Chapitre 47
▪ Alec ▪
J'ai l'impression que Magnus répond à mon baiser pour ne plus penser à ce qu'il va subir dans quelques minutes. Il me serre si fort que je me demande si j'ai bien fait d'insister autant pour qu'il nous accompagne ce soir. Cependant, je me ravise aussitôt quand je pense à lui, seul dans la maison, sans personne pour l'aider à surmonter ses pulsions.
Jusqu'à présent, j'ai toujours réussi à l'en empêcher. Une balade improvisée au parc où un jeu de société avec notre petite tornade, mes astuces ont permis qu'il pense moins à se faire vomir. Mais ce soir, tout jouera contre moi, contre lui. Le seul fait de l'aimer est-il suffisant ? Même si j'en doute, avec toutes les victuailles que Maman et Jace transportent, je ne peux m'empêcher de le lui rappeler.
— Je t'aime, Pacar ! soufflé-je tout contre ses lèvres.
— Je sais, Sayan ! Ne sois pas inquiet.
— Si tu as le moindre besoin de sortir de table, s'il te plaît, préviens-moi. Je préfère quitter plus tôt que de te voir désemparé.
Il hoche la tête puis nos fronts se touchent afin de sceller notre entente. Izzy arrive en compagnie d'Anna. Chacune d'entre elles nous prend la main et nous conduit jusqu'à nos places respectives. En temps normal, Anna serait assise à côté de Papa. Étant donné sa rancoeur, elle décide de ne pas le faire et pousse mon amoureux à sa place habituelle pour mettre le plus d'espace possible entre elle et son papy. Je me retrouve entre Magnus et Anna qui est à côté de Maman. En face de moi se trouve Simon, alors qu'Izzy est à sa droite, elle aussi, à côté de notre père en bout de table et que Jace fait face à Anna.
Cela ne tarde pas avant que l'on me tende le saladier. Je sers Anna puis en propose à mon amant qui refuse poliment. Je ne suis pas surpris et laisse le saladier à Papa.
— Ne te prive pas d'une si bonne salade, Magnus, Maryse a mis des heures pour trouver tous les ingrédients. On ne les retrouve que dans la ville d'à côté.
Mon bel asiatique fait un geste de refus de la main, mais mon père n'en tient pas compte et dépose une généreuse part dans l'assiette de Magnus. Je l'entends soupirer. Aussitôt je pose mon regard sur son visage impassible. Il fait de gros efforts pour rester de marbre, mais je sais qu'il l'engloutirait si nous n'étions que nous trois. Il prend une bouchée et la mastique très longtemps avant de l'avaler difficilement.
— C'est excellent, Maryse ! dit-il alors que ses mains se crispent sur sa fourchette.
— Robert fait toujours tant de chichi pour cette salade, s'amuse Maman. Je ne comprends pas ce qu'il lui trouve.
— C'est parce que c'est toi qui la fais, mon cœur en sucre.
Pour détourner l'attention des autres, je félicite Maman en renchérissant sur les paroles de Papa.
— C'est vrai qu'elle est délicieuse, Maman. Tu es un vrai cordon bleu.
Elle me fait un signe de la main pour me dire d'arrêter sans ajouter autre chose et s'informe du travail de Simon.
— D'ici quelques mois, j'aurai ma permanence et je pourrai rester avec Isabelle. Je sais combien c'est difficile pour elle de ne pas m'avoir à ses côtés.
Il reçoit une tape derrière la tête. On dirait qu'elle n'apprécie pas de paraître faible.
— C'est toi qui pleures à chaque fois que tu pars, s'énerve-t-elle. Ne transpose pas ta dépendance affective sur moi. Tu passes des heures sur la tablette à me dire combien tu t'ennuies.
Simon rougit violemment et se gratte la mâchoire avant de continuer à manger. Je suis heureux pour Isabelle que Simon l'aime autant. Elle le remet à sa place, mais on a tous eu à composer avec ses émotions, il y a quelque temps, lorsqu'elle a appris pour Magnus et moi. Mademoiselle ne supportait plus rien, même pas sa meilleure amie. Tout le monde s'en souvient très bien. Il est inutile de le lui rappeler.
