17
— Je crois que je ne t'ai jamais dit à quel point j'étais proche de Jean.
— Tu n'as pas eu besoin de le faire.
Ash se tourna vers son mentor, esquissant un léger sourire.
— Sérieusement ?
Charles lui lança un regard entendu qui la fit rougir.
— Même... ce qui s'est passé cette nuit là ?
— Tu sais à qui tu parles, mon ange, s'amusa le télépathe.
La mutante laissa échapper un rire nerveux.
— Bien sûr. Et tu ne l'as jamais dit à personne ? s'enquit-elle, curieuse.
— Je n'en voyais pas l'utilité, répondit-il avec nonchalance. J'ai beau tout savoir de toi, n'oublie pas que je suis le meilleur gardien de tes secrets.
Elle acquiesça doucement.
— Heureusement que tu es là. Je ne sais vraiment pas ce que je ferais sans toi.
Ressentant la souffrance derrière ses propos, Charles s'approcha de son ancienne élève et prit tendrement sa main.
— Je serais toujours là, assura-t-il. N'en doute jamais.
Ash sourit, émue. Elle se trouvait toujours à court de mots pour exprimer l'amour qu'elle portait à cet homme, qui l'avait aidée et soutenue lorsqu'elle en avait eu le plus besoin, et qui continuait toujours de le faire. Jamais il ne s'était lassé de la rassurer sur ses troubles anxieux dûs au départ d'Erik, plus de quarante ans auparavant. Jamais il n'avait cessé de lui promettre de rester à ses côtés jusqu'à la fin ; car lui seul savait à quel point elle en avait besoin.
— Ça va aller ? lui demanda enfin le Professeur d'un ton doux.
La mutante inspira profondément.
— Il le faut bien, dit-elle. J'ai promis que je le ferais.
Elle marqua une pause, baissant les yeux vers le cadre photo qu'elle tenait entre ses doigts crispés. Derrière le verre, Jean lui souriait. Elle eut l'impression de voir son regard briller, et sentit soudain son nez la piquer.
— J'ai essayé de l'en empêcher, tu sais, reprit-elle d'une voix brisée.
— Je n'en doute pas une seule seconde, répondit Charles, visiblement navré.
— Tu vas me trouver horrible, mais... je ne culpabilise pas autant que je le devrais, avoua la brune, les yeux rivés sur l'image en couleurs de son amie. Parce que j'ai le sentiment que rien n'aurait pu la retenir. Pas même moi...
Le télépathe esquissa un sourire mélancolique.
— Elle a fait son choix, dit-il. Elle l'a fait pour nous. Tu la connais aussi bien que moi... si ce n'est mieux. Elle se souciait toujours des autres avant elle-même. Tu as raison. Il n'y a rien que nous aurions pu faire pour l'arrêter.
Ash sentit sa gorge se nouer alors qu'elle hochait la tête en guise d'approbation. Elle renifla et releva le menton, empêchant les larmes de franchir ses paupières. Résignée, elle se tourna vers son mentor.
— Allons-y.
Il lui offrit un sourire.
— Je suis fier de toi, mon ange, s'exprima-t-il dans son esprit tout en déposant un baiser sur sa main.
La dragonne serra ses doigts dans les siens.
— Merci, souffla-t-elle.
Iels se rendirent ensemble jusqu'à la salle commune, qui avait été arrangée pour écouter l'hommage prévu pour la feue Professeure. Ash traversa les rangs, la silhouette droite, et vint se placer sur l'estrade. Au premier rang, elle croisa les yeux larmoyants de Storm, et ceux de Scott, cachés derrière ses lunettes rouges. Et, au fond de la salle, se tenant discrètement dans l'ombre, Logan ne la quittait pas du regard. Le voir présent allégea légèrement sa peine, et fit disparaître l'étau désagréable qui enserrait sa poitrine. Elle prit une profonde inspiration.
