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L'Usurpatrice (3)

Quelques jours passèrent, lents, effrayants. Cassandra était en permanence occupée, courant de droite à gauche comme si sa vie en dépendait, allant de réunion en déjeuner en petit comité et de déjeuner en réunion. Elle mit tellement d'énergie dans la reprise progressive des affaires, qui avaient pris un violent coup avec la disparition de Laëtitia, qu'elle finit presque par en oublier la douleur de l'abandon et de la solitude qui la hantaient dès qu'elle se retrouvait seule avec elle-même. Elle parvenait à l'occulter lorsqu'elle était occupée, car la quantité d'évènements qui s'amoncelaient soudain semblait à la fois démesurée et exponentiellement proportionnelle au temps libre qu'elle perdait. Mais il suffisait d'un instant de solitude, un moment avec une pensée vagabonde et elle songeait à sa fille, qui lui avait été arrachée, à sa mère, qu'elle avait dû tuer.

Environ une décade après l'incident de la disparition de Raven, elle finissait ainsi une longue et éreintante journée qui s'était achevée sur une brève visite des casernes avec son complice de général. En parvenant devant sa chambre, jusqu'à laquelle il l'avait raccompagnée, elle se retourna pour lui souhaiter une bonne nuit, mais il la prit de vitesse :

Aveltia Sen, je voudrais un mot en privé.

Cassandra fronça un sourcil, considéra l'homme avec la suspicion traditionnelle de sa mère dans la forêt de Wikandil. Et le soldat parut s'en rendre compte, parce qu'il sourit. Il n'y avait rien de menaçant dans son attitude, ni l'ombre d'une agressivité dans son regard. En outre, il avait été le général le plus proche de sa mère... ce qui incitait Cassandra autant au doute qu'à la confiance.

Elle finit par acquiescer d'un bref signe de tête, et les soldats de sa suite le laissèrent entrer dans l'antichambre. Derrière elle, Mayeri s'approcha en observant silencieusement, comme si elle était encore privée de parole. Le général jeta sur elle un regard perplexe, puis agacé, mais il n'osa pas demander son départ. Cassandra savait que, depuis l'arrivée de sa mère, les rumeurs avaient circulé sur Mayeri et son prétendu mutisme, et le secret s'était progressivement éventé. Aujourd'hui, elle ne gardait le silence que parce qu'elle n'avait rien à dire dans la discussion, mais la jeune Impératrice se sentait rassurée par sa présence muette et familière. Elles avaient passé tant de temps ensemble par le passé, dans sa chambre ou dans le jardin, Cassandra échaffaudant silencieusement des plans pour faire tomber Raven sous sa coupe, Mayeri attendant les ordres et prodiguant des conseils dans un souffle à peine audible.

— Dis-moi, Général Esirath ?

Elle avait sciemment gardé un ton neutre et posé, malgré son cœur qui s'était soudain mis à battre à tout rompre. Elle pressentait une proposition, une offre, quelque chose qui risquait autant de déséquilibrer la fragile position qu'elle avait acquise que l'aider à se stabiliser. Mais c'était là un jeu dangereux dans lequel elle s'engageait, elle le savait. Les eaux stagnantes du pouvoir en construction étaient troubles, et permettaient bien souvent aux prédateurs de s'approcher sans qu'on ne les remarque.

Lorsqu'elle était plus jeune, sa mère lui avait fait observer un banc de salmires d'eau douce qui chassaient une grosse truite. Le souvenir doux-amer lui tira un sourire pensif, elle considéra le Général en se demandant qui d'eux deux était la samire, et qui la truite. Avec son air calme et son regard franc, il semblait presque bon, mais elle savait combien cela pouvait coûter que de se fier aux apparences.

— Ta légitimité se stabilise progressivement, Aveltia Sen. Avec les rumeurs...

— Va droit au but, se força-t-elle à couper sèchement. Tu as quelque chose à me proposer.

