Chào các bạn! Vì nhiều lý do từ nay Truyen2U chính thức đổi tên là Truyen247.Pro. Mong các bạn tiếp tục ủng hộ truy cập tên miền mới này nhé! Mãi yêu... ♥

La Demoiselle (3)

De retour à l'intérieur, Eliane ne se dirigea pas vers les cuisines, comme elle l'avait promis à Elliott. Au lieu de cela, elle suivit le flot de serviteurs qui se dirigeait vers les ailes habitées par les Nobles, jusqu'à sa propre suite. Ses pensées tourbillonnaient sans fin sous son crâne, elle hésitait entre frapper le premier vase qui lui passait sous la main et hurler. La simple idée que cette gamine nouvellement arrivée la croie assez stupide pour tomber dans un piège aussi grossier hérissait les poils sur ses bras, l'emplissait de fureur.

Sa servante attitrée, une blonde de son âge aux traits rudes et au sourire rare, avisa immédiatement son trouble, et, sans même lui poser la question, se dirigea vers la salle d'eau attenante pour lui faire couler de l'eau chaude. Eliane se déshabilla seule, rageuse, se jeta sur son grand lit à baldaquin en sous-vêtements uniquement, le temps que l'eau finisse de remplir la baignoire.

— Quelle petite peste... grogna-t-elle, le nez enfoncé dans son coussin. Me croit-elle assez folle pour...

— Eliane ? Tyrha accepte ton invitation, elle t'attendra deux heures après le déjeuner dans les écuries. Et Imogen t'invite à prendre le thé en soirée.

Le ton rauque, presque masculin, d'Astryd, apaisa quelque peu la colère de sa maîtresse. Eliane grimaça un sourire vicieux dans son coussin. Ces dernières décades, son « amie » Imogen et elle s'étaient très peu vues. Le fait qu'elle tende la main maintenant, à dix jours seulement de l'annonce des fiançailles, en disait long sur les priorités de la Demoiselle de Lumière. Cela faisait des lunes que toute la Cour bruissait, que les ragots de ses escapades nocturnes couraient d'une oreille à l'autre, que l'on remarquait de plus en plus fréquemment que le Prince s'esquivait durant les bals, soirées dansantes et autres fêtes, souvent peu après la disparition de la Demoiselle.

— Le soldat d'hier, interrogea la Dame d'Ombre pour chasser sa jeune concurrente brune de ses pensées, il ressemble à quoi ?

— Petit, cheveux noirs, relativement musclé, des taches de rousseur sur le visage, répondit Astryd, sa voix répercutée par le carrelage de la salle d'eau. Il doit avoir... quoi, une cinquantaine d'hivers, tout au plus ?

— Un excellent parti, donc... marmotta la blonde pour elle-même, un sourire cynique aux lèvres.

Elle se redressa, s'étira longuement, l'esprit ailleurs. La veille, elle n'avait pas eu le temps d'interroger sa suivante, trop épuisée par la soirée qui s'était prolongée bien au-delà des convenances. Le cousin du roi, un homme aux rêves délurés et à l'esprit embrouillé par l'alcool, avait essayé de la convaincre que le Prince Vilhelm n'avait pas les épaules assez solides pour régner. Selon ses propres mots, si elle venait à devenir reine, il faudrait avant tout songer au bien-être du pays. Et, lorsqu'elle avait poliment essayé de s'esquiver, il avait insisté. Un peu trop. Il avait fallu un peu de persuasion glacée pour le convaincre de reculer, pour lui rappeler qui elle était et ce qui lui arriverait s'il s'avisait de poser les mains sur elle.

— Il a posé des questions ? demanda-t-elle, toujours au sujet du soldat.

— Oui, mais je lui ai dit que tu irais le voir.

Eliane poussa un grognement grincheux, mais acquiesça. Elle le trouverait de toute façon près des appartements de Tyrha, si Sethardi avait fait son travail correctement. Pensive, elle se leva, se dirigea vers la salle d'eau en entortillant ses longs cheveux dans sa main, de manière à pouvoir les attacher, et donc ne pas les mouiller lorsqu'elle se laverait.

