Partie I : Changements imprévus.
Il faisait nuit noire et Raphael Santiago, chef du clan vampirique de New York et pouvant être qualifié de "vieux vampire appréciant le silence" était accompagné du dernier naïf qu'il souhaitait voir à ses côtés. Ces derniers temps, bien que la vie à New York était redevenue calme pour des Enfants de la Nuit; des patrouilles étaient obligatoires autour de l'Hôtel DuMort.
"- Pourquoi est-ce qu'on doit faire ça alors qu'il n'y a plus rien de dangereux ? Ça n'a aucun intérêt, d'autant plus que j'aurais pu passer ma soirée avec Clary, se plaignit le jeune."
Seul le silence lui répondit mais Simon aurait mit sa main à couper que Raphael avait roulé des yeux. Le plus vieux n'aimait pas parler de Clary. Il ne l'aimait pas, tout simplement; et le nouveau-né n'en connaissait pas vraiment la raison.
Lui n'aimait pas ne pas parler. Le silence l'horripilait. Il continua à suivre le plus vieux en pianotant sur son téléphone. Il avait tellement mieux à faire que de surveiller les alentours d'un repère de vampires particulièrement capables de se débrouiller seuls. Surtout lorsqu'il n'y avait plus de menace.
Il ne vit pas le mexicain s'arrêter et fonça dedans, faisant tomber son téléphone dont l'écran se fissura. Il grimaça. Il n'était pas très vieux pourtant.
"- Mais pourquoi tu t'arrêtes comme ça ? S'écria Simon.
- Tais-toi.
- Si tu pouvais me parler plus gentiment, je considèrerais peut-être ta demande, lui répondit l'adolescent.
- Callate, por dios, déclara le mexicain en lui lançant un regard noir."
Il remarqua enfin la posture du plus vieux, qui semblait chercher quelque chose dans l'obscurité les entourant. Il ramassa lentement son portable qu'il fourra dans la poche de son sweat, adoptant avec un peu de mal le même comportement que le plus vieux.
"- Qui est là ? Demanda le mexicain."
Seul le silence lui répondit et il claqua sa langue contre son palais, irrité. Il sentait que quelqu'un les observait depuis la pénombre. Son odorat le lui prouvait. Et il ne se trompait jamais. Il vit Simon esquisser un mouvement et lui lança un regard noir. Pourquoi ce gamin bougeait-il toujours quand il ne fallait pas ?
Il reposa de nouveau la question en grinçant des dents, plutôt agacé de la situation. Cette fois, un rire lui répondit et Simon s'immobilisa brusquement. Ce rire aurait pu lui donner la chair de poule tant il était étrange et inattendu. Et malsain.
Là, une odeur d'encens et de refermé lui parvint aux narines tandis qu'un homme apparut devant eux. Il était habillé d'une cape aux nombreux tissus rafistolés et usés qui fit se moquer le plus jeune. Le regard perturbant de l'inconnu se posa sur lui et, une seconde plus tard, il se trouvait posté devant le new yorkais, un doigt sur sa bouche pour le réduire au silence. Simon sursauta presque et se recula de plusieurs pas, l'odeur de l'homme lui agressant l'odorat autant que son comportement qui lui fichait la frousse.
"- Il me semble que les américains ne sont pas très polis, déclara l'homme d'un accent étrange."
Raphael fixa l'homme d'un regard mauvais, montrant ses crocs afin de l'intimider. Celui-ci eut un sourire peu pertinent dans cette situation et, de son accent étranger, prit la parole.
"- Les jeunes sont très malpolis de nos jours. Je ne comprends pas.
- Qui es-tu ? Siffla le mexicain d'un air menaçant."
Celui-ci se mit à rire bruyamment avant de le refixer, visiblement ennuyé. N'était-il pas lunatique ? En un clin d'oeil, l'étranger posa un doigt sur le front du chef qui usa de sa vitesse surnaturelle pour s'en éloigner. Il fit de même avec Simon et quelques secondes plus tard, ils crurent tous deux s'évanouir, chose particulièrement peu courante pour des vampires.
