Lorsque l'équipe se rassembla dans le couloir du rez-de-chaussée, Ash s'accrocha au bras de Raven et tâcha de se faire la plus discrète possible. Erik lui avait adressé un regard qu'elle n'avait su interpréter, et Alex l'ignorait royalement.

Censés retrouver Hank dans son labo, iels se dirigèrent en un seul groupe vers la porte de ce dernier. Accrochée dessus, une feuille de papier indiquait : « Je suis parti à la base aérienne, amenez la caisse marquée d'un X. Hank. »

Ash eut un drôle de pressentiment. Elle échangea un regard confus avec Raven, qui semblait inquiète de ne pas voir le jeune homme. Leurs soupçons se confirmèrent lorsque Charles poussa la porte du labo, dévoilant le désordre qui y régnait.

— Qu'est-ce qui s'est passé, ici ? s'enquit Erik, prononçant à voix haute les mots qui taraudaient l'esprit de chacun•e.

La pièce était sans dessus-dessous, complètement saccagée. Comme si un ouragan l'avait traversée. Ash sentit son cœur s'accélérer. Qu'avait-il bien pu se passer après leur entrevue de la veille ? Qu'était-il arrivé à Hank ? Est-ce que son soit-disant sérum y était pour quelque chose ?

Elle traversa la pièce avec précaution. Les morceaux de verre brisé crissaient sous les épaisses semelles de ses bottes militaires. Juste devant elle, Charles ouvrit la fameuse caisse, dévoilant leur équipement. Huit combinaisons en lycra jaune et noir. Ash reconnut immédiatement la sienne, dont le tissu ignifugé reflétait légèrement la lumière.

— Hank n'a pas chômé, remarqua Erik, tandis que les autres jetaient des regards contrits sur le contenu de la large caisse.

— On est obligé de porter ça ? soupira Alex.

Ash leva les yeux vers lui. Le souvenir de ses premiers essayages et les yeux qu'il avait posés sur son corps moulé dans le lycra provoquèrent une nuée de papillons dans son ventre. Lorsqu'il releva la tête à son tour, elle se détourna.

— Comme aucun d'entre nous n'a muté pour supporter une force de gravité extrême, ou résister à une volée de balles, je suggère que nous nous mettions en tenue, répondit Charles.

— Moi, je peux, fit remarquer Ash en levant la main.

— Alors disons que tu n'as pas le choix, répliqua immédiatement Charles. Habillez-vous.

La combinaison était probablement le vêtement le plus confortable qu'Ash n'ait eu à porter. Cela ne la consola pas pour autant. Pendant un instant, elle hésita à dire à Charles qu'elle ne les accompagnerait pas. Elle s'était battue toute sa vie pour avoir la paix, et maintenant qu'elle l'avait trouvée, elle devait retourner se battre ?

Puis, le visage de ses nouveaux compagnons défilèrent dans son esprit. Raven. Hank. Sean. Darwin. Moira. Charles. Alex.

Erik.

Elle avait passé sa vie à se battre seule. Aujourd'hui, elle irait se battre à leurs côtés. Elle irait se battre pour sa famille. Un regain de détermination anima l'obsidienne de ses yeux.

— Tu es prête ?

Une vague de frissons parcourut sa colonne vertébrale. Elle se tourna vers celui qui l'avait autrefois sauvée.

— Je crois, répondit-elle. Et toi ?

Erik hocha la tête, le regard dur.

— Plus que jamais.

Cela brisa le cœur de la dragonne, qui avait espéré qu'il change d'avis.

— Ash, j'aimerais te dire quelque chose, reprit-il en s'avançant vers elle.

Immédiatement, elle secoua la tête.

— Non, s'il te plaît...

— Viens avec moi.

Elle laissa échapper un rire nerveux.

— Pour quoi faire ? Souffrir encore de ton absence ? Passer mon temps à attendre que tu reviennes ? Espérer en vain qu'un jour mes sentiments soient réciproques ?

Erik pinça les lèvres.

— Écoute...

— Non, coupa-t-elle doucement. Tu vas m'écouter. D'accord ?

Il ne répondit pas.

— Tu m'as sauvé la vie, en me laissant partager la tienne, reprit Ash, la voix tremblante. Pour ça, je t'en serais toujours reconnaissante. Tu m'as donné une confiance que je n'avais jamais eue avant, et sans laquelle je serais incapable de faire ce que je suis en train de faire. Tu m'as donné... une humanité. Mais maintenant, j'ai besoin de paix. J'ai besoin de vivre une vie normale. Et même si tu penses que c'est impossible pour nous, les mutants, tu dois au moins me laisser essayer.

Ses yeux s'étaient fait suppliants. Son interlocuteur hocha lentement la tête, plongeant son regard dans le sien une dernière fois. Il savait que les flammes qui y dansaient le hanteraient toute sa vie. Ash prit une profonde inspiration.

— Je t'aime, Erik, dit-elle d'une voix brisée. Et je sais que toi aussi, à ta manière. Il y aura toujours quelque chose pour nous lier, même si ça reste dans le passé. Et quoi qu'il arrive, sache que je ne veux pas t'oublier.

L'homme aux yeux d'acier s'imprégna de ses mots. Ash méritait qu'il disparaisse pour de bon. Elle méritait de vivre normalement, si c'était ce qu'elle voulait.

— Moi non plus, je ne veux pas t'oublier, dit-il alors simplement.

Essayant de faire disparaître le nœud qui obstruait sa gorge, Ash laissa échapper un long soupir et acquiesça.

— Allons-y.

Ils rejoignirent les autres dehors, dans l'allée, et montèrent dans le camion de la CIA avec lequel ils étaient arrivés, deux semaines auparavant. Ash regarda le manoir, sa maison, s'éloigner, le cœur au bord des lèvres. C'était peut-être la dernière fois qu'elle le voyait. En face d'elle, Raven lui adressa un sourire d'encouragement. Elle se sentit légèrement mieux.

Le trajet jusqu'à la base aérienne se fit lourdement silencieux. Dans un heureux (ou malheureux?) hasard, Ash s'était retrouvée assise juste à côté d'Alex. Ce dernier était terriblement tendu et il était insoutenable pour la dragonne de devoir rester immobile, alors qu'elle rêvait de pouvoir tenir sa main. Il lui manquait atrocement. À plusieurs reprises, elle hésita à lui demander si elle pouvait faire quelque chose pour le rassurer, mais elle se ravisa à chaque fois. Il lui avait bien fait comprendre qu'elle avait perdu ce privilège. Alors les mots restèrent bloqués dans sa gorge.

Lorsqu'ils arrivèrent sur le tarmac de la base, la tension était à son comble. Raven regardait tout autour d'elle, cherchant probablement à repérer la silhouette de Hank quelque part. Charles rassembla le groupe et iels pénétrèrent ensemble dans l'un des entrepôts. Le jet mit à leur disposition était impressionnant. Ash se surprit à écarquiller les yeux en l'apercevant. Voyant qu'elle ralentissait le pas, Sean attrapa son poignet pour l'entraîner à sa suite.

— Où est Hank ? questionna soudainement Raven, visiblement soucieuse.

En un simple regard, Ash fit le tour de ses compagnons, et fronça les sourcils. Hank n'était toujours pas parmi eux. Se pourrait-il que quelque chose lui soit vraiment arrivé ?

— Je suis là, lui répondit une voix familière,

La silhouette du jeune homme se découpa dans la lumière du jour. Il s'avançait vers eux. Plissant les yeux, Ash remarqua immédiatement que quelque chose avait changé. Son corps entier, devenu bleu, était recouvert d'une fourrure de la même couleur. Ses yeux jaunes perçaient derrière la monture de ses lunettes, et il semblait même avoir pris en taille et en muscles. Impressionnée, Ash laissa échapper un sifflement.

— Hank ? s'étonna Charles.

— Ça n'a pas attaqué les cellules, expliqua le mutant, la mine basse. Ça les a stimulé. Ça n'a pas fonctionné.

— Bien sûr que si, Hank, répondit Raven, le regard tendre. Tu ne vois pas ? C'est ce que tu es censé être depuis le début. Ça, c'est toi.

Elle déposa une main sur la joue du jeune scientifique, qui sembla s'apaiser à son contact.

— On ne se cachera plus, reprit Raven.

Hésitant, il se tourna vers les autres. Ash hocha la tête, lui offrant un sourire.

— Tu es super, comme ça, lança Erik, le gratifiant d'une tape amicale sur l'épaule.

Soudainement, Hank le saisit par la gorge, montrant les dents. Ash sursauta en l'entendant feuler.

— Hank ! interpella Charles.

— Ne te moque pas de moi, gronda-t-il.

— Hank, repose-le tout de suite, insista le télépathe.

— Hank, stop ! intervint Ash en haussant la voix, inquiète pour la survie de son ancien mentor, dont le visage était devenu rouge.

À contrecœur, le mutant relâcha son emprise. Erik chuta au sol, reprenant son souffle. Ash écarquilla les yeux de stupeur.

— Je ne me moquais pas, répliqua le maître du magnétisme, amer.

— Même moi, je dois avouer que tu es plutôt badass, assura Alex, qui n'avait jamais été aussi sérieux à propos de son coéquipier. J'ai même un nouveau nom pour toi : Beast.

Hank répondit avec un grognement de fauve.

— Et tu es sûr que tu peux piloter ce truc ? questionna Sean.

— Bien sûr que je le peux. Je l'ai conçu.

Ash esquissa un sourire.

— Alors qu'est-ce qu'on attend ?