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L'Exilée (6)

Un silence irréel était tombé dans l'assemblée. Même Vilhelm s'était tu, impuissant. Eliane leva la tête vers le prêtre, croisa son regard d'argent, son visage lisse et imperturbable. Il inclina imperceptiblement la tête.

— Eliane ?

Le ton du Roi était d'un calme dangereux, celui d'un ciel de tempête. Il s'était redressé sur son trône, et ses yeux sombres étincelaient d'une lueur mauvaise.

— Vous êtes déchue de tous vos titres. Plus jamais dans l'ensemble du Royaume d'Helvethras vous ne pourrez prétendre à une position de noblesse.

— Me répudiez-vous également en tant que Reine et épouse ?

— Absolument, gronda-t-il.

Il devait s'attendre à de la colère, à de la peur, à de l'incompréhension. Il n'en eut rien. L'ancienne souveraine esquissa simplement un sourire satisfait, venimeux.

— Merci.

Il haussa les sourcils.

— Maintenant, arrêtez-la !

Mattias, aussi stoïque qu'un roc, ne parut pas entendre.

— Général Mattias, saisissez-vous d'elle, c'est un ordre du Roi !

— Faux, énonça Eliane, doucereuse.

Un silence.

— Vous n'êtes plus roi, Vilhelm. Vous n'êtes plus Sire, non plus. Vous êtes comme moi... c'est à dire rien. En rompant notre mariage et en me retirant mon trône, vous venez de perdre le vôtre. Troisième décret du texte fondateur d'Helvethras, le Roi ou la Reine qui répudie son compagnon abdique par défaut en la faveur du premier héritier. Soit...

Elle pivota vers le premier rang de la foule, fixa son regard sur les jumeaux de Tyrha et leur mère, tous les trois éberlués, et esquissa une révérence de pure politesse.

— Aidan ou Jesten de Ciel, fils du Sire Gaxier, vos cousins les plus proches.

— Qu'est-ce que...

Face à la stupéfaction de l'ancien souverain, Eliane lui présenta le livre qu'Astryd tenait, ouvert à la bonne page. Ensuite, elle adressa un signe de tête à Mattias, qui acquiesça, et propagea l'ordre parmi les soldats. Les grandes portes s'ouvrirent, la foule se mit à murmurer. Dans la confusion qui s'installait, elle sut qu'il faudrait agir vite, sans pour autant oublier quiconque. Elle s'inclina en direction du prêtre, qui lui rendit le salut, et la brume qui constituait son corps éthéré se délia. La foule, jusque là tenue en respect par sa présence, se mit à s'agiter. Eliane prit un instant pour admirer le doux chaos des gens qui essayaient de bouger, de se parler ou de sortir, puis elle se dirigea vers les jumeaux, qui la fixaient toujours avec abrutissement. Elle plia légèrement les genoux pour se mettre à leur hauteur, soupira tristement.

— Je suis désolée de vous imposer une telle responsabilité.

Dans les yeux vairons de Jesten, elle discerna la terreur.

— Vous avez le droit de refuser, d'abandonner vos revendications, de laisser le Royaume se débrouiller par lui-même. Ou vous pouvez accepter la charge, et essayer de réparer les erreurs de vos prédécesseurs.

— Les vôtres aussi ? releva Tyrha sèchement.

Eliane lui adressa un sourire torve, amusée.

— Je ne considère pas avoir commis des erreurs dans la gouvernance du Royaume... peut-être à une exception près.

— Qui est ?

— D'avoir essayé de changer les vieilles mentalités trop doucement. Aurais-je pris le pouvoir par la force que les gens se seraient bien moins rebellés, trop effrayés. La population des quatre provinces oublie trop vite le bien qui a été fait pour ne se concentrer que sur les peines... et il en va de même pour ses familles régnantes, semble-t-il.

— Des quatre provinces ?

Elle éluda la question d'un simple sourire, poursuivit à l'intention des jumeaux :

— Pour vous, futurs princes, sachez une chose. Si vous choisissez de refuser le trône, les portes de chez moi vous seront toujours ouvertes.