"- Vous le saurez bien assez tôt, murmura la voix à leurs oreilles."
Ils reprirent leurs esprits quelques secondes plus tard et Simon rit nerveusement, tant par la discussion incompréhensible que par la personne qu'ils avaient rencontré. Et qui avait disparu tout aussi rapidement.
"- On voit pas des gens comme ça tous les jours au DuMort."
Là, il sentit que quelque chose n'allait pas. Pourquoi Raphael venait de dire ce que lui voulait dire ? Il était pourtant certain d'avoir parlé.. Il tourna la tête vers son créateur et tomba sur sa propre personne, qui le regardait, les yeux écarquillés. Simon se frotta les yeux avant de regarder de nouveau son corps, en face de lui. Là, sa voix dans son corps résonna dans la rue vide de monde.
"- Je crois qu'on a un problème."
Et ce problème semblait plutôt immense.
-
Il ne pensait pas ça possible un jour. D'un, il avait échangé de corps avec Raphael. De deux, il n'avait jamais porté une tenue aussi chère et faite pour lui. De trois, il n'avait jamais eu de cheveux si bien peignés et s'en émerveillait presque, alors qu'il regardait le mexicain coincé dans son corps tourner en rond. Il marmonnait des choses en espagnol et Simon ne tentait absolument pas d'en comprendre la signification. Il se faisait assez sermonner pour tenter de le déranger une nouvelle fois dans ses incantations vaudoues.
Le concerné se mit soudainement à le fixer d'un air mauvais et Simon se sentit obligé de lever les mains en l'air, innocent.
"- Je n'ai rien fais moi, ne me regarde pas comme ça."
Son corps lui envoya un regard noir et il nota qu'il n'était vraiment pas mal comme ça, un pur air irrité sur le visage. Sûrement l'effet vampire. Il eut un sourire et s'attira un nouveau regard mauvais.
"- Ne souris pas comme un imbécile.
- Ce n'est pas comme si les autres n'allaient pas s'en rendre compte.
- Ne dis rien à personne, menaça le plus vieux dans le corps nouvellement transformé.
- Et bien, comment allons-nous faire pour revenir à la normale Einstein ?"
Il se fit fusiller du regard et soudain, une sonnerie retentit. Simon attrapa le portable dans la poche du sweat de Raphael et décrocha.
"- Oui, Clary ?
- Euh, Raphael ? Pourquoi réponds-tu à la place de Simon ?"
Simon écarquilla les yeux et Raphael lui arracha le mobile des mains.
Il s'excusa sèchement et raccrocha sous le regard éberlué du plus jeune. Venait-il vraiment de raccrocher sans aucune explication digne de ce nom ?
"- Mais, pourquoi tu as raccroché ?
- Je n'ai aucune envie de parler à ta petite copine."
Simon, dans le corps de Raphael, roula des yeux et lui reprit d'un coup sec le téléphone, formulant une excuse plausible par message à sa meilleure amie. Qu'allaient-ils faire s'ils n'en parlaient à personne ? Il ne voulait pas rester dans ce corps éternellement.
"- Dans les films, souvent, tout redevient normal après une journée.
- Merci, Lewis, de divulguer l'intelligence dont font preuve les films. Ne pourrais-tu pas lire à la place, pour te cultiver un peu ?"
Simon lui envoya un regard noir et lourd de reproches. Il était cultivé mais ne pouvait pas l'être autant qu'un vampire de cet âge. Il croisa les bras et regarda ailleurs, irrité.
Ils décidèrent d'attendre vingt-quatre heures sans rien faire d'autre que de se faire passer pour celui qu'ils incarnaient. Simon insista cependant pour qu'ils restent dans leurs chambres et Raphael acquiesça immédiatement. Il n'avait aucune envie de dormir dans le lit de cet adolescent. En rentrant à l'Hôtel, une vampire que Simon ne connaissait pas vint lui adresser la parole respectueusement et il apprécia particulièrement cela. Personne ne le respectait vraiment ici, après tout. Il n'était que le petit nouveau qu'il fallait éduquer.
