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~[III/24]~


Livre III : Chapitre 24



Lukas n'était toujours pas rentré de sa mission, et ne répondait pas au téléphone. Aucun de ses compagnons de voyage ne répondait non plus, ce qui était assez inquiétant.

Lukas ne savait donc même pas que sa sœur était condamnée.

Lym et Shay, les deux membres de leur groupe qui étaient les plus proches de Joy, passèrent de nombreuses heures à son chevet, rejoints parfois par un Ash au visage fermé qui ne laissait pas transparaître la moindre émotion. Elyra, Kosh et Larrow venaient dès qu'ils avaient droit à une pause les rejoindre dans l'infirmerie, et ils restaient assis autour du lit de la jeune fille, à se demander comment Drake avait pu les atteindre au cœur même de leur foyer d'une pareille manière.

Joyce était livide, et dormait presque sans arrêt. Elle ne se réveillait que de temps à autres lorsqu'Amel venait lui apporter son repas, et même durant ces brefs moments de conscience, elle n'était pas totalement lucide. Il lui arrivait d'avoir des hallucinations. Elle pointait Ash d'un doigt accusateur en baragouinant des menaces, puis appelait Lukas inlassablement, avant de marmonner une suite inintelligible de mots à l'oreille de Shay, l'air très sérieux.

- Quelle étape de la contamination ? demanda gravement Larrow à Riks lorsqu'il vint voir Joy pour la première fois.

- Elle a atteint la troisième phase, répondit le professeur en jetant un regard inquiet à sa patiente. Mais à tout moment, la quatrième peut se déclencher. On vérifie ses yeux tous les matins pour repérer une éventuelle dilatation de la pupille.

- Elle n'est pas censée être aussi longtemps endormie, non ? Elle devrait être debout.

- Nous avons dû la droguer, sous les ordres de Meyer. Il veut que l'on relève quelques données. Mais ne vous inquiétez pas, ce n'est que temporaire, on arrêtera les doses bientôt.

Même lorsqu'elle dormait, Joy ne cessait de se débattre contre ses draps, marmonnant et appelant ses parents, son frère, ses amis, ou criant sur un danger qui leur était invisible, proférant des menaces. C'étaient apparemment d'inévitables cauchemars qui venaient troubler son sommeil.

Une semaine après la distribution des noms des contaminés, ils arrêtèrent de leur administrer des drogues. Apparemment tous les prélèvements de sang qui pourraient permettre d'en extraire la Toxine et éventuellement trouver un antidote avaient été effectués. Ce qui voulait dire qu'ils commencèrent un à un à se réveiller.

La plupart n'était même pas au courant de leur condition ; lorsque l'on le leur avait dit, ils étaient trop perdus dans la brume des sédatifs pour réaliser l'étendue de ces révélations. Joy, en revanche, savait dès son réveil. Elle écouta les explications de ses amis dans un silence étonnamment calme, puis hocha lentement la tête.

- Je le savais depuis un moment. Ces voix que j'entends... Elles m'empêchent de réfléchir depuis des semaines. Et je me sens nauséeuse depuis l'attaque. J'avais compris depuis quelques temps déjà.

- Mais... Pourquoi ne nous as-tu rien dit ? protesta Elyra, déroutée.

- Je ne sais pas. C'est peut-être déjà l'influence de Drake. Ou bien j'avais simplement peur qu'on ne m'enferme ici. Ou de devoir affronter l'évidence. J'en sais rien, vraiment. Peut-être pensais-je que si je ne le disais pas à haute voix, j'aurais encore des chances de m'être trompée.

Ce jour-là, ils étaient tous les cinq venus s'asseoir en cercle autour de son lit, l'air mélancolique. Amel les avait appelés dès qu'elle avait été mise au courant de la toute neuve lucidité des patients. Ash était censé venir aussi, mais il devait avoir quelques missions ou cours au même moment, car il ne se montra à aucun moment.

Joy était assise sur son lit, à moitié recouverte par ses couvertures et portant une robe d'hôpital blanches. Des cernes alourdissaient ses yeux sombres, ses joues étaient creuses, et ses mèches courtes étaient ébouriffées. Les épis qu'elle avait teints en violet quelques temps plus tôt semblaient s'être ternis.

