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La Favorite (3)

Imogen de Lumière ferma les yeux, tenaillée par une étrange sensation de picotement. Soudain, son souffle lui manqua, son corsage pourtant parfaitement ajusté lui parut bien trop serré. Un éclat rouge flasha devant ses paupières fermées, elle recula d'un pas, leva la main pour chasser une mèche de cheveux importune égarée sur son front. Une sorte de tissu froid, duveteux, effleura sa peau. Elle tressaillit, rouvrit les yeux.

Un hurlement, mélange d'horreur et d'incrédulité, lui échappa lorsqu'elle vit la texture de ses mains, parcourues d'une sorte d'onde qui se propageait à une vitesse effarante sur la peau, depuis la poitrine vers le bout des doigts, laissant sur son passage un duvet blanc et chaud. Une seconde vague, similaire, progressait un peu moins vite, mais là où elle passait, des plumes immaculées pointaient hors de la peau. Stupéfaite, Imogen observa ses doigts se fondre en un seul, sans que ce ne soit douloureux. Une étrange torpeur gagnait du terrain sur son esprit, paralysait ses réflexions. Se croyant victime d'une soudaine hallucination, inconsciente des regards stupéfaits qui se tournaient progressivement vers elle, elle ferma hermétiquement ses paupières pour chasser l'illusion.


Lorsqu'elle les rouvrit, la foule s'était écartée, et tous baissaient les yeux vers elle avec angoisse et incompréhension. Elle voulut se redresser, mais son oreille interne lui indiqua qu'elle était déjà debout. Lentement, précautionneusement, elle étendit ses bras devant elle, mais la seule chose qu'elle vit fut des ailes d'un blanc nacré, qui brassaient l'air juste devant son visage. Elle ouvrit la bouche pour s'étonner, et ce fut un roucoulement d'incompréhension qui sortit à la place de sa question.

Un silence irréel était tombé sur la salle. Tous contemplaient, incrédules, l'oiseau de lumière qui avait remplacé la favorite du Prince.

Parmi la foule de visages tournés vers elle, Imogen repéra soudain celui d'Eliane d'Ombre, figé en un masque impénétrable. Elle était la seule à ne pas paraître étonnée. Ses yeux de givre, froids, calculateurs, étaient fichés sur Imogen ; ses lèvres fines s'étirèrent même, l'espace d'une seconde, en une ébauche de sourire qui n'aboutit jamais.

Imogen sentit un long frisson glacé descendre le long de sa colonne vertébrale, son duvet se hérissa. Mais déjà, le sourire de la Dame d'Ombre se muait en paroles, formulées à voix si basse que personne ne les entendit. Pourtant, la favorite les sentit résonner dans son esprit, secs, impérieux. D'un mouvement compulsif, elle déploya ses ailes.

— ARRÊTEZ-LA ! hurla soudain Vilhelm.

Plus que l'ordre qu'elle venait de recevoir, ce fut l'instinct animal, primitif, la peur du cri et d'un geste brusque, qui la poussa à prendre son envol. Elle fila par la seule fenêtre ouverte avant même que les Nobles ne devinent ses intentions, son petit cœur d'oiseau battant à tout rompre dans sa poitrine, guidée par les intonations glacées d'Eliane qui lui dictaient son chemin, l'empêchaient de faire demi-tour.

Vole vers l'est, établis-toi dans les montagnes, et demeures-y pour le reste de tes jours.


Lorsque l'oiseau disparut par la fenêtre, le chaos explosa dans la salle. Satisfaite que la première partie de son plan se soit déroulée sans anicroche, Eliane plaqua sur son visage un masque choqué de circonstance, pivota vers son voisin le plus proche. C'était le Noble avec lequel elle avait discuté jusque là ; il fixait toujours d'un air abruti la fenêtre ouverte sur toute sa largeur.

— Que... que s'est-il passé, au juste...? bégaya Eliane, affectant la stupeur.

Le Noble, sourcils levés, fut incapable de lui répondre. La Dame pivota sur ses talons, réprimant difficilement le sourire triomphant qui menaçait de la trahir, à la recherche d'explications que personne n'était en mesure de fournir. En désespoir de cause, elle finit par se tourner vers l'estrade royale. L'expression atterrée de Laurus valait son poids en or, mais ce fut sur l'effarement, proche de la panique, de Vilhelm, qu'elle se focalisa. Il était aussi blême que son père, quoique pas pour les mêmes raisons, ses yeux étaient écarquillés, toujours fichés sur l'endroit où Imogen s'était précédemment tenue.