Puis, elle se redressa, s'inclina à nouveau, traversa la foule qui s'ouvrait devant elle pour rejoindre les pupilles royaux restés debout au fond, figés par le choc. Comme avec les jumeaux, elle s'accroupit pour faire face aux plus jeunes, leur sourit, une indicible tendresse réchauffant un instant son cœur froid. Quelque part, ces pupilles étaient ses enfants, ceux qu'elle avait choisis d'élever.

— Je vais partir.

Les plus jeunes s'accrochaient aux bras des plus vieux, perdus. Pilo, quatre hivers et demi à peine, était collé contre Isa, l'une des plus âgées, et fixait Eliane avec des yeux embués.

— Je veux pas que tu partes ! Je veux venir avec toi !

Il renifla et, brusquement, lâcha Isa pour se jeter dans les bras d'Eliane. Elle le serra doucement contre elle.

— Si vous voulez venir avec moi, vous pouvez, souffla-t-elle doucement. Je sais que beaucoup d'entre vous ont rêvé de cette vie de palais et voudront rester. Mais les mentalités de Ciel changent difficilement ; ici, vous n'êtes guère les bienvenus.

Isa serra les dents. Dans ses yeux, l'indécision était visible, mais en faisant face à Eliane, elle parut se décider d'un seul coup. L'adolescente venait d'un petit village situé au sud-est de la province de Lumière, oublié ou presque, reclus dans une vallée près de la frontière, vulnérable aux raids avaloniens. S'il n'y avait eu le passage d'Eliane, elle aurait certainement subi un triste sort durant une attaque ennemie, et elle le savait.

— Je viendrai.

Au palais, elle avait grandi en une jolie jeune femme à l'esprit affûté et à la curiosité dévorante, encore un peu incertaine. Sa fermeté étonna même Eliane, qui lui adressa un hochement de tête approbateur.

— Vous avez une demi-heure pour préparer vos bagages. Isa, demande à une servante d'aider les plus jeunes qui voudront venir. Je vous attendrai dans la grande cour.

Elle se redressa, considéra le petit groupe avec un attendrissement palpable, mais n'eut pas le temps de s'attarder. Mattias venait d'apparaître dans son champ de vision.

— Décidez pour vous-mêmes, leur souffla-t-elle, même si elle savait combien cette décision serait difficile pour de si jeunes enfants. Oui Mattias ?

Ils s'engagèrent dans les couloirs ensemble, talonnés par trois gardes, et une nuée de courtisans qui désormais gardaient une distance méfiante avec leur ancienne souveraine. Elle escomptait de bonnes nouvelles : l'annonce que, conformément aux plans, durant l'heure ou plus où elle avait occupé Vilhelm, Mattias avait eu le temps de faire sortir les troupes fidèles à Ombre, averties et préparées dans la nuit, hors de la ville. Étant donné que plus de la moitié de la Garde de Ciel et de l'armée d'Helvethras étaient composées d'hommes de sa province, qui avaient maintes fois manifesté leur envie de retourner chez eux, elle escomptait au moins neuf mille hommes à ses ordres.

— Tout s'est déroulé comme prévu, annonça-t-il. Nous partirons en avant avec une escorte réduite, les bagages et les enfants suivront avec le reste de l'armée. D'ici trois jour à bon rythme, nous devrions être à Ombre.

— Pas « nous », souffla-t-elle doucement.

Il haussa un sourcil.

— Ma Reine ?

— Je veux que tu prennes une escorte légère, et que tu ramènes le Sire Vasilas et sa petite-fille Falwë à Eau. Ensuite seulement, vous embarquerez à bord d'un navire qui vous ramènera à Ombre.

Mattias réfléchit un moment, puis s'inclina.

— Très bien, Ma Reine.

— Combien d'hommes au total ? demanda-t-elle.

— Dix mille.

Avec les cinq mille d'Alzen d'Ombre, cela faisait une armée de quinze mille hommes au total, soit quasiment l'équivalent de ce qui resterait pour défendre les quatre autres provinces. Ce serait amplement suffisant pour préserver la paix quelques années entre le nouvellement déclaré Royaume d'Ombre et la ruine que devenait Helvethras.