- Où est Luke ? demanda Joy d'une voix fatiguée. Il n'a pas été contaminé, si ?

Elle essayait de poser cette question de manière décontractée, mais on pouvait entendre la lassitude et la peur dans sa voix tremblante. Shay prit sa main, l'air paniqué, et s'empressa de la rassurer.

- Non, non ! Ce n'est pas ça.

- En fait, poursuivit Lym dans l'espoir de lui empêcher une vague de panique, je crois que tu ne connais aucun des infectés. Lukas n'était pas à portée de la Toxine.

Joy se détendit perceptiblement, et leur adressa même un léger sourire.

- Oh. Alors où est-il ?

- Il est juste en mission, c'est tout.

- En mission ? Tu veux dire... La même mission pour laquelle il était parti avant que je ne plonge ?

Ils gardèrent le silence. Kosh et Elyra échangèrent un regard inquiet, tandis que Larrow enchaînait au plus vite, tentant lui aussi de la rassurer ;

- On a vu des missions plus longues, Joy. Ça ne veut rien dire. Et puis Cave a envoyé une deuxième escouade pour aller les chercher ou leur venir en aide au cas où ils en auraient besoin.

- Pourquoi envoyer de l'aide ? Il ne peut pas juste leur demander s'ils vont bien par téléphone ?

Ses amis gardèrent tous le silence. Ils étaient conscients de la gravité de la situation. La réalisation s'afficha lentement sur le visage fatiguée de la cadette Bishop.

- Ils ne répondent plus.

- Il peut s'agir d'un problème de réseau, essaya de la rassurer Kosh bien qu'il sache que c'était vain.

La situation était réellement critique. Lukas Bishop, disparu depuis des mois, ne donnant pas de nouvelles. Même les équipes de Dragomirs que l'on avait envoyées pour aller lui venir en aide semblaient s'être volatilisées. Et Joyce Bishop, infectée par les nuages de Toxine répandues par Drake, était piégée dans la maladie et sombrait peu à peu sous son emprise. La famille Bishop était définitivement en train de traverser une terrible étape. Et leurs parents n'avaient même pas pu être avertis, puisqu'eux-mêmes étaient en mission chacun de leur côté et que leur annoncer les nouvelles, selon Meyer, « les distrairait ».

Lym, qui avait pris la main de Joy que Shay n'était pas occupé à écraser entre ses doigts, eut un soupir exténué. Dire que pendant quelques merveilleux jours ils avaient pensé avoir échappé de justesse aux gaz toxiques des Skuros. Et voici qu'ils découvraient qu'ils avaient eu tort.

Ash arriva enfin à ce moment-là, ses yeux également assombris par de gros cernes, et leur dit qu'il allait prendre la relève au chevet de leur amie. Joy décrispa les doigts autour de ceux de Lym et Shay, et tous les cinq la laissèrent entre les mains de son meilleur ami. Voir Joy, d'habitude, malgré sa nature timide et associable, brûlante d'un feu vif, sembler aussi éteinte était presque contre-nature. Elle avait l'air d'une flamme oscillante qui pourrait s'éteindre à l'instant où quelqu'un irait souffler sur sa bougie. Un feu mourant, qu'il était impossible de raviver.


Les flammes étaient gigantesques, engloutissant tout sur leur passage. Le cœur au bord des lèvres à cause des cendres qui venaient s'engouffrer vers ses poumons, Lukas se traîna entre deux arbres incendiés qui se consumaient lentement, tombant en morceaux devant ses grands yeux que la fumée s'acharnait à brûler.

Les poumons en feu, il attrapa une pleine poignée de terre granuleuse d'une main, mais parvint à s'agripper à une branche encore intacte et s'en servit pour se tirer vers l'avant. Sa jambe blessée le faisait souffrir à chaque geste, mais c'était toujours plus supportable que lorsqu'il essayait de se redresser. La dernière fois qu'il avait tenté de se remettre sur ses pieds, il s'était évanoui quelques secondes, se faisant presque dévorer par le feu, et il n'était pas prêt à reprendre le risque. Heureusement, la rivière qu'il avait repérée n'était pas si loin à présent. Il ne lui restait pas tant de chemin à parcourir pour parvenir à la sécurité du cours d'eau. Mais quelques mètres, lorsqu'il fallait se traîner à l'aide de ses coudes comme un ver désespéré, devenait vite un véritable petit périple.

