Livre III : Chapitre 4

- J'étais en Turquie avec mes parents, mes sœurs et mon frère, fit Elyra avec un grand sourire. C'était tellement bien !

Ils étaient en plein cours d'Étude des Êtres, et Amel leur parlait des précautions à prendre en cas d'attaque d'une Nyx. Comme ils connaissaient, plus ou moins, ce sujet par cœur et qu'ils avaient beaucoup à se dire, ils s'étaient assis à une table du fond et se décrivaient en détails leurs vacances.

Kosh était parti quelques jours en Normandie, en France, et Shay avait dû suivre son père lorsqu'il était parti en voyage d'affaires aux États-Unis. Joy et Lukas, eux, avaient partagé leur temps entre Los Angeles et le Tibet, pour passer un mois avec leur mère et un avec leur père. Eux non plus n'avaient pas été capables de rester totalement à l'écart des ennuis – en fait, Shay passa une demi-heure à narrer avec de temps à autres l'ajout d'un commentaire ou d'une précision de la part de Kosh comment ils avaient vaincu un Neuri renégat. Quant à Larrow, s'il préférait éviter toutes les questions, ce qui ne fit que rendre Lym plus soupçonneuse, il était évident qu'il n'avait pas passé toutes ses vacances à la plage.

Alors que Joy commençait, à l'hilarité générale, à raconter leur confrontation avec un peuple de serpents des mers, Amel s'éclaircit bruyamment la gorge. Ils se turent tous aussitôt en tournant un regard coupable vers leur professeur.

- Alley, Bishop, Bishop, Bluewell, Djaili, Estrell et Larrow.

- Présents ! s'écria Lym en levant vivement la main, faisant pouffer Shay.

Amel la foudroya du regard, bien que son visage calme s'oppose à son coup d'œil furieux.

- Pouvez-vous me dire de quoi nous parlions ?

- Des Nyx ? tenta Lukas.

- Vous n'écoutiez pas. Nous avons laissé de côté les Nyx depuis plus de dix minutes. Si je vous reprends à discuter, je vous donnerais des corvées aux Galeries, c'est compris ? Ce serait une bonne manière de reprendre les classses. Bon... Shade-Estrell, pouvez-vous me dire de quoi nous parlions vraiment ?

Angéla, la cousine de Shay, leva le nez de son carnet de notes en essayant de lui dissimuler l'écouteur qu'elle avait caché dans sa manche. Les Estrell partageaient décidément, en plus de leurs insupportables cheveux blonds, une aptitude innée à enfreindre les règles – et aussi un amour de la musique sans faille, bien sûr.

- Des... Des Ægans, professeur ?

- C'est exact. Retirez malgré tout cet appareil de votre manche, Shade-Estrell. Je vous y donne accès durant les exercices, mais durant mon cours, vous savez que c'est interdit.

Elle rougit brutalement en marmonnant quelque chose sur l'injustice, mais obéit malgré tout. Amel, qui avait déjà détourné son attention d'elle, se tournait vers le reste de la classe.

- Comme l'a dit votre camarade, nous étudions les Ægans. Nous avons déjà survolé le sujet plusieurs fois, mais ce chapitre est trop important pour qu'on lui accorde une si faible attention. Alors, quelqu'un peut-il me dire ce qu'est exactement un Ægan ?

Larrow leva un peu la main comme s'il connaissait la réponse mais n'était pas vraiment sûr de vouloir se faire interroger.

Lym avait toujours du mal à comprendre le système scolaire d'Eleuth, mais elle savait plus ou moins comment il fonctionnait. Les élèves avaient des horaires différents selon leur niveau, et ils avaient donc des programmes différents. Voilà pourquoi, dans la plupart des cours, du moins, les élèves comme Cléandra ou encore Lukas n'avaient pas les mêmes emplois du temps qu'eux, car ils étaient plus avancés, et Ash et Meg l'étaient moins. Larrow était l'exception. Il était à l'Académie depuis si longtemps qu'il avait acquises toutes les connaissances nécessaires, et même s'il lui arrivait de s'étonner de telle ou telle nouveauté, il restait la plupart du temps impassible face à toutes les révélations des professeurs. En réalité, il aurait probablement pu quitter Eleuth depuis des mois, voire même des années, mais il se plaisait sur l'île, avait encore des aptitudes à développer, et était un très bon stratège et combattant, ce qui signifiait que Cave voulait le garder auprès d'eux pour pouvoir les aider à se protéger en cas d'attaque. Par conséquent, il avait le droit de choisir de lui-même le niveau dans lequel il travaillait, et il avait choisi de rester avec Lym, bien sûr. Pourtant, à part en Contrôle où il y avait toujours de nouvelles connaissances à acquérir et où plus d'entraînement n'était jamais de refus, il devait s'ennuyer à mourir dans la plupart des classes.

