Chapitre 146
Lorsque Hyejin ouvrit les yeux sur la nouvelle journée qui commençait, son regard se posa sur la masse endormie auprès d'elle et recouverte entièrement d'une couette qui donnait l'impression d'un petit animal fragile emmitouflé là.
La veille au soir, lorsqu'elle avait demandé à Yoongi de lui parler, elle avait été surprise qu'il acquiesce et la fasse entrer dans sa chambre. Il s'était assis sur le lit, elle sur le tabouret de piano, et elle lui avait renouvelé sa demande. Alors il avait hésité, et finalement il avait parlé. Il lui avait conté de nombreuses tendres anecdotes. Elle avait ri, elle avait été émue, et pour finir elle avait obtenue l'absolue certitude que l'un et l'autre étaient profondément amoureux, et que Jimin était bel et bien cet ange que Yoongi aimait profondément.
Le temps avait filé, si bien que finalement Yoongi avait commencé à s'assoupir, demandant à sa nouvelle infirmière de ne pas le laisser seul.
Il faisait encore trop noir, malgré toute la lumière apportée par ces agréables souvenirs. Ils avaient dormi chacun à un bout du lit, éloignés, mais savoir qu'il n'était pas seul avait rassuré l'aveugle qui avait trouvé le sommeil plus facilement que la veille.
La matinée suivante s'était écoulée paisiblement, néanmoins dès son réveil, Yoongi s'était replongé dans son mutisme et dans sa musique, enfermé dans sa chambre. Il n'était même pas sorti manger, le seul aller-retour qu'il avait fait était entre les toilettes et sa pièce personnelle.
« Tu sais que si tu manges pas, dans six mois tu seras pas dans les bras de Jimin mais dans ceux de la faucheuse, lança Hyejin qui se trouvait derrière sa porte.
- Pas faim. Casse-toi. »
Elle souffla, agacée de ce comportement, et néanmoins n'eut pas le courage d'insister. Yoongi finirait bien par entendre raison tôt ou tard après tout, et puis Taehyung et ses amis réussiraient sans aucun doute à le faire sortir de là et à le faire manger un peu...
L'après-midi donc se déroula de cette manière : Hyejin s'occupait de l'appartement et proposait à son patient des idées pour le sortir de son incapacité à être indépendant, mais pour lors c'était vain.
À l'heure qu'elle avait donnée à Taehyung, le repas était prêt et elle entendit son ami toquer à la porte. Le bleuté se tenait là, accompagné de Baekhyun qui avait une main aimante posée sur sa taille pour le serrer contre lui. Tous les deux arborèrent un joli sourire en découvrant la jeune infirmière et Taehyung demanda s'il pouvait aller voir Yoongi rapidement.
« Vas-y, il n'a pas bougé, il est dans sa chambre.
- D'accord, merci beaucoup. Il a mangé ?
- Presque rien, des chips et de l'eau.
- Putain de merde, il recommence... »
Le regard soucieux, Taehyung alla devant la porte de la chambre de son aîné et frappa.
« Hyung, Hyejin m'a dit que tu te nourrissais à peine, lui reprocha-t-il. Recommence pas comme avant, t'étais super maigre jusqu'à ce que... enfin...
- Jusqu'à ce que Jimin n'arrive ? demanda l'aveugle d'une voix faible de l'autre côté de la porte.
- À quoi tu joues ? Tu disais que six mois c'était pas grand-chose.
- Je me sens tellement vide Taetae... »
C'était si rare qu'il l'appelle par son surnom... Le cadet enclencha la poignée, découvrant que la porte n'était pas fermée à clé. Yoongi était là, sur son tabouret de piano, l'air profondément triste. Il était courbé au-dessus du clavier, ses mains de musicien posées sur des touches qui demeuraient aussi silencieuses que lui. Taehyung vint prendre place à côté de lui et posa avec douceur une main amicale sur son dos.
« Depuis ce matin j'essaie de jouer, susurra Yoongi, mais je n'y arrive pas.
- Pourquoi ? »
Il en savait parfaitement la raison, mais il voulait que son ami vide son sac.
« Parce que l'idée même qu'il soit en ce moment à des milliers de kilomètres de moi me tue. Chaque fois que je veux jouer une note ça me revient dans la figure comme une gifle, ça me tord le cœur et l'estomac, et j'ai juste envie d'aller chialer dans ses bras en lui répétant que je l'aime, même si ce sont des mots que je lui ai dits des milliers de fois.