Maman s'active pour nous faire découvrir sa nouvelle recette : une entrée de rouleaux impériaux sur laquelle elle a passé plusieurs heures.
— Allons Magnus, tu dois y goûter, tente mon père pour le forcer à prendre au moins un morceau. Il faut donner le bon exemple à Anna.
Il a appuyé sur une corde sensible en amenant notre petite tornade dans la conversation. Papa a bien compris que Magnus ne peut pas refuser de faire plaisir à Anna. Mon amant prend donc un rouleau accompagné de carottes râpées assaisonnées d'une vinaigrette pour les mets asiatiques.
— S'il y a bien quelque chose qui me rend dingue, ce sont bien ces petites choses bien croustillantes que tu as frites à la perfection, s'exclame Papa en direction de Maman.
Du coin de l'œil, je vois Magnus blêmir. Il doit déjà calculer toutes les calories qu'on le force à ingurgiter. La friture ne vient pas aider à apaiser le malaise grandissant de mon petit ami.
— C'est succulent, ma poule en chocolat, réplique Papa. Tu es la meilleure pour nous faire grossir sans qu'on n'y voit d'inconvénient.
Tout le monde rit gentiment tout en faisant des bruits appréciatifs après leur première bouchée. Pour ce qui est de Magnus, il se contente de grignoter les carottes et passe discrètement le rouleau sous la table, là où attend Otis depuis le début du repas. Mon petit ami me fait un sourire navré quand il se rend compte que j'ai tout vu. Cette fois, je ne relève pas puisqu'il est vrai que nous mangeons toujours trop à Noël.
Malheureusement, Papa insiste encore pour la dinde, la farce, la gelée et tous les accompagnements parfois superflus. Magnus me refile la moitié de tout ce qu'il reçoit de Papa. Je le sens de plus en plus sur la corde raide, ne sachant pas dire non. J'avoue qu'être à la place de mon bel asiatique, je ne ferais pas exprès pour mettre Papa de mauvaise humeur. Il commence à peine à lui adresser de nouveau la parole. C'est un risque qu'il ne peut pas prendre. Lorsqu'il me donne la part de dessert, je suis moi-même sur le point d'exploser, mais au lieu de lui dire de la garder, je pose ma main sur sa cuisse pour lui assurer que tout va bien. Cependant, j'ai tout à fait conscience que ce n'est pas le cas pour Magnus qui ne cesse de bouger sur sa chaise, prêt à courir vers la salle de bain pour se faire vomir.
Ça me fait beaucoup de peine de le voir dans cet état désespéré, alors je me sacrifie à sa place.
— Je pense que je ne vais pas très bien, dis-je en adoptant une posture dramatique. J'ai beaucoup trop mangé.
— Oh ! Mais nous avons encore un buffet pour minuit, s'exclame ma mère, déçue que je n'aille pas bien.
— Je ne crois pas rester. Ce n'est pas possible, je crois que je vais être malade.
Magnus me regarde pour s'assurer que je vais bien. Nos regards se croisent et il comprend aussitôt que je le fais pour lui. Même s'il hésite à parler, il finit par me soutenir.
— Je vais accompagner votre fils, murmure-t-il, troublé par mon pieux mensonge.
— Oui, oui ! Bien sûr, Magnus, il faut s'assurer que Alec soit bien. Je compte sur toi pour prendre soin de lui.
— Ne vous en faites pas. Je vais le bichonner.
Nous nous levons de table et Anna en fait autant suivie de Otis qui trottine derrière nous, espérant recevoir quelques miettes supplémentaires.
— Nous viendrons ouvrir les cadeaux demain matin, comme c'était prévu, confirme Maman en m'embrassant sur le front. Tu sembles plutôt bien aller, continue-t-elle en posant une main sur ma joue pour vérifier ma température.
— Ce n'est pas un virus, Maman. J'ai trop mangé. On se revoit demain. Ça ira mieux.
Anna ne dit pas un mot. Par contre, elle demande à être dans les bras de Magnus pour les quelques cent mètres que nous avons à marcher. En arrivant, elle dort presque sur lui, alors mon petit ami la garde encore un peu contre son épaule, le temps qu'elle rejoigne le pays des rêves. Je le vois lutter contre son envie désespérée de faire un tour aux toilettes, mais je tiens bon en lui offrant d'aller border notre petite tornade.
