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La Souveraine (1)

La tyrannie d'Avalaën prit fin avec la dernière attaque d'Helvethras, menée au milieu de la nuit par la légion des Chauves-Souris. Au crépuscule de la lune de sang, alors que la puissance des arcanes était à son apogée, Alia d'Ombre guida ses soldats dans les souterrains de Ciel, en direction non pas du palais royal comme cela avait été planifié, mais des baraquements militaires situés au sud de la cité. Des lunes plus tard, lorsque les historiens parvinrent à résumer enfin les deux années de guerre, l'origine de sa décision demeurait toujours obscure. Au conseil de guerre qui avait précédé, il avait clairement été établi que l'attaque porterait en priorité sur le palais, qu'il fallait récupérer de toute urgence. Pourquoi Alia d'Ombre, au lieu de viser la cible prioritaire, s'était-elle frayée un chemin jusqu'au cœur des casernes ennemies – où elle s'était consumée dans la puissance destructrice de son arcane – demeure encore aujourd'hui un mystère.

Son intervention foudroyante, ainsi que le noble sacrifice des Chauves-Souris qui l'accompagnaient, avait néanmoins eu une conséquence imprévisible : le Commandant en Chef Betheyn, émissaire du roi Uvil d'Avalaën, le Régent de Fer de la cité de Ciel, censé être au palais, mourut dans l'explosion des baraquements. Privée de son chef ainsi que de près des deux tiers de ses effectifs, l'armée d'Avalaën se soumit dans les heures qui suivirent. La nuit de la lune de sang signa la fin des combats pour Helvethras.

Eliane laissa ses doigts courir le long de l'épaisse reliure du livre, les lèvres tremblantes, prise d'irrépressibles frissons. Dans sa poitrine s'était creusé un trou béant, si brûlant qu'elle suffoquait. Les souvenirs étaient revenus. Elle se rappelait du sourire lumineux de sa mère, de sa voix chantante et cristalline, de ses mains douces qui lui effleuraient le front et des baisers papillons qu'elle lui donnait avant d'aller se coucher. Mais, bien plus douloureusement, elle se remémorait la terrible sensation de sécurité qu'elle ressentait quand Alia la prenait dans ses bras, l'amour profond, inconditionnel et inexplicable, qu'elle lui avait vouée, petite. Elle se souvenait du sourire sincère de son père chaque fois qu'ils se retrouvaient tous les trois, du calme qui adoucissait ses traits, des éclats de rire de sa mère et du bonheur, sincère et pur, qu'ils ressentaient étant ensemble. Les Mémoires de l'invasion d'Avalaën, grand ouverts devant elle, avaient fini de raviver les flammes mourantes d'un deuil inachevé, étouffé par un puissant enchantement.

Elle se souvenait de l'impression de vide qui l'avait hantée les premières lunes, après le décès de sa mère. Elle avait refusé de s'alimenter, de boire, de se déplacer... de vivre, en vérité. Elle avait alors six hivers, une tristesse infinie au fond des yeux et une souffrance incommensurable dans son cœur.

C'était finalement Lewuen qui l'avait sauvée. Sans lui, elle se serait tout simplement laissée dépérir, apathique, inerte. Mais il avait choisi de la sauver malgré les réticences de son père, Zerrhus. Il était venu dans sa chambre, lui avait parlé doucement. Elle l'avait à peine écouté, mais il avait prononcé une seule phrase, qui était restée gravée au fer rouge dans sa conscience depuis. Je vais te demander une seule chose : tu vas poser ta main ici, et projeter un peu de ton arcane de glace dans ton cœur quand je te le dirai. Il ne lui avait pas posé la question, ne lui avait pas demandé la permission. Il s'était simplement saisi de sa main d'enfant, l'avait posée sur sa poitrine, au-dessus d'un petit cœur qui battait au ralenti, l'avait obligée à boire une potion. Maintenant. Elle s'était exécutée, sans réellement savoir pourquoi. Elle avait senti le froid s'infiltrer dans sa chair, glacer ses membres, avait un instant craint – et espéré – avoir mis trop d'énergie dans le geste, être allée trop loin, trop fort. Elle avait eu le temps de capter quelques mots de Lewuen, qu'il murmurait dans le langage des arcanes, avait que son esprit ne s'enfonce dans les profondeurs de l'obscurité.

