La Retraite du Cavalier
- Finnighan !
La voix me réveille en sursaut, moi ainsi que mes compagnons de dortoir. Nous sommes trois dans la chambre qui nous a accueillis autrefois, bien des années plus tôt, à l'issue de notre cérémonie de répartition à Poudlard. Ron, Neville et moi. A nos côtés, l'ancien lit d'Harry semble hurler son absence, désespérément vide, rappel permanent de notre défaite et de la mort de notre ami. Le dernier lit vide, quant à lui, appartient à Dean...
Mon cœur se serre alors même que deux Mangemorts pénètrent dans le dortoir. Le sort de ceux qui sont maintenus parqués dans les cachots nous est inconnu. Le peu que nous en savons est déjà assez horrible comme ça...
Tous les jours, l'un des sbires de Voldemort choisit un prisonnier au hasard dans les cellules du sous-sol. Ce prisonnier est exécuté le lendemain même, à l'aube, sans public. Voldemort ne prend même plus la peine de les choisir lui-même. Et, depuis quelques temps, on ne prend même plus la peine de nous annoncer le nom du condamné. Par conséquent, à l'heure où l'on me tire du lit sans explications, j'ignore totalement si Dean est encore vivant ou mort.
- Qu'est-ce qui se passe ? demande Ron, sans aucun doute le plus téméraire de nous trois.
Je le soupçonne de rechercher la mort depuis qu'Hermione a été exécutée sous ses yeux, sous nos yeux à tous. Par moment, il provoque délibérément nos geôliers, cherchant la moindre occasion de donner quelques coups. Mais il ne faut pas longtemps aux Mangemorts pour dresser le spectre de ses parents sous ses yeux. Ron ne peut pas sciemment provoquer la torture ou la mort d'un de ses proches. C'est comme ça qu'ils le tiennent, c'est comme ça qu'ils nous tiennent tous.
Cela fait plus de trois mois qu'Harry Potter est mort à présent. Poudlard ne pouvait pas demeurer une prison éternellement. La plupart des sorciers qui se sont dressés contre Voldemort ont été renvoyés chez eux, à l'exception des plus emblématiques membres de l'Ordre comme les parents de Ron. Pour les autres, le Seigneur des Ténèbres s'est assuré de leur loyauté par un moyen infaillible. Nous. Leurs enfants.
Du statut d'école, Poudlard est devenue une forteresse à otages. Les Nés-Moldus sont exécutés dans les sous-sols au fil des jours. Mais les enfants Sang-Mêlés, eux, ont réintégré leurs quartiers d'origine, où un semblant de routine s'est peu à peu rétabli. Les cours ont même repris, confiés aux bons soins des Mangemorts, avec la promesse de Voldemort qu'il ne leur sera fait aucun mal, tant que leurs parents se tiendront tranquilles... C'est ainsi que le Seigneur des Ténèbres a pu refermer une main de fer sur le pays. En contrôlant son avenir. En soumettant tous ses ennemis à la menace d'éliminer leurs enfants.
Seuls les Sang-Purs règnent en maître sur Poudlard désormais, mais ils ne sont pas nombreux. Quelques Serpentards dont les parents occupent une bonne place dans l'armée de Voldemort. Drago Malefoy, bien sûr. Le préféré, le pire de tous, admis à la table du roi et chargé de surveiller les élèves... Les cours restent théoriques, bien sûr. Personne ne nous a rendu nos baguettes. Les châtiments en revanche, mérités ou non, n'ont rien de théoriques.
Il y a d'autres Sang-Purs dans les autres maisons, comme Neville et Ron, par exemple. Mais ceux-là, considérés comme des Traîtres-à-leur-sang, sont traités comme n'importe lesquels d'entre nous. On les force à coopérer, on les épargne pour leur sang. D'une façon ou d'une autre, Voldemort trouve toujours un moyen de contraindre chacun. Une faiblesse, un moyen de pression, une faille. Mes parents savent que je suis ici. Ils savent que je mourrai s'ils se rebellent contre le nouvel ordre établi. Et je sais qu'ils mourront si je fais de même... Tout un pays prisonnier, par une équation aussi simple qu'efficace.