Grinçant des dents en son for intérieur, Eliane se mit en mouvement vers eux. Dans la masse immobile, son mouvement fut loin de passer inaperçu. Toutes les questions qui avaient fusé s'éteignirent sur son passage, tous les murmures qui s'étaient élevés se tarirent progressivement. Le temps qu'elle rejoigne l'estrade, un calme anxieux pesait à nouveau sur la pièce, et Eliane dut moduler sa voix pour lui donner l'inflexion nerveuse et interrogatrice que tous s'attendaient à entendre.

— Altesse, auriez-vous remarqué des tatouages particuliers que portait Dame Imogen ?

Raidi et figé, le Prince ne bougea pas d'un cil.

— À quoi songez-vous, Dame Eliane ? interrogea finalement son père, ébranlé, quand son fils ne répondit pas malgré les secondes qui s'écoulaient.

Eliane hésita, pesant soigneusement chacun de ses mots. Il ne s'agissait pas, maintenant qu'Imogen était hors-course, de se faire détester par son futur époux.

— Je ne... hésita-t-elle. La transformation n'avait pas l'air... douloureuse, à proprement parler... Cela ressemblait vaguement aux malédictions de sang décrites dans certains manuels arcaniques...

L'ensemble de la salle retint son souffle lorsque Vilhelm demanda d'un ton sec :

— Et comment fait-on pour l'en libérer ?

Cette fois, la Dame d'Ombre n'osa pas répondre. Face à son silence, ce fut finalement le Roi qui eut le courage de formuler à haute voix les mots durs.

— Si... si c'est effectivement une malédiction de sang... même si on retrouvait Dame Imogen... il n'y a pas de cure...

Vilhelm poussa un grondement de pure fureur, se redressa d'un bond. La foule s'écarta largement sur son passage, sans que personne n'ose l'arrêter ou s'élancer à sa poursuite, même lorsque les portes de la salle claquèrent violemment derrière lui, laissant l'assemblée encore tétanisée par le choc de l'évènement. Après quelques secondes de flottement et une œillade agacée et inquiète en direction d'Eliane, Laurus se redressa à son tour, et s'élança sur les traces de son fils. Mais, avec tous les regards fichés sur le souverain, son expression n'était pas passée inaperçue, et, dès qu'il eut disparu, la Cour se mit à bruire au sujet de l'héritière d'Ombre.

Tout en traçant un clair chemin en direction de la sortie, cette dernière fit face aux questions, souvent déguisées, qui interrogeaient en vérité ses connaissances en magie arcanique, devina quelques esprits pervers qui essayaient de trouver la faille pour la discréditer, pressentit un semblant de geste agressif du côté d'un jeune Noble de la Province de Lumière, qui devait avoir été sincèrement touché par la disparition brutale de sa Dame. Mais elle ne faillit pas. Là où une autre aurait cherché à se dissimuler dans l'ombre, elle prit tout le monde à contrepied en demeurant en lumière, faisant de son mieux pour répondre – parfois par des mensonges outranciers pour quiconque aurait connu la vérité – aux questions de ses pairs, sans s'embourber, sans perdre ses moyens.

À ses côtés, Karashei bataillait ferme pour ne pas se laisser emporter par la marée houleuse de la Cour, dans laquelle chacun paraissait vouloir prendre sa place aux côtés d'Eliane, qui répondait à une question au sujet de la position du roi en ce qui concernait les prétendues révoltes d'Ombre.

— Malheureusement, il m'est impossible de le savoir... je ne suis pas sur mes terres, je ne sais que peu de ce qui se passe dans les profondeurs de Ciel, ou de ce que décide le Roi...

La phrase, laissée en suspens, fit courir des frissons nerveux dans l'assemblée. Pour le moment. La menace était limpide, personne n'aurait pu prétendre ne pas l'avoir saisie. Imogen venait de disparaître, Tyrha avait été mise hors-jeu à peine une décade plus tôt. Dans la course qui opposait les trois jeunes femmes, il y avait une claire vainqueur, et maintenant qu'Eliane leur mettait les faits accomplis sous le nez, ils réalisaient qu'ils allaient devoir prendre leurs précautions. Une pointe de doute avait subsisté jusque là, due à l'affection que le Prince portait à Imogen, mais elle venait de s'envoler par la fenêtre.

