XL - Mirage
Le soleil s'était incliné pour laisser place à la lune de nombreuses fois déjà depuis l'attaque. J'avais perdu toute notion d'heure et de jour depuis longtemps à présent. Les seules pensées qui me traversaient l'esprit me servaient à mettre un pas devant l'autre, inlassablement. Et c'était largement suffisant.
Les vivres commençaient à nous manquer de façon critique. Nous n'osions pas trop nous en inquiéter, de peur de perdre tout espoir de réussir à atteindre notre but un jour, mais les faits étaient là. Nous n'aurions bientôt plus de quoi subvenir à nos besoins les plus primaires, et cela n'annonçait rien de bon pour la suite de notre voyage.
Sans autres moyens que la boussole et la carte que je possédais, il nous était impossible de savoir où nous en étions. Et c'était d'autant plus décourageant, que la lumière et le manque de nutriments commençaient à avoir raison de nous.
La chaleur était harassante. Bien que nous approchions d'une montagne, cela ne suffisait pas à empêcher les traîtres rayons de nous brûler le crâne. J'avais l'impression de sentir mon cerveau se liquéfier à l'intérieur même de mon crâne. J'étais effrayée à l'idée de perdre la tête, dans ce foutu désert qui n'en finissait pas. Quelle idée avais-je eue de me lancer dans une aventure pareille ?
Abel, de son côté, n'en menait pas large non-plus. À la mort de son père, se rajoutait cette épreuve dont nous ne sortirions peut-être pas indemnes. Il en venait à souhaiter que nous ne nous fûmes pas échappés du quatre-quatre. Au moins, disait-il, nous serions peut-être à l'ombre d'une cellule durant la journée.
Je tentais d'ignorer ses propos qui n'arrangeraient rien à notre situation. La nuit, nous dormions serrés l'un contre l'autre, afin de nous tenir chaud. C'était tellement paradoxal, sachant que nous étions au beau milieu du désert. Mais la fraîcheur des nuits ici ne pardonnait pas.
Malgré cette proximité régulière, il ne s'était rien passé entre nous depuis le jour où je l'avais enlacé. Il fallait dire que nous avions d'autres préoccupations bien plus importantes que celle d'obtenir un peu d'affection de la part de l'autre.
Cependant, nous étions tout de même devenus très proches. Je me surprenais parfois à rêver que lui et moi, nous retournions dans ma ville natale après un long voyage. Nous arrivions à Bamako, riches de réponses sur ce qu'il était advenu de ma mère. S'en suivaient des jours heureux sans qu'aucun voile noir ne vienne gâcher notre bonheur, entourés de ma famille et de celle que nous aurions fondée.
Malheureusement, mes songes étaient bien loin de la réalité dans laquelle nous vivions actuellement. C'est le jeune homme qui me fit revenir sur terre, s'exclamant des choses incompréhensibles pour mon esprit embrumé afin de capter mon attention.
"_ Esi ! Esi ! Tu m'écoutes oui ou non ? Regarde là-bas ! cria-t-il en pointant son doigt vers un point précis."
Je tournai lentement la tête, tentant d'apercevoir ce qu'il tenait tant à me montrer. Je restai alors sans voix. Une oasis se tenait à quelques dizaines de mètres de nous. Son image était encore floue, sûrement à cause de la chaleur environnante. Mais elle était bel et bien là.
Qui disait oasis, incluait forcément eau et nourriture. Je ne pus réprimer le large sourire qui se forma alors sur mon visage rougi par le soleil. L'espoir renaissait enfin en moi, et cela faisait un bien fou.
Je sortis de ma béatitude lorsque je remarquai qu'Abel n'était plus à mes côtés. Je le vis alors courir comme un dératé dans le sable en direction du lieu tant attendu. Me retenant de rire, je m'élançai à mon tour dans son sillage, oubliant toute fatigue ou faiblesse. C'était si bon. Je me sentais revivre.
Il fut bien évidemment le premier arrivé sur les lieux. Dans mon euphorie, je ne remarquai pas le brusque arrêt qu'il avait marqué et continuai à courir jusqu'à ce que je lui rentre dedans.
Riant et tentant de reprendre mon souffle, je ne compris pas immédiatement pourquoi il affichait une mine aussi maussade. Je relevai alors la tête, et la raison de sa détresse me frappa de plein fouet.
Il n'y avait rien ici. Rien, et ce à des kilomètres à la ronde. Rien, rien que du sable, et de pauvres touffes d'herbe calcinée. C'était un mirage. Une simple illusion, inventée par nos esprits malmenés.
Mon ivresse retomba alors aussi vite qu'elle était arrivée. Je me laissai tomber à genoux sur le sol, les bras ballants et une énorme sensation de vide dans la poitrine. La bouche ouverte, je commençai à sangloter irrégulièrement.
"_ Il n'y a rien... murmurai-je."
Abel s'accroupit à mes côtés, m'entourant de ses bras musclés dans lesquels je me sentais en sécurité. Les yeux dans le vague, il me chuchota :
"_ Je suis désolé, Esi...
_ On est perdus..."
Il ne sembla rien trouver à répondre à cela. Je me mis alors à trembler, serrant les poings avec le peu de forces qu'il me restait.
"_ Pourquoi ?! hurlai-je, Pourquoi ?!
_ Chuut, Esi, ça va aller, on va s'en sortir, on va trouver une solution, tenta-t-il de me rassurer."
Mais je n'écoutais déjà plus. Je n'étais que tristesse, dégoût, désespoir et fatigue. Mon cœur battait si fort que je craignis un moment qu'il ne sorte de ma poitrine. Mes spasmes s'étaient intensifiés. Je n'en pouvais tout simplement plus.
Toute cette souffrance, cette douleur, ces morts... Ils avaient eu raison de moi. Je ne pouvais pas en supporter davantage. Je m'enfonçais lentement dans la folie. Mon esprit semblait s'être déconnecté du monde réel.
Je n'entendais plus les interrogations inquiètes d'Abel, et ses mains sur mon corps se faisaient à peine ressentir. J'étais totalement en transe.
Une phrase, une seule, retentissait en boucle dans ma tête, semblant se répéter à l'infini sans me laisser le moindre répit.
"Le nom du monde est souffrance..."
"Le nom du monde est souffrance..."
Je hurlai à m'en décrocher la mâchoire, les cordes vocales, les poumons. Tout, pour que cette satanée voix sorte de ma tête. Mais rien n'y faisait.
"Le nom du monde est souffrance..."
__________
Eeet... Bonjour !
Oui, je suis vraiment sadique avec mes personnages (et bordel que j'aime ça :D)
Alors, que pensez-vous qu'il va arriver à Esi ?
Va-t-elle sombrer dans la folie ? *mouahaha*
En tous cas, je peux d'ores et déjà vous dire qu'il est possible qu'on aie un petit point de vue d'Abel très bientôt....
Ehee, à la prochaine !
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro