4. Melinn
DISCLAIMER: Les légendes présentes dans ce roman sont des textes que j'ai inventés ou réinterprétés, ce ne sont en aucun cas les mythes d'origine.
Bonne lecture !
Le soleil était à peine levé lorsque Melinn sortit de sa chambre. Vêtue de son kimono noir, elle se dirigea courageusement en direction des cuisines. Ces dernières se trouvaient dans la même aile que les dortoirs des employés. Il lui suffisait donc de traverser le couloir avoisinant sa chambre pour les atteindre. Ses pieds connaissaient le chemin mieux que tout et agissaient tout seuls.
La servante énuméra les herbes et épices qu'elle allait devoir mélanger afin d'obtenir le thé tant adoré par sa maîtresse. Chaque jour de la semaine, la recette changeait. Aujourd'hui, elle demanderait un thé vert avec de l'anis, de la cannelle et du miel. L'ensemble était extrêmement sucré, mais la jeune femme ne faisait que suivre les ordres qu'elle recevait. Pour elle-même, elle préparait quotidiennement un thé noir dont elle aimait tant l'acidité et la simplicité. De plus, si elle consommait des condiments plus complexes, elle pouvait être accusée de vol.
Une fois arrivée à destination, elle se chargea de récupérer de l'eau bouillante dans une cuve chauffée. Il lui suffisait de piocher les herbes nécessaires dans un panier d'ingrédients dont elle allait récolter le contenu une fois par semaine dans le jardin aromatique du temple. Ainsi, elles restaient fraîches et savoureuses. Les épices, plus rares et coûteuses, étaient achetées aux villages des environs par le personnel de cuisine. Les servants demandaient de temps à autre des faveurs à ces derniers afin qu'ils leur rapportent des aliments moins génériques que ceux que contenaient leurs assiettes chaque midi et soir. Du chou, des fèves de soja, du riz, du poisson maigre, tout dépendait des saisons.
Après avoir rassemblé sa concoction dans une théière en porcelaine bleue, la préférée de sa supérieure, Melinn disposa le récipient en question sur un plateau en argent. Elle y ajouta quelques gâteaux au sucre fraîchement cuits. Les chefs pâtissiers se réveillaient le plus souvent la nuit afin de peaufiner leurs créations. Ils disparaissaient à l'aurore et réapparaissaient au crépuscule. Leurs journées étaient radicalement différentes de celles des autres habitants du temple. Cependant, leur peur des Yōkai les poussait à se réfugier dans leur travail jusqu'à l'arrivée du petit matin. Sous le ciel étoilé, seul quelques soldats patrouillaient à l'extérieur des murs du temple afin d'éloigner les intrus et les curieux.
Melinn se força de retenir un bâillement en sortant de la cuisine. Elle tenait fermement le plateau entre ses mains. En traversant la cour, elle remarqua que la branche d'une fleur de lys avait été cassée et ramassa la fleur blanche pour la déposa à côté de la théière. Le parfum envoûtant diffusé par le pistil de la plante plairait à coup sûr à sa maîtresse.
Les premiers rayons du soleil commençaient progressivement à éclairer la cour centrale, faisant scintiller la nouvelle couche de neige qui recouvrait le gravier de ses chemins. Les flocons avaient dû tomber après que la femme ne se soit endormie.
Elle leva la tête et avança jusqu'au couloir du quartier des maîtres. Chaque fois qu'elle le traversait, elle se sentait mal à l'aise. Des bougies, posées sur le sol, brûlaient jour et nuit et devaient être rallumées si le vent les éteignait. Pas une seule ne devait manquer à l'appel. Jamais. C'était comme un rituel sacré. Sacré, mais terrifiant.
Les sandales de l'employée claquaient contre le plancher, annonçant sa venue. Elle savait que celle qu'elle servait ne serait aucunement ravie de la voir, mais elle devait prétendre croire au contraire.
Étrangement, en arrivant à la porte coulissante de l'immense demeure de sa maîtresse, elle remarqua que cette dernière était ouverte. En quelques coups d'œil furtif, la servante avait compris que l'espace était vide. Son cœur se serra et un noeud se forma au fond de sa gorge alors que sa salive pâteuse resta bloquée dans sa trachée. Elle ne savait pas quoi faire, mais décida finalement d'attendre. Au moins, elle serait là quand sa supérieure arriverait. Après tout, c'était ce pour quoi elle avait été embauchée.
Elle n'entra pas dans la pièce et resta immobile sur le pas de la porte, tout en retenant sa respiration. Son mauvais pressentiment était de retour. Était-ce un test ? Un piège ?
Soudain, des pleurs se firent entendre. Les lamentations d'une voix féminine traversèrent le couloir intégralement peint en rouge. Au bout de ce dernier se trouvait une entrée encadrée par des sculptures dorées. Melinn s'obstina à tenir tête à sa curiosité, décidée à respecter sa place de simple suivante. Une bonne domestique ne fouillait pas dans les affaires des autres et encore moins dans celles de ses supérieurs. Les plaintes continuaient à se faire entendre, mais elle resta de marbre. Elle me reconnaissait pas la voix pleurnicharde et la personne qu'elle attendait pouvait revenir à tout instant. S'absenter serait faire mauvaise figure, elle ne pouvait pas prendre ce risque.
Au-dehors, le soleil se levait lentement jusqu'à entièrement inonder le lieu de ses rayons orangés. Toutefois, il n'y avait toujours personne à l'horizon. Après une longue attente, une femme aux cheveux légèrement grisonnants sortit de la salle qui se trouvait au bout du couloir. Son kimono couleur écru était recouvert de broderies dorées et bordeaux en forme de fleurs. Un fard rosé avait été appliqué sur sa peau pâle et un rouge à lèvres rouge recouvrait ses lèvres fines. Des rides se dessinaient aux coins de ses yeux, témoignant du fait qu'elle souriait beaucoup. Elle séchait ses larmes à l'aide d'un mouchoir brodé, démontrant que ses mouvements étaient légers malgré son âge visiblement avancé.
En remarquant la présence de Melinn, elle lui fit signe d'approcher. La servante obéit sans hésiter. Lorsqu'une maîtresse donnait un ordre, verbalement ou physiquement, il fallait s'exécuter.
— Qui attends-tu de si tôt chère fille ? articula l'aînée d'une voix douce.
— Maîtresse Ghenshi, Madame.
Son interlocutrice parut choquée par ces propos. Silencieuse, elle se gratta le cou.
— Je dois lui apporter son thé matinal, poursuivit l'employée en baissant la tête en signe de respect.
Elle tenait toujours le plateau avec la boisson posée dessus. Il lui faudrait sûrement la refaire puisque Madame Ghenshi aimait ses breuvages brûlants et que celle-ci était maintenant à peine tiède.
— Ta maîtresse ne viendra pas aujourd'hui, lui dit-on tout à coup.
La femme aux mèches grises se mordit la lèvre. Elle tentait visiblement de retenir ses larmes.
Melinn ne savait pas quoi lui répondre. Sa supérieure était-elle partie en voyage sans l'en avertir ? Non. Elle lui aurait au moins demandé de préparer ses sacs avant le départ puisqu'elle ne s'en occuperait jamais elle-même.
— Je te laisse le voir par toi-même.
L'ainée s'écarta de son chemin en faisant signe à la salle dont elle venait de sortir. Une odeur d'encens de jasmin en provenait. La servante jeta un coup d'oeil à l'espace immense qui s'étendait sur des dizaines et des dizaines de mètres. Elle n'avait jamais su que le temple abritait une pièce aussi majestueuse ! Jusque-là, la porte de l'endroit avait toujours été maintenue fermée.
À l'intérieur, des centaines de bougies brûlaient, jetant leurs ombres sur les murs recouverts d'illustrations faites de feuilles d'or et de peinture écarlate. Au centre, se trouvait un autel en pierre. Dessus, était allongé un corps sans vie.
Le plateau en argent, précédemment entre les mains de Melinn, percuta soudain le sol. Le thé sucré coulait sur le bois sous ses pieds, laissant derrière lui une flaque gluante. Le cadavre auquel elle faisait face n'était autre que celui de sa maîtresse.
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