Livre III : Chapitre 31

Elyra détestait Arcem.

Elle avait trouvé l'île sublime la première fois qu'elle était venue. L'endroit était entouré d'une sorte d'aura étrange qui le rendait aussi effrayant que magnifique. Et, même à présent, alors qu'elle arrivait avec Kosh sur la terre des Faucons, elle ne pouvait s'empêcher d'être éblouie par sa sombre beauté. Les tours d'améthyste brisaient la coupole de nuages qui recouvrait la forteresse. Les longs dards étincelaient sous la lueur de la lune. Apparemment, ici, il ne pleuvait pas.

Le volcan que Lym avait fait exploser la dernière fois qu'ils étaient venus était encore plus impressionnant à présent. Des coulées de lave noire que l'air avait solidifiée ornaient les flancs de la montagne, comme une cape d'obsidienne. Les bâtiments où devaient être enfermés les Irisas étaient deux fois plus surveillés qu'à leur première venue, avec des dizaines de gardes qui patrouillaient inlassablement alentours. Et la forteresse était encore plus impressionnante, elle aussi, à présent qu'elle n'était pas vide.

À leur première venue sur l'île, il n'y avait personne ; les soldats avaient tous quitté les lieux pour aller se battre contre les Dragomirs, tout comme les dragons et les Pteroks. À présent, mis à part les quelques soldats que Drake avait envoyés au Temple, toutes les troupes de l'Empire étaient ici. Il y avait tellement de Pteroks et de dragons qui survolaient l'île que l'on voyait à peine la lune argentée derrière leurs ailes parcheminées. Ils faisaient de grands cercles autour de la forteresse, menaçants et prêts à frapper, comme des vautours qui s'apprêtaient à dévorer une carcasse. Et les Faucons étaient alignés en longues files armées jusqu'aux dents devant les portes de la forteresse. À l'avant, on pouvait remarquer qu'il y avait tous les contaminés par la Toxine, de longues lignes de soldats redoutables et dénués de sentiments. Ils dardaient en avant des rangées de lames et de flèches, de lances et d'armes à feu. C'était un premier rang de chair à canon dont Drake pouvait se débarrasser sans perdre un seul de ses soldats. Des combattants qui causeraient aux Dragomirs de gigantesques pertes, mais ne cesseraient eux de se battre que lorsqu'ils seraient morts, contrôlés par Drake lui-même.

Celui-ci était à l'avant de ses armées, sur un cheval noir dont les yeux brillaient de violet. Contaminé par la Toxine, donc. Peut-être un animal un peu trop récalcitrant à obéir pour qu'il se donne la peine de le dresser.

L'armée était immobile, froide, attendant dans un silence à peine brisé par les cris des Pteroks. Ils n'attendaient que l'armée qu'ils pensaient voir venir d'une minute à l'autre. C'était sans doute pour ça que ni Kosh ni Elyra n'avaient encore été repérés par les sentinelles qui volaient au-dessus d'eux ; ils n'étaient que deux adolescents, alors que Drake attendait une gigantesque armée à ses portes.

Orion était à la droite de Drake, lui aussi sur un cheval. Il n'était donc pas allé au Temple, lui. Étrange, Drake n'aurait-il pas envoyé son général remplir une pareille tâche ? Le reste de son armée attendait derrière les deux chevaux, tous silencieux comme des statues de pierre noire, prêts à tuer.

Oui, Elyra détestait Arcem.

Elle se tourna vers Kosh et croisa son regard. Tous deux se disaient la même chose ; l'armée d'Eleuth n'était pas encore arrivée sur l'île. C'était bon signe. Cela signifiait que Lym avait encore une chance de les intercepter, et de les envoyer au Temple au lieu d'ici. Ils avaient encore une chance d'empêcher Cave, Meyer et tous les leurs de tomber dans un gigantesque piège.

Elyra n'avait pas la moindre idée de ce qui les attendait s'ils allaient au Temple, pour tout avouer. Elle ne savait pas ce que pourrait y obtenir Drake, seulement qu'il ne devait pas l'obtenir.

