8. Attachement
Les portes battantes s'ouvraient et se fermaient, inlassablement. Yunho les fixait avec l'espoir que Jaejoong et sa sœur arriveraient avec le prochain flux d'élèves. Mais l'heure tournait, et le "À ce soir" que le jeune homme avait lancé le matin semblait n'être qu'une chimère qui s'évaporait au milieu des teintes rosées qu'avait pris le ciel.
Yunho soupira. Sa poitrine lui semblait lourde. L'espoir de revoir l'étudiant ce soir-là disparaissait au bruit des secondes qui s'égrainaient sur le grand cadran. 19h40. Il rangea nerveusement son bureau. Il fallait qu'il voit Changmin, ou quelqu'un d'autre... Sa peine lui semblait démesurée. Comment pouvait-il se sentir autant en colère de ne pas avoir vu le lycéen ? Pour lui, il le ressentait comme une trahison... À qui pourrait-il en parler ? Son meilleur ami lui ferait encore la leçon, très certainement. Lee Ji Eun ?
En sortant, il nota que la neige qui tombait depuis plusieurs heures avait recouvert les trottoirs et les toits des maisons. Et traîna son soulier sur le bitume pour amasser un tas de poudreuse sur le bout de son pied. Il enfonça ses mains dans ses poches. Il avait froid, sous la neige mais il finit par sourire.
Pourquoi s'en faire ? Des après-midis à la bibliothèque, il y en aurait d'autres. Comme des samedis. Comme pleins d'autres moments. Après tout, il n'avait rien promis. Qu'est-ce qu'il s'était imaginé... Il allait rentrer et appeler Ji Eun. Il allait papoter de tout et de rien. Il allait oublier. Et voilà tout...
Le bruit continu des bip-bips qui rythmait les battements du cœur de Hee Soon rassurait Jaejoong qui gardait les yeux rivés sur l'écran.
L'infirmière dans sa blouse rose finissait les derniers ajustements sur le poignet de la jeune fille.
La mère était allongée dans le lit qui faisait face et regardait impassible le spectacle.
"- Vous êtes le responsable légal ?" l'employée de l'hôpital s'était adressée à Yoochun. Il se racla la gorge.
"- Non. C'est moi." Jaejoong avait à peine articuler.
"- Mais c'est moi qui paye les frais médicaux." Le ton employé par son supérieur ne laissait aucune place à une quelconque opposition. Jaejoong baissa la tête.
"- Merci, Sunbae."
"- Il serait peut-être temps de laisser tomber les formalités, tu crois pas ? "
Le jeune homme haussa les épaules, il ne comprenait pas ce qui le retenait pourtant. Avec Yunho cela lui avait été si naturel.
Il saisit la main de Hee Soon et serra ses petits doigts si fragiles qui se recroquevillèrent sur ceux de son grand frère. Le médecin avait parlé d'état comateux. Cela voulait-il dire que sa vie était en danger ? À priori pas... Il fallait juste attendre qu'elle se réveille. Retirer les morceaux de verres dans ses pieds avait pris plus de temps que ce que l'on avait imaginé. Ils avaient été nombreux. Mais le traumatisme de ce qu'elle avait vu serait certainement plus profond que les blessures physiques. Jaejoong haïssait sa mère de tout son être, à ce moment précis. Comment un être humain aussi pitoyable pouvait être sur Terre ? Tout était de sa faute... À commencer par leurs existences à lui et Hee Soon.
Il ne disait rien, mais la rage explosait dans ses yeux. Il retenait encore ses larmes de colère. Yoochun avait posé sa main chaude sur son épaule. Une main qui voulait dire "Je suis là en cas de besoin". Une main qui ne voulait pas lâcher le frêle jeune homme. Ce qui procurait un sentiment désagréable à Jaejoong. Un sentiment de redevabilité. Ça l'écoeurait . Il se leva d'un coup, et prit la porte, laissant Yoochun dans la chambre, ne se souciant de rien.