Une vingtaine de minutes plus tard, elle était propre et sèche, parée à aborder sa journée officielle dans les meilleures conditions. Sa colère fugace envers Karashei persistait, comme un arrière-goût amer dans sa gorge, mais elle savait déjà qu'elle l'exploiterait d'une manière ou d'une autre si la Demoiselle d'Eau faisait encore un faux pas en sa présence. Karashei avait agi sur un coup de tête, poussée par ses désirs et non par sa raison, mais pour peu qu'elle soit sincère dans ses intentions et prête à s'investir dans les plans d'Eliane, elle pourrait se montrer utile à l'avenir. Si en revanche ce n'était pas le cas, elle serait traitée comme toutes les autres Dames de la Cour : un potentiel nuisible à éliminer si nécessaire.

Habillée et légèrement maquillée, la Dame d'Ombre alla ensuite s'asseoir sur le petit canapé situé près de la fenêtre. Astryd l'y rejoignit, deux tasses fumantes, emplies d'un épais liquide rouge sombre, à la main. Elle les posa sur la table basse, puis s'installa sur le fauteuil en face, un léger sourire aux lèvres.

— D'ailleurs, les couturières ont avancé sur ta robe, signala-t-elle.

Eliane acquiesça d'un hochement de tête distrait.

— Il est possible que je ne la porte pas... grimaça-t-elle. Mais dis-leur de l'achever au plus vite.

Astryd haussa un sourcil, soudain sceptique.

— Pourquoi tu ne la porterais pas ? Elles ont mis des décades à la fabriquer exactement comme tu la voulais !

— Je sais, et elles seront mises à profit. Seulement, ce ne sera peut-être pas sur moi.

La Dame coula un regard entendu à sa compagne, qui soudain s'immobilisa, devinant ses intentions.

— Oh. Imogen ?

Eliane hocha la tête, les lèvres pincées, l'agacement transparaissant sur ses traits. Elle aurait réellement voulu porter cette robe, pour une fois. Mais le stratagème qu'elle avait commencé à imaginer pour se débarrasser d'Imogen, Demoiselle de Lumière et favorite du Prince, nécessitait un vêtement semblable à cette robe, et elle n'avait clairement pas le temps d'en faire confectionner une seconde sans éveiller les soupçons.

— Qu'est-ce qu'on raconte à son sujet, en ce moment ? demanda Eliane, curieuse.

Astryd savait tout de ce qui se disait dans les couloirs du château. Par son statut de servante, elle avait accès aux zones les plus reculées, aux chuchotements les plus discrets, qui se taisaient souvent sur le passage de sa maîtresse. Elle était l'informatrice principale d'Eliane, en plus d'être sa suivante, sa compagne, et son unique véritable amie à Ciel. Elles se connaissaient depuis une douzaine d'hivers, avaient partagé un lit à l'époque où elles étaient enfants, savaient qu'elles pouvaient toujours compter sur l'autre lorsque c'était nécessaire. Que l'une soit de noble naissance et l'autre non n'avait jamais constitué une entrave à leur amitié.

— Il paraît que le Prince lui rend souvent visite...

Eliane serra les dents, mais Astryd n'en avait pas fini :

— Et il semblerait aussi qu'ils soient vraiment proches... voire intimes, si on en croit les lavandières.

Cette fois-ci, la Dame d'Ombre poussa un grognement agacé. Elle avait une décade pour éliminer Imogen, dix petites journées avant les fiançailles officielles. C'était terriblement peu, pour ce qu'elle prévoyait de faire, mais il allait falloir qu'elle s'en sorte. Si c'était la vérité, et que le Prince et la Demoiselle de Lumière étaient réellement intimes, à moins de faire disparaître Imogen définitivement, elle n'avait aucune chance de récupérer la couronne. Et, malheureusement, la défaite et la victoire partielle n'étaient pas des options acceptables.

— Tu iras la voir, décréta-t-elle après quelques instants de réflexion, pour lui proposer une balade à cheval dans l'après-midi. Précise que ce sera en compagnie de Tyrha et de Karashei.

— La nouvelle, qui vient d'Eau ? Je vais la voir, elle aussi ? interrogea Astryd après une hésitation.

Eliane hocha la tête à la première question, mais la secoua à la seconde.

— Je m'occupe de Karashei. Ah, et passe voir Elliott, dis-lui d'être aux écuries un peu après le déjeuner.