Il constata également qu'il n'avait pas faim comme tous les jours précédents et était satisfait de ce fait. Plus il se trouvait loin de sang et mieux il se portait. Inconsciemment et par habitude, il bailla sans gêne et s'attira de nombreux regards surpris avant de reprendre un visage sans émotion. Comment Raphael faisait-il pour ne rien faire d'autre qu'une tête sérieuse ? Vivre dans ce corps n'allait pas être facile, décidément. Il monta rapidement dans sa chambre et y entra, s'affalant sur son lit. Que d'émotions. Il n'avait jamais cru que cela serait possible, ni même que, parmi tous les êtres plus ou moins vivants sur Terre, ça leur arrive, à Raphael et lui. La porte s'ouvrit derrière lui et il entendit un grognement qui le fit se retourner. Ce n'était que son enveloppe charnelle qui se baladait sans la bonne personne à l'intérieur..
Raphael ferma la porte à clés derrière lui et lança un regard effrayant au plus jeune. Qu'avait-il fait encore ?
"- Un membre m'a demandé pourquoi "Raphael", commença-t-il en levant les bras au ciel, était entré dans ma chambre sans moi.
- Et ?
- Et tu aurais pu être discret. Dios, tu ne fais vraiment pas attention."
Simon lui envoya un regard noir et reposa son téléphone sur son lit fait maladroitement, croisant les bras furieusement et adoptant un sourire ironique.
"- Dans ce cas, pourquoi n'irions-nous pas dans la chambre de l'autre ?"
Raphael resta silencieux. Oserait-il dormir dans le même lit que ce nouveau-né qu'il avait placé sous sa protection ? Il soupira bruyamment et acquiesça. Ce n'était probablement que pour une journée après tout. Alors, Simon attrapa son portable, un sweat et jogging, et partit avec un sourire en coin. À lui le lit king's size et la chambre de leader.
Au moment de se déshabiller, il hésita un peu. C'était comme s'il déshabillait Raphael -ce qui, en soit, se passait d'un point de vue extérieur- et ce n'était vraiment pas quelque chose qui aurait dû se produire un jour. Il hésita et retira l'une des nombreuses vestes du mexicain, la posant délicatement sur un ceintre dans le placard gigantesque. Il retira avec précaution la chemise et fit de même. Là, il soupira d'aise en enfilant son sweat bleu marine Star Wars. C'était pile la bonne taille, une chance pour lui. Il retira le pantalon en regardant au loin, concentré sur tout sauf ce qu'il avait entre les jambes. Ce n'était qu'une journée, sa curiosité tiendrait. Le jogging était un peu grand et il marchait légèrement dessus, devant ainsi replier l'ourlet déjà présent au niveau de ces chevilles qui n'étaient pas les siennes. Il s'admira dans le miroir et sourit. Raphael dans ses habits. Ça lui plaisait et il se haït pour penser ça.
Il papota le reste du temps avec Clary qui, elle, avait eu une soirée de repos. Ils parlèrent de nombreuses choses, notamment de l'Hôtel, de sa nouvelle vie; de Raphael qui l'attirait irrémédiablement. Sur ce dernier point, il se sentit étrange en se rendant compte que ces doigts avec lesquels il écrivait les messages n'étaient pas les siens. Que ce corps assis sur ce lit immense était celui de son chef. Il soupira et souhaita une bonne nuit à Clary. Trois heures du matin, sûrement tôt pour un vampire de cet âge. Mais le dernier message de la rouquine l'avait refroidi. Et il n'y répondit qu'en changeant de sujet. Comme à son habitude. Il n'était pas lâche. Il aimait juste ne pas parler de choses qui fâchent.
Il éteint les lumières et s'emmitoufla dans les couvertures, bercé par l'odeur de cologne et de shampoing du plus vieux. C'était définitivement une situation improbable.
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