- Lève-toi, ordonne le Mangemort au pied de mon lit. On te demande.
Je ne proteste pas. Je n'ai pas la rage de Ron en moi. Je n'ai ni envie de mourir, ni envie de venger qui que ce soit. C'est sans doute lâche de ma part, je le sais bien. Je ne me suis jamais voué corps et âme à ce conflit, comme j'ai vu tant de mes amis le faire. A l'heure qu'il est, je veux simplement survivre, en éprouvant le moins de douleur possible. Et j'aimerais soulager cette angoisse qui me laboure le ventre au sujet de Dean...
Vivant ou mort ? Qu'est-ce qui serait le mieux ? Que devrais-je espérer ?
Je frissonne rien qu'à cette pensée. Je sais trop bien ce qui sommeille au fond de Dean. Et pourtant, malgré moi, je ne peux m'empêcher de prier pour qu'il soit en vie. Et si ce Mangemort à l'air patibulaire pouvait me donner ne serait-ce qu'une opportunité d'en avoir le cœur net...
J'obéis, je me lève sans prendre la peine de me changer. En sortant, je jette un dernier coup d'œil à cette chambre où je ne reviendrai peut-être jamais. Mes amis croisent mon regard : eux aussi partagent cette pensée. Je nous revois sept ans plus tôt, enfants, heureux et riants sous les batailles d'oreillers et les pluies de bonbons, et je souris. Quitte à partir, autant emporter un bon souvenir avec moi.
Nous descendons dans la salle commune de la tour, déserte comme le couvre-feu l'exige. Etrange comme cette pièce qui m'a toujours parue joyeuse semble morte aujourd'hui. Pas de feu dans la cheminée. Seule la lumière froide de la Lune donne une couleur terne aux tapisseries et aux fauteuils défoncés. Il n'y a plus de livres abandonnés sur les tables, plus de devoirs ou de tasses de thé. Tout est trop bien rangé et pourtant, poussiéreux, comme si la vie avait définitivement abandonné ces lieux. En un sens, c'est vrai. C'est peut-être ce qui me semble le plus affreux dans cet après-guerre : il faut réintégrer l'endroit où nous avons vécu, comme si de rien n'était et pourtant, rien ne sera plus jamais pareil. J'ai l'étrange sensation d'habiter un souvenir, d'arpenter les salles d'un château fantôme appartenant à une époque révolue. Le Seigneur des Ténèbres veut inaugurer un nouveau règne, il regarde vers l'avenir et exige que l'on fasse de même, mais le passé nous emprisonne. Il est partout autour de nous, aussi vivant que nos regrets. Il prospère à l'intérieur de nous-mêmes. Parce que nous sommes les survivants, et que nous nous souvenons.
Les deux Mangemorts me tirent de mes réflexions. Ça ne me ressemble pas de faire autant dans le sentimentalisme d'habitude, mais la guerre nous change tous, je suppose. Lorsque le monde s'écroule autour de nous, tout nous semble soudain fragile et digne d'attention. Car susceptible de disparaitre, en une fraction de seconde...
On me conduit dans les étages, là où je sais que Voldemort et ses fidèles se sont réservés les plus belles pièces du château pour en faire leurs quartiers personnels. L'une de ces chambres doit appartenir à Drago Malefoy, je suppose... Encore une fois, il me parait étrange de songer à cet ancien camarade de classe devenu loyal meurtrier aujourd'hui. Que peut-il bien se passer dans la tête de Malefoy ? Je ne lui ai jamais prêté beaucoup d'attention au cours de notre scolarité, mais je me souviens du petit garçon blond de onze ans qui a partagé ses cours avec moi pendant toutes ces années. Et aujourd'hui, il a tué Hermione Granger...
J'évite de penser à cela. Il est plus facile de s'en sortir dans l'après-guerre si l'on ne songe pas à toutes les horreurs qui s'y sont produites. Je n'arrive pas à arrêter de songer à Dean, pourtant... Dean fait-il partie des horreurs, ou en est-il une lui-même ? S'il est encore en vie, combien de temps avant que le couperet ne s'abatte sur sa tête ?