Elle s'était réveillée au milieu de la nuit avec l'impression d'émerger d'un long cauchemar. Le sel de ses larmes avait séché sur ses joues, traçant de longs sillons durs sur sa peau. Elle s'était rappelée sans mal de ce qui s'était passé, de son désespoir et de la cause de son mal-être... mais les souvenirs de sa mère étaient soudain flous dans sa mémoire, réduits à des ombres de silhouettes et des échos de voix.

Eliane se souvint du trouble qu'elle avait ressenti quand elle avait songé pour la première fois à Alia sans ressentir ce vide béant dans sa poitrine, cette souffrance brûlante pareille à un couteau chauffé à blanc enfoncé dans sa gorge. Le constat l'avait perturbée. Elle avait fait réveiller Lewuen, l'avait calmement interrogé, et il avait tout aussi calmement répondu. Je t'ai imposé le sortilège d'Aitah, qu'on appelle aussi le sortilège des cœurs brisés. On l'utilise pour éloigner les souvenirs douloureux des êtres chers perdus. Il dure environ cinq hivers, et si tu ne le renouvelles pas au bout de cette période, les souvenirs reviendront, et la douleur aussi. D'ici-là, tu peux commencer à te reconstruire.

Elle sourit en repensant au calme qu'il avait manifesté, et à la sincère affection qu'il lui avait témoignée. Aujourd'hui, les effets du sortilège s'estompaient à nouveau, pour la troisième fois depuis qu'elle l'avait subi, mais elle avait décidé de ne pas le renouveler. Avec les récents évènements, quelque chose avait changé. Elle ne craignait plus la douleur des réminiscences. Au contraire, elle souhaitait savoir, se rappeler de sa mère, se souvenir de cet amour qui, sans qu'elle ne s'en rende compte, lui avait cruellement manqué dans sa jeunesse.

À sa gauche, un autre livre était ouvert sur une double page chargée de noms et de fines lignes : les archives généalogiques des cinq provinces d'Helvethras, remises à jour tous les dix hivers. À côté de Zerrhus d'Ombre, annotée d'une étoile pour marquer son décès, Alia d'Ombre, née de Lumière. La commandante des Chauves-Souris, l'Aube Rouge, la sauveuse de Ciel. Eliane sentit quelque chose s'apaiser en elle. Sa mère avait été une héroïne de guerre, elle l'avait toujours su, mais voir son nom inscrit dans les registres, célébré pour l'éternité parce que, selon la tradition d'Ombre, elle avait accompli son devoir au mépris de sa propre vie, la rendait étrangement un brin plus accessible. Plus réelle. Pas juste un souvenir, mais une véritable personne qui avait accompli quelque chose et dont la mémoire serait honorée.

Elle finit par refermer les deux ouvrages et les ranger dans les étagères, puis s'esquiva de la bibliothèque royale, où elle s'était réfugiée pour l'après-midi. Au-dehors, elle tomba sur Lewuen, qui faisait les cent pas devant les grandes portes, bloqué par les gardes qui lui interdisaient l'entrée. En la voyant, il sourit.

— Eliane ! On m'avait dit que je te trouverais ici, mais ces deux piquets refusaient de me laisser passer. Je te raccompagne ?

Agréablement surprise que, malgré les circonstances, il ne prenne pas les protocoles au sérieux et demeure aussi familier que lorsqu'elle était sous sa tutelle, Eliane acquiesça et s'engagea à ses côtés dans les longs couloirs vides. Il était tard, et la majeure partie des Nobles s'étaient réfugiés dans leurs quartiers ou dans les salles communes. L'effervescence de cette dernière demi-lune avait épuisé tout le monde mais, fort heureusement, toute cette agitation s'apaiserait enfin après le mariage et le couronnement.

— Comment vas-tu ? s'enquit-il une fois qu'ils furent hors de portée des oreilles indiscrètes. Vraiment ?

Elle poussa un long soupir.

— Ça pourrait aller mieux... mais je ne vais pas aussi mal que j'aurais pu le croire.

Lewuen acquiesça lentement, pensif.

— Je suppose que tu ne souhaites donc pas renouveler le sortilège ? hasarda-t-il.

Eliane répondit par un hochement de tête silencieux, elle aussi perdue dans ses pensées. Certes, se rappeler était douloureux. C'était comme émerger d'un rêve idyllique pour réaliser que la réalité était bien plus triste et plus dure que le rêve la faisait paraître. Et pourtant, il y avait une étrange beauté dans cette douleur. Après des hivers passés à étouffer sa peine, elle se résignait enfin à la vivre, à faire son deuil une fois pour toutes et à ne pas craindre ses propres émotions.