Il fut donc le premier à lever la main, et Amel l'ignora délibérément en cherchant un autre élève à interroger, mais soit ils n'avaient pas la réponse, soit ils n'avaient pas vraiment envie de répondre. Elle finit par indiquer Larrow d'un geste pour lui donner la parole.

- Oui, Larrow ?

- Les Ægans sont des hybrides qui naissent de l'union d'un Ange et d'un Egna.

- Voilà qui est une description assez concise de ce que nous allons étudier. Existe-t-il d'autres hybrides chez les Êtres et les videntis ? Oui, Bluewell ?

- Chez les videntis, répondit vite Kosh avec plus de conviction que Larrow, l'un des deux Êtres élémentaires des parents se transmet à l'enfant. C'est aléatoire, la plupart du temps. Les gênes ne se mélangent donc pas. En revanche, chez les Êtres, il peut y avoir d'autres hybrides.

- Là encore, c'est exact. Mais pourquoi les autres hybrides d'inter-Êtres ne sont-ils pas aussi connus que les Ægans, dans ce cas ?

Lym attendait la réponse, elle aussi. Effectivement, les seuls croisements entre les Êtres dont elle eût jusqu'alors entendu parler étaient ces fameux Ægans. Il y eut un moment de silence, et Amel pointa Shay du doigt en haussant ses sourcils décolorés.

- Estrell ?

- Je ne sais pas, répliqua-t-il, tiré soudainement de sa rêverie, en se redressant brusquement.

- Kama, peut-être ?

Une grande fille métisse aux grands yeux d'encre leva le nez à son tour.

- Parce que les Ægans sont dangereux, non ?

- Tout juste. Si un Fé et une Selkie se croisent, ils auront pour progéniture un petit phoque avec des ailes de papillon et une dépendance au suc de fleurs, stérile qui plus est. C'est certes étrange, mais aussi totalement inoffensif. Les seuls Êtres dont le croisement peut causer un problème majeur sont les Egnas et les Anges ; voyez-vous, deux créatures aussi opposées, le yin et le yang, l'ombre et la lumière, ne sont pas censés se reproduire. L'enfant de deux Êtres pareils sera instable, dangereux, explosif. Merci, Ladon, ils sont également stériles.

Lym, pour une fois, écoutait avec attention, se balançant sur sa chaise, les sourcils froncés. Elle mentirait si elle disait que le sujet ne l'intéressait pas.

- D'ailleurs, le croisement de ces deux Êtres a été interdit par la loi, et même si cette règle est enfreinte, les mères avortent toujours pour éviter de se faire arracher leurs bébés. Ce sort vous semble sans doute cruel, mais vous ne mesurez sans doute pas l'envergure de puissance dont sont dotés ces hybrides. Ils sont capables de déchirer des populations, de détruire des continents, de réduire en poussière les plus grands bâtiments. Et ils finissent par se consumer eux-mêmes. Alors autant les tuer avant qu'ils ne détruisent d'autres familles innocentes...

Les élèves l'écoutaient avec attention, sauf Angéla qui essayait de remettre le plus discrètement possible son écouteur dans sa manche. Lym n'arrivait pas à prendre toutes ces informations de manière objective ; chacun des mots d'Amel semblait refléter sa propre existence. Elle avait dit à Shay et Elyra qu'elle était une Irisa, et l'avait confirmé à Kosh qui s'en doutait. Larrow, qui avait été le premier à s'en rendre compte, le savait déjà depuis longtemps. Ils étaient les seuls à le savoir, aussi il était normal qu'Amel ne se rende pas compte de l'envergure de ses paroles, mais elle ne pouvait s'empêcher de décortiquer ses propos pour trouver les liens avec elle.

« Vous ne mesurez sans doute pas l'envergure de puissance dont sont dotés ces hybrides. Ils sont capables de déchirer des populations, de détruire des continents, de réduire en poussière les plus grands bâtiments. Et ils finissent par se consumer eux-mêmes. »

N'était-ce pas ce qu'avait dit Luis avant de partir ? Que les Irisas étaient tellement puissants qu'ils tuaient et détruisaient sans le vouloir ce qui les entourait, avant de déborder de pouvoir et de se tuer eux-mêmes ? Et les derniers mots d'Amel... « Alors autant les tuer avant qu'ils ne détruisent d'autres familles innocentes... » Serait-il plus sûr de la tuer avant que ses pouvoirs n'atteignent leur apogée et ne prennent les commandes ?

