la porte dans son dos.

Il récupéra sur une étagère de la bétadine, du coton, une compresse, une bandelette. Il posa ensuite les fesses sur le coin de la baignoire pour appliquer l'antiseptique, désinfectant. Contrairement à ce qu'il aurait pensé, les cloques étaient malléables, elles se percèrent immédiatement lors du frottement du coton. Chose bien étrange, dégoûtante, du pue s'écoulait pour être aussitôt suivi par du sang net. Comme si l'infection restait à proximité de la blessure ? Il déposa une compresse, puis banda la cuisse.

Réconforté de ne plus pouvoir regarder la blessure, il s'apprêtait à quitter la pièce, lorsqu'il aperçut la pendule affichant quatorze heures trente le vingt-huit octobre deux milles vingt et un. Il lui semblait avoir aperçu lors de son réveil le vingt six octobre deux mille vingt et un sur un panneau dans la rue adjacente de la demeure. Que s'était-il passé pendant ses dernières vingt-quatre heures manquantes ?

Il n'avait bu qu'une bouteille de rhum après avoir cautérisé la plaie !

L'alcoolémie aurait-elle provoqué un état comateux aussi long ?

Il obliqua vers la chambre des parents.

Il admira sa tenue dans le miroir, pantalon, chaussures de randonnée, épaisse chemise, pull-over imitation treillis.

Il avait récupéré un sac à dos qu'il s'était empressé de remplir de victuailles, bouteilles d'eau. Il se dirigea vers la porte d'entrée pour l'ouvrir d'un coup bref. Aucun bruit, aucune présence ne régnait à l'étage. Il put bientôt apercevoir des rues, des hauts bâtiments dans son champ de vision. Il approcha de la barre séparant le passage du vide, puis se pencha pour comptabiliser quatre étages. Une publicité louant les locations étudiantes lui confirma qu'il devait se trouver dans les appartements universitaires à Talence. Que faisait-il là ? Pourquoi avoir fait autant de kilomètres ? Il se trouvait à une demi-heure en voiture de son dernier emplacement. Une nausée subite le plia en deux. Il vomit de la nourriture non digérée, du sang, une matière visqueuse verdâtre. Il vomit à nouveau contre la barre, puis s'écarta pour s'asseoir contre le mur.

Deux détonations attirèrent son attention. Il se leva pour en chercher l'origine. Cela avait semblé provenir d'un bâtiment de location universitaire. Des zombis se rendaient sur la même position à chaque étage, ils semblaient chercher quelqu'un ?

Il aperçut un jeune couple quittant le rez-de-chaussée pour se faufiler entre les morts-vivants.

— Alex, hurla terrifié l'étudiante !

Le jeune homme à chevelure courte pressa la détente par deux fois à l'aide d'un pistolet, deux zombis s'écroulèrent pour ne plus bouger. C'était un professionnel, il leur avait explosé le crâne sans réellement prendre le temps de viser ! Le deux roues disparut rapidement de son champ de vision.

Le paysage tremblait, se dédoublait, Matt recula contre le mur afin d'éviter de tomber dans le vide. Il chancela pour tomber sur les fesses, ses jambes ne pouvaient supporter son poids. Des gémissements, des grognements se rapprochaient sur sa gauche. Il tenta vainement de se relever, mais cela devenait impossible. Matt était cloué au sol. Un étudiant en pyjama déchiré, marchait péniblement en faisant ricocher sa mâchoire maintenue par la joue gauche. Il puait les excréments, l'urine, les selles. Il approchait lentement, mais sûrement.

Matt rampait trop lentement sans parvenir à se lever. Le mort vivant le frôla pour orienter son visage défiguré dans sa direction, puis s'en désintéressa afin de poursuivre son chemin.

Matt perdit connaissance !