— Bonjour à tous•tes, commença-t-elle sans trembler. Tout d'abord, je tiens à dire que je suis sincèrement ravie de nous voir tous•tes réuni•es. Et je ne pense pas faire d'erreur en affirmant qu'elle l'aurait été aussi...
Elle baissa brièvement les yeux vers la photographie de son amie.
— Vous devez savoir de qui je parle, reprit-elle avec émotion. Si nous sommes ici aujourd'hui, c'est pour rendre hommage à Jean Grey. Pour ça, j'ai préparé un petit discours... que j'aimerais lui adresser.
Chacun•e l'écoutait avec attention, le visage grave. La douleur était toujours bien présente.
— Jean... Tu nous manques énormément, déclara Ash d'une voix fébrile. Je n'ai pas de mots pour exprimer à quel point nous te regretterons. Nul•le n'était prêt•e à te voir partir si tôt, et nous aurons probablement beaucoup de mal à nous faire à ton absence. Nous te devons tous•tes énormément. Tu as été présente pour chacun•e d'entre nous. Tu étais l'un des piliers de cet institut, de par ta bienveillance à toute épreuve, et ce don que tu avais de toujours te soucier des autres avant toi-même.
Elle échangea un regard brillant avec Charles, qui l'observait avec tendresse.
— Lorsque je pense à tout ce que l'on a partagé, j'ai l'impression de t'avoir toujours connue, continua-t-elle avec un sourire ému aux lèvres. On a vécu tant de choses ensemble. Des joies, des peines, des moments de stress intense... Tu as toujours été celle qui reprenait le contrôle de la situation, et je n'ose imaginer tout ce qui aurait pu se passer si tu n'avais pas été là, fit-elle avec un rictus amusé.
Je me souviendrais toujours du premier jour de notre rencontre. Malgré nos personnalités très différentes, nous nous sommes rapidement adoptées. Pourtant, j'étais loin d'être la plus aimable, ajouta-t-elle, provoquant un léger rire dans l'assemblée. Mais tu as su voir au-delà de mon caractère insupportable, et tu m'as souvent remise à ma place, faisant de moi la personne que je suis aujourd'hui.
Je ne te remercierais jamais assez pour tout ce que tu m'as apporté. Je ne dois pas être la seule à le penser... Tu as tant fait pour nous, et nous aurions aimé en faire autant pour toi. Je sais que tu agissais de simple bonté de cœur, et que tu te fiches de la reconnaissance... Mais, Jean, je peux te l'assurer : tu vivras éternellement dans nos mémoires. Et au fil du temps, lorsque la douleur se sera estompée, il ne nous restera qu'un heureux sentiment de nostalgie chaque fois nous penserons à toi.
Au nom de tous•tes, je te dis merci. Pour tout. Pour les enseignements que tu nous as apportés, l'amour que tu nous as donné, et les souvenirs que tu nous as laissés.
Ash ravala ses larmes, sentant son menton se mettre à trembler.
— Repose en paix, conclut-elle d'une voix étranglée.
Elle descendit de l'estrade dans un silence de plomb. Il n'y eut pas d'applaudissements, aucune effusion de bruit. Simplement le recueillement personnel de chacun•e, que tous•tes respectèrent.
La brune quitta la pièce en serrant la photo contre son cœur. Elle se précipita dehors, et leva son visage vers le ciel. Le soleil illumina ses traits, et la légère brise qui caressa sa peau sembla telle les mains douces de son amie tant regrettée venant sécher ses larmes.
— J'espère que ça t'a plu, prononça-t-elle dans sa tête.
Derrière elle, la porte s'ouvrit de nouveau. Elle se retourna, et Storm apparut devant elle, l'air soucieux. Abattue, elle se jeta dans ses bras, se laissant aller à ses sanglots. La mutante la serra contre elle, et caressa ses cheveux.
— J'ai cru... commença-t-elle, la voix chevrotante. J'ai cru pouvoir y arriver sans craquer...
— Tu as été géniale, assura Ororo dans son oreille avec douceur. Je sais qu'elle est fière de toi.
