✨~[II/20]~✨
Livre II : Chapitre 20
Durant une heure et quelques qui lui parurent être une centaine d'années, elle dut assister aux pauses de mannequin de son amie qui lui demandait avec anxiété ce qu'elle pensait de telle ou telle robe. Elles étaient toutes magnifiques, et Lym, à chaque fois, répondait machinalement qu'elle était très jolie avec, ce qui était toujours vrai, mais Elyra ne cessait de se regarder dans le miroir en relevant des détails qu'elle n'aurait jamais remarqués avant de changer de tenue. Lym commençait à se demander en quoi elle était utile si son amie n'écoutait jamais ses conseils, mais elle avait appris avec sa sœur qui la prenait toujours comme conseillèrent pour choisir ses vêtements qu'il valait mieux placarder un faux air enthousiaste sur son visage et attendre que ça se termine. Honnêtement, elle admirait Elyra. Elle était redoutable, précise et déterminée, intimidant n'importe qui d'un regard avec ses dagues tranchantes, mais elle était aussi coquette, gentille, et pouvait se pencher sur des futilités telles que ses vêtements même au sein d'une mission pareille. Elle parvenait à combiner mode et armes de guerre, alors que Lym ne pouvait gérer que l'un des deux éléments – et ce n'était certainement pas la mode.
Lorsqu'elle eut enfin décidé d'acheter l'une des centaines de robes qu'elle avait essayées, Elyra alla jusqu'au comptoir, tenu par une femme drapée de voiles bleus, peut-être pour se cacher des rayons du soleil qui parvenaient à s'infiltrer entre les fentes de la porte.
- En quoi voulez-vous payer ? demanda la femme d'une voix sifflante de serpent.
- Euh... balbutia Elyra, déroutée. Vous acceptez les dollars ?
- L'argent caecus ?
- Hum... Oui ?
- Pas de digits ?
- Oh... si, désolée, j'avais complètement oublié, avoua Elyra avec un sourire d'excuses.
Les digits, la monnaie videntis, permettait chez les Dragomirs et Êtres d'échanger toutes sortes de marchandises. Œufs de dragons, armes, enchantements, nourritures, matériel de Soins aux Dragons. Lym ne cessait d'oublier qu'elle en recevait de manière régulière de la part de l'Académie pour l'aider à financer sa vie de Dragomire jusqu'à en faire son métier et recevoir une paie du Conseil pour chacune de ses missions.
Comme Elyra fouillait dans son sac pour retrouver son enchanteur égaré, la commerçante leur fit signe de se pousser et elles obtempérèrent. Le client suivant dans la queue, une Selkie qui voulait acheter un collier de diamants dont la lueur surnaturelle indiquait un enchantement, les dépassa. Lorsqu'elle eut terminé ses achats, elle sortit de sa poche une petite boîte au couvercle en coquillage. Les Êtres se servaient rarement d'enchanteurs, les enchantements marchant moins bien avec eux qu'avec les videntis. La femme voilée agita la main au-dessus d'un petit présentoir taillé dans le lapis lazuli. Une lueur bleue illumina ses doigts, tandis que le présentoir s'ouvrait sous leurs yeux. La Selkie ouvrit le couvercle, et une lueur bleue argentée identique y brilla, et s'en échappa pour aller s'engouffrer dans le petit présentoir bleu. Elle referma enfin la boîte avec un petit bruit mat et la rangea dans sa poche, avant de s'éloigner, son collier à la main.
Comme elle avait retrouvé son enchanteur, Elyra et Lym reprirent leur place devant la commerçante, qui avait l'air fatigué.
Elyra lui tendit le sac où se trouvait la robe qu'elle s'était achetée, et la femme sortit sa main de sous son voile pour s'en saisir, restant soigneusement hors de portée des rayons du soleil. Ses doigts étaient longs, pâles et cadavériques, aussi arachnéens que ceux de Larrow, et ses longs ongles soignés et pointus étaient vernis de bleu et d'argent.
Elle ouvrit le sac pour voir le prix, puis elle s'empressa de cacher sa main sous son voile. Lym remarqua que sa peau semblait déjà s'être craquelée et fendillée comme de l'argile durci trop vite, et elle eut un instant peur que ses doigts ne tombent en morceaux. Heureusement, elle dissimula sa main avant, et se dirigea vers le comptoir où elle rangeait son petit butin sous forme de digits, diamants et autres pierres précieuses.
- Vous êtes une Stryge, devina Lym.
- Non, je suis la mère Noël, railla-t-elle. Bien sûr que je suis une Stryge.