- Tu sais, ce matin on a parlé, Jimin m'a dit qu'il ne travaillerait que le matin et le soir, or avec le décalage horaire, en ce moment c'est l'après-midi là-bas. Tu veux qu'on le contacte ? Il m'a dit qu'il avait installé Snapchat exprès pour toi.
- Ouais pourquoi pas. »
C'était, il le savait, à un délicieux poison qu'il allait goûter : entendre Jimin sans pouvoir le toucher, c'était ça qu'il craignait – même quand Jimin était encore avec lui –, car ça prouvait que l'ouïe pouvait tromper la vue. Jimin serait là comme il l'avait toujours été, une simple voix, mais physiquement il ne le sentirait pas. Car il n'était plus là.
« Allô ? Hyung ? »
L'aîné se ressaisit en constatant que Taehyung avait profité de son silence pour lui prendre son téléphone et mettre en route l'application dont il parlait à l'instant et qu'il avait plus ou moins forcé Yoongi à installer le soir où il était resté avec lui.
« J-Jiminie ?
- Putain ça fait du bien de t'entendre ! s'exclama le petit infirmier avec émotion.
- Tu fais quoi là ?
- Je suis dans mon appartement de fonction, il était réservé pour Hyejin mais du coup il m'a été passé. C'est l'hôpital qui paie alors au moins j'ai aucun frais à charge : ni l'eau, ni l'électricité, ni le gaz. Par contre à Amsterdam ils ont pas compris pourquoi c'était moi qui étais arrivé, ils attendaient Hyejin, ils n'avaient pas été prévenus du changement d'infirmier et apparemment c'est pas normal que mon patron ait pris la liberté de modifier les papiers au dernier moment.
- T'façon ce gars est un con il se croit tout permis.
- Tu m'étonnes...
- Et du coup... tu te plais à Amsterdam ?
- Je peux pas être objectif, tu t'en doutes... »
Tout ce qu'il y avait autour de lui, Jimin le regardait sans le moindre plaisir. Sans Yoongi, sans ses proches, sans ses repères, il était perdu. Amsterdam n'était qu'un océan de monde pour lequel il n'éprouvait pas le moindre intérêt. Rien ne lui plaisait – et à l'inverse rien ne lui déplaisait non plus. Il était indifférent.
« Tu as commencé à travailler ? s'enquit Yoongi pour changer de sujet.
- Oui, Tae te l'a peut-être dit, on a...
- Oui je lui ai dit, intervint le bleuté.
- Oh, Taetae, s'exclama alors le blondinet, je suis heureux de t'entendre ! Tu es avec Yoongi ?
- Bah ouais comme tu peux le constater. On fait une soirée entre amis !
- Ah mais oui, Hyejin m'a dit, suis-je bête ! C'est génial je suis content pour vous ! »
Le regret s'entendait nettement dans sa voix.
« Du coup tu fais quoi comme stage ? demanda Taehyung pour changer une fois de plus de sujet.
- Je me spécialise dans les soins à domiciles, indiqua Jimin, j'aimais bien être seul avec Yoongi, loin de l'agitation de l'hôpital. Du coup je voudrais continuer comme ça en revenant sur Séoul.
- Content d'avoir inspiré ta vocation, sourit l'aveugle.
- Tu m'inspires tellement plus que ça, soupira Jimin.
- Tu me manques...
- J'ai l'impression que le seul fait de savoir qu'on se verra pas pendant six mois me donne chaque jour le sentiment que ça fait six mois que je t'ai pas vu.
- C'est con hein, parce que moi c'est pareil. »
Taehyung ferma doucement la porte de la chambre derrière lui, laissant parler les deux amants ensemble. Yoongi leva les yeux vers le plafond, le cœur lourd d'un étrange mélange de plusieurs sentiments qui n'étaient pas supposés pouvoir se mêler. Il entendit Jimin rire doucement.
« Je voudrais tellement que... enfin...
- Tae est parti, indiqua le brun.
- Je voudrais t'embrasser, passer mes mains sur ton corps, m'assurer que tu es vraiment là avec moi.
- Et moi donc, soupira l'aîné. J'ai tellement envie de me laisser aller à ces contacts tendres, te laisser me posséder complètement et m'abandonner à toi.
- Hyung...
- Je voudrais que tu sois là pour prendre soin de moi, pour me faire l'amour avec douceur, me faire tien comme je t'ai fait mien.