J'avale ma salive malgré moi. Les Mangemorts se sont arrêtés devant une porte sombre au troisième étage, un superbe battant de merisier massif qui doit cacher les anciens quartiers du professeur McGonagall. L'ancienne directrice des Gryffondors est morte, elle aussi... N'y pense pas, Seamus, n'y pense pas.
Les Mangemorts frappent à la porte sans un mot. Elle s'ouvre, et ils me laissent là, avec l'ordre d'entrer sans savoir ce qui m'attend derrière. J'avale ma salive, et j'avance puisque je n'ai pas le choix.
C'est Dean qui m'accueille. Je le reconnais à l'instant même où je passe le seuil : ce visage avenant, ces yeux rieurs, ce sourire malicieux qui en a trompé tant d'autres avant moi... L'espace d'un instant, je reste tellement abasourdi que je suis incapable de faire un pas de plus, alors Dean éclate de rire et me prend dans ses bras :
- Seamus ! s'exclame-t-il en me pressant fort contre lui.
Il a refermé la porte d'un geste de sa baguette. Je remarque immédiatement le mince artefact de bois dans sa main, et les questions se bousculent dans mon esprit. Mais elles sont toutes englouties dans cet instant, dans le soulagement de le savoir en vie, l'incrédulité, et la sensation de son corps chaud contre le mien. Il a gardé la même odeur : un mélange de miel et de romarin, aussi déconcertant qu'agréable. Il a un peu maigri peut-être, comme nous tous, mais il n'y a nulle fatigue sur son visage et il semble en parfaite santé. Seules quelques égratignures m'interpellent sur son visage et ses bras.
- Dean, je finis par articuler, étouffé par son étreinte. Dean, comment est-ce que...
Il se recule pour mieux me dévisager, ignorant royalement ma question, tout au plaisir de me retrouver. Je sais ce qu'il doit penser. Moi, son jouet préféré...
- Ça fait du bien de te retrouver, Finnighan, dit-il avec une légèreté qui renforce mon malaise.
Il est sincère, je n'en doute pas une seconde, mais c'est peut-être ce qui devrait m'inquiéter. Il ne fait pas bon être dans les faveurs de Dean Thomas. Pourtant, tandis que je le dévisage moi aussi, que je réalise sa présence, je me rends compte que mon cœur bat plus vite et que je suis incontestablement heureux de le savoir en vie.
- J'ai eu peur que tu sois mort, je murmure malgré moi, profitant de son rare élan d'affection pour caresser sa joue. Je ne savais pas s'ils t'avaient tué ou pas, ils ne nous disaient plus rien...
- J'aurais dû mourir hier matin, à l'aube, répond-il sans que cette nouvelle paraisse le troubler.
Je fronce les sourcils, incapable de comprendre :
- Qu'est-ce qui s'est passé ? Pourquoi es-tu ici, pourquoi t'ont-ils libéré ? Et pourquoi est-ce qu'ils t'ont rendu ta baguette ?
En guise de réponse, Dean ne laisse paraitre qu'un sourire, un sourire cruel et terrible. J'ai déjà vu ce sourire bien des fois sur son beau visage infernal, un sourire que personne dans notre entourage ne semblait pouvoir interpréter, mais qui annonçait bien des carnages... Je frissonne malgré moi. Deux minutes en présence de Dean, et mon sang brûle déjà comme celui d'une proie. Me revient brusquement en mémoire le souvenir de ce que nous avons fait, dans une salle de classe en ruines au beau milieu de la bataille de Poudlard... Tandis que mes camarades mouraient autour de moi, que leurs cadavres me contemplaient de leurs yeux vides, Dean me prenait contre le mur comme un vulgaire prostitué, et je me laissais faire, incapable de lutter... Le sentir en moi, j'en rêvais depuis des années. Je le fantasmais en moi-même sans oser me l'avouer. Je lui ai cédé, je lui cède toujours, et lorsque Dean approche ses lèvres des miennes à cet instant, je n'ai encore une fois pas le courage de lui résister.
