Chapitre 156
La rencontre avec le patron de Jimin ne s'était strictement pas passée comme prévu : Yoongi était arrivé avec son charisme, sa confiance et ses preuves, mais l'homme face à lui était resté stoïque, convaincu qu'il était intouchable malgré la fraude évidente. Et il avait osé le critiquer, lui, Min Yoongi, au sujet de son homosexualité, il avait osé dire que Jimin et lui était deux créatures répugnantes.
Son Jiminie, son p'tit ange, il l'avait dénigré.
Le brun était sur le point d'écraser son poing sur la table quand Hyejin avait brutalement fait son entrée, brandissant son téléphone en s'exclamant qu'elle avait enregistré toute la conversation, cette conversation pendant laquelle le patron de Jimin avait reconnu non seulement que c'était lui qui avait abusé de la faiblesse de l'infirmier, mais aussi qu'il détournait les fonds de l'hôpital.
Piégé, il avait cédé aux conditions de Yoongi : cesser de voler l'hôpital et laisser Jimin démissionner de son poste sans jamais essayer de lui faire du tort. Tout ce qu'il voulait, c'était que cet homme infâme sorte de leur vie, rien de plus. Le chef de service avait accepté immédiatement, allant même jusqu'à signer un document pour preuve de sa bonne foi, document qui stipulait qu'il avait bel et bien escroqué l'hôpital et que Yoongi garderait avec lui.
Et Hyejin lui avait fait accepter une augmentation pour tous les infirmiers du service.
Ce fut seulement quand ils étaient sortis de l'hôpital et se trouvaient dans la voiture de Hyejin que cette dernière avait éclaté de rire en avouant à Yoongi qu'en entendant le ton monter entre lui et le chef derrière la porte elle avait cru bon d'agir, quitte à y aller au bluff : jamais elle n'avait enregistré un traitre mot des aveux qui avaient été faits, mais au moins ça avait marché, c'était là l'essentiel.
Yoongi s'était dépêché d'annoncer la bonne nouvelle à Jimin : ils allaient pouvoir se retrouver. Le blondinet cependant était gêné : son stage devait durer six mois qui se divisaient en deux mois de théorie, après quoi il passait un examen et avait quatre mois de pratique pour valider le diplôme, ce diplôme qu'il aimerait bien décrocher.
Bien évidemment, Jimin avait assuré à Yoongi qu'il allait faire en sorte de pouvoir faire sa pratique à Séoul, mais la théorie se terminait dans à peine plus d'une semaine, si bien qu'il voulait rester encore un peu à Amsterdam – après tout, une semaine ça restait peu, surtout s'ils étaient ensuite certains de se retrouver.
Et le lendemain, Yoongi avait reçu un appel de son infirmier : il allait bel et bien passer ses examens écrits à Amsterdam, après quoi il lui faudrait trouver un hôpital à Séoul dans lequel il pourrait compléter sa formation – et ça ce n'était pas gagné pour le jeune garçon.
Or Yoongi, son père, et leur influence n'avaient pas même mis deux jours à lui trouver un poste dans une clinique qui pourrait le faire débuter dès son retour à Séoul et qui bénéficierait de petits avantages financiers de la part de la compagnie des Min en remerciement.
Avec tous les documents à remplir et les billets d'avion à prendre, la semaine avait été bien chargée pour Yoongi qui s'était pratiquement occupé de tout (bon, Hyejin l'avait aidé quand même) pour permettre à son petit-ami de réviser tranquillement ses examens.
Et désormais, le brun était posté en plein milieu de l'aéroport, seul, puisqu'une fois que son infirmière l'avait emmené, il lui avait demandé de s'en aller : la veille elle avait informé l'hôpital que Yoongi était en mesure de vivre seul, et que pour le reste de sa réhabilitation son père avait décidé d'embaucher Jimin à titre privé pendant qu'en parallèle le blondinet terminerait la validation de son diplôme à la clinique de Séoul.
Hyejin, elle, avait formulé une nouvelle demande pour un stage à Amsterdam, demande que son patron allait sans aucun doute accepter.