Elle savait simplement que les Sphinx étaient trois Êtres incroyablement puissants, comme des dieux du monde des videntis. Mais des dieux dont on était sûr de l'existence. Tout le monde savait qu'ils existaient, ou avaient existé un jour, même si l'on les avait crus éteints jusqu'à ce qu'ils réapparaissent miraculeusement. Elle savait également, grâce aux cours d'Histoire du professeur Riks, que les videntis avaient jusqu'à cette réapparition été partagés en différents types de croyances, débattant pour savoir si, oui ou non, il restait des Sphinx sur terre. C'était comme les grands débats concernant Ladon ; d'interminables sources de querelles et de désaccords. Elyra n'avait jamais été religieuse, et elle savait que c'était aussi le cas de Lym, Shay et Larrow, mais elle savait que Kosh, Lukas et Joy, par exemple, étaient croyants. Pour elle, les religions n'avaient toujours été que des sources de conflits qui ne menaient finalement pas à pas grand-chose. Mais à présent, ces dieux que certains vénéraient étaient bien réels, et détenaient un pouvoir gigantesque.

Les Sphinx pourraient, s'ils choisissaient de s'unir à l'un des deux camps, leur conférer d'immenses pouvoirs. Et puisque Drake avait en plus capturé des Irisas... S'il parvenait à les soumettre à sa volonté, il gagnerait sans aucun doute cette guerre, avec tout le pouvoir des Irisas et des Sphinx à ses côtés. Ils seraient définitivement perdus. Déjà qu'ils avaient du mal à se battre contre toute la puissance d'Arcem en temps normal, si les Faucons disposaient d'une telle force, l'Ordre serait perdu.

- On rentre à Eleuth ? demanda-t-elle en se tournant vers Kosh.

Elle savait qu'ils étaient beaucoup trop loin de la forteresse pour que l'on ne les entende, mais ne pouvait malgré tout s'empêcher de chuchoter. Remarquant son réflexe enfantin, il lui adressa un léger sourire attendri qui parvint à relaxer son visage tendu et concentré pendant quelques instants, puis il retrouva son sérieux.

- Quelque chose ne va pas. Il manque beaucoup de soldats à l'armée de Drake. Il a dû envoyer plus de guerriers au Temple de ce que l'on pensait.

- Comment ça ? Il y en a beaucoup, là, quand même...

- Rigel n'est pas ici, et une bonne part des forces de Drake non plus.

Elyra pesta, énervée contre elle-même. Elle avait complètement oublié l'existence du deuxième général de l'Empire, Rigel Keller. Le rôle qu'avait jusqu'à présent eu Orion Elgar dans cette guerre avait largement surpassé celle de Rigel, et il avait été relégué dans son esprit à une place moins importante. Mais elle ne devait pas oublier qu'il était un excellent combattant, bien meilleur qu'Orion qui, lui, était un général davantage à cause de ses ingénieuses stratégies de guerre que grâce à des talents sur le champ de bataille.

Et maintenant que Kosh le lui faisait remarquer, il n'avait pas tort – les Faucons ne pouvaient pas tous se trouver sur l'île. Même s'il y en avait des milliers ici, il devait y en avoir des dizaines, voire des centaines, au Temple. Elle grogna, agacée. Prendre le Temple Sphinx ne serait pas aussi facile de ce qu'ils s'étaient imaginés. Sans trop y réfléchir, elle fouilla les rangs de soldats du regard à la recherche de Clem.

Le vrai nom de Clem était, elle le savait bien, Clemence Kali. Ce qui ne l'empêchait pas de penser à elle par son surnom. Toutes les deux vivaient dans le même quartier lorsqu'elles étaient petites, et avaient fréquenté la même école primaire ; elles y avaient été amies un moment, avaient même été un peu plus quelques temps, jusqu'à ce que Clem, lors de leur année de 5ème, disparaisse mystérieusement de chez elle. Ses parents avaient subitement déménagé du jour au lendemain sans laisser aucune trace, et Clem n'avait répondu à aucun des appels d'Elyra ou de ses autres amis. Troublée mais supposant qu'elle avait dû partir vivre ailleurs à cause du travail de son père, Elyra avait pensé tristement à son amie un moment, puis avait tourné la page. Un an et demi plus tard, elle avait été recrutée par Cave et avait rejoint l'Académie ; lorsqu'elle avait trouvé le nom de Clemence dans les dossiers des Dragomirs et avait découvert qu'elle était une videntis, elle avait pensé la croiser à Eleuth. Ce n'était jamais arrivé. Elle avait compris pourquoi à l'instant où elle l'avait aperçue sur le champ de bataille lors de la première grosse confrontation entre l'Empire et l'Ordre. Seulement au lieu d'arborer l'œil des Dragomirs, elle avait sur son épaule le symbole des Faucons. Et elle n'était de toute évidence pas sous l'emprise de la Toxine, ses mouvements n'ayant rien de mécaniques et ses yeux rien d'éteints. C'était dur de savoir qu'elle faisait partie de ses ennemis, à présent

Elle ne repéra cependant pas Clemence dans les rangées de soldats cette fois, et grogna doucement. Soit elle n'avait pas su la discerner au milieu de la foule de Faucons, ce qui était possible car ils étaient nombreux, soit elle était au Temple. Même si elle aurait préféré la première option, la deuxième était la plus probable. Sur le champ de bataille, Clem avait effectivement fait preuve d'un incroyable talent pour manier un arc et des flèches. Elyra ne serait pas étonnée de savoir qu'elle faisait partie des meilleurs soldats de Drake.