C'est un baiser vif, chaud et brutal, comme lui seul sait les donner. Son odeur d'aromate m'envahit et me fait vibrer tout entier. J'ai la sensation enivrante de jouer avec le feu, de flirter avec le danger pour mieux me sentir en vie, et je me sens grisé. Peut-être est-ce cela que j'ai toujours adoré chez Dean... Son charisme fou, le magnétisme d'un prédateur attirant ses victimes sans méfiance par le charme, la grâce ou la ruse, l'élégance contenue dans ses gestes et ses manœuvres subtiles...
Alors que Dean m'embrasse, toutes mes questions s'évanouissent. Je redoute encore un piège et je me dégage pour regarder autour de moi, mais il me rassure :
- Détends-toi, dit-il. Nous sommes seuls ici. Personne ne viendra nous faire du mal.
Il y a un lit au fond de la pièce, offert rien que pour nous. Ses tentures de velours vert me rappellent les légendaires tenues du professeur McGonagall. Mais je repousse cette pensée au fond de moi : Dean a uni sa langue à la mienne, et d'une pression du bassin, il m'entraine vers le lit.
Tout à coup, il n'y a plus de guerre, plus de Mangemorts, plus de Voldemort. Même Harry et Hermione n'existent plus. Il n'y a plus que Dean, cette tendresse que j'ai toujours désirée, et la bulle qui nous préserve du monde.
Dean défait rapidement ma chemise de pyjama et descend mon pantalon, tremblant d'une impatience fébrile. Je me rends compte que j'ose à peine le toucher. Chacune de ses caresses est une brûlure tandis qu'il retire lui-même son uniforme. Je contemple sa peau brune au goût de miel, le dessin délicat de ses muscles sous le duvet, l'indéniable aura de puissance qui se dégage de son corps... Je veux m'enrouler à lui, je veux me lier à lui tout entier. Lui m'observe comme si j'étais le met le plus raffiné au terme d'un repas particulièrement savoureux, et ce regard me fait rougir autant qu'il m'inquiète.
Je sais ce qui se cache au fond de Dean. Je sais que le désir et l'amour que j'éprouve pour lui ne sont qu'un jeu à ses yeux. Une raison de s'amuser, de se distraire. Un moyen facile de profiter de moi et de me manipuler par tous les moyens possibles. Mais cela m'est égal. A l'heure où je me sens durcir plus que dans ma vie toute entière, je n'ai qu'une envie, c'est que Dean fasse de moi sa chose, de toutes les façons les plus indécentes possibles.
Il a visiblement décidé de prendre son temps. Une douce torture, mais je renonce à me plaindre lorsque sa langue vient jouer entre mes cuisses. Cela convoque un souvenir douloureux en moi : ce jour où il m'avait fait jouir entre ses lèvres, juste pour que Ginny en soit le témoin... Juste pour la blesser elle à travers moi, comme si je n'étais qu'un vulgaire instrument... Mais peu importe. Ginny n'est plus là aujourd'hui. Ginny a été vendue à Voldemort par son propre père, et elle partage la couche de Drago Malefoy aujourd'hui. Moi, je suis tout à Dean...
Il me prend dans sa bouche jusqu'à me rendre fou, puis ses doigts humides de salive me pénètrent, en douceur, agiles et habiles. Je retiens ma respiration, désireux de tenir le plus longtemps possible, de tenir jusqu'à ce qu'il me prenne vraiment... Veut-il que je le supplie ? Dans ce cas, je le supplierai :
- Viens, j'articule d'une voix rauque, ma main pressée dans ses cheveux crépus.
Il se redresse avec un sourire, retire ses doigts non sans me frustrer au passage. Lui aussi est excité à présent, je le vois. Une lueur animale flotte dans ses yeux noirs. Il se colle contre moi et me prend sans plus attendre, sa bouche capturant la mienne, aspirant mon hoquet de stupeur.
Je n'ai pas mal. Je me sens comblé, entier. Les va-et-vient de Dean ont l'ardeur des retrouvailles et du désespoir : lui aussi semble déverser tout son stress et sa frustration dans la vague qui nous emportent lui et moi. Je le ressens, plus profondément à chaque mouvement, je le sens en moi. Un frisson de plaisir me traverse à chaque fois que cette pensée revient dans mon esprit. Dean en moi, Dean en moi... Cela m'excite plus que de raison, et je m'accroche à lui pour lui rendre son baiser passionné.
