33 - Retour aux sources
Curtis était assis dans mon canapé, les yeux dans le vague et les mains jointes devant lui. Il ne parlait pas depuis presque vingt minutes, alors que je saccageai ma manucure en me rongeant les ongles.
— Curt...
— Hmm...
Je m'avançai pour m'agenouiller devant lui et tenter de capter son regard.
— Je suis tellement désolé.
Son pouce effleura ma joue.
— Ne le sois pas. Je le savais.
Je reculai, surpris.
— Ah... ah oui ?
Il renifla et je perçus ses yeux se gorger de larmes.
— Il n'y a qu'à voir la façon dont vous vous regardez...
Je baissai les yeux, honteux. Il caressa le suçon sur mon cou, et j'eus encore plus honte. Pas qu'il soit là, ni que Jungkook me l'ait fait. J'eus honte de lui avoir donné de faux espoirs, de lui avoir fait miroiter un avenir à deux, et peut-être la naissance de sentiments qui n'évolueraient jamais.
— Vous allez vous mettre ensemble ?
— Non. Il n'assume pas ce qu'il ressent pour moi.
Curtis réprima ses larmes, je le vis à ses traits fermés et à la façon qu'il avait de faire tressauter sa jambe.
— Tu sais, on ne peut pas forcer les gens à nous aimer, et loin de moi l'idée de vouloir t'enchaîner, Taehyung. Mais... tu mérites mieux que quelqu'un qui te voit comme un secret ou qui voudrait te garder dans l'ombre. Il te rendra malheureuse. Tu mérites de briller, pas d'être cachée aux yeux du monde.
Je laissai échapper une larme. Je savais que je regretterai de laisser partir Curtis, mais je ne pouvais pas continuer de le faire attendre. Lui aussi méritait de trouver quelqu'un qui lui rende tout cet amour.
— Est-ce... est-ce que tu as déjà couché avec lui ?
Je relevai le regard vers lui.
— Jamais ! J'te le jure, il faut que tu me croies !
— J'te crois, princesse... mais je crois aussi que s'il te l'avait demandé, tu aurais dit oui.
Je pinçai les lèvres. La culpabilité ne pouvait pas être plus puissante.
— Est-ce que tu me donneras toujours de tes nouvelles ?
— Seulement si tu promets que ça ne te fera pas plus de mal que de bien.
— Ça m'en fera... inévitablement. Mais j'en ai besoin... pour l'instant.
Il se leva et se dirigea vers la sortie. Puis il se tourna face à moi, le visage empreint de désespoir. Il essuya son nez d'un revers de manche, et me sourit malgré tout.
— Est-ce que je peux t'embrasser une dernière fois ?
— Bien sûr...
Je me hissai sur la pointe des pieds et déposai un baiser sur ses lèvres. Il m'enlaça et nicha son visage dans mon cou en respirant mon odeur. Il me serra très fort contre lui, et embrassa ma joue puis se détacha.
— Promets-moi une dernière chose.
— Laquelle ?
— Ne laisse personne te dévaloriser, ou te dire que tu ne peux pas être qui tu veux. Et ne te laisse pas embarquer dans une relation qui ne te convient pas où qui t'enchaînera.
— C'est promis.
— Merci de m'avoir permis de t'aimer.
Ma voix trembla, et je ne pus réprimer une plainte. Je regrettai déjà son départ avant même qu'il ne passe le seuil.
— Pars s'il te plaît... c'est trop dur.
Curtis m'embrassa une dernière fois et disparu. La porte se referma derrière lui, et je m'écroulai au sol. Jamais je n'aurais cru qu'une rupture puisse faire aussi mal, surtout pour quelqu'un que je n'avais pas aimé d'amour, mais pour qui en revanche, j'avais eu beaucoup de tendresse et d'affection.
**
J'étais resté chez moi enfermé pendant plus de deux semaines. Je ne sortais que pour mes cours, et pour me rendre aux rendez-vous que m'imposait madame Kang. J'avais signé mon contrat chez ModIel sans aucune aide de personne. Jungkook était redevenu le meilleur ami de tous les temps, mais nous ne nous retrouvions plus jamais seuls. Il devait être trop gêné par son attitude. Je n'avais pas annoncé ma rupture avec Curtis, parce qu'en vérité, il me manquait beaucoup. Je regrettais parfois nos soirées films durant lesquelles je me blottissais contre lui. Nos discussions sans fin, nos éclats de rire, et ses câlins, si doux. Mon cœur souffrait de son absence.
C'est à l'approche de Noël que je pris une énorme décision. La bande ne cessait de parler de la fête qui aurait lieu dans une énorme salle de Gangnam pour l'occasion, et à laquelle absolument tout le monde voulait se rendre. Moi, je rêvai d'une soirée à la maison, à me blottir sous ma couette.