Ash s'écarta et lui offrit un sourire reconnaissant, plongeant ses yeux rougis dans ceux, humides, de son amie. Cette dernière déposa un baiser sur sa joue. La brune s'imprégna de son parfum si agréable. Bientôt, une seconde odeur vient se mêler à celle, fleurie, de son amie. La dragonne leva les yeux vers son compagnon, qui les observait depuis le hall, gardant ses distances pour leur laisser leur intimité. Ash sentit son cœur s'alléger. Elle lui adressa un faible sourire.
Le reste de la journée s'écoula tranquillement. Chacun•e vaqua à ses occupations. La brune prépara la plupart de ses cours, histoire d'avoir l'esprit accaparé par autre chose. Elle s'installa dans son bureau, les fenêtres grandes ouvertes pour profiter de l'air frais et des rayons du soleil. Ses lunettes posées sur le bout de son nez, elle resta concentrée durant plusieurs heures, jusqu'à ce que la lumière commence à décliner, et que son cerveau entre en ébullition. C'est ce moment là que Logan choisit pour frapper à la porte. Elle l'invita à entrer, et esquissa un sourire à la seconde où elle croisa son regard.
— Hey, lança-t-elle doucement.
— Hey, répondit-il en s'avançant vers elle. Comment tu te sens ?
— Épuisée, soupira l'enseignante. Mais ça me fait du bien de penser à autre chose. Ces derniers jours n'ont pas été de tout repos...
Logan acquiesça. Il n'avait plus quitté sa chambre depuis cette nuit où elle l'avait finalement accepté à ses côtés. Ainsi, il avait pu la voir se tourner et se retourner dans le lit, les yeux grands ouverts, animés d'une faible flamme. Il savait qu'elle ressassait de vieux souvenirs qui l'empêchaient de fermer l'œil, malheureusement il n'y avait rien qu'il puisse faire pour l'aider. C'était quelque chose dont elle avait besoin pour faire son deuil.
Il vint s'appuyer sur le bureau, à côté d'elle, et saisit entre ses mains les cours écrits à l'encre noire. Ash le laissa faire, se concentrant sur celui qu'elle était en train de terminer. Le mutant lut avec attention, et reposa les feuilles sans un mot.
— Je t'attends dans la chambre, lui dit-il en se dirigeant vers la sortie.
— Avec ou sans tes vêtements ? demanda la brune sans lever les yeux.
Logan se figea devant la porte, et se retourna vers elle, un sourcil haussé.
— Qu'est-ce que tu as dit ? questionna-t-il, goguenard.
Ash leva les yeux, et esquissa un sourire amusé, relevant ses lunettes sur son front.
— Tu m'as très bien entendue.
Le mutant s'esclaffa, et s'approcha d'elle, les épaules saillantes. Il se pencha au-dessus du bureau et saisit le menton de sa partenaire entre ses doigts.
— Je préfère que tu les retires toi-même, déclara-t-il en baissant la voix.
Ash fronça le nez avec malice.
— Je n'en attendais pas moins de toi, fit-elle sur le même ton.
Elle leva son visage pour lui offrir un baiser, auquel il répondit immédiatement. Puis, elle brisa net le contact, et se concentra à nouveau sur son travail, laissant au mutant un arrière-goût amer de frustration.
— Je ne vais pas tarder, reprit-elle, un rictus railleur au coin des lèvres. Je suis tellement fatiguée... Dès que je finis ça, je file prendre une douche bien chaude et je me couche.
Logan resta interdit durant quelques secondes, avant de se redresser, les lèvres pincées.
— Fatiguée, hein ? marmonna-t-il entre ses dents quittant la pièce. Ah, chérie, je vais te donner une bonne raison d'être fatiguée...
Ash sentit les papillons migrer vers son bas-ventre, et tâcha de contenir le large sourire qui se dessinait sur ses lèvres.
Il fallait qu'elle se dépêche de finir ça.
hihu
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