Ravie d'avoir discerné dès le début – et ce, malgré les avertissements de son grand-père timoré – le camp des vainqueurs, Karashei garda la tête droite et froide comme Eliane le lui avait enseigné, analysa rapidement les réactions des gens qui les entouraient. Personne n'osait ouvertement congratuler la Dame d'Ombre, puisque rien n'était encore officiellement certain, mais tous étaient conscients que, étant désormais la seule en lice pour la couronne, il fallait dès à présent monter dans ses bonnes grâces, et tous les moyens étaient bons pour y parvenir. Karashei, qui s'y trouvait déjà, profitait simplement d'une sublime vue sur les vautours de la Cour en train de s'entretuer.

— Et vous, Dame Karashei, pensez-vous avoir une chance de conquérir la couronne ? demanda soudain quelqu'un dans la foule.

La question, lancée à travers la salle par une voix anonyme, parvint à faire chanceler les deux Demoiselles dans leur équilibre social. Eliane coula un regard interrogateur mais froid à sa jeune égale, qui plaqua un faux sourire sur ses lèvres, et réfléchit à toute allure. Elle n'avait jamais convoité le trône. Elle n'avait jamais pensé avoir sa chance, en vérité. Elle n'aspirait qu'à découvrir la Cour et ses rouages, et, si les arcanes le permettaient, prendre un jour les rênes de la Province d'Eau et épouser quelqu'un qu'elle pourrait aimer. Elle n'avait ni grands rêves ni ambitions démesurées et, même si elle savait qu'elle aurait pu espérer toucher un jour le cœur du Prince, elle se doutait que le geste serait plus que malvenu, maintenant qu'elle était aux côtés d'Eliane d'Ombre.

— Ce n'est pas une conquête, Messire, répondit-elle posément au cousin du roi, un vieillard aux yeux sombres qui la fixait avec un mélange d'attention et de convoitise répugnantes. Il s'agit de savoir qui le Prince considèrera la plus apte à siéger à ses côtés. Je n'ai aucune prétention à la couronne, je ne sais même pas si je m'en estime digne.

La candeur de sa tirade amena de gentils sourires sur les lèvres des personnes présentes dans la foule, et l'éclat dur des yeux azurins d'Eliane se ternit, remplacé par une pointe d'admiration approbatrice. Elle inclina la tête, sourit à sa compagne, et sa voix claire et douce s'éleva, nettement audible dans toute la salle de réception :

— Par votre comportement, vous prouvez que vous en êtes digne, Dame Karashei. Mais vous avez raison, avoua-t-elle après un bref silence, il ne s'agit plus d'amour dans le mariage du Prince, il s'agit de politique. Qui aura les épaules assez solides pour soutenir le poids d'une couronne... et malheureusement, nous ne sommes pas tous faits pour de telles responsabilités.

Elle vrilla son regard dans celui du cousin du roi, qui pâlit imperceptiblement. Karashei les fixa un instant l'un et l'autre, curieuse de savoir comment l'homme avait pu offenser la Dame d'Ombre au point qu'elle l'agresse publiquement ainsi, mais déjà, la blonde effleurait du bout des doigts la poignée métallique d'une porte, et lâchait à l'intention de l'assemblée :

— Si vous voulez bien nous excuser...

Elle ouvrit, fit un léger signe de tête à Karashei, qui fila à sa suite sans attendre, ravie de pouvoir échapper aux regards de braise sombre qui la couvaient des pieds à la tête, et qui commençaient à lui donner mal à la tête.

— Merci, souffla-t-elle lorsque la porte se fut refermée.

— Pour ? releva Eliane avec un sourire. Vous vous en sortez très bien. Juste... faites attention à Sire Gaxier, il a un certain... penchant... pour les jeunes femmes comme vous et moi, et il pourra vous promettre monts et merveilles alors qu'il n'est capable de rien.

La rousse acquiesça, légèrement nerveuse au souvenir du regard concupiscent du cousin du roi, qui lui donnait la nausée. Quand elle vit son trouble, Eliane se permit un discret rire.

— Ne le laissez pas vous effrayer, ajouta-t-elle, ce n'est qu'un vieux fou. Restez loin de lui, et tout ira bien.

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