— J'ai hâte à demain, marmonne Anna tandis que Magnus la recouvre de la couette.
— Ce sera merveilleux, Princesse. Un Noël avec toi et ton papa, c'est le plus beau cadeau que vous pouviez me faire.
Elle sourit les yeux fermés puis il l'embrasse avant de venir me rejoindre tout juste à l'entrée de la chambre.
— Je suis désolé que tu aies dû faire semblant d'être malade, Sayan.
— Ne t'en fais pas. Ce n'était qu'un demi-mensonge. On mange toujours trop à Noël. Et toi, mon coeur, tu vas bien ?
— Je te mentirais si je disais que je pète la forme. Tu crois que je pourrais quémander tes bras quelques heures, avant d'aller au lit ? J'ai peur de ne pas résister si on va dormir.
— Mes bras te sont toujours ouverts. Si tu as besoin, ils te réconforteront aussi longtemps que tu le désires. Jamais tu n'auras besoin de demander.
J'ouvre grand mes bras et Magnus s'y réfugie en une fraction de seconde. Comme j'aimerais qu'il soit en pleine possession de ses moyens pour apprécier tous les petits détails qui font de Noël un si beau moment. Je l'embrasse sur la tempe et l'attire jusqu'au canapé. À moitié couchés, nous prenons vite le même chemin que notre petite tornade. Vers deux heures du matin, je me réveille en sursaut, n'ayant plus la chaleur de Magnus pour me tenir chaud. Un bruit m'a réveillé, j'en mettrais ma main au feu.
L'instant d'ensuite, la chasse d'eau m'indique que mon bel asiatique est à la salle de bain. Je me lève aussitôt, déçu de ne pas avoir réussi à retenir Magnus. Lorsqu'il sort de la pièce, nos yeux se croisent. Pas besoin de parler, il sait exactement ce qui m'inquiète.
— Tout va bien, mon preux chevalier, chuchote-t-il. On a oublié de sortir les cadeaux. J'allais le faire, mais avec tout ce qu'on a bu ce soir, j'avais une envie pressente.
Mes épaules se relâchent et je vais le rejoindre dans notre chambre. Nous essayons d'être le plus discret possible pour apporter les immenses boîtes que nous avons emballées alors qu'elle passait une journée avec son amie Madzie. Elles rejoignent les autres cadeaux qui ne sont pas du Père Noël. Satisfait, mon petit ami regarde le tout avec admiration. Cela sera probablement le plus joyeux Noël qu'il aura eu. Il me tend la main et je le rejoins à côté d'Otis qui soulève la tête avant de la laisser retomber entre ses deux pattes.
— Je ne pourrais pas vivre un plus beau moment. J'ai tellement hâte de voir le visage d'Anna quand elle les verra.
— En parlant de ça, Pacar, que dirais-tu d'aller dormir, maintenant ? Par expérience, je te prédis un réveil hâtif et fort mouvementé.
Il hoche la tête en riant. Notre petite tornade sera levée dès qu'un rayon pointera le bout de son nez. Une fois de retour dans notre chambre, Magnus farfouille dans un sac que je n'avais pas encore vu. Lorsqu'il en ressort deux pyjamas, à l'effigie du Père Noël pour moi, et de lutins pour lui, ses yeux luisent de bonheur, lui qui participe enfin au pur esprit du temps des Fêtes. Étant donné qu'Anna ne nous laissera pas en paix demain matin, nous devons être prêts à sortir du lit le plus vite possible. Une fois enfilés, nous nous rejoignons au centre du lit pour nous endormir dans les bras l'un de l'autre.
Après ce qui me semble tout juste quelques minutes, un poids lourd vient s'effondrer sur moi avec des cris surexcités. Otis qui suit Anna, jappe comme un demeuré, ne sachant pas comment réagir à autant de frénésie.
— Le Père Noël est passé ! hurle notre princesse. Il est passé ! Je pensais que j'avais été trop vilaine avec Papy, mais il sait que j'avais raison !
Elle saute de nouveau sur mes côtes puis, voyant que je manque de souffle, elle prend Magnus comme victime.
— Viens voir, Magnus ! Il est passé ! Je te jure !