Lewuen ne posa pas d'autres questions. Ils cheminèrent ensemble jusqu'à sa chambre, songeurs, silencieux. Cinq longs hivers s'étaient écoulés depuis la dernière fois qu'ils s'étaient vus, et pourtant, rien ne semblait avoir changé. À côté de Lewuen, Eliane se sentait calme et sereine, toujours à la recherche de nouvelles connaissances. Sur le pas de sa porte cependant, alors que l'alchimiste venait de lui souhaiter une bonne nuit, la Dame d'Ombre prit soudain une inspiration tendue, un dangereux souvenir affleurant à la surface de son esprit. Une lune plus tôt, elle avait été souffrante. L'enchantement d'Esiletran. Seul Lewuen est censé le connaître. Mais Lewuen n'aurait pas pu lancer l'enchantement sur la jeune femme, puisqu'il se transmettait uniquement par contact physique. Et, du vivant d'Eliane, il ne l'avait enseigné qu'à elle, en spécifiant bien un fait important.

— Lewuen, quand tu m'as enseigné l'enchantement d'Esiletran, tu m'as dit que c'était un secret de famille. Tu ne l'as donc enseigné qu'à moi... ?

Il acquiesça gravement, préoccupé par la simple mention du sortilège.

— Pourquoi ?

— J'en ai été victime il y a à peine une lune.

Lewuen pâlit.

— Tu es sûre ?

— J'ai mis des heures à déceler l'origine de mon mal, approuva-t-elle, la mine fermée. Heureusement, je n'avais pas encore atteint la phase critique.

Le vieil alchimiste garda longtemps la tête basse, perdu dans ses réflexions. Ses doigts tremblotaient légèrement, ses épaules étaient crispées vers l'avant, repliées comme pour former un semblant de protection contre la vérité. Lorsqu'il releva enfin le menton pour faire face à sa Dame et future Reine, il y avait une profonde douleur dans ses iris délavés, mais pas un seul tremblement dans sa voix grave :

— Si c'est lui... le couronnement...

Le cœur glacé à la simple allusion d'une trahison, Eliane coula un regard au garde d'Ombre qui se tenait devant sa porte, figé, stoïque, pleinement éveillé malgré l'heure tardive. Il lui retourna une expression vide, attentive mais dépourvue d'intentions, qu'elles soient bonnes ou mauvaises.

— Pas un mot à quiconque au sujet de ceci, évidemment, commanda-t-elle.

Il acquiesça, laconique. L'espace d'un instant, l'image d'une paire d'yeux vairons s'imprima dans l'esprit de la jeune femme, et son cœur se tordit, brûlé par un douloureux étau de culpabilité. Comme Melvin, cet homme était censé lui être pleinement loyal. Mais que savait réellement ? Après tout, c'était Sethardi qui s'occupait de la répartition des hommes dans le palais royal, et si Sethardi avait réellement basculé du côté de Ciel...

— Nous en reparlerons, lâcha-t-elle à l'intention de l'alchimiste. Bonne nuit Lewuen.

Il acquiesça tristement. Elle mentait, et il le savait. Ils n'en reparleraient pas. Elle se contenterait de chercher les preuves, et si elle en trouvait, elle déchaînerait les arcanes sur le coupable, et rien ne pourrait la stopper.

— Bonne nuit, Eliane, soupira-t-il, le cœur serré.


L'avant veille du couronnement, avant même que la lune n'ait entamé l'autre moitié de sa course céleste, Eliane fut réveillée dans la nuit par de bref coups sur sa porte. Étouffés, anxieux, ils résonnèrent sur la porte comme dans sa poitrine, la tirant du sommeil en quelques instants seulement. Elle papillonna des paupières dans l'obscurité totale de sa chambre aux rideaux tirés, marmonna d'un ton encore assoupi :

— Astryd ?

— Je vais voir, répondit la servante, tout aussi somnolente.

Des pas légers chuintèrent sur le parquet, le verrou cliqueta, les gonds émirent un doux grincement.

— Le Prince a fait mander Dame Eliane, chuchota une voix masculine, basse, tendue.

À la mention de l'héritier, Eliane se redressa en position demi-assise dans son lit, bataillant pour chasser de son esprit les brumes du sommeil.

— Que veut-il ? interrogea-t-elle assez haut pour qu'on l'entende.

— Il requiert votre aide, répondit précipitamment celui qui semblait être un intendant. Il se sent très mal, et même le médecin royal ne semble parvenir à rien. Il n'a fait que répéter votre nom.