Lym la foudroya du regard, mais elle prit sur elle pour ne pas lui lancer au visage une réplique acerbe. Après avoir agité son enchanteur pour transmettre des digits à la Stryge et avoir récupéré ses achats, Elyra laissa Lym l'attirer par le bras pour la conduire à l'extérieur.
Le ciel s'était déjà un peu assombri ; elles avaient dû passer une éternité à l'intérieur de ce magasin. Lym, qui n'en pouvait plus d'écouter son amie lui faire un discours sur la fluidité que lui confèrerait cette robe pour danser, l'entraîna de force dans la foule des Dragomirs et des Selkies, cherchant du regard ses amis. Voyant Shay qui était attablé dans un bar, occupé à siroter un thé, elle s'empressa d'entrer, et découvrit un décor des plus surprenants ; l'endroit semblait chaleureux, avec un grand feu craquant dans la large cheminée, et pourtant, le toit étincelant tendait des stalactites de cristal vers le sol, comme de longs doigts argentés. Feu et glace semblaient se côtoyer dans cet endroit sans s'entre-détruire. C'était étrange, mais aussi d'une harmonie étrange.
Les deux jeunes filles allèrent s'asseoir à la table de leurs amis. Autour d'eux, la clientèle était des plus variées ; Dragomirs en combinaisons foncées, Selkies aux épaules drapées de leurs manteaux, hommes et femmes voilés pour éviter la lumière du soleil, et elle crut même apercevoir un Ange près du feu, qui maintenait bien à l'écart des flammes ses immenses ailes blanches et duveteuses.
Dans un coin, deux hommes s'étaient de toute évidence énervés l'un contre l'autre car ils se criaient dessus en se lançant des reproches. Lym leur jeta un coup d'œil, se demandant si quelqu'un allait intervenir pour les empêcher d'en venir aux mains, mais, bien au contraire, certains membres de la foule acclamaient leur préféré en les incitant à se battre, tandis que d'autres prenaient un air ennuyé, tournant leurs cuillères dans leurs boissons. À un moment, Lym vit l'un des deux, un homme robuste au visage qui semblait avoir été taillé dans un morceau de roche, bondir sur son opposant. Alors qu'il était encore en l'air, ses cheveux s'allongèrent, sa peau mate se couvrit d'une fourrure abondante, ses yeux s'étirèrent et se teintèrent d'un ambre doux et ses griffes se recourbèrent. Lorsqu'il percuta son adversaire, il s'était entièrement transformé en un loup énorme à la fourrure grisonnante et au collier épais, qui agitait la queue en montrant les crocs, la bave aux lèvres.
« Un Neuri », songea Lym en se souvenant des vieilles séries de loups-garous qu'elle avait eu l'habitude de regarder.
L'autre membre de la bataille repoussa le loup qui essayait de lui saisir la gorge avec ses babines écumantes, et il tira une longue épée de sa taille. Le loup et l'homme se toisèrent froidement un moment, se défiant du regard, puis le Neuri reprit sa forme humaine et l'humain (était-il vraiment humain ou en avait-il seulement l'apparence ?) rangea son arme dans un cliquetis de fer.
Kosh avait le nez plongé dans son chocolat chaud sur lequel une âme bienveillante avait mit de la crème fouettée qu'elle avait parsemée de petites guimauves vaporeuses, et Larrow agitait en observant la bagarre avec un intérêt détaché une boisson bleue surmontée d'une grosse boule de glace à la menthe, tandis que Shay se contenait de son thé fumant. Lorsqu'ils les virent arriver, ils leur firent signe de les rejoindre et Lym alla s'asseoir à côté de Kosh.
- Alors, c'était sympa, le shopping entre filles ? s'enquit Shay d'un air moqueur.
- Génial, répondit Elyra, tandis qu'à l'exact même moment Lym s'exclamait ;
- Horrible.
Les garçons échangèrent un regard amusé, et les deux filles une œillade excédée. Elyra héla un serveur, un grand Selkie a l'air joyeux, et elles passèrent leurs commandes, puis il s'éloigna d'un pas dansant, slalomant gracieusement dans la foule.
- Alors, vous avez vu de nouveaux Êtres ? demanda Larrow d'un air distrait en continuant de tourner sa cuillère dans son dessert glacé qui embaumait la menthe à des kilomètres à la ronde.
- Le Neuri, là-bas, lança Lym en montrant d'un geste vague l'homme qui était occupé à boire d'une grosse chope un liquide douteux et moussant qui était loin d'être de la bière. Et celle qui a vendu sa magnifique robe à Elyra était apparemment une Stryge.