L'abondance de cendres et de fumée dans l'air faisait pleurer ses yeux à s'en assécher les glandes lacrymales, et ses poumons semblaient brûler comme s'ils étaient remplis de braises. Il avait du mal à penser correctement. Il ne se souvenait même pas clairement de ce qu'il lui était arrivé pour qu'il arrive à une telle situation. Il essaya de toutes ses forces de ramener ses souvenirs à lui ; il savait qu'ils étaient essentiels, de véritables pépites d'or du point de vue de l'Ordre... et de l'Empire, aussi. Il devait tout faire pour garder ces informations à l'abri de l'Empire. Quoiqu'il n'aurait pas à s'en inquiéter s'il était brûlé vif au préalable.

Ce qu'il s'était passé tournait en boucle devant ses yeux, à présent qu'il avait ramené les souvenirs à la surface. Soudain les sons, les images, la lumière, tout était trop puissant pour qu'il puisse le supporter, et il laissa échapper un gémissement de douleur, s'agrippant les tempes. S'efforçant de reprendre ses esprits avec un grognement, il recommença à cheminer vers son but, tant bien que mal. Le ruisseau était à quelques pas. Il pouvait y arriver. Il le fallait.

La mission avait été longue, périlleuse, mais surtout incroyablement ennuyeuse. Ils avaient passé des jours à ratisser la région, parce que Cave était persuadé qu'il y avait ici trop de puissance magique pour que ce soit naturel. Même un regroupement de videntis n'aurait pas donné de pareils résultats. Après des semaines à retourner toute la région, enfin, ils l'avaient trouvé. Le Temple Sphinx.

Glorieux. Gigantesque. Impressionnant.

Vide.

Il ne savait pas vraiment où étaient passés les Sphinx, mais lui et ses coéquipiers avaient supposé qu'ils reviendraient à un moment ou à un autre dans leur demeure, et avaient décidé de les y attendre. Ils avaient admiré les colonnes de marbre veiné d'or mouvant, les visages peints et les plumes blanches d'Anges qui décoraient les murs, les écritures antiques qui racontaient des batailles entre Selkies et Neuri, des révoltes d'Ægans, des alliances videntis. L'endroit était magnifique, indescriptible, et un peu envoûtant. Il était difficile de garder l'esprit clair en se perdant dans ce palais magnifique. Les souvenirs que gardait Lukas de ces colonnes et ces hauts plafonds commençaient déjà à s'estomper, déjà vagues et flous, comme s'ils étaient cachés derrière une épaisse brume blanche. Apparemment une mémoire humaine n'était pas destinée à contenir de pareilles images.

Leur attente n'avait duré que deux jours. Au troisième, une dizaine de soldats de Drake avaient à leur tour trouvé le Temple, et avaient traversé ses portes. En voyant les videntis s'étant installés sur les marches du hall, leur première réaction avait été d'attaquer. Les Dragomirs, décontenancés et surpris, avaient repris bien vite leurs esprits, s'arrachant au rêve hypnotisant de cet endroit, et une bataille avait commencé entre les deux camps.

Lukas sentit soudain une douleur aiguë traverser sa jambe blessée, et rugit de douleur. Formidable ; un pan de son pantalon venait de prendre feu. Et, bien sûr, il devait s'agir de la jambe qu'une balle avait traversée dans la mêlée. Il redoubla d'efforts, se traînant par terre à s'en couvrir de cendres, et parvint enfin au cours d'eau, dans lequel il se jeta désespérément. L'eau, encore froide, vint rafraîchir ses plaies et éteindre les flammes lui mordant la jambe. Il était tellement soulagé qu'il se laissa aller et faillit se noyer dans sa fatigue, se forçant à se traîner vers la berge pour pouvoir s'allonger sans avaler des goulées d'eau au passage. Les petites vaguelettes vinrent caresser son visage et le débarrasser du mélange de crasse, de cendres, de charbon et de sang qui maculait sa peau. Reprenant tant bien que mal son souffle, il revit l'horreur de la bataille, les images le blessant comme des myriades de tranchant coups de couteau.