D'autres auraient frissonné face à son rictus narquois, mais Astryd se contenta d'un sourire de connivence. Elle avait vu la fureur d'Eliane à son entrée dans la chambre, elle venait d'en découvrir la cause. Et elle savait que la Noble trouverait un moyen de transformer sa rage en une douce vengeance aux allures d'arrangement pacifique.

— Tu as eu des nouvelles d'Ombre ? interrogea Eliane en buvant une gorgée de son thé.

Astryd grimaça, mais hocha la tête.

— Ma mère est malade, murmura-t-elle d'une voix basse, rauque. Mes frères s'occupent d'elle, mais...

— Tu sais que tu n'as pas besoin de me le demander si tu veux rentrer, l'interrompit Eliane.

— Et qui t'aiderait dans tes magouilles ? ricana Astryd, amusée. Non, ne t'en fais pas. Je ne partirai pas à quelques jours seulement de ton couronnement.

Eliane s'abstint de faire remarquer qu'en trois décades, donc trente jours, Astryd avait largement le temps de faire l'aller-retour jusqu'à la province d'Ombre, et revenir à temps pour la cérémonie du couronnement, pour peu que les choses se déroulent sans accrocs du côté d'Eliane. Malheureusement, elle pressentait déjà que cela n'allait pas être le cas. Tyrha serait facile à éliminer, mais Imogen... Imogen, il faudrait qu'elle s'y prenne avec beaucoup plus de précautions.

— Ta mère est la femme la plus forte que je connaisse, se contenta-t-elle de souffler. Elle s'en sortira.

À voir le sourire triste qui passa fugacement sur le visage de son amie, elle sut qu'elle avait au moins réussi à la rassurer quelque peu. Elle vida sa tasse de thé en quelques gorgées qui lui brûlèrent le palais, la reposa sur la table, et se leva en lissant sa robe d'un geste machinal.

— Je vais voir le garde, annonça-t-elle. Après... je ne sais pas, j'irai peut-être jouer aux cartes.

Elles échangèrent un regard entendu, Astryd sourit.

— Je m'occupe du reste, ne t'en fais pas.


Les courtisans avaient commencé à envahir les couloirs. À peine sortie de sa suite, Eliane capta quelques rires faux, dissonants, des murmures indistincts réverbérés par la pierre lisse, des pas trop lourds pour appartenir aux serviteurs, qui étaient en général bien plus discrets. Elle secoua la tête, réfréna un soupir et, au lieu de se diriger vers la gauche, vers les zones communes, elle s'engagea sur la droite, en direction des escaliers qui menaient à l'étage d'en-dessous.

Les appartements qu'on lui avait attribués à son arrivée étaient situés dans la zone la plus luxueuse du château, chambres royales exclues. Tout comme les autres Dames des provinces soumises à la couronne d'Helvethras, elle occupait une immense pièce dans l'aile nord, illuminée à toute heure du jour par la lumière du soleil. Mais, tandis que ses quartiers à elle étaient situés au deuxième étage, ceux de Dame Tyrha de Terre étaient au premier. Ainsi, Eliane descendit quelques marches en pestant silencieusement contre les traditions archaïques de Ciel, la capitale du royaume, où une femme était mal vue si elle ne portait pas une lourde robe bouffante et des escarpins au quotidien. À Ombre, chacun et chacune portait ce qu'il et elle voulait, pour peu que cela reste décent. Il n'y avait pas besoin d'ornements complexes ou de paillettes brillantes pour se faire remarquer, c'était l'efficience et le sérieux qui étaient privilégiés. Alors qu'à Ciel, tout comme à Terre, Eau et Lumière, la vanité régnait en maîtresse incontestée de la mode.

Bon gré mal gré, elle parvint enfin devant les quartiers de Dame Tyrha, où, à l'instar des siens, un garde armé veillait de jour et de nuit. Il n'était pas là pour accompagner les Nobles dans leurs déplacements, mais plutôt pour s'assurer que personne ne pénètrerait dans les appartements sans y être invité. Eliane le détailla avec attention, se remémorant ce qu'Astryd lui avait dit à son sujet. Il était effectivement petit, ses cheveux sombres coupés au ras de son crâne lui donnaient une expression peu amène, et la faible lueur des flammes ne permettait pas de distinguer ses taches de rousseur, mais elle était certaine que c'était lui. Il se tenait raide et figé, le regard fiché sur le mur en face de lui, et ne prêtait aucune attention à son environnement immédiat. Elle s'approcha donc de quelques pas encore, se racla discrètement la gorge. Alors seulement, il daigna pivoter vers elle, et tout d'un coup, son visage se transfigura. Disparus, fade neutralité et regard vide. Ses yeux vairons, l'un bleu, l'autre vert, s'étaient illuminés d'une sincère admiration, d'une confiance presque effarante, à l'instant où il avait vu sa peau neigeuse et ses cheveux incolores.

