XXIX - Echappatoire
« _ Esi ! Esi ! Esi ! Réveille-toi ! »
C'est avec regret que j'ouvrai les yeux en grommelant. Abla piétinait à l'entrée de la tente où nous avions passé la nuit depuis de longues minutes, qu'elle avait passées à essayer de me réveiller par tous les moyens possibles et imaginables. Je grognai pour lui signaler qu'elle était parvenue à ses fins et qu'elle pouvait se taire.
« _ Enfin tu es réveillée ! Tonton Sami avait raison quand il a dit que tu étais la belle au bois dormant ! »
Sur ces mots, elle me bondit dessus, me faisant lâcher un cri de douleur désespéré. Elle se laissa rouler sur le côté, me permettant de remplir à nouveau d'air mes pauvres poumons. La petite fille se mit à rire, me procurant une énième raison de râler.
« _ Bon, tu me laisses me préparer et je viens jouer avec toi, promis, finis-je par capituler d'une voix enrouée.
_ Dans pas longtemps hein ?
_ Je te jure, je me dépêche.
_ D'accord ! »
Et la petite pile électrique repartit de plus belle vers l'extérieur, impatiente que je la rejoigne. Je laissais ma tête s'enfoncer dans mon oreiller de fortune en grommelant. Finalement, la solitude avait du bon. Mais sa joie de vivre me réchauffait le cœur.
Je rassemblai donc tout mon courage pour m'asseoir, me donner quelques claques sur le visage afin d'avoir l'air un minimum éveillée, et coiffer sommairement mes cheveux bruns en pagaille. J'enlevai les couches de vêtements superflues que j'avais enfilées pour dormir, récupérai mes affaires et sortis en plissant les yeux face au soleil déjà haut dans le ciel.
C'est avec soulagement que je reconnus la silhouette de la mère d'Abla, et non de la petite fille en question, qui venait à ma rencontre.
« _ Bonjour Esi ! Bien dormi ? J'espère que ma fille ne t'a pas trop embêtée, elle était tellement heureuse de pouvoir se faire une nouvelle copine !
_ Bonjour, ne vous inquiétez pas, ça va. Enfin, on peut dire que c'était plutôt efficace comme réveil... »
Ma remarque eu le don de déclencher un petit rire chez mon interlocutrice, avant qu'elle ne me propose d'aller manger un morceau. J'acceptai avec joie, non sans être gênée par tant de gentillesse, ce que je ne manquais pas de lui faire savoir.
« _ Oh, tu sais, si nous avons assez de nourriture pour une quinzaine de personnes, une de plus, ce n'est rien ! »
Ma guide n'avait pas tort, mais cette grande famille, si l'on pouvait la qualifier comme telle, m'intriguait de plus en plus. Ils semblaient tout de même assez aisés, pour posséder autant de véhicules et de denrées. J'avais hâte d'en savoir un peu plus sur eux.
En attendant, nous nous dirigions à nouveau vers l'espace circulaire où convergeaient les tentes. Quelques personnes finissaient de prendre leur petit déjeuner, et me lancèrent de grands sourires en me voyant arriver. Je leur rendis, et me hâtai de me servir et de manger pour ne pas retarder le déroulement de leur journée.
Le reste de la mâtinée se passa sans encombres, j'occupais le rôle de baby-sitter auprès d'Abla qui me donnait du fil à retordre, tandis que le reste des voyageurs préparaient notre départ. Nous partîmes enfin, et je repris ma place à l'arrière du véhicule, accompagnée malheureusement de Sami.
« _ Eh, tu veux tester ? »
Je levai des yeux ahuris vers mon compagnon de voyage, qui venait de m'interrompre dans le fil de mes pensées. Je mis quelques secondes à comprendre qu'il me proposait de me saisir de l'objet qu'il tenait entre ses doigts. Je reportais donc mon attention sur celui-ci.
Un joint. Il me proposait un joint.
« _ Me dis pas que t'as jamais essayé ? Je te jure que c'est de la bonne, je n'en ai pas trop mis en plus, vas-y. »
Ce type croyait-il réellement que je n'en avais jamais vu de ma vie ? Et surtout, que je n'y avais jamais goûté, pas même une fois ? Je soupirai. Après tout, il n'était pas censé savoir d'où je venais. Je me saisis donc du cône qu'il me tendait et tirai une latte.
Si je n'avais jamais touché à la cigarette parce-que je n'y trouvais aucun intérêt, le cannabis avait été mon échappatoire pendant quelques mois après la mort de ma mère. J'avais dû arrêter car mon état devenait trop inquiétant et que nos dépenses ne me le permettaient plus, mais je n'étais pas contre y toucher une fois de temps en temps.
Je rendis le pétard à Sami après avoir fumé quelques minutes. Il me lança un regard ahuri. Je haussai un sourcil, interrogative.
« _ Wow, t'as une bonne descente pour une coincée du cul !
_ Qui t'a dit que j'étais coincée ? rétorquai-je, vexée.
_ Bah, tu parles jamais et t'es tout le temps blasée.
_ Ce n'est pas toi qui m'a dit de ne pas me fier aux apparences ?
_ Tu marques un point, princesse, abdiqua-t-il. »
Notre discussion passionnante s'arrêta là. Le jeune homme finit de fumer, et lança le carton qu'il restait par-dessus bord. Pour ma part, j'étais à nouveau perdue dans la contemplation des dunes que nous dépassions rapidement. Les genoux remontés contre ma poitrine, le dos appuyé contre mon sac, je laissais le vent agiter mes cheveux en tous sens.
Je sentis le regard de Sami peser sur moi durant de longues secondes, mais fis mine de ne pas m'en apercevoir. J'avais eu ma dose de relations humaines pour les heures à venir, surtout quand il s'agissait d'une saleté de petit blond aux yeux bleus un peu trop extraverti.
Il finit par abandonner sa tentative de capter mon attention, et je me détendis légèrement en continuant à admirer le paysage. Je pouvais râler autant que je le souhaitais, mais j'étais tout de même heureuse d'être tombée sur ces personnes-là. Bien qu'elles semblaient me cacher encore de nombreux secrets.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro