Chapitre 1
La longue blouse blanche du docteur captait les faibles lumières bleues de la vaste pièce. Une odeur atroce s'en émanait, et ce n'étaient pas les chirurgies qu'on y pratiquait qui allaient arranger les choses. Les néons céruléens se reflétaient dans les bistouris disposés en rang d'oignons pour plus de praticité. Les quelques hommes présents dans la pièce ne portaient qu'un seul regard sur le chirurgien pratiquant les opérations. Ôtant chaque organe interne d'un patient encore vivant il y avait quelques heures de cela.
Les gants en nitrile noir plongés dans la faille d'un cadavre qui le traversait en longueur, sa chirurgie faisait des miracles. Il était persuadé que ça lui rapporterait gros, très gros. Son collaborateur allait l'augmenter, et il adorait cette idée papillonnant dans un coin de son sombre esprit. D'innombrables gouttes de sang tombaient sur le carrelage blanc assombri à cause de la faible luminosité qui émanait de la salle. Et puis, personne ne devait savoir qu'un groupe de personnes était à l'intérieur de l'hôpital la nuit. Encore moins en sachant que le grand chirurgien avait une activité plus que secrète. Sa vie pourrait être entièrement détruite si une minuscule quantité d'information fuitait. Et les hommes qui l'entouraient le savaient pertinemment, profitant de cette faiblesse pour en faire leur pantin. Le chantage était ce qu'ils savaient faire de mieux, et ils laissaient le privilège des ordres au patron. Et il valait mieux ne pas l'énerver ou le contredire.
Le loup apparut rapidement entre les portes automatiques de la pièce. Le patron était là. Ses hommes le regardèrent, toujours avec cette once de peur dans leur regard. Ses lèvres aiguisées, son nez droit et ses yeux fins lui donnaient un air sévère qui terrifiait quiconque lui parlait. Et il était particulièrement fier d'instaurer cette peur auprès des gens, il pouvait les manipuler à sa guise. Tous les yeux étaient tournés vers lui. L'atmosphère était devenue un peu plus sinistre grâce à son entrée. Il aimait cette ambiance sombre et illégale. Il s'approcha lentement du docteur et vérifia l'état de son matériel. Ses doigts inspectaient le métal froid et recouvert du sang des dépouilles déposées sauvagement sur des tables d'autopsie. Il fit un signe de tête approuvant le travail qu'effectuait son collaborateur. Un souffle de soulagement s'échappa discrètement de la barrière des lèvres du médecin, réellement joyeux de ne rien subir de la part de cet homme. Il rangea l'un des scalpels dans sa poche avant de se pencher au-dessus du corps déserté d'organes. Un sourire étira le coin de ses lèvres en voyant les pièces maîtresses posées à côté des uns et des autres.
Il mit un gant sur sa main droite et empoigna le cœur devant lui. La qualité de celui-ci était impeccable, il était persuadé qu'il allait gagner un paquet d'argent. Il reposa sa prise et jeta le gant sur l'un de ses hommes.
- Mettez-moi tout ça dans des glacières et faites votre boulot.
Les sbires acquiescèrent et s'affairaient à la tâche, faisant ce pour quoi ils avaient été embauchés. Quant au médecin, celui-ci s'approcha de son recruteur en se débarrassant également de ses gants. Les bras croisés, le patron observa la scène puis porta son regard sur l'homme à la blouse blanche.
- Monsieur Park, est-ce que...nous allons avoir une augmentation ?
Le médecin n'était pas sûr de ses paroles, et redoutait à chaque instant une action sanguinaire de son vis-à-vis.
- Pourquoi ferais-je ça ? Tu n'es pas assez payé ?!
- Si ! Si, bien sûr que mon salaire me convient Monsieur. Mais je me demandais, puisque l'on a eu de beaux spécimens aujourd'hui, si nous pouvions potentiellement avoir une augmentation. Car il me semble que tous ces organes vont nous rapporter beaucoup d'argent.