Je planchai sur ma bande dessinée depuis déjà une heure, lorsqu'on frappa à la porte. Je sursautai en imaginant que Jungkook puisse être derrière, mais je me ravisai. J'imaginai alors que Curtis revenait, genou à terre, me demander de reprendre notre histoire là où nous l'avions laissée. J'avoue que s'il avait entrepris cette démarche, j'aurais sûrement cédé. Parce que j'avais réalisé que dans une vie, il y a un seul grand amour, mais aussi des dizaines d'autres, plus petits, mais tout aussi agréables et importants. Curtis méritait sa chance.
J'ouvris pour tomber sur Heather. Je levai les yeux au ciel, déjà excédé.
— Bonsoir.
— Qu'est-ce que tu veux ?
— Je sais qu'on ne s'est jamais apprécié, nous deux. Mais si tu te souviens bien, entre deux échanges de salives avec ton mec, Jungkook était malade pour son anniversaire en septembre, et il n'a pas pu le fêter.
— C'est mon meilleur ami j'te rappelle, je le sais très bien.
Elle croisa les bras sur sa poitrine, l'air hautain.
— On fait une cagnotte pour un cadeau, tu participes ?
— Non merci, j'ai mon propre cadeau pour lui.
— Et pourquoi tu ne lui as pas encore offert ?
— Parce que je comptais lui offrir à Noël.
— Donc tu refuses ma proposition ?
— En effet.
— Très bien. Ça ne va pas vraiment faciliter ton intégration dans notre groupe, tu sais, d'agir de la sorte.
Je ricanai.
— Heather... Jimin, Hoseok et Gisèle étaient mes amis avant même que ne revienne en Corée. Alors c'est plutôt à toi de t'intégrer, et non l'inverse.
Elle eut un soubresaut sarcastique, et me toisa.
— Tu as oublié Curtis ou je rêve ?
Je baissai les yeux.
— On n'est plus ensemble...
Elle se pencha pour me regarder droit dans les yeux, nos visages tout proches l'un de l'autre.
— Ohhh... comme c'est triste ! Curtis a largué le vilain méchant petit canard...
Je sentis l'adrénaline courir dans mes veines, et mon pouls battre dans mes tempes. Je ne sus que répondre, et étrangement, je choisis la provocation. Je me redressai, comme me l'avait appris madame Kang durant les séances de maintien, et lui souris de façon éhontée.
— Je suis peut-être trans, Heather... mais dis-moi... est-ce que Jungkook bande autant pour toi que pour moi ?
Son regard s'illumina d'une lueur de fureur intense, et elle me sauta dessus. Je trébuchai et lui tirai les cheveux, alors qu'elle tenait une mèche des miens dans sa main sans la lâcher. Elle m'envoya un coup de pied dans le tibia, et je la giflai avec puissance. Elle hurla et s'ensuivit une cacophonie de cris, de coups portés çà et là, et de grands gestes.
— Il baise avec moiii !! hurla-t-elle.
— Peut-être, mais le suçon que j'ai porté trois semaines, c'est lui qui me l'a fait ! Il ne t'aime pas !
Alors que les portes de l'ascenseur s'ouvraient sur Jungkook, Heather me griffa le visage avec ses ongles de sorcière, et me gifla aussi fort qu'elle le put. Je tombai contre le mur, hagard.
— Hyung !!!
Jungkook accourut vers moi et posa ses mains sur mes épaules.
— Putain, mais ça va pas ?! hurla-t-il contre sa petite-amie.
— Il l'a cherché !
— Elle m'a griffé ! Connasse !!!
— Taehyung, ça suffit ! Viens par-là !
Jungkook empoigna mon bras et me poussa dans mon appartement, avant de pointer un index furieux sur Heather.
— Toi tu rentres et tu m'attends à la maison ! Tout de suite !!!
Elle lissa ses cheveux hirsutes, et je lui fis un doigt d'honneur tandis que Jungkook me poussait à l'intérieur.
— J'peux savoir ce qui vous a pris ?!
— C'est elle ! Elle est complètement folle ! Tiens-là en laisse, c'est une chienne !
— Taehyung... ça ne te va pas cette vulgarité.
— Et toi, ça ne te va pas de baiser une pute !
Jungkook souffla, et posa ses mains sur ses cuisses, puis ferma les yeux.
— Écoute, c'est très compliqué entre nous, je le sais. Mais n'insulte pas Heather.
— Et elle, elle peut m'insulter ?!
— Non. Je lui ferai la morale aussi.
J'attrapai un mouchoir pour tamponner le sang sur ma joue.
— Et toi tu es qui ? Le justicier ?
— Non. Ton meilleur am-
— Non ! contrai-je. Et tu le sais. Il y a bien longtemps qu'on ne l'est plus ! On n'a pas envie de coucher avec ses amis !
Il se rembrunit et ne rajouta rien.
Je regardai par la fenêtre, effaré de constater que ma vie partait à vau-l'eau. J'entourai mon corps de mes bras, comme pour me protéger, et je pris une grande inspiration.
— Il y a une grande fête pour Noël...
— Je sais, oui.
— Je n'irais pas, mais je veux te voir avant... c'est possible ? J'ai quelque chose à te remettre.
— Quoi donc ?
— Un cadeau.
Un sourire illumina ses traits.
— C'est vrai ?
— Oui.
**
— Je dois garder les yeux fermés ?
— Oui, avance encore.
Je lui tins la main et l'aidai à descendre les escaliers qui menaient au parking sous notre immeuble. Ça sentait le caoutchouc brûlé et l'essence.
— Où on est hyung, ça pue !
— Encore une minute.
Je me plaçai devant lui et je n'ôtai pas tout de suite le bandeau qui lui couvrait les yeux, pour profiter encore quelques instants de ce moment unique. Mon cœur battait d'une force tranquille dans ma poitrine, mais c'était comme si l'ancre d'un bateau y était accroché et l'entraînait vers le fond. Bientôt, je me noierai dans mes propres sentiments pour lui, et ça devait cesser.
— Tu es prêt ?
— Tu me fais peur, rigola-t-il. Oui.
— Bien, laisse-moi t'enlever ça.
Je me rapprochai et passai mes mains derrière sa tête pour dénouer le bandeau. Lorsqu'il retrouva la vue, les lumières agressives du sous-sol lui firent plisser les yeux. Je lui souris et me décalai. Puis je saisis sa main dans la mienne, comme lorsque nous étions petits.
— Tu te souviens de la voiture rouge que je t'ai offerte pour tes six ans ?
— O-oui...
Je glissai dans sa main un jeu de clés. Son regard alla des clés, à la même décapotable rouge qui se tenait devant nous.
— Elle est à toi, Jungkook. Bon anniversaire.
Ses yeux s'écarquillèrent.
— Hyung... j-
— J'ai économisé depuis si longtemps pour te rembourser cet appartement... mais c'est beaucoup d'argent, et j'y arrive pas. Alors... j'ai pensé que cette voiture te plairait.
Il se détourna de la voiture pour me regarder.
— Hyung, arrête... j't'ai dit que je ne voulais pas de ton argent, j-
— Je m'en vais, Kook. Je rentre à Busan.
— Quoi ?!
Ses yeux s'embrumèrent.
— Je vais poursuivre l'année à distance... je peux plus rester ici.
— Mais... pourquoi ?
— Tu avais raison, c'est devenu trop compliqué entre nous. Tu sais à quel point je t'aime depuis qu'on a 5 ans. Mais... tu m'as brisé le cœur de nombreuses fois, et...
J'attrapai une larme du bout de la langue.
— Ça a été encore pire quand tu m'as séparé de Curtis... il était la seule personne au monde à me comprendre et tu me l'as enlevé.
Il grimaça de douleur et baissa les yeux.
— Si tu ne supportais pas de me voir avec lui, sache que je n'ai jamais pu supporter de te voir avec Heather. Alors je préfère m'en aller.
— Non !! rugit-il la voix cassée. Non... je refuse que tu t'en ailles, j'ai besoin de toi !
— J'peux pas, Kook.
Je me reculai, mais il attrapa ma manche.
— S'il te plaît... j'suis plus rien sans toi.
— J't'aurais tout donné... mais je ne veux pas devenir ton secret... je veux vivre. Je veux aimer en toute liberté, et tu n'es pas prêt à m'offrir ça.
Ses larmes inondèrent ses joues autant que les miennes.
— Je vais la quitter, je viens avec toi ! s'empressa-t-il de répondre.
— Non. Ta vie est ici, avec elle. C'est ce que tu as toujours voulu... une carrière sportive, une belle femme, de beaux enfants et une réputation intouchable... tu n'es pas fait pour endurer ça pour moi.
— J't'en prie... souffla-t-il en me serrant contre lui.
Pour une fois, je refusai son étreinte, et le repoussai.
— Je rentre, c'est terminé.
****
Mes kiwis ! 🥝
Vous rêviez d'une bagarre ? De régler son compte à cette satanée Heather ? C'est chose faite ! 👊🏻🔪
Je vous dis à vendredi pour la suite ! 🤸🏻♀️
Gros bisous
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