L'aveugle cependant jugea qu'il n'aurait jamais dû demander à son infirmière de le laisser à l'aéroport seul : baigné par la foule, il se sentait atrocement mal à l'aise. Tout autour de lui n'était que brouhaha, parfois même on le bousculait sans y faire attention, lui demandant à lui de s'excuser. À mesure que le temps s'écoulait, il se sentait paniquer. Les annonces se succédaient, il ne les entendait même plus. Jimin lui avait dit que son avion atterrirait aux alentours de cinq heures de l'après-midi, son téléphone indiquait cinq heures moins dix.
Il serrait les poings, passait compulsivement la main dans ses cheveux de jais, se grattait le bras sous l'effet du stress plus que de quelconques démangeaisons, et pour finir il se grignotait inconsciemment la lèvre, si bien qu'il était sur le point de s'arracher le peu de peau qui l'empêchait encore de saigner.
L'obscurité autour de lui était inquiétante, lourde, pesante, il détestait cette sensation d'être entouré sans savoir par qui il l'était. Il ne savait même pas s'il pourrait faire un pas sans rentrer dans quelqu'un, et d'ailleurs s'il faisait un pas, il lui fallait une direction, or il ne savait strictement pas où aller. Il restait donc immobile, son portable dans une main, serré comme s'il avait peur de le perdre lui aussi.
Son cœur tambourinait dans sa poitrine, ses veines pulsaient bien trop de sang dans tout son corps, il avait chaud, l'angoisse avait gagné la moindre fibre de son être et il sentait sa gorge se serrer.
Il n'était pas à sa place au milieu de la foule, elle le noyait, lui, simple goutte d'eau perdu au milieu de cet océan de monde qui bourdonnait furieusement à ses oreilles et grondait aussi puissamment qu'un raz-de-marée dévastateur.
Plus que cinq minutes.
Il déglutit bruyamment, poussa un soupir dans l'espoir que cela permettrait à sa respiration de se réguler – espoir vain – puis il passa la main sur son front cette fois-ci, retirant une mince partie de la très fine couche de sueur qui prenait lentement place sur son corps entier pour le faire briller à la lumière du soleil qui déclinait à travers les immenses baies vitrées de l'aéroport.
Tout était trop grand pour lui, trop démesuré ; il n'avait besoin que de son petit appartement et son petit Jiminie.
Vivement qu'ils reprennent le taxi pour rentrer.
Dans trois minutes.
Qu'est-ce que le temps était long.
Même la musique que son téléphone diffusait dans ses écouteurs n'était pas en mesure de réduire cette interminable attente, et plus le temps ralentissait, plus il se languissait de son infirmier. Chaque fois qu'il cherchait un moyen pour faire passer les minutes plus rapidement, il ne trouvait rien et constatait qu'à peine une vingtaine de secondes était passée.
Puis une annonce fut faite, mais la voix de l'homme qui parlait était couverte par toutes celles des voyageurs. Seul dans son coin, il priait pour que ce soit une annonce au sujet de l'avion en provenance d'Amsterdam qui serait arrivé avec une minute d'avance.
Après quelques instants de plus, le boucan autour de lui fut encore plus prononcé, son cœur sembla imploser. Totalement paniqué, il baissa la tête et posa sa main sur son visage, comme s'il refusait de voir tous ces visages invisibles et sombres, et son corps fut peu à peu pris de tremblements tandis qu'il se sentait pâlir.
C'était bien le moment pour faire une crise de panique.
Les larmes lui montaient inéluctablement aux yeux et sa mâchoire était douloureusement crispée. Les minutes étaient des heures
Puis le brouhaha cessa, on ne le bouscula plus, et il releva son visage avec la sensation qu'il n'y avait plus personne dans cet endroit, plus personne d'autre que lui et le garçon face à lui dont seule la respiration lui indiquait qu'il demeurait devant lui sans bouger.
Il était là.
« J-Jiminie, hasarda Yoongi timidement, c'est toi ? »
Sa voix brisée et hésitante témoignait de son état déplorable.