Le visage de ce Monsieur Park se durcit, s'assombrissant encore un peu plus. Personne n'aurait aimé être en face de lui à cet instant précis. D'un geste vif, il attrapa le cou du médecin, le serrant avec force pour qu'il puisse s'étrangler. Il le regarda avec des yeux plus noirs que le néant lui-même.
- Évidemment que nos récoltes de ce soir vont nous rapporter gros ! Mais ce n'est certainement pas pour ça que tu vas recevoir une augmentation, rentre-toi ça dans ton crâne de larbin. C'est moi qui décide. Et tu as intérêt à ne plus la ramener si tu ne veux pas terminer à la place de tes cobayes disséqués. Compris ?!
Le chirurgien était terrifié, il essayait de parler, en vain. La poigne de Park le laissait sans voix, prêt à s'évanouir à chaque seconde qui passait. Il essayait tant bien que mal d'approuver la question du patron. Celui-ci, satisfait de sa malfaisance, lâcha le docteur qui s'étalait sur le carrelage décoré de jolis points rouges rubis s'étalant sur son passage. Une toux fracassante vint remplir la pièce si silencieuse avant cette altercation. Le patron récupéra les corps étripés et partit les brûler au four crématoire de l'hôpital dans le plus grand des calmes.
Il récupéra les cendres et sortit rapidement de l'hôpital en évitant chaque caméra de surveillance. Il avait l'habitude, il répétait cela pratiquement tous les soirs. Il s'éloigna, se fondant dans l'obscurité des rues de la ville, balançant un peu plus loin les cendres sans grand intérêt. Plus personne ne retrouvera la trace des corps qui étaient normalement encore branchés à tout un tas de machines permettant de les faire rester en vie. À quoi bon garder des corps voués à mourir alors qu'ils pouvaient faire s'enrichir d'autres personnes ?
Les mains dans les poches, il marchait avec l'intention d'aller boire un coup dans l'un des seuls bars qui restaient encore ouverts à une heure pareille. Il rentra assez rapidement dans son bar favori, ne retrouvant personne comme il s'y attendait. Il s'installa sur l'un des tabourets juste en face du bar, commandant sa boisson alcoolisée fétiche. Il ne se posa pas réellement de questions, mais le bar n'était pas éclairé. Comment pouvait-on préparer une boisson dans le noir le plus complet ?
- Alors, ça se passe comme tu veux ton business ?
Des bruits de liquide versé et de verres s'entrechoquant se firent entendre auprès des oreilles de son interlocuteur. Park fronça les sourcils, ne pouvant pas apercevoir le visage de la personne qui venait de parler. Qui pouvait bien connaître l'existence de son business frauduleux ? Elle était une vraie menace pour le jeune patron.
- Je ne vois pas de quoi vous parlez.
- Au contraire, tu vois très bien de quoi je parle Jay. Tu aimerais que je te dépouille comme tu le fais avec tous ces gens ?
L'homme était surpris et enragé de savoir qu'une femme, car la voix qu'il entendait était bien féminine, pouvait connaître son trafic. Pris d'une colère folle, il tapa du poing sur le bar.
- Qui êtes-vous ?! Et comment savez-vous tout ça ?!
- Calme-toi et bois ça, on parlera juste après.
Jay grogna et regarda le verre d'alcool qui venait d'être posé en face de lui. Il le but d'une traite et allait commencer à parler, mais en fut pourtant incapable. Il sentait ses lèvres attachées entre elles, son corps paralysé et son esprit ne sachant plus quoi faire. Il était pris au piège par une femme qu'il ne connaissait ni d'Ève ni d'Adam. Son corps partit lourdement en arrière, tombant de son tabouret. Et il vit, avant que ses yeux ne fermèrent, une silhouette parfaite. Une femme comme il l'avait deviné, grande et très mince, qui semblait être quelqu'un de très influente dû à la posture bien droite qu'elle arborait. Et ce furent les dernières visions et pensées qu'il eût avant de tomber sur le bar.
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