- Et qu'ensuite on passe le reste de la nuit à échanger les plus agréables des marques de tendresses, compléta Jimin.
- Dans six mois on se retrouve, ça marche ?
- Ouais. Et en attendant on reste ceux qu'on était devenus : toi je veux que tu m'attendes en gardant cette personnalité qui m'a fait tomber amoureux de toi, et moi je resterai fort aussi, parce que c'est ridicule de déprimer alors qu'on peut discuter tous les jours. On a de la chance que Hyejin nous laisse communiquer.
- T'as pas peur que ton patron l'apprenne quand même ?
- Non, Hyejin ne caftera pas, si Tae a confiance en elle alors moi aussi, et mon patron vérifiera mes appel téléphoniques s'il a des doutes, mais pas Snapchat. Il est trop vieux, il sait même pas que ça existe. »
Yoongi ricana à cette remarque et reprit :
« Dans ce cas j'aimerais qu'on s'appelle tous les jours à cette heure-là, en début de soirée pour moi et en début d'après-midi pour toi. Comme ça on reste en contact, d'accord ?
- Bien sûr, acquiesça vivement Jimin, c'était aussi ce que j'avais prévu. Et puis comme ça, si un jour on... enfin si on veut se faire un peu plaisir... faudra pas hésiter.
- Dis pas ça, je vais de nouveau avoir envie de te faire l'amour, sourit tendrement Yoongi.
- Alors je ne dis rien... je garde ça pour demain, quand t'auras pas d'invités.
- Pervers, se moqua l'aveugle.
- C'est toi le pire de nous deux...
- Chut...
- Hyejin m'a envoyé un message tu sais, dit alors le cadet. Elle prétend que tu sors à peine de ta chambre, que tu manges presque rien depuis hier...
- J'ai besoin de temps.
- J'ai besoin de toi. Du toi que j'aime, pas de celui que je méprisais au début. Ne reconstruis pas ce masque que j'ai eu tant de mal à détruire... »
Mais c'était la seule chose capable de le protéger maintenant que Jimin n'était plus là : c'était son petit infirmier qui avait la capacité de lui donner des forces, or maintenant qu'il se sentait de nouveau faible, il lui fallait une fois de plus ériger des barrières.
« Dis-moi que tu m'aimes, le supplia Yoongi tout bas en guise de réponse.
- Bien sûr que je t'aime, idiot. C'est parce que j'ai pas crié ton nom quand j'ai joui que tu en doutes ? »
Yoongi eut un rire attristé à ce souvenir, et Jimin ne lui laissa pas le temps de répondre.
« Pendant ces quelques semaines je t'ai aimé comme j'ai jamais aimé personne dans ma vie. N'en doute pas une seconde Hyung. Tu m'as apporté énormément, et même si tu es loin, c'est de penser à toi et à mon retour qui me donne la force d'aller travailler. Mais tu verras, dans quelques jours ça ira mieux, et ces mois passeront vite.
- Ouais. J'ai hâte de te retrouver, je t'aime.
- Moi aussi. Et n'oublie pas que je ne t'abandonnerai pas. À demain Hyung.
- À demain mon Jiminie. »
L'appel prit fin et Yoongi reposa son portable après avoir poussé un long soupir de dépit. Cette voix était celle de son amant, mais à travers un téléphone, elle était tellement moins belle, tellement moins harmonieuse... tellement moins présente.
Il sortit de sa chambre et se rendit au salon où Taehyung et Baekhyun étaient affairés sur leur portable tandis que Hyejin travaillait à la cuisine. Il s'assit sur le canapé et demanda à ses deux voisins ce qu'ils faisaient – car il entendait son infirmière cuisiner mais rien ne lui indiquait ce que faisaient les deux autres.
« Nam s'est cassé la gueule dans les escaliers en venant, il montait les marches deux à deux et il s'est planté, râla Baekhyun. Il lui reste deux étages à monter.
- Et l'autre pote que j'ai invité vient juste de m'envoyer un message pour me prévenir qu'il venait de rencontrer un mec qui boitait et galérait à monter les marches, ajouta Taehyung, du coup il l'aide et... »
Il se stoppa et échangea un regard avec son amant tandis que Yoongi lui demandait qui était cet autre pote qui venait sans aucun doute de croiser le chemin de Namjoon.
« Un gars que je voulais te présenter justement... Mais visiblement Namjoon l'a rencontré le premier.
- Comment il s'appelle ?
- Kim Seokjin. »
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