— Combien partent avec leur famille ?

— Plus de la moitié.

Ce qui signifiait que le gros de l'armée avancerait lentement. Cependant, avec les questions de la succession au trône de Ciel et le chaos que ça engendrerait, Eliane voyait mal la Couronne mettre sur pied une expédition punitive trop vite. En outre, les soldats restants de la garde de Ciel rechigneraient certainement à attaquer leurs anciens compagnons et leurs familles... et la Couronne n'avait plus exactement les fonds pour payer son armée, maintenant que son coffre avait été dévalisé pour rembourser ne serait-ce que partiellement sa dette.

— Autre chose ?

— Non, Ma Reine.

— Très bien, fais le nécessaire alors. Et veille à ce que les enfants soient prêts.


Une fois de retour dans la suite royale, elle ouvrit en grand les portes de son dressing tandis qu'Astryd apportait deux hautes malles, dont l'une à moitié remplie de ses propres possessions. Eliane considéra l'ensemble de ses vêtements, accumulés au cours des hivers, renia d'un simple regard la majeure partie de ses robes, fit un tri mental dans les chemises et pantalons qu'elle comptait conserver.

— Alors vous allez partir ? fit une voix masculines dans son dos. Juste comme ça, sans vous battre ?

Elle hésita à répondre, finit par se retourner lentement. Vilhelm se tenait au centre de la pièce, les mains croisées dans son dos, l'air un peu hébété. Avec la couronne d'or qu'il n'avait pas encore retirée de ses cheveux sombres, son regard triste mais colérique, ses vêtements amples qui peinaient à dissimuler l'embonpoint qu'il avait pris récemment, il avait l'allure d'un homme perdu qui venait de se faire prendre au piège. Elle au contraire, pour la première fois en une éternité, se sentait légère. Il n'y avait plus rien qui la retenait à Ciel, plus aucune obligation qui l'attendait à Ombre. Elle n'était plus personne puisqu'elle n'avait plus aucune responsabilité, mais étrangement, cette pensée était libératrice.

— Je peux m'engager dans des batailles perdues si elles me font gagner la guerre, mais pas dans des guerres perdues d'avance, sourit-elle avec malgré tout une pointe d'amertume dans la voix. Il n'y a plus rien qui ne me retienne ici.

— En laissant le Royaume dans le chaos ? Cela ne vous ressemble pas...

Elle réfléchit un moment, considéra l'idée d'en dire plus, puis décida de s'abstenir et aida Astryd à remplir la seconde malle avec les vêtements qu'elle gardait pour elle, une tâche qui leur prit une dizaine d'allers-retours, les mains chargées de hautes piles de pantalons et de chemises soigneusement pliés. Quelques robes, sobres et lisses, convenables au goût d'Eliane, furent également retirées de leurs mannequins et jetées sur le haut de la malle. Puis, elle demanda à son amie de se servir dans ce qui restait. Vilhelm, qui avait observé leur ballet depuis le canapé, manqua de s'étouffer d'indignation, mais déjà, elles finissaient de remplir la seconde malle.

Ensuite, elle se dirigea vers sa coiffeuse. Elle fit un tri rapide dans ses bijoux, ne garda que ceux qui lui étaient réellement chers, ôta la couronne de sa tête, la déposa dans son écrin de bois et de velours, le referma. Pendant ce temps, Astryd était partie chercher les cristaux d'Ysilvar dans la salle de bains, puis alla se servir dans la boîte de bijoux comme elle l'avait fait plus tôt avec les vêtements. Les livres de son bureau ayant déjà été empaquetés, elles se contentèrent combler les espaces vides avec les breloques qui traînaient de-ci de-là, puis d'amener les malles près de l'entrée et de signifier à deux des gardes de les emmener. Alors seulement, Eliane cessa de réfréner la remarque qui lui brûlait les lèvres depuis vingt bonnes minutes déjà. Elle revint vers Vilhelm, et toute la rancœur réprimée ces derniers hivers se déversa dans sa voix sèche.