Elle fut surprise de voir une étincelle de respect s'allumer dans le regard sombre de l'homme lorsqu'elle l'interrompit. Elle ne connaissait que trop de personnes qui détestaient qu'on leur coupe la parole, alors même que leurs mots étaient vides de sens et qu'ils tournaient en rond dans un débat stérile. Pourtant, Esirath ne semblait guère s'en préoccuper. Au contraire, il semblait satisfait qu'elle ose s'affirmer alors même qu'elle était toujours dans une position plus que précaire face à lui.

Il prit quelques secondes pour réordonner ses pensées, interrompu dans le fil qu'il avait tenté de tisser pour présenter les choses sous le bon angle, puis contre-attaqua tout aussi posément :

— Ta mère et moi avions un arrangement.

Cassandra coula un bref regard à Mayeri, qui opina silencieusement, validant l'affirmation.

— Nous partagions nos intérêts stratégiques et notre lit. Et j'ose croire, Aveltia, que cela nous serait également profitable.

Elle haussa un sourcil pour l'inviter à poursuivre, incapable de dire un mot. Son estomac s'était liquéfié en une sorte de magma brûlant, si chaud qu'il l'empêchait de parler. Elle n'était pas vraiment surprise pourtant, mais entendre l'offre ainsi, assénée avec une telle assurance et un tel calme, la stupéfiait.

— Je vais être honnête, tu n'es encore qu'une enfant dans l'art de la politique, Aveltia. Je ne le dis pas dans le but de te mépriser, mais même si Laëtitia t'a donné de solides bases, il te manque l'expérience et l'assurance pour régenter une nation. Surtout une nation déchirée. Et les contestations dans le gouvernement se font chaque jour plus fortes.

Cassandra encaissa la critique en silence, incapable de la démentir. Elle avait la nette sensation d'être un imposteur lorsqu'elle s'asseyait sur le trône de la grande salle, seule. Son époux, l'Empereur, était porté disparu ; sa mère, l'ancienne Impératrice – ou Usurpatrice, en fonction des interprétations – était morte. Elle n'avait elle-même d'Impératrice que le titre, un titre qui avait déjà été contesté au moment où elle avait épousé Raven. Au fond, son trône ne tenait qu'à un fil précaire et elle le savait bien. Elle prétendait chaque jour qu'elle était légitime, qu'elle savait ce qu'elle faisait et qu'elle occupait la place qui lui revenait de droit, mais il n'en était rien.

— Si, néanmoins, je t'appuyais, personne n'oserait dire mot car tu aurais le soutien inconditionnel de l'armée.

— Et cet appui vient au prix de mon corps, n'est-ce pas ? cingla-t-elle avec un venin acide dans la voix.

Si sa gorge s'était débloquée, le feu liquide n'avait pas cessé de couler dans ses entrailles.

— Oui, Aveltia Sen, répondit-il avec une honnêteté sidérante. C'est une alliance purement politique... comme tu avais avec ton époux, si je puis me permettre.

Elle serra les dents, mais ne nia pas. Elle avait aimé Raven, réellement, sincèrement. Mais les fondements de leur union avaient été stratégiques, surtout pour elle. Elle avait tout donné pour réaliser le plan de sa mère, obtenir ce trône, et même si elle en avait tiré davantage que simplement la victoire et le pouvoir, elle ne pouvait nier l'approche qu'elle avait choisie. Et elle ne pouvait réfuter non plus la froideur qui avait dominé leurs échanges après le coup d'État, même s'ils avaient trouvé dans cette tension un équilibre précaire.

Cette réflexion intense sur Raven parvint, après quelques minutes, à apaiser les flammes qui la dévoraient de l'intérieur. Elle prit une profonde inspiration, dériva sur les intérêts stratégiques de ce genre d'alliance. Certains étaient évidents, d'autres étaient plus subtils. Il fallait qu'elle y repense à froid, qu'elle rumine l'idée jusqu'à savoir comment elle pourrait en tirer le maximum. Car il était hors de question qu'elle se prenne un couteau dans le dos.