Le barman revint avec deux verres qu'il posa devant les deux jeunes filles, et Lym se demanda comment il avait pu les préparer aussi rapidement. Elyra avait droit à ce qui ressemblait à un milkshake au caramel sur lequel flottaient des marguerites et des pépites de caramel au beurre salé, et Lym une citronnade glacée au fond de laquelle on voyait encore des rondelles de citron vert.
Ils restèrent à l'intérieur un bon moment, jusqu'à avoir terminé leur verres énormes qu'ils laissèrent sur le comptoir après que Larrow ait glissé au barman deux pépites minuscules de ce qui ressemblait fort à de l'or pur. Alors qu'ils continuaient de bavarder en rangeant leurs affaires tandis que Larrow terminait les dernières gouttes de son dessert, Lym remarqua du coin de l'œil que l'Ange, au fond de la salle, qui avait replié ses énormes ailes immaculées, avait commencé à briller – littéralement. Il était auréolé d'une nappe d'or, qui se fit de plus en plus vive, jusqu'à ce qu'on ne puisse même plus le voir sous les rayons éblouissants. Tous les clients détournèrent le regard pour ne pas être aveuglés, l'air agacés, et Lym dut fermer les yeux lorsque la lumière se fit trop forte. La silhouette dorée de l'Ange resta imprimée dans sa rétine.
Lorsqu'elle rouvrit les yeux, tous ses voisins de table étaient retournés à leurs conversations, et l'Ange s'était évaporé. Le seul élément qui lui indiquait qu'elle n'avait pas rêvé fut un commentaire de l'un de ses voisins qu'elle entendit par hasard ;
- En intérieur, vraiment ? Le Conseil devrait se dépêcher de nous approuver cette fameuse pétition pour les en empêcher, ou on va tous finir aveugles !
Puis ils revinrent à leur précédent débat, concernant la nocivité des Kelpis pour les jardins. Lym, elle, cherchait toujours l'Ange des yeux, son cerveau n'acceptant tout simplement pas sa soudaine disparition.
- Où est-il allé ? balbutia Lym, abasourdie. Comment il a fait ça ?
- Il a dû partir parce que le soir tombe et qu'il ne supporterait pas l'obscurité, répondit Larrow en portant une cuillérée de sorbet mentholé à ses lèvres, raclant le fond de son verre pour en cueillir les dernières gouttes.
- C'était pas ma question...
- Je sais. Sortons, si le soir est bien tombé, les créatures nocturnes vont commencer à sortir, je t'expliquerai tout dehors.
Ils sortirent donc dans la ruelle pavée de dallages de cristal, où certaines tavernes commençaient à fermer, leurs portes claquant, des clefs tournant dans des serrures et des fenêtres étaient clôturées. Dès qu'ils eurent quitté l'ambiance chaleureuse que proférait le feu, ils furent assiégés par un air glacial qui vint hérisser leurs cheveux sur leur nuque.
Le ciel bleu s'était teinté de coloris mauves et rosés, qui couraient par vagues dans la voûte céleste. Les quelques Anges qu'ils virent aux environs se firent très repérables en disparaissant eux aussi dans un aveuglant éclat d'or incandescent, forçant les passants à se détourner ou à fermer les yeux ; alors que l'obscurité tombait comme un manteau sur Pruinae, la cité de givre, qui portait bien son nom, se mit à étinceler d'un éclat d'argent sous la lueur pâle du croissant de lune. Lorsque les ténèbres se furent totalement installées, enfin, des lumières très faibles commencèrent à s'allumer dans les bars, éclairant la nuit, mais pas assez pour brûler les créatures nocturnes qui peupleraient bientôt les environs. Effectivement, alors que certains Selkies allaient se coucher, d'autres restèrent pour attendre leurs amis qui n'étaient pas aussi diurnes qu'eux. Des portes commencèrent à s'ouvrir aux environs, crissant contre le cristal des pavés.
Lym vit avec fascination mais aussi un peu de terreur des dizaines de Stryges sortir de leurs habitations, leur teint pâle et leurs yeux insondables lui rappelant la forme élémentaire de Larrow. Par groupes, ils allèrent rejoindre les Selkies d'un pas souple et énergique. Tous avaient la peau et les cheveux parfaits, un air hautain, et des canines qui dépassaient de leurs lèvres rouges, seules touches de couleur dans le blanc et le noir de leurs visages. Des hommes et femmes élancés qui marchaient silencieusement avec un air aux aguets, probablement des Neuri, sortirent des bars et des maisons, certains pour rejoindre leurs domiciles pour la nuit, d'autres pour se joindre aux festivités. Plusieurs se métamorphosèrent en loup et se mirent à se courser joyeusement d'un côté à l'autre des ruelles, leurs griffes tintant allègrement contre le cristal. Ils virent même un petit groupe d'enfants courir à l'extérieur et se transformer en adorables boules de poil qui se jetèrent les uns sur les autres en aboyant et jappant, et certains essayèrent de hurler à la lune en ne parvenant qu'à laisser échapper un petit cri strident plus adorable qu'effrayant.