Il se mit à courir dans les couloirs de l'hôpital. Il étouffait. Il avait besoin d'air. Vite. Il sortit à tout allure à l'extérieur du bâtiment, s'immobilisa sur le pas de la porte et leva sa tête vers le ciel noir. Les flocons de neige tombaient serrés et nombreux. La vue aurait pû être magnifique. Un cri de fureur sortit de la gorge du garçon d'apparence frêle et fragile. Et enfin, les larmes tant retenues se mirent à couler. Enfin. Comme une libération durement attendue. Jaejoong se remit à courir pour se brûler les poumons. Sous sa veste qu'il n'avait pas enlevé depuis qu'il était sorti du lycée, toujours avec ses souliers qui n'étaient pas vraiment faits pour la course. Ses pieds se mouillèrent, il trébuchait sur certains pavés, mais il courut autant que les larmes continuèrent à couler. La rue floue, éclairée par les réverbères jaunes n'avait plus l'air de rien. Les passants s'écartaient ou bien se retrouvaient bousculés par le garçon.
Sa course s'était arrêté nette. Jung Yunho. Il avait juste étendu son bras pour le stopper.
"- Jaejoong ? "
Étonné, le garçon renifla. Du revers de sa main, il essuya son nez qui coulait.
"- Jaejoong, ça va ?" D'un coup, Yunho sentit un coup de poignard dans son cœur. Qu'était-il arrivé pour qu'il soit dans cet état ? S'il n'était pas venu, c'était parce que quelque chose était arrivé. Avant qu'il n'ait eu le temps de comprendre, le lycéen se blottit dans les bras de Yunho, contre toute attente. Les sanglots reprirent de plus belle. Comme si les bras protecteurs du bibliothécaire étaient le réceptacle le plus sûr pour toutes ses peines.
"- Hyu... hyung... hyung..." hoqueta-t'il, incapable de dire plus.
Désemparé, Yunho tapota son dos. Le voir dans cet état lui faisait mal et ne savait plus quoi dire. Lui dire que ça allait, que ce n'était pas grave ? Mais de quoi, exactement ? Ils restèrent un long moment sans parler. L'aîné attendit que Jaejoong reprenne son calme pour le décoller doucement de lui. Son visage était rouge, humide. Ses mèches brunes s'étaient collées à son front. Des flocons de neige ayant conservé leurs formes magnifiques rayonnaient dans les cheveux noirs du garçon.
"- Qu'est-ce qu'il se passe ?"
Jaejoong baissa les yeux. Il eut le sentiment qu'il ne faisait que ça. Comme s'il avait honte. Comme si ? Non. Il avait réellement honte. Honte de cette putain de vie qu'il était obligé d'assumer seul, et dont il était fatigué. Il finit par bégayer.
"- Ma soeur... ma soeur..." Il retint très fort les larmes qui voulaient sortir. "...elle est dans le coma..."
L'angoisse parut immédiatement sur le visage de Yunho.
"- Hee Soon? Qu'est ce qui s'est passé ?" Le cœur de l'homme s'était émietté comme s'il s'était s'agit d'un membre de sa famille.
Jaejoong serra plus fort le blouson de Yunho pour enfouir son visage plus profondément. Il secoua la tête et les sanglots ainsi qu'un autre cri de rage, étouffé par la couche des vêtements, sortirent de son cœur pour le libérer.
Pouvoir pleurer dans les bras de quelqu'un. Se laisser aller. Quémander un réconfort qu'il n'avait jamais eu. Qu'il pensait ne jamais recevoir. Il cria. Cria encore. Et encore. Les mains de Yunho avait fini par l'étreindre si fort, presque à l'asphyxier. Il recevait en sa poitrine les cris libérateurs de l'adolescent. Il voulait s'en boucher les oreilles tellement ça lui faisait mal à l'intérieur. Mais il murmurait :
"- Pleure, pleure, crie, autant que tu en as besoin."
Les larmes coulèrent silencieusement sur les joues de Yunho. Voir la peine de cet enfant innocent, sentir l'affliction profonde dans laquelle il se trouvait lui faisait perdre tous ses moyens.
"- Pleure, Jaejoong. Pleure."
Il lui sembla que c'était une des premières fois qu'il l'appelait vraiment par son prénom. En y mettant des sentiments qui dépassaient ce qu'il aurait voulu. Il pinça ses lèvres. Il avait mal.
Jaejoong finit par se calmer sous la voix douce, le parfum sucré, la simple présence de cet homme. Sa sœur, sa moitié, allongée sur le lit... Il se rappela les yeux qu'elle avait fait quand elle s'était pris les coups, la terreur dans son regard quand sa mère était frappée, son courage. Celui que lui n'avait pas eu. Ou qu'il n'avait pas voulu avoir.