Il sait se contrôler, je le vois à son regard qui se voile pour repousser la jouissance. Il attend que je vienne le premier. Il veut me fixer dans les yeux lorsque je lui cèderai... Mais j'ai déjà cédé, Dean, je t'ai déjà tout cédé... Sans plus attendre, je penche la tête en arrière et je lui offre ce qu'il désire : mon orgasme brusque, dans un cri, totalement abandonné. Le plaisir me terrasse tandis qu'il accélère ses mouvements pour jouir au fond de moi, marquant son territoire avec un sourire satisfait. Il enfouit son visage dans mon cou un instant, reprenant son souffle. Je ne veux pas qu'il se retire. Je ne veux pas que ce moment cesse : je veux que Dean reste ainsi pour toujours, et que le monde disparaisse autour de nous...
Mais rapidement, il bascule sur le côté et me regarde longuement :
- Ça faisait longtemps que je n'avais pas baisé, dit-il d'un air amusé. J'étais en manque.
Je lui adresse un sourire forcé. Je ne suis que sa chose et je le sais. Mais il tient à moi. D'une certaine façon, à sa manière tordue et malade, il tient à moi...
Je me redresse pour lui poser toutes les questions qu'il a voulu me faire oublier, mais sa respiration calme me dissuade : déjà, il s'est endormi, sans plus se préoccuper de moi.
XXX
C'est l'angoisse qui me réveille le lendemain matin, lorsque la voix du Seigneur des Ténèbres s'insinue dans mes rêves :
- Je vois que tu as récupéré ton jouet, dit-il, visiblement satisfait.
- En effet, maître. Il est en parfait état, comme vous pouvez le voir.
- Profites-en bien.
Je m'assois dans le lit, entièrement nu, pour trouver Voldemort en chair et en os en train de me contempler. Dean se tient torse nu, debout face à lui, et tous deux discutent comme de vieux amis.
- J'ai une mission à te confier, reprend le Seigneur des Ténèbres. Si tu es toujours désireux de faire tes preuves, je te propose de te faire la main sur une ancienne camarade à toi... Luna Lovegood.
Dean se tend à cet instant. Je peux le voir, et pire même, je le pressens : Dean a toujours ressenti pour Luna une animosité aussi palpable qu'inexpliquée... Mais pas pour moi. Je sais qu'il a peur d'elle. Il a peur d'elle, parce qu'elle est capable de le voir pour ce qu'il est vraiment...
- Cette petite me résistait déjà lorsque nous lui avions mis la main dessus au Manoir Malefoy, poursuit Voldemort, inconscient du trouble de Dean. Pendant un moment, j'ai bien cru avoir réussi à la briser, mais elle nous a échappé. Depuis que je l'ai récupérée, j'ai tout essayé sur elle. Elle est un peu mon passe-temps, tu comprends ? Mais je n'ai pas réussi à l'atteindre. Elle s'est retirée en elle-même, elle ne réagit à rien... Un peu frustrant, comme distraction, tu comprends ?
Dean esquisse un sourire :
- Elle est comme ça depuis que je l'ai violée dans le Manoir Malefoy, dit-il.
Je me fige d'horreur, mais Voldemort l'interroge aussitôt :
- Tu l'as violée ?
- Oui. Je n'ai jamais pu blairer cette petite garce. Alors je l'ai violée. Depuis des années, je cherchais la faille dans sa façade. J'ai fini par la trouver. Il se trouve que cette chère Luna se faisait abuser par son imbécile de père depuis l'enfance... J'ai pris soin de lui rappeler l'évènement, et puis je lui ai écarté les cuisses et je l'ai prise. Elle n'a plus rien dit après ça, pour autant que je sache. Désolé d'avoir cassé votre distraction.
Voldemort presse un doigt fin contre ses lèvres, en proie à une intense réflexion. Ses yeux ne quittent pas ceux de Dean. Enfin, il sourit :
- Je donne cette fille en récompense à mes hommes depuis que Potter est mort, déclare-t-il. Je me la réserve de temps en temps, en espérant rompre son mutisme. Mais peut-être que si toi tu essayais, peut-être...
- Elle est déjà brisée, je pense. Que voudriez-vous lui faire de plus ?