Une bulle sembla apparaître autour d'eux lorsque Yoongi sentit deux petites mains saisir délicatement ses poignets pour amener ses mains à son visage juvénile dont il se souvenait du moindre trait. Yoongi eut un sourire tendre. De ses pouces il caressa les joues rondes qui s'étaient légèrement creusées – la pommette était plus saillante qu'avant – et ses mains redécouvraient en même temps sa chevelure dont Yoongi se demandait si elle était toujours blonde ou non. Il traça sa mâchoire masculine joliment taillée, son petit menton, puis remonta et, tout en esquivant ses lèvres, il longea l'arête de son nez pour ensuite passer les doigts sur ses paupières après s'être assuré que Jimin fermait les yeux. Il termina sur ses arcades sourcilière, glissa rapidement sur son front obstrué par ses mèches, et tandis qu'il passait les mains dans ses cheveux qu'il reconnaissait au simple toucher, il l'obligea à approcher son visage du sien et captura tendrement ses lèvres.
Plus rien n'existait si ce n'était ce baiser magique digne des plus doux films d'amour.
Le cœur du brun heurta brutalement sa cage thoracique, se souleva comme s'il était sur un nuage, léger. Ces lèvres charnues, qu'est-ce qu'il en avait rêvé...
Tandis que ses mains étaient toujours dans la douce tignasse de son amant, il sentit que ce dernier passait les bras autour de sa taille pour coller leur corps, ignorant royalement tous ceux qui pourrait les regarder avec dégoût. Ils s'en moquaient tellement tant qu'ils étaient ensemble.
Jimin le serrait amoureusement et leurs lèvres immobiles se contentaient de se toucher sans que le contact ne se fasse plus sensuel ; ce fut Yoongi qui décida de mouvoir lentement sa bouche, goûtant avec plaisir à celle qui lui était offerte, découvrant qu'elle avait ce goût salé qui témoignait des larmes versées par le blondinet. La musique de leur baiser, que seuls eux pouvaient entendre, flottait autour d'eux, dans leur bulle de bonheur et d'intimité.
Yoongi déplaça ses mains dans sa nuque et appuya avec un peu plus de véhémence leur contact. Ce moment qu'ils avaient tant attendu... enfin ils se retrouvaient, après deux mois de séparation qui leur avaient paru d'une longueur insupportable.
Tout ce moment n'était que poésie et parfaite osmose : leurs lèvres qui se complétaient comme si elles avaient été faites pour ça, leurs gestes d'une tendresse à couper le souffle qui exprimait tout leur amour à elle seule. Oui, tout ce qu'il pouvait y avoir autour d'eux avait disparu, il n'y avait rien, plus rien que eux et leur moment.
Alors Yoongi ramena la main sur sa joue, profitant de la peau agréable de son cadet sous la pulpe de ses doigts. C'était un instant dans une vie, un moment de rien du tout, et pourtant c'était un moment si puissant pour eux qui avaient cru qu'ils seraient séparés bien plus longtemps. Ils avaient eu peur, ils avaient versé des larmes qui n'avaient désormais plus lieu d'être.
Pas besoin de voir son jeune amant pour que sa présence le comble, Yoongi était heureux ainsi, aveugle et dans les bras de Jimin, comblé contre son corps juvénile brûlant de passion pour lui.
Quel moment incroyable...
Ils se séparèrent après de longues secondes à exprimer leur amour à travers les mouvements fluides de leurs lèvres. Yoongi laissa encore traîner ses mains sur le visage de son amant, frôlant chacun de ses traits avec amour, son regard invalide fixé sur Jimin, sur le front de qui il posa ensuite une fois de plus un baiser, le regard humide de larmes de bonheur qu'il retenait.
« Ne crains rien, lui susurra le cadet. Je t'avais bien dit que je ne t'abandonnerais pas... »
Les larmes s'échappèrent alors qu'un éclat de rire triste fit brièvement trembler son corps maigre. Il essuya ses yeux d'un geste de la manche, sourit de nouveau à son infirmier convaincu que Jimin lui rendait ce geste, puis il passa affectueusement la main sur sa joue une fois de plus, lui caressant la pommette du bout du pouce comme s'il passait son doigt sur un objet d'art qu'il aurait peur de souiller.
Ses mots ne furent qu'un souffle contre l'épiderme velouté de Jimin.
« P'tit ange... ça fait du bien de te revoir. »
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