Il se recula en reniflant et regarda les habits de Yunho trempés par ses larmes. Il passa sa main dessus pour essuyer.
"- Pardon, Hyung." Le frisson électrique qui parcourut l'échine du bibliothécaire le paralysa. Il avait planté ses yeux dans celui du garçon et le désir irrépressible de l'embrasser s'empara de lui. C'était à cet instant présent qu'il le voulait plus que tout. L'embrasser. Sentir ses lèvres pour le rassurer, pour lui dire qu'il l'aimait et qu'il serait là pour lui.
Il se força à parler pour enrayer cet attrait irraisonné. Sa voix se cassa presque, quand il lui répondit que ce n'était pas grave. Il retira la main du jeune homme, de son torse, un peu trop prestement.
"- Allons voir ta sœur. Tes parents sont auprès d'elle, n'est-ce pas ?"
Cette question ramena les pensées de Jaejoong à l'hôpital, où sa génitrice regardait sa sœur avec des yeux dénués de sentiment. Il revoyait aussi Yoochun, debout, prenant en charge l'hospitalisation. Il se dit qu'il aurait dû lui dire quelque chose avant de partir. Est-ce qu'il était toujours là-bas ?
"- Hyung... Ne peut-on pas simplement... Aller chez toi ?"
Jaejoong avait le sentiment qu'il pourrait se calmer dans l'appartement où il avait passé la nuit dernière. Il ne voulait pas retourner à l'hôpital et affronter le regard de sa mère ou celui de Yoochun. Il ne voulait pas non plus revoir sa sœur dans cet état, les hématomes sur son visage et la tête bandée.
Non. Il avait besoin de repos. De calme. De sérénité. D'odeur douce.
"- Tu es sûr ? Tu ne veux vraiment pas rester avec tes parents ?"
Jaejoong hurla :
"- ME PARLE PAS DE MES PARENTS ! ME PARLE PAS DE MES PARENTS !" Il frappait le bras de Yunho. "... S'il te plaît..."
Le brun lui saisit le bras fermement pour arrêter les coups :
"- D'accord, d'accord... Calme-toi. "
Il l'entraîna vers un banc un peu éloigné et l'y assit.
"- Bouge pas." Il pénétra à toute vitesse dans une petite épicerie non loin de là et en ressortit avec une bouteille d'eau qu'il tendit au jeune homme.
Le liquide frais coulait dans la gorge de Jaejoong et lui procurait une sensation d'apaisement instantané. Comme si en déglutissant sa boisson, ses soucis disparaissaient loin de ses pensées. Yunho s'assit à ses côtés.
"- Ça va mieux ?"
Le garçon hocha la tête. Il respira à plein poumon, l'air glacé de l'hiver pénétrant ses bronches, les lui brûlant presque. Sa tête basculée vers le ciel, il regardait les flocons de neige qui tombaient sur son visage et remplaçaient peu à peu ses larmes. Yunho lui prit la main. Et serra ses doigts dans les siens.
Minces, doux. Il ne tenta même pas de réprimer les battements trop rapides de son cœur. Il finit même par essuyer les joues opalines du garçon. Tant pis. Tant pis, si son rythme cardiaque semblait exploser, tant pis si ce qu'il ressentait pouvait ne pas sembler correct. Chaque toucher lui envoyait une onde électrique agréable. Le garçon, apaisé, se laissa faire.
Soudain, une sonnerie vint perturber l'instant présent. Jaejoong sursauta. Il sortit le téléphone de sa poche arrière, et décrocha rapidement :
"- Oui, Sunbae ?"
"- Tu es où ?! Ta sœur est réveillée !! Il faut que tu viennes !"
Il raccrocha sans même réfléchir et se leva d'un bond. Il se mit à courir.
"- Jaejoong!" Yunho avait hurlé, désemparé. Comme une bulle de savon qui avait éclaté, son moment avait disparu d'un coup. "Tu vas où ?"
"- À l'hôpital !" cria le garçon par-dessus son épaule.
Le bibliothécaire, debout, les bras ballants, se demanda s'il devait le suivre ou le laisser ; rester dans cette rue qui se désertait ou rentrer chez lui.
Son cœur était gonflé de peine.