— J'aimerais vous présenter mes condoléances pour votre père, mais je serais incapable de le faire sincèrement. Toutes vos souffrances, c'est à lui que vous les devez.

Il serra les dents, ses yeux sombres étincelèrent. Quand il parla, ses mots cherchaient à blesser, à tuer.

— C'est vous le monstre, Eliane. Si vous pensez que je ne sais pas tout ce que vous avez fait pour obtenir ce trône, vous vous trompez. Le sang est sur vos mains.

Sa fureur parut être décuplée quand Eliane pouffa doucement, un sourire presque cruel se dessinant sur son visage. Elle répondit paisiblement :

— Vous pouvez vous aveugler en cherchant à mettre la faute sur moi. Mais les faits sont là : si votre père vous avait appris à prendre vos responsabilités et à agir pour le royaume, Imogen serait encore là.

Elle vit le visage de Vilhelm se décomposer au nom de son ancien amour. Son rictus se fit monstrueux. Le sortilège des cœurs brisés avait effectivement cessé de faire effet. Il se rappelait, et la douleur était aussi vive que quinze hivers auparavant.

Brusquement, il leva la main. Les gardes, trop loin pour s'interposer, voulurent se ruer sur lui, mais déjà, Eliane avait intercepté son bras, plus vive que Vilhlem ne l'aurait jamais escompté. Il poussa une plainte étouffée quand la glace figea ses doigts dans un gant d'acier dont il ne pouvait se débarrasser.

— Je vous avais dit de ne pas faire ce que vous pourriez regretter, siffla-t-elle.

La glace se rompit d'un seul coup, son poignet avec. Il poussa un hurlement déchirant, tomba à genoux.

— Je sais que votre père n'était pas le seul coupable de la mort d'Uriel et de Karashei, poursuivit-elle sans le lâcher, impitoyable. Mais Laurus a payé pour son crime, vous pas encore.

Elle fit une brève pause, hésita au souvenir d'Uriel et de Karashei. Auraient-ils approuvé ? Ils n'étaient plus là pour le dire... à cause de Vilhelm. Il avait eu son mot à dire, il avait su ce qui leur arriverait.

— J'aurais voulu ne jamais faire cette promesse, mais je la fais maintenant maintenant : si, par chance, l'enfant que je porte actuellement venait à naître, il vous détruira, vous et votre héritage. Je m'en assurerai.

Elle relâcha brutalement son bras blessé, se détourna. L'incompréhension, puis le choc, se peignirent sur le visage de son ancien époux, qui voulut la retenir, mais cette fois-ci, les soldats s'interposèrent et le repoussèrent sans aménité dans la chambre pour dégager le passage. Escortée de trois hommes, elle se dirigea vers la grande cour, où une foule massive s'était rassemblée à distance respectable des soldats qui se préparaient. La bruine du matin s'était transformée en pluie battante, qui cinglait le visage et détrempait les vêtements.

On lui amena un cheval qu'elle enfourcha souplement, à peine consciente de l'humidité de la selle et des torrents qui s'abattaient sur ses épaules. Elle détacha ses longs cheveux, détailla l'immense palais où elle avait passé la majeure partie de sa vie, songea à l'échiquier renversé dans son bureau. Il était trop tard pour songer à fuir ce destin qu'elle s'était construit. Elle retournait chez elle.

Mattias, lui aussi monté sur son cheval, s'approcha, la considérant avec un regard empli de respect. Derrière lui, des hommes pressés par la pluie et l'imminence du départ, parmi lesquels Elliott, finissaient de charger les bagages à l'arrière de deux calèches dans lesquelles les enfants avaient grimpé. Au travers des voiles blancs, elle discerna leurs visages inquiets mais excités, croisa le regard d'Isa, qui serrait contre elle Pilo et une petite fille du même âge, Kida, pour les rassurer.

— Partons, intima-t-elle.

Encadrés par la cavalerie légère, ils s'élancèrent au trot dans les ruelles de la cité de Ciel, la populace se bousculant pour s'écarter du passage de la cohorte, puis prirent le galop une fois éloignés des remparts, tels une armée de chauves-souris sombres fendant les plaines dans le ciel de tempête.

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