— Je vais y réfléchir. J'aurai une réponse claire dans deux jours au plus tard.

Il sourit, s'inclina, se détourna pour s'esquiver, et elle songea dans un éclair de lucidité qu'il n'avait jamais mentionné ce qu'il ferait si elle refusait. Mais après tout, était-ce vraiment une question qui valait la peine d'être posée ? ll avait le commandement de l'armée de Wikandil, la maîtrise quasiment totale du palais. Si demain il ordonnait à ses soldats de ne pas la laisser sortir de sa chambre, la seule solution qu'elle aurait serait de fuir par la fenêtre... or c'était bien haut de sauter du troisième étage du palais d'ambre.

— Très bien Aveltia Sen, fit Esirath en se détournant.

Il s'inclina, n'attendit pas qu'on lui fasse signe de déguerpir pour s'esquiver de lui-même. Lorsqu'il eut disparu, Cassandra s'affala dans le fauteuil le plus proche.

— Ma mère avait-elle vraiment ce genre d'accord avec lui ? demanda-t-elle à Mayeri.

Cette dernière hocha la tête, son visage ridé dénué d'une quelconque expression, et Cassandra eut l'impression que son cœur sombrait dans sa poitrine. Elle ne s'était jamais vraiment fait d'illusions sur la vie qu'entretenait sa mère. Elle n'en avait guère eu l'occasion en vérité puisqu'elle avait vu tant les champs de bataille que les pactes signés d'une poignée de main. Mais elle n'avait jamais considéré à quel point Laëtitia s'était elle-même engagée dans le rude chemin qu'elle avait emprunté. Elle soupira longuement, marmonna pour elle-même :

— Ce n'est pas vraiment comme si j'avais le choix, en vérité.

Cette pensée en tête, elle se redressa et se remit au travail.


Quand, quelques heures plus tard, elle s'étendit dans le grand lit vide et froid, la pensée que Raven lui manquait l'effleura, mais fut trop vite contrebalancée par une réflexion plus cynique, mais plus véridique : ce n'était pas Raven lui-même qui lui manquait, c'était la sensation de son corps chaud contre le sien. Si elle avait réellement regretté son époux, elle aurait souffert en le laissant partir. Elle aurait hurlé en apprenant qu'il avait disparu, qu'il s'était évaporé dans l'inconnu tel un fantôme, qu'elle ne le retrouverait peut-être jamais. Elle aurait pleuré, peut-être, en songeant à l'idée de devoir faire son deuil de cette relation étrange qu'ils avaient appris à construire. Mais la seule chose qui lui manquait vraiment était la chaleur de sa peau. C'était un manque physique, qui méprisait le cœur et l'affection sincère qu'elle avait pourtant vouée à Raven. C'était une absence qu'elle pouvait combler.

Le général Esirath était assez bel homme, en vérité. Son âge lui conférait une prestance que les jeunes de la génération de Cassandra n'avaient pas encore acquise, son expérience et son savoir avaient quelque chose d'attrayant. Mais pouvait-elle réellement céder à une telle folie ? En campagne, des filles plus jeunes qu'elle se mariaient à plus vieux que lui pour assurer leur avenir. Dans l'armée de la forêt de Wikandil, il n'y avait aucune règle entre hommes et femmes, si ce n'était le consentement. Mais elle n'était plus dans l'armée, et elle n'était pas une fille de la campagne. Elle était l'Impératrice Maudite, comme le peuple aimait l'appeler désormais. Elle ne semait que mort et destruction dans son passage. Sa mère, son époux, sa fille.

Et elle avait besoin d'une protection. Le constat était amer et douloureux, frustrant au possible, mais si véridique qu'elle ne voulait même pas essayer de le nier. Seule, sans Raven, ni Laëtitia, ni même une héritière, elle n'était qu'un obstacle sur le trône. Elle avait besoin d'assurer sa sécurité et sa stabilité.

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