Jaejoong n'avait pas stoppé sa course jusqu'à la chambre de sa sœur. Pourtant, en y pénétrant, il s'immobilisa net. Deux agents de police étaient dans la chambre. Le garçon eut un terrible pressentiment. Ses yeux allaient de sa soeur, à sa mère, à Yoochun. Il ne comprenait pas. Pourquoi ils étaient là. Et ce qu'ils voulaient. La panique s'installait en lui, vicieusement...
Hee Soon était toujours couchée mais ses yeux étaient grands ouverts.
"- Oppa..."
Jaejoong rejeta toute mauvaise idée et se précipita sur elle. Les larmes se remirent à couler le long de ses joues. Silencieusement, cette fois.
"- Soonie." L'étreinte dura longtemps. Elle se serait certainement poursuivie si l'un des policiers ne s'était pas raclé la gorge pour intervenir.
"- Nous sommes venus sur la demande de l'hôpital."
Jaejoong sursauta.
"- Les relevés toxicologiques de votre mère indiquent..."
"- Je sais ce qu'ils indiquent." grommela le jeune homme, la crainte de ce qui se passerait ensuite l'envahissant. Allaient-ils lui enlever sa sœur ? Seraient-ils séparés ? Il avait vécu dans le secret depuis toujours pour ne pas la perdre... Ils ne survivraient pas. Ni l'un ni l'autre.
"- Pourrait-on voir vos papiers d'identité ?" Le deuxième policier s'était approché du lycéen en tendant la main. Jaejoong lança un regard noir à l'agent. Est-ce que cet imbécile pensait réellement qu'il avait eu le temps de prendre ses papiers ?
Yoochun, spectateur de la scène depuis le début se décida enfin àintervenir. Il posa une main sur l'épaule du garçon.
"- Je suis le responsable légal." Il sortit de sa poche intérieure son porte-feuille et tendit sa carte au policier.
L'autre examina la carte sous toutes les coutures, compara la photo avec le visage de Yoochun.
"- Et vous êtes qui par rapport à eux ?"
Le grand brun se redressa :
"- Leur oncle. AÀ tous les deux." dit-il en désignant le frère et la sœur. Jaejoong essaya de capter le regard de son boss.
"- Le frère de..." Le policier pointa la mère de Jaejoong qui semblait dans un état proche du sommeil.
Yoochun hocha la tête d'un air entendu. La femme le fixait sans chercher à comprendre. Qui était ce type à l'allure classe et posée ? Elle ne comprenait pas exactement comment son fils pouvait bosser sous ses ordres. Mais soit. S'il voulait se faire passer pour un oncle improbable. Elle ricana. Un oncle. Il voulait mettre son nez dans sa vie crasseuse ? Très bien, il s'occuperait des deux merdeux. Ça lui allait très bien.
"-Vous m'avez entendu, Madame ?" L'agent avait pris un air sévère face à elle.
Non. Elle n'avait pas entendu.
"- Votre état nécessite une hospitalisation dans un centre de désintoxication. Vous ne pourrez pas rentrer chez vous pour le moment. Vous en avez conscience."
Elle leva ses yeux vides vers le type qui avait parlé. Un centre de quoi ? Elle frémit comme si le manque de drogue se faisait déjà ressentir... Elle secoua la tête pour refuser. Hee Soon s'était redressée et regardait, anxieuse, son frère. Jaejoong ne savait pas s'il devait se sentir ou non soulagé. Il assista à la scène comme s'il y était étranger. L'agent qui menotta sa mère au garde-corps du lit. Elle qui se débattait en hurlant "NON" mais sans force. L'infirmière qui débloqua les roues du lit et s'éloigna avec les deux agents et la mère. Yoochun les suivit dans le couloir.
"- Maman !" Le cri de Hee Soon brisa les tympans et le cœur de Jaejoong, qui la prit dans ses bras et appuya sa tête contre son cou.
"- Pourquoi... Pourquoi tu t'inquiètes pour elle ? POURQUOI ?" Il avait hurlé de douleur. "Elle ne nous a jamais voulu, on n'est rien pour elle ! Alors pourquoi ?!" Sa rage le bouffait entièrement. "Tu es ici, dans cet état à cause d'elle ! Pourquoi, Hee Soon ?! Pourquoi tu as fait ça ?"
Les halètements du jeune homme s'estompèrent. La petite fille respirait difficilement sous ses larmes, sa vue brouillée, elle distinguait mal le visage rougit de son frère.
"- Oppa... Quand même... C'est... Notre mère... " sanglota-t-elle.