La Dame d'Ombre cilla, mais fit glisser ses jambes hors de son lit et chercha du bout des doigts sa robe de chambre. Lorsqu'elle toucha enfin l'épais tissu, elle se leva, passa la robe sur ses épaules et la noua en quelques gestes habiles, avant de chausser ses pieds de ses pantoufles rembourrées favorites, et de se diriger vers la porte.

— Mais tu ne vas pas y aller comme ça ! releva Astryd, qui venait d'allumer un bougeoir.

Eliane haussa un sourcil, attrapa le chandelier. Les flammes illuminèrent ses yeux de glace, elle considéra son amie d'un regard encore ensommeillé, mais néanmoins déterminé.

— Si c'est une urgence du Prince, ma tenue n'importe que peu. Prends les cristaux d'Ysilvar, fais réveiller Lewuen, et rejoins-nous.

Le ton impérieux n'admettait aucune réplique, et Astryd ne tenta même pas de contredire la Noble qu'elle servait. Au contraire, elle fila en direction de la salle d'eau en attrapant au passage un vêtement chaud pour couvrir ses épaules, et disparut de la vue de l'intendant, qui se tourna vers Eliane, soudain hésitant.

— Allons-y, intima la Dame d'Ombre sans perdre son temps.

Elle s'élança dans les couloirs silencieux et déserts, en direction de l'aile sud, qui était réservée à la famille royale. La flamme du bougeoir, qu'elle couvrait de sa main pour la protéger des courants d'air, tremblotait au rythme de ses pas. Les mots du domestique trottaient dans son esprit embrumé, perturbaient ses réflexions. Le prince l'avait fait demander, elle, parmi toute la population du palais de Ciel, alors qu'il se sentait mal. Mais, à voir la pâleur et la panique latente de l'intendant qui l'accompagnait, elle n'était pas certaine de pouvoir tirer des informations utiles de lui en si peu de temps. Elle décida donc de focaliser ses pensées uniquement sur les processus alchimiques enseignés par maître Lewuen, de remettre ses interrogations à plus tard, lorsqu'elle serait en présence du Prince. Tout au long du trajet, elle se concentra uniquement sur les remèdes qu'elle savait préparer et les sorts qu'elle connaissait. En parvenant devant la suite du Prince, dont la porte était grande ouverte, elle ralentit, tendit le bougeoir à l'intendant un instant, réajusta les pans de sa robe de nuit, souffla longuement pour calmer son esprit, puis pénétra dans la grande chambre.

La première chose qui la frappa fut le parfum de poussière, qui emplit ses poumons et irrita sa gorge. Puis, elle vit les rideaux tirés, les chandeliers muraux allumés, qui éclairaient la pièce de leur lueur rougeâtre, les draps tombés au pied du lit, empilés en une masse informe, et enfin, les trois hommes présents dans la salle. Le Roi Laurus, debout dans un coin, vrillait sur son fils un regard inquiet. En entendant Eliane entrer, il la considéra avec un mélange d'angoisse et de colère, mais elle lui retourna une œillade polaire qui calma bien vite son agressivité sous-jacente. Ensuite, elle se détourna pour faire face au médecin royal qui, secondé par un serviteur, tentait d'apaiser le prince.

Ce dernier, assis sur son lit, dos à la fenêtre, avait porté les mains à sa gorge par un geste instinctif, pour tenter de faciliter sa respiration. Sa poitrine se soulevait par à-coups violents, son visage était rouge, congestionné, inondé de sel, ses pieds tremblaient. Les échos de ses râles sanglotants, la terreur et la douleur dans son regard, vrillèrent le cœur d'Eliane. Raidi, tétanisé, il hoquetait, s'étouffait dans ses propres larmes et, à voir le regard désespéré du médecin royal, ce n'était pas une affliction physique qu'il était en mesure de traiter avec ses méthodes habituelles.

L'esprit d'Eliane, éclairci par le temps qu'elle avait pris pour se concentrer durant sa course dans les couloirs, se mit à fonctionner indépendamment. Elle s'avança, dédaignant les protocoles, repéra dans l'angle de son champ de vision Astryd qui venait de débouler, essoufflée, portant dans ses mains une petite boîte de bois, et elle lui adressa un hochement de tête. La servante suivit le mouvement de sa maîtresse, attrapa la première chaise qu'elle vit, la déplaça pour la postillonner face au lit à baldaquins bleus. La Dame d'Ombre s'assit en face de son prince, prit l'une de ses mains, riva son regard azurin dans le sien, et lui enjoignit d'un ton apaisant :

— Altesse, regardez-moi.

