E
Le 28 septembre 2024
Emy,
Merde, j'y crois toujours pas.
Quand on m'a annoncé que t'avais pris l'avion vers les nuages, j'ai vrillé, c'est vrai. Mais essaye de me comprendre, je ne pouvais rien faire d'autre que tout casser,
la table,
ce cendrier que j'ai été obligé de racheter avec mes paquets de cigarettes,
et cette horrible poupée de porcelaine qui te suis depuis ta naissance.
Ouais, je sais, j'aurais pas du la briser mais, tant qu'à t'effacer, autan le faire pour de vrai. T'es morte, rien de toi ne peut rester sur cette Terre. C'est cruel mais c'est comme ça,
t'es morte,
rien ne dois suggérer la vie que tu as menée jadis.
Alors, crois moi, j'avais une bonne raison de lui couper ses cheveux crépus, à Carole. J'ai pleuré tandis que que je lui arrachais ses yeux de sorcière, que je lui déchirais les habits, que je lui démantelais les joues, la poitrine, les jambes, les bras, que je lui tailladais le cœur et le bide, sans pitié. Et puis, quand elle n'a été qu'un petit tas de débris informe, elle m'a fait penser à toi, Emily. Et je t'ai détestée de m'avoir abandonné aux mains décharnées de la solitude. Sans toi, c'est comme si mon monde s'était éteint, qu'il avait cessé de tourner sur lui-même, ne laissant place qu'a cette foutue pénombre qui me dévore plus vite qu'elle ne l'a fait pour toi.
Toi, t'as combattu avec cette épée d'espoir que je te connaissais si bien. Dis moi, Emy, ne l'aurais-tu pas cachée avant ton suicide ? Ne l'aurais-tu pas enfouie sous un gros tas de larmes emmêlées, dans un endroit bien crade et inaccessible ? Car je ne l'ai pas retrouvée, je n'ai que mes frêles poings pour me protéger.
Mais, rassure-toi, ça ne va pas durer, je vais te rejoindre, ma sœur. Rien que cette idée me donne des frissons d'euphorie. Tu imagines, un endroit où il n'y aurait pas les parents, ces foutus harceleurs, toute cette merde qu'on nous jette à la gueule par paquet ? Moi oui, et je ne pense plus qu'à ça.
Avec ma peine comme ce moustique que tu essayais de tuer avec ta lame de rasoir, on grimpera en haut de ce building tout gris et moche, on respirera l'air une dernière fois et puis on fera un truc de suicidaire, c'est à dire se suicider. J'ai longuement pensé à ce que tu à fais toi, mais je me suis dit que ce serait plus symbolique de ne pas reproduire la même chose. Toi, ma douce sœur aux traits fatigués, tu as porté à tes lèvres ce cocktail de trucs chimiques qui t'ont fait t'envoler planer très haut dans le ciel. Moi, le frère idiot, je ne volerai pas non, comme un bout d'étoile en chute libre, je frapperai le sol de mon corps à vif.
Après tout, je suis Orion, une constellation de cicatrices et de colère qui s'incruste dans ma peau, il me faut retourner aux cieux. D'ailleurs, je l'entends hurler mon prénom. La nuit, il résonne dans la voûte céleste, rebondit sur ses parois bleus marine pour m'encercler, je ne ferme pas un œil tant la tentation de faire ça maintenant est forte. Mais si j'ai résisté, ce n'est pas pour rien, Emy. C'est par ce que je veux partir en ce jour si particulier d'automne.
Ce lundi orange et poussiéreux sera notre lieu de rendez-vous.
Ce lundi froid au petit matin sera mon caveau de feuilles mortes.
Ce lundi libérateur sera l'anniversaire de ton dernier soupir et la naissance du mien.
Toutefois, j'espère que tu ne seras pas trop en colère. Après tout, ce n'est pas rien, j'usurpe la date de ton décès. Tout les ans, les regards ne seront plus tournés vers ta tombe mais bien vers la mienne. Quoi que, je n'en suis plus très sûr. Tu as toujours été magnifique malgré les coups et les crachats, lumineuse malgré le sang qui cachait ton soleil, souriante malgré cette rage qui te bouffait les dents. Moi, je suis Orion qui ne brille pas comme une étoile. Orion dans son sweat à capuche gris, entortillé dans ses chaînes argentées, muqueuses cernées de charbon. Orion avec ces cheveux noirs collés sur le visages, avec ces yeux qui ne veulent rien dire de particuliers. Alors, si l'on ne me regrette pas comme l'on t'a pleuré, je comprendrais tout à fait. Même ma propre mort ne me fait pas autant de peine que la tienne.
***
Un jour, trois semaines après ton départ, Coco m'a dit :
"T'as pas intérêt à mourir, idiot."
Alizée me caressait l'épaule, Liam essayait de me remonter le moral en déballant son répertoire de vannes en carton, Megan me regardait, impassible. Et Ethan ? Ethan il était pas là. Depuis que tu t'es empoisonnée, je ne le vois plus nulle part et tombe à tout les coups sur sa messagerie. Parfois, au coin d'une ruelle sombre, vers minuit, je peux l'apercevoir, son visage comme percé de petits orifices pour pleurer plus fort. A chaque fois qu'il me remarque, il tourne les talons.
Que t'a-t-il fait Emily ?
Pourquoi est-ce que ce jour-là, quand tu t'es accrochée à un oiseau pour voler jusqu'au ciel, j'ai pu voir ce message sur l'écran de ton téléphone ?
"Désolé pour tout.", t'avait envoyé Ethan.
Désolé pour quoi ? A vrai dire, je n'ai pas creusé plus. Je ne voulais plus me mêler à ton passé de chair et d'os, seul le deuil importait. Enquêter sur une époque révolue reviendrais à percer des secrets sans plus aucune utilité. Et puis, pourquoi venger les morts ? Ils sont morts, ne peuvent plus se délecter du malheur de la personne qui leur à fait mal, trop occupés à pourrir six pieds sous terre. Alors je laisse Ethan avec ses trous sur les joues. Il peut bien pleurer ses fautes, je n'en ai plus rien à foutre.
Enfin... je crois quand même qu'il était amoureux de toi, Emily.
Mais l'amour n'excuse pas la calamité tout comme il permet aux être de mettre fin à leurs jour.
Plus qu'une semaine et je serais auprès de toi. Toi qui as été ma protectrice. Toi que je serrerai dans mes bras plus très entiers.
Plus qu'une semaine et je ferai la même connerie irréparable que toi.
Toi qui, jusqu'au bout, auras été mon modèle.
Orion.
BY ÖSSA
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