Depuis que Luis lui avait dit de déchaîner ses pouvoirs de temps à autres, elle avait suivi son conseil. Et à sa grande surprise, il se montrait étonnamment utile. Débrider momentanément ses capacités, c'était grisant. Elle se sentait comme un verre d'eau que l'on remplirait au compte-gouttes, et qui finirait par déborder ; lorsqu'elle relâchait ses pouvoirs, c'était comme si on renversait l'eau amassée avant de laisser à nouveau le verre se remplir. De cette façon, elle parvenait à ne pas exploser. Et ses pouvoirs en temps normal étaient presque au même niveau que ceux de ses amis.

- Voilà pourquoi très peu d'Ægans ont réellement pu être observés, poursuivit Amel sans remarquer le trouble de son élève.

- Professeur ? s'exclama Elyra en levant la main vivement.

- Oui, Djaili ?

- Pourquoi n'y a-t-il pas une seule photo d'Ægans sur le mur, avec les autres créatures et hybrides ? Je n'en ai pas trouvé non plus sur Drago.mir.com.

- Drago.mir.com ? s'exclama Lym, abasourdie. Tu n'es pas sérieuse.

- Quoi, tu crois que les videntis n'utilisent pas Internet ?

- Si, mais je pensais qu'ils auraient trouvé un nom un peu moins pourri pour leur site super-secret.

- Alley, Djaili, les interrompit Amel sans pouvoir dissimuler un sourire. Ça suffit. Mais effectivement, Djaili, vous avez raison. La vérité, c'est que personne n'a vécu assez longtemps pour prendre une photo d'un Ægan – la plupart du temps, ils sont trop occupés à courir pour leurs vies pour penser à immortaliser l'instant. Et il n'y a pas non plus de dessins, car les personnes qui en ont déjà rencontré, et qui sont très peu nombreuses, n'ont jamais osé décrire un Ægan. Ni en dessiner un.

- Pourquoi sommes-nous si peu nombreux à en avoir rencontré un ? Parce qu'ils sont vraiment très discrets ? demanda un garçon qui avait les cheveux dressés et tellement barbouillés de gel que Lym ne put s'empêcher de le comparer à un ananas.

- Entre autres, oui, mais c'est surtout parce que, comme je l'ai dit, il n'y a que très peu d'Ægans qui survivent, et même s'ils survivent, rares sont ceux qui les rencontrent et s'en sortent vivants. En fait, il n'y a eu, à ce jour, que trois Ægans qui sont arrivés à l'âge adulte. Tous les autres sont mort-nés, ont été tués enfants ou encore se sont autodétruits avant d'avoir pu atteindre leur majorité. Les trois Ægans qui ont malgré la loi et la surveillance des Dragomirs réussi à grandir en secret sont connus et consignés dans les livres d'Histoire.

Elle se dirigea vers le fond de la salle, près de la part du mur peinte en blanc sur laquelle se trouvaient des images d'Anges. Effectivement, maintenant, Lym voyait que l'affiche consacrée aux Ægans n'était pas illustrée, contrairement à toutes les autres.

Amel sortit d'une petite bibliothèque entre deux poufs une montagne de livres tous différents, à la reliure de cuir élimé pour certains et avec des pages en parchemin, en format poche avec l'étiquette indiquant qu'ils étaient d'occasion pour d'autres. Elle tituba jusqu'à son bureau et laissa tomber la pile de manuels dessus avec un sourire satisfait. Après avoir épousseté un gros livre ancien maintenu clos par un fermoir en fer, elle se hissa sur la table et se leva sur le bureau pour qu'ils voient son visage par-dessus le tas de bouquins.

- Bien ! Puisqu'il en est ainsi, je vous défie de trouver les trois Ægans qui sont arrivés à l'âge adulte. Les premiers qui trouvent leurs noms auront droit à écouter leur musique pendant tout le reste du cours... Mais ne vous sentez pas visée, Shade-Estrell.

Angéla rougit brutalement, mais personne ne le remarqua. Tous les autres élèves étaient trop occupés à se lever et à se précipiter vers le bureau d'Amel. Lym ne fut pas en reste – elle courut littéralement vers l'estrade et attrapa trois livres qui lui semblaient prometteurs.