- Elle n'est pas brisée, elle est ailleurs. Un moyen de protection aussi frustrant qu'efficace, je dois bien l'admettre. Je veux qu'elle revienne. Je veux que tu la fasses revenir pour pouvoir la faire souffrir : tu crois pouvoir faire ça, jeune scorpion ?
Sous mes yeux effarés, Dean sourit à son tour et acquiesce :
- Je peux toujours essayer en tout cas. Ce sera amusant.
- Parfait. Je te laisse. L'exécution m'attend. Rendors-toi quelques heures avant de rendre visite à notre amie commune...
- Oui, maître.
Voldemort sort de la chambre. Dean reste seul avec moi, seul avec l'horrible vérité qu'il a avouée sans aucune gêne...
- Quoi, ne me dis pas que ça te choque ? m'interpelle-t-il en voyant mon regard. Lovegood me tournait autour depuis trop longtemps, elle a parfaitement cherché ce qui lui est arrivé.
- Pourquoi est-ce qu'ils t'ont libéré ? j'articule, sans reconnaitre ma propre voix. Qu'est-ce que tu as fait pour que Voldemort t'accorde sa confiance comme ça ?
Dean soupire. De toute évidence, mes questions l'ennuient profondément.
- Je lui ai fait comprendre que ce serait du gâchis de me mettre à mort, dit-il finalement. La veille de mon exécution, j'ai tué tout ce qui restait de mes compagnons de cellule.
Il se plante au bout du lit, un sourire provocateur sur ses traits angéliques :
- A mains nues.
J'étouffe la panique qui nait au fond de ma gorge. Une boule m'étreint l'estomac, le cœur, la poitrine : un agglomérat de dégoût et de culpabilité qui voudrait me voir fondre en larmes et m'arracher la peau... Je songe à Dean cette nuit-là, je songe à sa passion, sa douceur, son odeur sur ma peau et son sexe en moi... Je songe à tout cela, et je voudrais mourir. Je me sens sale. Il semble suivre le cours de mes pensées, comme à son habitude :
- Allons, ne sois pas trop dur avec toi-même, Seamus, murmure-t-il d'un air horriblement cajoleur. Ils allaient me tuer, qu'est-ce que tu aurais voulu que je fasse ? Je suis un survivant, tu le sais bien. J'ai fait ce que je devais faire pour survivre. Et pour te sauver, par la même occasion.
- Tu veux dire que je fais partie du marché ? je réponds en manquant m'étouffer.
- Evidemment. Pourquoi crois-tu que tu serais ici sinon ?
Il s'assied auprès de moi et caresse mes cheveux, comme on l'aurait fait d'un enfant lent et stupide :
- Tu es à l'abri grâce à moi, dit-il, visiblement très content de lui. Tu vas rester ma petite chienne, comme tu l'as toujours été, pas vrai, Seamus ? Et tout à l'heure, j'irai rendre visite à Luna. Je la baiserai un peu, puisque c'est l'attraction du moment pour les puissants du coin, apparemment. Et ensuite, je reviendrai te voir, et on s'amusera toi et moi.
Dean voit-il l'horreur se peindre sur mon visage à cet instant ? Assurément, il la voit. C'est sans doute pour cela qu'il m'énonce toutes ces ignominies aussi crument. Il veut susciter ces émotions en moi... L'espace d'une seconde, la colère et le désespoir me possèdent si fort que je manque serrer mes doigts autour de sa gorge... Mais l'instant passe. Cela aussi, Dean le voit : je lui donne raison et cela le comble de bonheur.
S'appuyant sur mon torse, il me force à me rallonger et s'étend contre moi. Ses baisers descendent sur mon entrejambe pour réveiller le désir en moi, et encore une fois, je lui cède en pleurant. J'ai été stupide. Pendant une nuit, j'ai eu la rêverie de croire qu'il pourrait rester ainsi pour toujours, que la guerre avait pu apaiser ses appétits, qu'il pourrait se satisfaire de ma soumission et de mon corps, et rien d'autre...
Mais non. Dean a toujours été Dean. Maintenant que Voldemort a laissé libre cours à ses pulsions, peut-être sera-t-il davantage lui-même que dans toute sa vie entière. Et cela suscite en moi une terreur primitive...