Yoochun entra à ce moment-là et observa son petit protégé. Il soupira. Il devrait le ramener chez lui, ce soir. Seul.
Les pas de Yunho l'amenèrent au détour des rues sans qu'il ne le remarqua. Il finit par lever la tête devant un immeuble qui lui était familier.
"- Qu'est-ce que je fous là ?"
Devant l'interphone, il finit par appuyer sur le nom de Shim Changmin. S'il était arrivé ici sans y réfléchir, c'était qu'il devait le voir. La voix claire de son ami répondit presque immédiatement au coup de sonnette.
"- C'est moi."
"- Yunho?"
"- Je te dérange pas ?"
"- Non, monte..." Le déclic de la porte se fit entendre et le bibliothécaire monta deux à deux les marches des deux étages jusqu'à l'appartement de son ami.
Il poussa la porte laissée entrouverte exprès et pénétra à l'intérieur. L'entrée sentait bon le café chaud. Yunho s'y déchaussa et rejoignit son ami qui était installé sur le canapé en velour du salon devant la table basse où fumaient deux tasses.
"- Ça va pas, Yun?" demanda son ami d'un air un peu inquiet.
Yunho passa une main dans sa tignasse brune, avant de la passer sur son visage. Il s'assit en tailleur par terre face à Changmin. Il soupira.
"- À vrai dire, je ne sais pas..."
"- Pour débarquer sans prévenir à cette heure, je me doute que tu n'es pas au top de ta forme. Raconte-moi."
Le bibliothécaire saisit la tasse de ses deux mains et y réchauffa ses paumes glacées.
"- C'est Jaejoong." commença-t-il.
"- Jaejoong ?"
"- Le lycéen, tu sais ?"
Changmin le regarda en plissant les yeux.
"- Ah, donc maintenant tu connais son prénom... "
"- Hum..." Yunho baissa la tête et se passa à nouveau la main dans les cheveux. "Il est venu dormir à la maison hier soir."
Changmin posa sa tasse sur la table un peu précipitamment.
"- Quoi ?!"
"-Oh, ça va... Il ne s'est rien passé du tout ! J'ai dormi dans le canapé. Va rien t'imaginer s'il te plaît !"
"- Franchement, je n'ai pas besoin d'imaginer quoi que ce soit pour te faire remarquer à quel point l'idée d'héberger un lycéen pour la nuit est problématique. Et surtout CE lycéen ! Mais je note que tu te défends directement sur le sujet du cul."
Changmin s'interrompit en voyant Yunho rentrer la tête dans les épaules. Il soupira. "Bon, raconte. Comment il s'est retrouvé chez toi ?"
"- Concours de circonstances..." éluda Yunho d'un geste de la main, sans oser le regarder.
"- Hum." grogna Changmin. "Et donc...?"
"- Et donc rien, Min... Rien. Qu'est ce que tu veux que je te dise... Ce gosse qui pleure dans mes bras et moi qui me retrouve comme un con avec le cœur en vrac. Qu'est ce que tu veux que je fasse... Hein ?"
Changmin regarda son ami avec incrédulité. Est-ce qu'il ne se rendait vraiment pas compte ?
"- Rappelle-moi, Yunho. Ce jeune homme a quel âge, déjà ?"
Le brun releva brutalement la tête et regarda son ami, avec dans les yeux un éclair de défi:
"Et alors ? Je suis amoureux, Chang... Je suis amoureux, putain !"
Changmin s'énerva :
"- Amoureux ?" Il n'en revenait pas. Que Yunho se soit leurré à ce point. Et qu'il le force à lui faire dire ce qu'il avait à dire. Il soupira en regardant son ami droit dans les yeux. "Tu n'es pas amoureux, Yunho. Tu as jeté ton dévolu sur un jeune homme qui sort à peine de l'enfance !"
Yunho fronça les sourcils et regarda fixement un cadre accroché au mur.
"- Soit au moins honnête avec toi-même, Yun. C'est toi-même qui m'a parlé de tes petits jeux malsains en le regardant, le désir que tu t'amusais à faire monter... Tu crois que c'est de l'amour, ça ? Tu ne sais rien de lui ! RIEN ! Tu pourrais me dire quoi, sur sa vie ? Sur qui il est ? Ce qu'il fait de ses journées, ce qu'il aime, comment s'appellent ses amis ? Tu ne sais même pas s'il est homosexuel ou pas... Tu ne sais rien ! "
Yunho se leva et s'assit sur la table basse pour être face à son ami. Hargneux, il lui lança :
"- Tu es en train de dire que je suis qu'un connard de pervers, c'est ça ?"