Larrow, qui connaissant sans doute déjà la réponse, attrapa un livre parlant des tigres de feu, et se mit à le feuilleter, confortablement assis dans un gros pouf volumineux. Tous les autres n'étaient pas aussi calmes. Joy et Shay essayaient de lire tous deux un petit roman parlant de la rencontre d'un Ange et d'un Egna, et ils se disputaient activement avec force de coups d'épaules et de jurons. Shay, qui ne pouvait pas vivre sans musique et devait avoir dans son téléphone l'intégralité de toutes les chansons jamais écrites, semblait particulièrement frénétique. Kosh n'était pas si emballé que ça par la récompense, mais il était aussi compétitif qu'eux tous et avait donc lui aussi fourré son nez dans un gros livre poussiéreux. Elyra et Angéla s'étaient engagées dans un combat amical à l'épée en bois au fond de la salle, pour décider qui allait hériter du Dictionnaire des Grandes Personnalités des Êtres. C'était le chaos général. Lym, qui avait réussi à récupérer quelques livres, alla s'asseoir à côté de Shay et de Joy, qui continuaient à se disputer.

Meg poussa un couinement de souris en se levant d'un bond, l'air surexcité.

- Trouvé ! Maëlys, l'un d'entre eux s'appelait Maëlys !

- Faux ! répliqua Amel, qui semblait beaucoup s'amuser à les voir paniquer et se battre pour récupérer les meilleurs livres. Maëlys Ragnök était la fille de Kan Ragnök et Wayla Azazel. Elle est connue car ses parents le sont, mais elle est morte avant d'atteindre l'âge adulte.

Meg sembla très déçu, mais tous les autres poursuivirent vite leurs recherches. Angéla passa devant Lym en courant, le livre qu'elle avait remporté face à Elyra dans les mains, et alla se cacher sous un pupitre pour ne pas être dérangée. Lym plissa les yeux, soudain pleine d'espoir, en repérant un nom qui aurait pu correspondre aux mots d'Amel, mais c'était seulement celui d'un fils d'une Selkie et d'un Neuri.

- Kalyn ? tenta une fille appelée Kama.

- Non, c'était un Ange, corrigea Joy en secouant son livre avec un air frustré, ne trouvant apparemment pas ce qu'elle cherchait.

- Cairn ! s'exclama soudain Kosh, l'air surexcité. Cairn Willis !

- C'est exact, Bluewell ! approuva Amel avec un sourire en le voyant frétiller de fierté. Plus que deux à trouver !

Lym tournait les pages à toute vitesse, le nez presque collé au papier, et elle faillit lancer le livre contre la fenêtre tant elle était heureuse lorsqu'elle trouva enfin le nom qu'elle cherchait.

- MORIA ! Moria Thom !

- Bien joué, Alley !

- ARES GAIL !!! s'époumonèrent Angéla et Shay d'une même voix.

- Oui, Estrell et Shade-Estrell ! Vous êtes ex aequo... Disons que vous avez tous deux le prix.

Angéla, Shay et Lym poussèrent un cri de joie et se levèrent sur leur pupitre en se serrant les mains comme s'ils venaient de gagner un Oscar et non pas l'autorisation d'utiliser leurs écouteurs durant la demi-heure de cours qu'il restait. De force, ils obligèrent un Kosh excédé à grimper sur la table avec eux et allaient improviser une chorégraphie pour fêter leur réussite lorsqu'Amel les ramena sur Terre avec un air extrêmement amusé ; elle les fit descendre et Lym, bien évidemment, trébucha sur un pli du tapis pour s'étaler à moitié par terre.

Heureusement, Larrow la rattrapa de justesse et l'aida à se relever, tandis que Shay, ô surprise, courait vers elle avec une remarque sarcastique en bouche.

- Ben alors, Alley ! Tu ne tiens plus sur tes pieds !

Elle allait rétorquer avec une réplique bien sentie quand son regard s'égara vers un livre qu'elle avait renversé dans sa chute. Le titre attirait l'œil et indiquait Contes des Grandes Créatures. Sur la couverture se trouvait un Sphinx majestueux, un sourire énigmatique aux lèvres.

Sans y réfléchir à deux fois, elle l'attrapa et chercha un endroit où le cacher. Larrow et Shay échangèrent un regard puis Shay le lui arracha des mains et le passa à Larrow qui le fourra dans son sac à dos. Ses gestes étaient experts et précis, lui qui avait grandi en volant dans les étalages américains de quoi se nourrir. Personne n'avait rien remarqué, trop occupés à acclamer les vainqueurs et plus particulièrement Angéla, qui accaparait toute l'attention. Shay s'éclaircit bruyamment la gorge, puis se tourna vers le groupe d'élèves surexcités comme si de rien n'était.