- Au moins les Dragomirs ne sont pas ici, raisonna Kosh à côté d'Elyra. Lym va pouvoir les arrêter à temps.

- Mais on doit prévenir Lymie qu'ils seront nombreux au Temple, histoire de ne pas les sous-estimer et y envoyer trop peu des nôtres.

- Alors on rentre ?

- Ça vaut peut-être mieux. On ne sert pas à grand-chose ici.

Elle allait se redresser pour tracer un enchantement et s'enfuir lorsque Kosh posa doucement une main sur son épaule. Elle se tourna vers lui, troublée, et il lui indiqua d'un geste le ciel étoilé.

Levant les yeux, elle vit qu'une bonne dizaine de dragons arrivaient de derrière eux pour aller se poser devant Drake. Même si elle se savait minuscule au milieu du paysage et donc presque imperceptible, Elyra se fit toute petite. Kosh se blottit contre elle et elle passa un bras autour de ses épaules.

Les dragons, principalement des Skuros, vinrent se poser devant l'armée déployée. Plusieurs soldats s'avancèrent et grimpèrent sur leur dos. Un Faucon sortit un enchanteur et, se détachant de la foule, se mit à tracer des symboles par terre, avant d'entreprendre de dessiner un gigantesque cercle autour.

- Que fait-il ? demanda Kosh en fronçant les sourcils.

Les lunettes qu'il n'enlevait plus tremblèrent sur son nez lorsqu'il le plissa d'un air troublé. Elyra avait toujours bien aimé lorsqu'il portait ses lunettes, même s'il n'en avait pas tellement besoin.

- Il trace un enchantement pour téléporter les dragons sur Eleuth, répondit Elyra qui avait aussitôt compris ce qui se passait. Je suppose qu'il a remarqué que nos forces prenaient trop longtemps à venir. Il envoie des sentinelles pour nous inciter à lancer une attaque.

- Oh, non, grogna-t-il en passant nerveusement une main dans ses cheveux sombres.

- Mais nos boucliers vont les arrêter, non ?

- Eh bien, ils vont sans aucun doute les ralentir un moment, mais... On a bien vu la dernière fois qu'ils cèdent à un moment ou à un autre. Ils ne résisteront pas longtemps.

- Et mer...

- Langage !

- ...credi. Allez viens, on doit rentrer. Il faut les prévenir de ce qui les attend. Heureusement qu'il y a une dizaine de dragons, il mettra des décennies à faire un enchantement assez grand.

Ils s'empressèrent de se téléporter loin d'Arcem, et réapparurent dans une lumière dorée sur le point d'apparition d'Eleuth, juste en face de l'arbre géant. Ils jetèrent des regards confus autour d'eux en réalisant que tous les élèves vaquaient encore à leurs occupations. Personne ne les avait-il donc prévenus de leur situation ? Elyra vit les trois enfants Coff, dont cette satanée Cléandra, qui les toisaient avec un air suspicieux. Elle les foudroya du regard, et ils s'empressèrent de détourner les yeux – Elyra savait que, comme Lym, elle pouvait être terrifiante lorsqu'elle le voulait. Elle était même sûre que Shay avait un peu peur d'elles.

- Où sont Lym, Larrow, Shay et les autres ? marmonna Elyra en tournant sur elle-même, troublée et essayant de trouver ses amis.

- Je vais appeler Shay.

Il sortit son téléphone et s'empressa de trouver le numéro de leur ami. Il répondit après quelques sonneries seulement, et Kosh s'empressa de lui crier des questions empressées. Elyra n'entendit pas la réponse de Shay, mais elle ne dut pas plaire à Kosh, car celui-ci fronça les sourcils et gronda ;

- C'est pas le moment pour les blagues, là...

S'impatientant, elle lui arracha le téléphone des mains et le mit à son oreille avant de dire d'une voix sèche ;

- Shay Giver Lake Estrell, arrête de faire le gamin et dis-moi où tu es, où est Lym et où est Larrow. Maintenant.