"- Yun. Il faut bien que quelqu'un te remette les idées en place, merde ! Puisque t'es pas capable de le voir par toi-même !" Changmin ne se sentait même pas désolé d'être aussi direct avec son meilleur ami.
Yunho, piqué à vif, perdait ses moyens... "- C'est quoi ton problème, Min ? Tu es jaloux ?"
"- Pardon ? Moi, jaloux ?"
Le brun ricana et approcha son visage de manière aguichante de celui de son ami.
"- Tu es sûr ?"
Changmin le repoussa d'une main ferme :
"- Arrête ça. Ça ne te va vraiment pas de jouer au provocateur. Tu sais très bien qu'il n'y a jamais eu la moindre ambigüité entre nous. Alors revenons-en à ce que tu es en train de faire, plutôt."
"- Oh, mais et toi, alors ? Quand tu vas passer la nuit avec un mec juste parce qu'il a un petit cul bien bandant, tu fais quoi, au juste ?"
L'hôte se leva, excédé et ramena sa tasse à la cuisine. Yunho se sentit honteux. Il se coucha sur le canapé et croisa les jambes.
Quand Changmin revint, il ne le laissa pas tranquille pour autant.
"- Ça n'a rien à voir" dit-il, sur un ton plus doux. "Quand on va en boîte, les règles du jeu sont claires. Que l'on drague ou que l'on se fasse draguer... On est tous adultes, consentants et on sait très bien pourquoi on se retrouve là. Toi, c'est différent. Ce jeune homme vient lire à la bibliothèque, il n'a rien demandé. Que tu t'amuses à fantasmer sur les lecteurs de la bibliothèque est déjà problématique en soi. Mais que tu joues ainsi avec un lycéen... Ce n'est pas de l'amour, Yunho. C'est un désir de possession, rien d'autre."
"- Excuse-moi, mais quand tu passes une seule nuit avec un mec, tu n'en sais pas plus sur lui que moi sur Jaejoong."
"- Jaejoong. Est un. Enfant", souligna Changmin.
Yunho était soufflé. Changmin le prenait donc pour un prédateur sexuel ? Il se sentait bouillir. Il grogna, croisa les bras sur sa poitrine et tourna le dos à son ami, bien décidé à rester là.
Il sentait le regard de son ami sur lui. Il savait qu'il ne lui voulait pas de mal, mais ses paroles l'avaient retourné. Ces accusations, en plus de tout ce qu'il vivait depuis plusieurs jours...
La tête enfouie dans le dossier, il relâcha petit à petit la pression. Il sentit une larme perler au coin de ses yeux. Il essaya de l'empêcher de couler, sans succès.
Le visage de Jaejoong lui revint en mémoire, ses cris de douleur, ses yeux emplis de détresse, les coups qu'il lui avait mis sur les bras, puis les paroles de son meilleur ami. Yunho pleura. D'abord silencieusement. Il laissa juste rouler les larmes contre le velours du canapé. Mais très vite, les sanglots arrivèrent.
Changmin avait certainement raison... Il n'était qu'un putain de salaud qui fantasmait sans honte sur un gamin. Et il avait même poussé le vice jusqu'à l'inviter chez lui, la veille... Peut-être bien qu'il l'entraînait avec lui dans ses délires.
Il se dégoûtait. Il repensait à la façon dont Jaejoong l'appeler "Hyung" sans aucune arrière pensée, alors que lui crevait d'envie de lui dévorer la bouche. Il se sentit sale. Si sale... La nausée lui prit.
"- Yun... Yun..." Son ami posa sa main sur son épaule. Yunho secoua le haut de son bras pour ne plus sentir la main réconfortante.
Changmin soupira et alla chercher un plaid qu'il étendit sur son ami.
"- Tu me connais." lui dit-il. "Je préfère dire les choses telles qu'elles sont, avant que tu fasses une connerie qui blesserait des gens. Sans compter que te connaissant, celle-là, tu n'arriveras jamais à l'assumer."
Yunho ne répondit pas mais remonta la couverture au-dessus de sa tête.
"- Dors bien." lui dit son ami, en tapotant sa tête avant de disparaître dans sa chambre.
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