- Cousine, tu n'as pas le droit de me voler la vedette ! Faites place !

Il se fraya un passage jusqu'au devant de la scène, où il fut accueilli par un tonnerre d'applaudissement. Puis Amel les força à se rasseoir, et reprit son cours face à une classe plus ou moins attentive. Lym ne put même pas profiter son prix, son casque sur la tête, tant elle brûlait d'envie de reprendre le livre qu'elle avait subtilisé pour vérifier s'il y avait des informations importantes à l'intérieur.

Lorsque le gong annonçant la fin des classes sonna, les élèves commencèrent à se lever en traînant leurs sacs derrière eux. Amel réunit les livres qu'elle avait prêtés, et les compta, ce qui fit frémir Lym d'inquiétude. Shay, Larrow et Lym se dirigèrent vers la porte, tête baissée, sur les traces de Kosh et d'Elyra, lorsque la professeure les rappela, sourcils froncés. Ils pivotèrent d'un même geste.

- Il manque un livre. Ce sont des manuels anciens et d'une grande valeur ! Vous ne l'auriez pas vu ?

- Non, professeure, répondit Lym, peut-être un peu trop vite.

Elle plissa les yeux avec un air suspicieux puis leur fit signe d'approcher.

- Estrell, Alley, Shade-Estrell, je préfère tout de même vérifier vos sacs. Sans vouloir vous offenser, vous connaissant, vous auriez pu en emmener un, volontairement ou pas.

De nouveau, elle agita la main pour qu'Angéla, Shay et Lym viennent vers elle, et ils obtempérèrent. Lym et Shay échangèrent un regard, soulagés qu'elle n'ait pas interpelé Larrow. Celui-ci s'approchait de la sortie, les yeux baissés, lorsqu'Amel le rappela.

- Larrow ?

Il se figea tout net et se tourna vers elle, l'air nonchalant comme s'il n'était pas du tout inquiet.

- Oui, professeure ?

Il y eut un silence lourd, durant lequel Angéla fixa Lym et Shay qui retenaient leur souffle. De toute évidence, elle se doutait de quelque chose. Finalement, Amel finit par terminer ;

- Tu vérifieras qu'aucun de tes camarades ne l'a, d'accord ?

Larrow se détendit imperceptiblement et hocha la tête en souriant.

- Oui, professeure.

Il sortit enfin de la salle de classe d'un pas qu'il essayait de toute évidence de maintenir lent et naturel, et Amel fouilla les sacs des trois élèves. Lorsqu'elle eut terminé, sans, évidemment, trouver quoi que ce soit, elle les leur rendit avec un petit air penaud.

- Je suis désolée, je n'aurais pas dû vous soupçonner à tort, mais étant donnée votre réputation...

- C'est très injuste, la réprimanda Lym avec un air sévère. Parce qu'on nous a collé une étiquette de fauteurs de troubles, vous supposez directement qu'il s'agit de nous ?

- C'est que...

- Elle a raison, ajouta Angéla, sous le regard de Shay qui semblait beaucoup s'amuser. C'est très décevant de votre part.

Amel se renfrogna en jouant nerveusement avec sa tresse blanche.

- Oui, je suis désolée. Allez, filez, maintenant, ou vous n'aurez pas le temps de manger.

Ils sortirent et Angéla fila dans le couloir, tandis que Shay et Lym s'attardaient près de la porte. Shay adressa à son amie un regard admiratif, comme si elle venait d'accomplir un exploit inimaginable.

- Tu viens vraiment de la faire s'excuser pour nous avoir accusés de vol... Alors qu'on était en fait bel et bien les voleurs ?

Elle lui adressa un clin d'œil qui était une pâle imitation de son caractéristique comportement, et ils échangèrent un regard complice. Larrow revint dans l'allée, le livre qu'ils venaient de subtiliser à Amel caché adroitement sous son manteau, et courut jusqu'à eux, ses boucles brunes en bataille.

- Est-ce qu'on vient vraiment de voler un manuel ancestral à un professeur sans même savoir pourquoi ?

- Bien sûr que non ! Ce n'est du vol que si on a l'intention de le garder. Considérons ça comme un emprunt, plutôt, répondit-elle en lui prenant le livre des mains, un grand sourire aux lèvres.