Elle entendit une série de jurons lorsque Shay réalisa qui était à l'appareil.

- Pas la voix de maman autoritaire, supplia-t-il, parvenant presque à la faire sourire.

- Tu veux que je te sorte du « jeune homme » ? gronda-t-elle d'une voix menaçante, et il couina à l'autre bout du fil.

- Pitié, non. Tout mais pas ça. Je suis à l'infirmerie avec Lukas et Ash. Lym est partie après Larrow vers l'Académie, mais je n'ai pas eu de leurs nouvelles et aucun des deux ne répond au téléphone. Je commence à m'inquiéter, alors que c'est le boulot de Kosh, d'habitude.

- D'accord. Tu sais où allait Lym, exactement ?

- Au bureau de Cave, je suppose. C'est là qu'était allé Larrow.

- Demande à Lukas les coordonnées du Temple. Kosh et moi allons vérifier si tout se passe bien à l'Académie.

Elle fit un signe de la main à Kosh, indiquant d'un geste l'arbre, et tous deux filèrent vers l'Académie tandis que Shay continuait d'enchaîner les bêtises au téléphone.

- Oui, maman. Oh, attends... C'est Kosh, la maman, alors tu es quoi, au juste ? Ah oui ! J'avais presque oublié. Tu es la grande sœur énervée.

- Shay. Les coordonnées. Lym a bien raison de t'insulter toutes les deux minutes, tu es vraiment insupportable. Sérieusement, je comprends pas comment Kosh peut te supporter.

- Tais-toi, sœurette, tu m'adores.

- N'importe quoi.

- Hm-hm.

Depuis que Shay avait décidé qu'elle était la grande sœur qu'il n'avait jamais eue, il l'appelait « sœurette », ce qui avait le don de l'agacer autant que de l'attendrir. Après, il fallait avouer que Shay appelait toutes les filles de son entourage (sauf Lym, bien sûr) « sœurette », y compris sa cousine Angéla. D'autant plus qu'Elyra ne pouvait pas, même si elle était indéniablement plus mature que lui (ce n'était pas difficile), être sa grande sœur. Après tout, elle avait plusieurs années de moins que lui.

Elle attendit impatiemment qu'il revienne à l'appareil, et laissa échapper un soupir de soulagement lorsqu'elle entendit enfin sa voix.

- Tu as du papier et un stylo ?

Elyra força Kosh à s'arrêter un moment pour noter sur sa main avec un gros feutre les coordonnées d'enchantement que lui transmit Shay, puis elle rendit son téléphone à Kosh et ils se remirent à courir. Ils traversèrent la cafétéria et grimpèrent à toute vitesse l'échelle. La porte du bureau de Cave était fermée, mais elle n'était pas immobile ; elle tremblotait un peu toutes les dix secondes, comme si une bataille animée y avait lieu.

Troublé et ne sachant pas à quoi s'attendre, Elyra s'agenouilla devant la porte et sortit le fil de fer qu'elle gardait toujours sur elle de sa poche, avant d'entreprendre de crocheter la serrure. Kosh, lui, tenait Shay au courant au téléphone, car même s'il faisait semblant de n'en avoir rien à faire, Shay était très clairement mort d'inquiétude pour Lym.

Définitivement, savoir ouvrir des portes avec un simple morceau de fil de fer lui était très utile. Depuis que son petit frère Léon, qui faisait de la dance avec elle et ses sœurs, se faisait sans arrêt confisquer ses toupies par sa professeure de dance et lui demandait avec de grands yeux de les lui récupérer, elle avait dû apprendre à s'infiltrer dans le bureau de la prof. Elle ne pouvait jamais résister aux grands yeux humides de chaton abandonné de son frère. Et en temps qu'aînée, c'était toujours à elle de prendre soin de Carry, Léon et Nina et, par conséquent, de se glisser dans la salle des profs du conservatoire et récupérer les toupies de Léon.

La porte du bureau de Cave s'ouvrit assez vite, mais elle dut faire un phénoménal bond en arrière pour éviter la lampe qui faillit lui éclater au visage. Une montagne de projectiles divers et épars étaient empilés devant la porte. Dossiers, carnets, stylos, meubles, tout y était passé. Elyra leva la tête, surprise, et vit Lym qui la fixait avec de grands yeux, un banc levé au-dessus d'elle et prête à l'écraser sur la porte à son tour, sa poitrine se soulevant au rythme de sa respiration saccadée.

- Lyra ?

- Lymie ! Par Ladon et les trois Sphinx, évite de me tuer, tu veux ?