Il s'était battu longtemps, voyant ses camarades et ses ennemis tomber comme un jeu de cartes. Ils s'effondraient un à un, ensanglantés et gémissants. Ils n'étaient bientôt plus que quatre, deux de chaque camp, continuant de tirer et de frapper, de se débattre, de mordre et de griffer. Alors, véritable bénédiction, Lukas s'était fait tirer dessus. Bon, certes, au moment même, sa première réaction n'avait pas été « Par Ladon ! On m'a tiré dessus ! C'est une bénédiction ! Je suis tellement chanceux ! », c'était plutôt un très long « AAAAAAAH ÇA FAIT MAAAAL ». Mais en y repensant maintenant, il avait presque envie de remercier quiconque avait orienté son pistolet vers sa jambe. Lorsqu'il avait été blessé, la seule Dragomire encore debout, une femme ayant la trentaine prénommée Hylla, l'avait traîné en dehors du Temple en se protégeant tant bien que mal des balles fusant dans sa direction. Lukas était resté étendu sous un rocher à délirer à cause de la douleur, incapable de se relever, et il n'avait partiellement repris ses esprits que lorsqu'un son affreux lui avait déchiré les tympans. Il ne pouvait pas décider s'il s'agissait d'un rugissement, d'un sifflement ou d'un cri de rapace. En tout cas, c'était un son loin d'être humain. En entendant ce hurlement de rage pure, il avait immédiatement su ; le Sphinx étaient revenus, et ils n'étaient pas heureux de trouver une bataille au sein de leur cher Temple.

Il avait essayé de se redresser pour aller aider Hylla, mais à cet instant une explosion avait retenti à l'intérieur du bâtiment. Des arbres alentours s'étaient enflammés, et l'incendie avait commencé à se propager. Ce qui avait laissé Lukas dans la situation actuelle ; au milieu d'une terre incendiée, perdu et incapable de marcher.

L'explosion avait sans le moindre doute tué sur le coup Hylla et les deux soldats. S'il n'avait pas été blessé à la jambe et traîné à l'extérieur par sa valeureuse compagne, il serait mort dans l'explosion, lui aussi. Il devait sa vie à cette femme.

À présent que l'eau s'écoulait sur son corps blessé et son visage sale, son esprit semblait s'éclaircir de plus en plus et il pensa enfin à faire un repaire de son arsenal. Il lui restait une paire de flèches dans son carquois, attaché à sa taille, mais c'était inutile – son arc s'était brisé tout net durant la bataille. S'il n'avait pas été aussi fatigué, il s'en serait désolé ; il n'était pas sûr que qui que ce soit puisse le lui réparer. En dehors de ces armes inutiles, il avait son pistolet, déchargé, et un couteau dans sa botte. Quoique, dans l'incendie et la confusion du combat, il avait pu le perdre.

Et son enchanteur ?

Il n'était pas sûr d'en avoir un, pour être parfaitement honnête. Faiblement, il tâtonna ses poches et sa ceinture, mais il n'y avait rien qui puisse le téléporter à Eleuth. Il ferma les yeux, épuisé et las.

Son esprit vagabonda vers l'île qu'il aimait appeler sa maison, et vers ceux qu'il considérait comme sa famille. Joy. Oh, comme sa sœur lui manquait. Cela faisait longtemps qu'il ne lui avait pas parlé ; son téléphone ne fonctionnait plus depuis des jours et des jours. Apparemment l'aura du Temple brouillait le signal. Puis ses pensées allèrent vers Ash. S'il avait eu un comportement étrange dernièrement, et disait ne plus vouloir être son ami, Lukas, lui, le tenait toujours en grande estime. Lui aussi lui manquait profondément. Il revoyait ses grands sourires malicieux, son insistance pour leur faire écouter ses morceaux préférés, la façon qu'il avait eue de combattre à ses côtés et de le protéger durant la bataille avec courage. Lukas faillit laisser échapper un rire sifflant en y repensant.

Il entendit alors le craquement de pas sur des brindilles et du charbon. Immédiatement, son rire mourut dans sa gorge et il retint son souffle saccadé, tendant l'oreille. Au milieu de l'incendie, il entendait toutes sortes de bruits, mais ce craquement-là était trop régulier pour ne pas avoir été causé par un être vivant.

Il devait réagir, vite. Son arc était brisé ; son enchanteur était perdu ; qu'avait-il pour se défendre ?

Rien. Il devait trouver quelque chose. Maintenant. Les cours de Combat, de Luis puis de Meyer et Lin, lui revinrent brutalement à l'esprit. Étape 1 : Y a-t-il quelque chose sur toi qui puisse t'aider ? Non. Il n'avait aucune arme à sa disposition, sauf si l'on comptait un arc en morceaux. Étape 2 : Évalue ton entourage. Considère ce qui pourrait te venir en aide.

Il promena son regard alentours, l'eau lui entrant presque dans la bouche, et il dut se retenir de tousser. Il y avait une branche à moitié enflammée un peu plus loin. S'il l'attrapait au bon endroit, là où le bois avait trempé dans la rivière et n'était pas assez sec pour s'embraser, il pouvait se retrouver avec une arme en feu. Ce qui pourrait être assez favorable à sa situation. D'accord. D'accord. Il avait une arme. Bien. Bien. C'était bien.

Étape 3 : N'oublie en aucune circonstance que tu es un videntis. Sers-t'en.

S'il réunissait ses dernières forces, peut-être pourrait-il faire quelque chose. Un peu de télékinésie, éventuellement. Oui, il pouvait essayer, n'est-ce-pas ?

Et... Il était dans une rivière.

Oh. Il n'avait pas son manteau de Selkie, certes, mais cela signifiait simplement qu'il ne pourrait pas rester longtemps transformé ni se changer en phoque ; mais il pourrait tout de même manipuler l'eau quelques secondes. Voilà qui était également un atout précieux.

Tout ce raisonnement s'était effectué dans son cerveau en un clignement de paupières, et quand il eut affiné sa tactique de combat, il découvrit l'origine des pas. L'un des soldats de Drake s'était apparemment arraché aux entrailles du Temple, survivant à l'explosion, et il avançait au milieu des buissons enflammés, se frayant un passage entre les langues de feu, suant à grosses gouttes et soufflant comme un bœuf. Pourquoi n'avait-il pas encore pris la fuite en se téléportant ? Pourtant Lukas pouvait voir un enchanteur accroché à sa ceinture. Peut-être qu'il n'avait pas eu le temps ou la présence d'esprit de s'y prendre dans la panique, à moins qu'il n'ait pas trouvé d'endroit adéquat pour tracer les symboles. Ce n'étaient pas ses affaires. Lukas ferma les yeux, tandis que le soldat semblait enfin remarquer son corps allongé dans la rivière et s'approchait de lui, méfiant, se demandant sans doute s'il était mort. Tout le sang qui s'échappait de sa blessure à la jambe devrait l'induire en erreur.

Lukas se concentra, se souvenant des cours de Cave, et sentit lentement que son côté Selkie revenait à lui. L'eau lui parut soudain beaucoup plus présente contre sa peau, ses sens plus aiguisés hypersensibles au ruisseau. Il pouvait sentir les courants, les cendres qui s'y mélangeaient, pouvait même percevoir la présence d'algues calcinées dans le lit de la rivière...

Il se focalisa sur le cours d'eau, lui ordonnant de lui transmettre quelques forces, puis projeta une vague à la tête du soldat. S'il ne fut pas capable de le jeter à terre comme il le pourrait en temps normal, il parvint cependant à le distraire et à l'aveugler momentanément. Ce fut suffisant pour lui donner l'occasion de se redresser, s'en sentant capable grâce à l'adrénaline et au flux d'énergie que lui avait transmit le ruisseau. Le plus vite possible, il attrapa la branche en feu et, avant même que l'autre n'ait pu réagir, il la lui abattit sur le crâne. Ne s'y attendant pas, le soldat vacilla, puis se mit à crier en réalisant qu'il était couvert de cendres et de braises. Lukas se jeta en avant, profitant de son inattention, et prit l'enchanteur à sa taille, le serrant contre son cœur avant de s'enfuir clopin-clopant en suivant le ruisseau, l'enchanteur dans une main et traînant la branche encore enflammée de l'autre.

Il lui fallait un endroit où il pourrait tracer un enchantement. Seulement, partout où il regardait, il n'y avait que des flammes gigantesques... Ses cheveux étaient collés à son front par l'eau et la chaleur, et il avait l'impression d'inspirer des cendres à chaque fois qu'il aspirait une bouffée d'air. Il se mit à tousser, le souffle rauque et irrégulier, mais essaya de rester sur ses pieds malgré ses jambes qui se dérobaient sous lui, menaçant de le faire tomber à genoux.