— Attention à mes oreilles, petite crécelle ! Je vais devenir sourd à force de t'entendre hurler si fort.
— Lève-toi ! On reste pas au lit, ce matin. Vite ! Viteeeee !
Après avoir fait languir notre petite tornade, nous nous levons et marchons aussi lentement que possible, question de garder le suspens encore un peu.
— Il y en a un qui est grand comme ça, piaille-t-elle en étirant ses mains le plus loin possible l'une de l'autre.
Au moment d'atteindre le salon, la porte d'entrée s'ouvre sur mes deux parents, les bras chargés comme dix. Anna vient aider sa mamie, mais ne porte aucune attention à mon père qui soupire de désespoir.
— Laisse-la t'en vouloir encore un peu, marmonne ma mère à son oreille.
Il se contente de hocher la tête puis, il vient déposer les présents que je n'ai pas pu prendre. Peu après, mon frère et ma sœur entrent aussi chargés suivis par Simon et une tête rousse encore fort endormie.
— Clary ? Mais qu'est-ce que tu fais ici ? m'exclamé-je. On devait se voir pour le jour de l'An, non ?
Un peu gênée, notre amie pose un regard effaré vers Jace qui vient la rejoindre. Il lui prend la main et nous salue avant de nous expliquer.
— J'ai demandé que Clarissa se joigne à nous en tant que membre de la famille...
— FAMILLE ! Quelle famille ? Une Morgenstern ne peut pas faire partie de cette famille ! Je veux qu'elle parte immédiatement ! Elle va foutre la merde autant que sa mère, explose Maman.
— Ma tartelette au caramel, tente mon père. Clary est toujours très prévenante, ne la catégorise pas aussi rapidement.
— Pas question ! Elle doit partir.
Cette fois, Maman se dirige vers la porte et l'ouvre à la volée en pointant l'extérieur.
— Elle ne partira pas ! ose Jace. Clary est ma copine ! Si elle part, je pars.
— Ta... Ta... Ta...
— Tout à fait, ma copine ! Et si tu cherches des exemples à ne pas imiter, prends celui de Papa. Alec s'est battu pour Magnus devant Papa. C'est lui qui m'a fait prendre conscience que je n'osais pas approcher Clary parce que tu détestes sa mère. Vous vous êtes bien trouvés, toi et Papa. Si tu rejettes Clary, alors c'est aussi moi que tu perds. Es-tu prête à ça, Maman ? Es-tu prête à détruire ta famille ? Tu as pourtant vu ce qui s'est passé avec Magnus.
Un silence vertigineux envahit la pièce. Anna se tourne vers sa mamie et croise ses bras sur sa petite poitrine. Si sa mamie ose la contredire le jour de Noël, journée hautement plus importante que la danse, elle subira les mêmes foudres que Papa a dû endurer. Voyant ses arguments s'étioler, Maman referme la porte et vient quérir le manteau de Clary. Elle lui fait un sourire mi-frustré, mi-sincère puis, elle va rejoindre Papa qui a pris sa place habituelle sur le fauteuil.
Une crise inimaginable vient d'être évitée. Aussitôt, Anna court jusqu'à son cadeau venant du Père Noël et le déballe en un temps record. Elle découvre alors le nouveau vélo qu'elle désespérait de recevoir puisque les marchands affichaient tous une rupture de stock. Des cris envahissent la pièce avant qu'elle ne se rue sur un autre cadeau.
Magnus vient me prendre la main. Il est heureux de la voir heureuse. Nos yeux se croisent et ma bouche vient lui voler un doux baiser.
— Je t'aime, mon amour.
Ses yeux s'embuent. Il sait que je suis prêt à tout pour l'avoir dans notre vie. Voir à quel point cela a motivé Jace, qui est d'une timidité maladive, à enfin déclarer sa flamme à son crush de toujours est une autre preuve que les autres croient en notre couple.
Tout à coup, nous sommes happés par deux petits bras. Anna tient dans la main un ensemble de danse coloré avec des paillettes qui illumine le plafond dès que le soleil s'y reflète. Magnus la prend dans ses bras et elle se jette à son cou.
— Merci, Magnus ! Tu es le meilleur Papa du monde !
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