- Ladon, je sais pas, mais les trois Sphinx, c'est précisément le problème ! gronda Lym en lançant dédaigneusement le banc à l'autre bout de la salle.

- Tu es consciente d'être en train de détruire les affaires de Cave ? Il ne va pas être content.

- Oh, je suis sûre que l'état de leur mobilier est la principale préoccupation des morts, railla Lym, l'air de bouillir de rage.

- Les morts ? Que...

Lym lui indiqua d'un geste un coin du bureau qu'elle ne pouvait pas voir depuis là où elle était, mais en s'avançant, Elyra put voir le cadavre de l'auctor derrière son bureau renversé. Une balle lui avait perforé le milieu du front. Elyra eut un mouvement de recul, surprise, mais elle s'empressa d'écarter le problème. Cave était le moindre de ses soucis.

- Que fais-tu ici ? demanda Elyra. Où est Larrow ?

- Probablement déjà sur Arcem. Sérieusement, quel connard.

- Ne dis pas ça ! protesta-t-elle, choquée.

- Il m'a obligée à rester ici avec ses pouvoirs de Stryge.

- Oh... D'accord. Effectivement, quel connard. Alors tu ne peux pas sortir ?

Fulminante de rage, Lym fit un pas vers la porte, se figea, et fit un pas en arrière, l'air incapable d'avancer davantage. Elyra échangea un regard avec Kosh, qui avait suivi toute la conversation et racontait à Shay se qui se passait en même temps. Elle l'entendit dire d'un ton empressé ;

- Trouve un Stryge, ou un Nyx, ou bien un Egna, et amène-le au bureau de Cave. On a besoin de quelqu'un pour briser le sort.

Elyra entendit vaguement Shay répondre « je m'en occupe », puis il raccrocha et Kosh glissa son téléphone dans sa poche. Puis il se précipita à l'intérieur du bureau pour vérifier que Lym allait bien, mais celle-ci le repoussa, bornée, le visage fermé par la colère.

- Kosh, Elyra et toi devez trouver Larrow. Il va se faire tuer sur Arcem.

- On ne pourra jamais le raisonner si toi, tu n'en as pas été capable, répondit Kosh, et Elyra devait avouer qu'il avait raison. Larrow écoutait toujours Lym, même lorsqu'il semblait impossible de le faire changer d'avis. Pourquoi irait-il les écouter, eux ?

- Si, croyez-moi. Il veut que je reste ici parce que je suis une Irisa, et il sait que si je me fais capturer je finirais dans le labo de Drake. Vous, en revanche, vous êtes des videntis, et vous êtes tous les deux dignes de confiance. D'autant plus que vous êtes les deux plus raisonnables de nous cinq à part lui. Filez, il vous écoutera.

- Tu es ma meilleure amie, protesta Elyra. Je ne te laisserai pas ici.

- Larrow a emporté Prysm. Passe-moi une épée. Je saurai me débrouiller.

Kosh passa à Lym son glaive Doxa, prenant à la place sa grosse arme à feu. Lym leva le glaive et fit tourner la lame entre ses doigts.

- Tu es immobilisée, insista Kosh malgré tout. Si quelqu'un t'attaque...

- Peut-être l'as-tu déjà remarqué, Koshy, mais je suis tout particulièrement énervée. Alors si quelqu'un m'attaque, vous devriez prier pour qu'il survive.

Même incapable de bouger et incapable de se servir de ses pouvoirs, Lym était effrayante. Il y avait se feu qui brûlait en elle à tout moment, et qui semblait avoir doublé d'intensité depuis qu'elle avait visité à Arcem. Ses yeux rougeoyaient, couleur de sang, et des lambeaux de brume s'enroulaient autour de la lame de Doxa. Elle saurait définitivement se débrouiller seule quelques instants. Et de toute façon, qui viendrait la menacer ici ?

Elyra tira Kosh par la manche, et il se tourna vers elle. Ils se regardèrent un long moment, jusqu'à ce que, comprenant le message, il finisse par céder. Tous deux adressèrent un hochement de tête à Lym et filèrent dans le couloir pour sortir et retourner sur Arcem.

Elyra espérait que personne ne vienne attaquer son amie. Elle n'avait jamais vu Lym aussi énervée depuis la mort de Sofy, puisqu'à celle de Mar elle était plutôt dévastée qu'en colère. Lorsqu'elle était calme, Lym était une véritable machine de guerre. Elyra n'était pas sûre de vouloir voir ce que pourraient donner ses pouvoirs lorsqu'elle était furieuse.