— Ma Dame, souffla-t-il.

Elle porta ses deux mains jointes à sa poitrine, s'inclina légèrement pour le saluer. Il lui retourna le geste, respectueux et, immédiatement, elle sut qu'il ferait le nécessaire.

— Que dois-je faire ? interrogea-t-il de but en blanc.

Concis et efficace, comme tout le monde à Ombre, songea-t-elle avec un sourire nostalgique. Elle baissa la voix, s'approcha.

— Je voudrais que vous alliez vous présenter à Dame Tyrha comme son nouveau garde. En principe, elle voudra très vite se montrer... intime, avec vous.

Il ne posa aucune question, mais son regard s'éclaira. Eliane comprit qu'il avait probablement fait le lien avec les quelques gouttes de sang que lui avait demandées Astryd la veille.

— Dans l'idéal, j'ai besoin que d'ici deux jours au maximum, votre relation se transforme en un scandale. Si elle oppose de la résistance, ajouta-t-elle, essayez de la mettre en confiance. Mais ça ne devrait pas être nécessaire.

Pas avec la dose de poudre que je lui ai faite ingérer, en tout cas, ajouta-t-elle pour elle-même. Cette poudre qu'elle avait libérée au-dessus des pâtisseries le matin même était composée de branches de rose ombreuse réduites en fines poussières, mêlées au sang du soldat et à une potion d'attirance physique. La rose ombreuse décuplait les propriétés de la potion, et le sang du soldat concentrait cette attirance sur une seule personne. Et, avec la quantité de rose ombreuse qu'Astryd avait mise, Tyrha ne pourrait pas résister à la présence du soldat dans la même pièce qu'elle plus de quelques minutes.

L'homme inclina la tête, sans relever le fait que cette aventure lui vaudrait peut-être – probablement, en fait – la peine de mort. Un instant, Eliane se demanda s'il avait servi aux côtés de son père, Zerrhus, durant la dernière guerre qui avait opposé Helvethras à son voisin, Avalaën, mais une profonde cicatrice qui montait de son menton à son oreille gauche, ainsi que la manière dont il se tenait, légèrement plus appuyé sur un pied, lui apportèrent bien vite la réponse à sa question. Elle dut se mordre les lèvres pour retenir son soupir. Elle haïssait cela. Causer des pertes parmi les siens. Elle avait toujours l'impression que, qu'importe combien les hommes lui étaient loyaux, ça se retournerait contre elle à un moment donné. Et puis, le sang de sa province avait déjà bien trop été versé dans les intérêts de Ciel.

Mais elle n'avait pas vraiment le choix. Il fallait préserver ce semblant de paix à Helvethras, la renforcer, et l'unique position qui lui permettrait de le faire était celle de reine. Et il fallait qu'elle l'atteigne avant sa majorité, qui n'était que dans quelques lunes, pour ne pas se faire piéger par la loi à la tête de la province d'Ombre.

— Ne vous inquiétez pas pour moi, sourit soudain le garde, comme s'il devinait les pensées d'Eliane. Il n'y a personne pour m'attendre à Ombre. Je ferai le nécessaire pour vous.

Sa Dame hocha la tête, aiguillée par une douloureuse culpabilité. Que Tyrha souffre de ce complot ne la préoccupait pas, mais le fait qu'un homme de sa province en meure... c'était d'autant plus injuste que la Dame de Terre s'en tirerait avec beaucoup de honte, mais la vie sauve.

Elle se mordit le bout de la langue pour reprendre ses esprits, s'inclina une nouvelle fois devant son garde, bien plus profondément qu'elle ne le faisait devant les courtisans.

— Merci. Je ferai mon possible pour vous protéger.

Et elle se détourna, le souffle d'autant plus court qu'elle savait qu'elle ne pourrait pas faire grand-chose pour honorer cette dernière promesse.

◊~◊~◊

Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro