Ça y est, il l'avait dit, il avait avoué à Jimin ce qu'il avait sur le cœur, ce qu'il ressentait pour lui. Il lâcha ses joues, se redressa, et retourna d'où il venait avec la même démarche incertaine qu'avant, laissant son infirmier, les yeux aussi ronds que des billes, la bouche entrouverte comme s'il allait dire quelque chose qu'il ne réussissait pas à prononcer.

Quoique...

« Y... Yoongi...

- Hum ?

- Je suis... je... Je suis désolé.

- C'est rien Jimin, ce que je t'ai dit est vrai, je ne te demande pas de ressentir quelque chose pour moi.

- Je ne sais pas... s'il te plaît... »

Il avait un ton suppliant, l'aveugle fut presque amusé de le savoir aussi désarçonné par de simples mots, il était complètement déboussolé le pauvre.

« Eh du calme Park, je t'ai pas annoncé que j'allais mourir quand même, ricana tendrement Yoongi.

- C'est juste que... j'en ai marre de ne pas agir, de rester là à me poser des questions débiles.

- T'inquiète pas, c'est normal de s'interroger.

- Je voudrais être capable de te donner une réponse...

- Je t'avoue que je ne suis pas contre cette idée, sourit Yoongi, je serais bien curieux de savoir ce que tu ressens, mais... je sais que ça peut être compliqué, prends ton temps, t'inquiète pas. Moi je vais continuer à te faire chier, tranquille quoi.

- Tu devrais déjà être flatté de m'avoir perturbé à ce point, soupira Jimin qui se détendait peu à peu, je me sens vraiment idiot à bégayer quand tu me dis ce genre de choses.

- Oh comme c'est mignon, t'es tout chamboulé quand je te dis que je t'aime.

- Yoongi arrête de le dire ! C'est gênant ! »

L'aveugle émit un éclat de rire enfantin et revint auprès de son petit blondinet préféré qui sentit immédiatement ses joues rougir en voyant son colocataire si proche de lui - alors même qu'il était encore plus proche à peine deux minutes plus tôt.

« Tu préfères quand je te le montre plutôt ? » demanda le brun d'un ton joueur.

Face à l'absence de réponse, il tendit sa main devant lui et rencontra la peau nue de l'épaule de Jimin. Sa paume se fraya un chemin jusqu'à sa nuque qu'il attira lentement contre lui comme si, une fois de plus, il laissait à Jimin l'occasion de s'écarter de lui. Déjà presque un mois qu'ils vivaient ensemble, qu'ils partageaient chacune de leur journée - à l'exception des cinq jours que Jimin avait passés chez Jungkook. Il avait fini par s'attacher bien plus à Jimin que ce qu'il n'aurait jamais pu croire.

Ainsi, Yoongi permit finalement à leurs lèvres de se rencontrer une fois de plus. Jimin se laissa complètement faire, et l'autre eut peur de le mettre dans l'embarras, si bien qu'il s'apprêtait à s'écarter quand le petit blond s'agrippa fermement à ses épaules, d'une façon presque désespérée, alors qu'il débutait de très légers mouvements, dont la maladresse prouvait que Jimin n'était pas encore tout à fait habitué à ces contacts, contre les lèvres de son patient. Yoongi accentua la pression qu'il faisait sur sa nuque, de sorte à ce qu'ils soient plus proches, que leurs lèvres soient plus fortement collées qu'elles ne l'étaient déjà. Ni l'un ni l'autre ne prit l'initiative d'approfondir leur baiser mais l'aveugle s'en moquait : à travers ce geste, il exprimait ses sentiments à Jimin, et celui-ci ne l'avait pas rejeté, il lui répondait même de façon positive. Tout dans ses mouvements trahissait ce que le blondinet refusait encore d'admettre.

Lui-même se rendait compte que c'était évident qu'il était amoureux de Yoongi...

L'aîné faisait preuve de douceur, c'était pour cela que l'infirmier aimait tellement leurs baisers : c'était tendre, aimant, il n'y avait plus que les lèvres de son patient et le peu de salive qui les rendait légèrement brillantes quand il les avait humectées peu de temps auparavant. Elles étaient d'un rose pâle appétissant, d'une douceur merveilleuse, et si désirables... C'était incroyable, comme tout ce qui se passait dans la vie de Jimin depuis un peu moins d'un mois maintenant.

Les baisers de l'aveugle quittèrent les lèvres de son blondinet pour se déposer sur sa mâchoire, son cou, et enfin la naissance de ses épaules. Jimin plaça par automatisme les mains dans ses cheveux bruns, le poussant à embrasser de façon plus brûlante encore sa peau, mais Yoongi s'écarta peu après, lui volant un dernier baiser.

« Si tu pouvais m'aimer, murmura-t-il de sa voix très légèrement rauque, je crois que je pourrais t'embrasser comme ça toute la journée.

- Yoongi...

- Je sais, je retourne à ma chambre.

- Non, je... je voulais...

- T'inquiète, le coupa l'autre, je peux attendre un peu, j'ai pas faim tout de suite, mais n'attends pas trop quand même, je te rappelle que mon petit-déjeuner a volé sur mon lit, j'ai presque rien dans l'estomac.

- Hum, d'accord... »

Il opinait sans conviction et demeura comme un idiot sur le lino de la cuisine, son torchon juste à côté de lui.

Yoongi s'assit sur son lit, un sourire sur ses lèvres : il était heureux d'avoir la confirmation que Jimin ne rejetait pas ses sentiments, et s'il l'avait coupé, c'était pour être sûr qu'il ne parle pas trop vite, peu importe ce qu'il s'apprêtait à dire. Il savait parfaitement que le pauvre blondinet avait besoin de temps, de réflexion peut-être, voire même d'une bonne introspection avant de pouvoir réellement s'avouer amoureux. Yoongi ignorait si Jimin l'aimait comme lui l'aimait, mais l'important était qu'il avait accepté ce baiser, il y avait répondu, et l'aveugle avait pu sentir toute la passion qu'il ressentait.

Passion et amour étaient très différents, mais Yoongi se sentait déjà beaucoup plus léger. Il était amoureux de Jimin et plus le temps passait, plus il avait le sentiment que peut-être c'était réciproque. Il avait peur de se tromper, de faire fausse route et de se voir ensuite abandonné par son petit infirmier, néanmoins Jimin en valait la peine, alors il attendrait ; il l'attendrait lui.

« Yoongi mais qu'est-ce que tu me fais... ? »

Dans la cuisine, ce murmure échappa à Jimin qui poussa ensuite un long soupir avant de reprendre le torchon que la surprise du baiser de Yoongi l'avait forcé à lâcher, et il reprit sa tâche, le cerveau totalement embrumé par toutes les pensées qui y passaient.

Il avait amené son déjeuner à Yoongi, comme d'habitude, puis il était venu rechercher la vaisselle, comme d'habitude, et Yoongi l'avait royalement ignoré, comme d'habitude.

Et pourtant cette situation semblait à Jimin tout sauf habituelle. Yoongi venait de lui dire qu'il l'aimait, lui, que son cœur battait pour lui, il avait sous-entendu qu'il aimerait de Jimin une réponse - positive cela allait de soi - et avait été avec le jeune homme d'une patience remarquable.

Yoongi n'était pas quelqu'un de patient avec Jimin, du moins il avait toujours si bien caché qui il était réellement que voir ce jeune homme inquiet des états d'âme du petit blond, lui avouant qu'il l'aimait mais qu'il attendrait le temps qu'il faudrait pour qu'il fasse le point sur ses sentiments... c'était déroutant.

Où était passé Grincheux ? Cachait-il un véritable prince sous toutes ces couches de rudesse ? Jimin sourit en s'imaginant au milieu d'un conte de fée avec deux Yoongi : celui qu'il avait rencontré, âpre et mal intentionné, et celui qu'il découvrait peu à peu, tendre et rieur.

Deux personnalités totalement opposées, une qu'il avait toujours eue, ancrée au plus profond de son cœur, et une autre qui venait la recouvrir car Yoongi n'avait trouvé que cette solution pour ne pas souffrir : faire semblant d'être un monstre, vivre seul, mentir sur ses états d'âme. L'aveugle espérait que cacher son mal-être aux autres reviendrait à se le cacher à lui-même, et pourtant vivre avec Jimin lui avait bien appris que c'était peine perdue. Il s'accrochait toujours désespérément à sa carapace, car l'abandonner l'effrayait, néanmoins cette carapace avait été depuis longtemps fissurée par les coups que la gentillesse de Jimin y avait portés.

Et ce que Jimin savait, c'était que lui aussi il était effrayé : il avait peur d'aimer Yoongi, ce n'était pas normal, et même s'il n'avait aucun mal avec l'homosexualité, il ne réussissait pas à admettre qu'il était probable que lui le soit, qu'il aime un autre homme.

Le petit blond se laissa tomber à plat ventre sur le canapé en lâchant un couinement agacé : pourquoi ? Pourquoi rendait-il tout si difficile alors que c'était là son premier job ? Jimin s'était senti comme un grand en signant son contrat mais désormais, il se retrouvait comme quand il était petit et complètement embrouillé, qu'il ne comprenait pas ce qui apparaissait pourtant à tous comme une évidence : il était profondément amoureux de Yoongi, vouloir l'aider l'avait poussé à le comprendre, le comprendre à le connaître, le connaître à s'attacher et lui, et cet attachement avait fini par se muer en sentiments qui prenaient chaque jour une ampleur des plus douces, grandissant dans le ventre de Jimin comme de jolies fleurs au printemps.

Il aimait Yoongi, c'était une certitude... mais alors pourquoi continuait-il de nier si même lui savait ce qu'il avait au fond de son cœur ? Pourquoi toujours repousser Yoongi alors que pour une fois c'était l'aveugle qui faisait le premier pas et lui tendait la main ?

« Hyung j'en ai marre de toi ! » lança Jimin dépité mais sans aucune méchanceté.

Un rire lui parvint depuis la chambre, ce rire adorable que le brun lâchait parfois, ce rire qui le faisait fondre et lui donnait la sensation que Yoongi était mille fois plus humain que ce qu'il pouvait montrer habituellement.

Le blondinet plaqua son visage dans le coussin, et il entendit la porte de la chambre de son aîné s'ouvrir. Des pas résonnèrent, puis la jolie voix de Yoongi :

« T'es où ?

- Canapé... »

Le mot prononcé par l'infirmier avait été étouffé par l'oreiller, néanmoins Yoongi l'entendit sans mal - le silence éternel de cette obscurité infinie avait beau l'effrayer, le brun lui avait au moins trouvé comme avantage de lui permettre d'entendre le moindre bruit. Il s'accroupit et posa ses mains sur le bord du canapé avant de poser sur leur dos son menton, comme s'il observait Jimin. L'aîné voulait l'aider à démêler chacune de ses émotions, mais il savait que pour cela, il allait devoir être honnête et ne plus rien cacher à l'autre.

Juste pour cette fois, il accepterait de s'ouvrir pleinement. Juste pour Jimin.

« C'est quoi le problème, Park ? demanda-t-il d'un ton neutre.

- Le problème c'est que t'es trop bizarre Yoongi, pourquoi tu pouvais pas rester un type infâme ? Pourquoi tu changes ?

- C'est en partie de ta faute ça.

- Ah donc en plus c'est ma faute ?

- Il faudrait vraiment être sans cœur pour continuer de faire souffrir quelqu'un qui s'acharne comme toi à se montrer toujours aussi bienveillant, j'ai perdu le courage d'être un monstre, du moins avec toi, avoua courageusement l'aveugle qui avait honte de prononcer ces mots pourtant sincères.

- Et tes... enfin, le fait que tu...

- Ça a joué aussi, le coupa Yoongi en percevant l'hésitation de son cadet quant aux sentiments que son aîné avait, mais c'est après avoir commencé à avoir des remords au sujet de mon comportement que j'ai vu qui tu étais. On a tous les deux quelque chose qui nous bloque et c'est drôle à quel point on a tendance à faire voler ce mur en éclat l'un l'autre. »

Jimin abattait les défenses de Yoongi qui perçait les siennes, l'un sans l'autre ils restaient enfermés, néanmoins ensemble tout s'ouvrait peu à peu.

« Mais c'est pas pour ça que t'es dispensé de faire la vaisselle, hein Park ! reprit le brun d'un ton léger.

- Je veux pas la faire...

- Je m'en fous, c'est pas moi qui vais bouger mon cul ici non plus, t'es pas payé pour profiter de mon canapé.

- Tout à fait juste, affirma Jimin en relevant soudainement la tête, je suis payé pour que tu fasses la vaisselle correctement, alors maintenant au boulot Hyung, go faire la vaisselle, plus vite ! Montre-moi comment tu te débrouilles !

- ... Rêve, Park. »

Et sur ces mots, Yoongi s'en retourna paisiblement à sa chambre, laissant un garçon dépité et un tas de vaisselle derrière lui. Bon, au moins Jimin avait fait une nouvelle tentative pour le convaincre de se prendre un peu en mains, mais visiblement ça n'avait pas marché non plus... En même temps, s'il parlait sur le ton de l'humour, il fallait être sûr que Yoongi répondrait de la même manière dans l'espoir d'esquiver la corvée de vaisselle.

Mais bon, c'était beau de rêver après tout...

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Mdr mais je suis tellement en forme quand j'écris en ce moment.

Entre la catharsis d'Aristote dans le chapitre précédent et maintenant le silence éternel des espaces infinis de Pascal (l'homme qui ne peut pas vivre seul avec lui-même, Yoongi qui y est contraint à cause de sa peur de faire face au monde et à lui-même, tout ça tout ça, tu vois quoi, #philosophie), je vais faire défiler toute la culture littéraire occidentale dans ce texte. Prochain objectif : le « cogito ergo sum » de Descartes. XD