Je jouis entre les lèvres du monstre, et je le regarde se rendormir, tandis que je suis incapable de trouver le sommeil. Il dort là auprès de moi, aussi paisiblement qu'un enfant. Une telle innocence sur le visage... En le contemplant ainsi, apaisé, serein, qui pourrait soupçonner l'abyme caché au fond de lui ? Tant de cruauté et de noirceur...
Tremblant de tout mon corps, sans parvenir à refreiner mes larmes, je songe à ce qu'il m'a avoué en l'espace de quelques minutes. Les meurtres dans sa cellule. Le viol de Luna, avant même que la guerre n'ait basculé. Son marché pour épargner sa vie et la mienne. Et sa volonté de recommencer, encore et encore, avec un plaisir manifeste...
« Ça ne peut plus durer, Seamus », murmure une petite voix au fond de mon esprit.
Cette voix que j'essaye d'étouffer depuis si longtemps. La voix de ma conscience.
« Ça ne peut plus durer. Tu te caches de la vérité depuis trop longtemps. Tu as vu ce qu'il est, tu le sais : si tu le laisses perdurer, alors tu seras complice de ses crimes. Chaque meurtre qu'il commettra sera aussi le tien. Chaque viol, chaque goutte de sang versé : ses victimes t'appartiennent à présent, elles sont déjà les tiennes depuis bien trop longtemps. Pense à Luna. Pense à ce qu'il a fait à Luna, et à ce que tu le laisses te faire à toi... Tu n'as donc aucune dignité ?! »
Je me redresse, incapable d'en endurer davantage. Dean dort toujours. A côté de lui, sa baguette repose à portée de main, accessible.
Je m'en empare. Elle semble soudain si lourde entre mes doigts... Mes tremblements s'accentuent, je suis incapable de la tenir droite. Ce n'est pas grave. Pour ce que j'ai à faire, pas besoin de perfection, pas besoin d'avoir la main sûre : il suffit d'une formule...
Dean se retourne dans son sommeil. Ses lèvres parfaites esquissent un sourire, ses traits s'illuminent sur un rêve inconnu. Je le regarde. Chaque seconde s'écoule avec une intensité douloureuse. Je peux littéralement sentir mon sang battre contre mon cou, le goût du sang envahit ma bouche, et chaque inspiration me semble aussi bruyante qu'un ouragan. Dean... Dean et le monstre tapi en lui, Dean que j'ai vu torturer de pauvres filles innocentes pendant tant d'années, Dean le sadique, le scorpion, le démon qui m'a pris au piège, qui s'est joué de moi depuis si longtemps... Mes larmes redoublent, brûlantes, lorsque je songe à tous les crimes odieux qu'il a commis. Pourtant, ce n'est pas cela qui me transperce le cœur à l'instant où je braque sa baguette sur lui. Je pleure, parce que je sais que je n'en aurai pas la force. J'en suis incapable. L'indignation hurle en moi, les voix des dizaines de personnes que Dean a fait souffrir se conjuguent dans mon esprit, mais j'en suis incapable. Je n'en ai tout simplement pas le courage. C'est la faiblesse qui domine en moi. La faiblesse d'un amour qui m'a tout pris, et qui me prendra bien plus encore...
Je baisse la baguette. Je la repose sur la table où je l'ai prise. Je me déteste tellement que je manque vomir au milieu du lit. Mais je me retiens. Dean s'agite dans son sommeil, inconscient du trouble qui a failli frapper au-dessus de sa tête. Ou en est-il conscient, peut-être ? Je suis fatigué de prendre part à ses petits jeux. Je m'allonge près de lui, abandonnant ma dignité, ma conscience, ma condition d'être humain. Dean est un prédateur, après tout. Lorsqu'il a planté ses griffes en vous, impossible de s'en défaire. On en vient même à souhaiter sa morsure...
Je l'accepte, cette morsure. Je ne peux pas vivre sans. Et s'il finit par se lasser un jour, eh bien je mourrai de la main de celui que j'ai adoré et détesté, aimé et haï, jusqu'à la toute fin.
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