Le Faucon s'était remis de son attaque et le suivait, à présent. Lui non plus n'était pas au mieux de sa forme, puisqu'il boitait également, mais il était beaucoup moins blessé que Lukas. Celui-ci finit par s'arrêter, incapable de faire un pas de plus. Il devait se téléporter hors d'ici maintenant. Vite.

Quelqu'un le poussa brusquement, et il chancela le plus loin possible du danger. Il agita faiblement la branche devant lui, mais les flammes s'étaient partiellement éteintes. Il ne parvint qu'à couvrir son opposant de cendre et à lui donner quelques baffes avec les branchages, ce qui ne fit que l'énerver davantage. Il lâcha la branche, glissant l'enchanteur dans sa poche, lorsqu'il sentit ses jambes se dérober sous son poids. Il s'effondra, mais parvint dans un dernier instant de force à saisir son opposant pour l'entraîner dans sa chute. Tous deux s'effondrèrent dans l'eau. Lukas, qui avait espéré pouvoir se rétablir avec ses pouvoirs de Selki, s'en trouva tout à coup incapable, trop épuisé pour cela. Le soldat l'attrapa soudain par le col et se mit à lui frapper insensiblement, inlassablement, le visage de ses poings. Lukas toussa du sang et se débattit faiblement, mais il finit par s'immobiliser, vidé de tout courage. Il était tellement fatigué et affaibli qu'il ne sentait même plus la moindre douleur. Que de la lassitude, et un engourdissement qui était loin d'être bon signe.

Cette scène lui rappelait vaguement quelque chose, songea-t-il tandis qu'un nouveau coup bien placé lui cassait le nez, ce qu'il remarqua à peine. Oh... Oui, il s'en souvenait. Il revit Ash lors de la grande bataille. Étendu par terre, un Stryge affamé lui mordant le cou et en suçant le sang avidement. Il avait été saisi d'une telle haine envers la créature, d'une impulsion innée pour protéger ce garçon, qu'il avait failli être trop lent et ne pas parvenir à le sauver ; seulement il s'était repris, avait tiré, et avait sauvé la vie d'Ash.

Ash...

À cet instant, alors qu'il glissait dans l'inconscience, une pensée lui vint brutalement. Ce n'était pas « Je vais mourir » ou « J'ai eu une courte vie ». C'était quelque chose qui n'avait bizarrement rien à voir avec cette situation qui était pourtant assez critique.

« Quelque chose ne va pas chez Ash. »

Il en était soudain persuadé. Depuis la bataille, Ash n'était plus le même. Quelque chose n'allait pas chez Ash. Quelque chose n'allait pas du tout chez Ash. Il le savait. Il devait faire quelque chose.

Il réalisa soudain, la prise de conscience vive et piquante, qu'il était le seul à savoir que quelque chose n'allait pas chez Ash. Qu'il était le seul à pouvoir dire aux autres que quelque chose n'allait pas chez Ash. « Quelque chose ne va pas chez Ash. Je dois trouver quoi. »

Étrangement, ce fut cette conviction qui lui donna la force d'envoyer un coup de genou dans un endroit assez précis et sensible de l'anatomie de son adversaire. C'était assez douloureux pour le faire hurler et se plier en deux. Lukas, d'un coup de pied, le fit basculer en arrière, et la tête du soldat se heurta à un rocher sous l'eau. Se redressant, traversé par des vagues d'adrénaline, Lukas agrippa la tête de l'homme pour la maintenir sous l'eau. L'autre cria, se débattit, formant des bulles dans la rivière, essayant de lui donner des coups ; mais avec un dernier élan de pouvoir, il parvint à canaliser les dernières traces de ses capacités de Stryge pour faire en sorte que l'eau le maintienne sous la surface.

Finalement les cris et les bulles finirent par s'éteindre. Les coups se firent plus faibles. Les yeux se fermèrent, et il cessa de respirer. Il fallut encore de nombreuses minutes à Lukas pour réaliser que c'était fini, qu'il étranglait à présent un cadavre, et que lui était encore en vie.

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