Il continua de hoqueter, tremblant. Eliane tendit les doigts vers son autre main, effleura au passage sa joue d'une esquisse de caresse, l'obligea à relâcher sa gorge. Entre ses paumes froides, les doigts chauds de l'homme étaient rigides, secoués de spasmes incontrôlables. Elle souffla longuement, prit une inspiration tout aussi profonde, et poursuivit :

— Respirez en même temps que moi. Inspirez. Expirez. Doucement...

Les secondes parurent s'éterniser. Le prince, toujours agité et tremblant, semblait incapable de reprendre le contrôle de son corps, mais le regard magnétique fiché dans le sien l'empêchait de se détourner. Peu à peu, comme s'il le faisait contre sa volonté, il prit une première inspiration, brève mais efficace, souffla, recommença à hoqueter.

— Inspirez, lui souffla Eliane, expirez. Écoutez-moi, focalisez-vous sur le son de ma voix.

Il lui fallut encore une bonne dizaine de secondes pour, progressivement, récupérer un peu de son souffle et parvenir à imiter la respiration lente et régulière de la Dame d'Ombre. Quand, enfin, ses sanglots s'espacèrent et ses frissons convulsifs s'estompèrent, il fixa ses yeux sur ses genoux et baissa la tête, les traits froissés par un mélange de honte et de désespoir. Mais Eliane n'entendait pas le voir établir une barrière aussi vite.

— Astryd, ouvre la fenêtre, commanda-t-elle.

La servante s'exécuta, malgré les protestations véhémentes du médecin et du serviteur, qui signalaient que le Prince avait expressément demandé à ce que les fenêtres demeurent fermées. Quand elle tira le rideau pour laisser passer la lueur argentée d'une lune brillante, presque pleine, des tourbillons de poussière s'élevèrent dans la pièce. Eliane se prit à tousser, le nez soudain en feu, mais l'air frais qui s'engouffra dans la pièce lorsqu'Astryd écarta les lourds vitrages apaisa les prémices de ses éternuements. Vilhelm quant à lui papillonna des paupières, prit quelques inspirations tremblantes, et regarda par-dessus son épaule l'astre scintillant dans le ciel nocturne.

— Vous sentez-vous mieux ?

L'air absent, il secoua la tête.

— Désirez-vous m'expliquer ? poussa-t-elle, doutant d'obtenir une réponse.

Il fronça le nez, mais ouvrit la bouche.

— Imogen...

Le cœur d'Eliane se tordit d'une atroce souffrance, elle dut lutter pour réprimer la colère, provoquée par la douleur et la tristesse, qui aurait obscurci son visage. Mais déjà, Vilhelm poursuivait :

— Elle m'avait offert un cristal enchanté... qui brillerait aussi longtemps qu'elle irait... bien...

Il jeta un bref coup d'œil sur le côté, en direction de sa table de chevet, et éclata à nouveau en lourds sanglots. Eliane n'eut pas besoin de regarder pour deviner ce qu'il était advenu du cristal, mais elle le fit malgré tout. Les facettes polies de la petite gemme, qui auraient dû scintiller, illuminées par l'éclat interne de la pierre, étaient ternes et grises. S'il n'y avait pas eu la lumière des flammes pour l'éclairer, le cristal se serait confondu avec l'obscurité qui régnait dans la chambre. Elle réprima une grimace. Elle connaissait le sortilège qu'Imogen avait utilisé pour enchanter ce cristal. C'était le rite de liaison, un moyen de communication simple mais efficace, qu'elle-même utilisait avec quelques modifications pour pouvoir joindre Astryd en tout temps. Usé dans la forme la plus simple, comme ici, le rite permettait d'enfermer une partie de son énergie dans un objet, et cette énergie ne serait libérée que par le trépas de l'enchanteur.

Cela signifiait qu'Imogen était morte.

Toujours profondément en colère, et pourtant sincèrement touchée par le décès de l'une de ses proches de la Cour de Ciel, qu'elle devait assumer comme étant de sa faute, Eliane pinça les lèvres, tourna la tête vers sa servante et amie. Leurs regards se croisèrent et, sans parler à haute voix, elle formula du bout des lèvres un nom. Astryd acquiesça, pivota sur ses talons et s'en fut, suivie par les regards interrogateurs des hommes de la pièce.

◊~◊~◊

Ça faisait longtemps... Allez, on est repartis pour les publications d'Eliane ! =)

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