- Alors, tu m'expliques ? demanda Lym à Larrow en lui donnant un petit coup sur l'épaule, s'arrachant à la contemplation du spectacle surréel qui les entourrait.
- Oui, ajouta Kosh, on aimerait bien savoir pourquoi l'Ange a cramé devant nos yeux.
- Il s'est juste téléporté, répondit-il en haussant les épaules.
- Euh, si par « téléporté » tu veux dire transformé en mini-soleil, alors, oui, effectivement, marmonna Shay.
- Les Êtres ont des pouvoirs qui sont de loin supérieurs à ce que tu pourrais penser. Et les Neuri et Selkies ne sont pas les seuls à avoir des capacités de métamorphose ; on ne parle pas assez de leurs pouvoirs secondaires, mais vous devriez bientôt les entamer en Étude des Êtres...
- Quoi comme pouvoirs ? demanda Elyra avec avidité, buvant ses paroles.
Les rues commençaient à se remplir de plus en plus, et Lym continuait de guetter une Nyx ou un Egna pour enfin en voir un, sans pour autant cesser d'écouter ce que leur racontait Larrow.
- Eh bien, reprit ce dernier, de toute évidence aussi dérouté que flatté par toute l'attention que l'on lui portait, les Selkies ne souffrent pas le froid et sont d'excellents nageurs innés, en plus de pouvoir se transformer... Les Neuri peuvent devenir des loups mais sont aussi parfaitement nyctalopes et on une ouïe surdéveloppée ; les Stryges peuvent se transformer en chauve-souris et, comme les autres Êtres de la nuit, peuvent aussi envoûter des gens ; les Egnas et les Anges ne peuvent pas seulement voler, ils peuvent aussi respectivement devenir de l'ombre ou de la lumière, et se servir de cette capacité pour se déplacer très vite. Oh, et c'est sans compter leurs pouvoirs prophétiques.
- Et les Fés et les Nyx ?
- Les Fés peuvent changer de taille à volonté et même se transformer provisoirement en papillons. Quant aux Nyx, en plus de devenir l'obscurité et se repérer grâce aux étoiles...
Il montra d'un geste le coin de la rue ; une volée de corbeaux venait de passer dans l'allée et entrèrent en coup de vent dans une maisonnette qui servait aussi de taverne. La fenêtre était grande ouverte pour les laisser passer, et personne ne vint les chasser. Certains vinrent se poser sur le rebord de la fenêtre, et d'autres, en faisant des zigzags pour ne pas s'empêtrer dans les rideaux, allèrent se percher un peu partout, sur des chaises, tables et comptoirs. Elle remarqua alors des abreuvoirs, disposés un peu partout, remplis d'un liquide noir comme du pétrole. Certains corbeaux se mirent à en boire en croassant.
- Ne me dis pas que ce sont des Nyx... souffla Lym, ahurie.
- Si, elles peuvent devenir des animaux de la nuit. Corbeaux, surtout, mais parfois certaines Nyx très expérimentées peuvent prendre la forme d'un petit loup, d'une chouette ou quelque chose comme ça. Mais leur pouvoir est assez faible à ce sujet et elles doivent fréquemment reprendre forme humanoïde.
- C'est génial ! s'écria Kosh. Est-ce qu'on peut aller voir de plus près pour les apercevoir quand elles se retransformeront ? Je n'ai encore jamais vu de Nyx...
- Allons parler à celle qui mène le magasin que l'on cherche, proposa Larrow. Comme ça, tu pourras en voir et on saura enfin le message qu'a laissé Orion à Lym.
- Excellente idée, approuva Elyra. Tu sais où aller ?
Il indiqua sans hésiter une rue derrière eux où se coursaient quelques louveteaux.
- Parfait. On te suit.
Larrow s'engagea dans l'allée et les mena dans des ruelles beaucoup plus sombres que les grandes avenues dans lesquelles ils avaient passé leur journée ; ils croisaient à peine quelques Êtres ou Dragomirs occupés à bavarder à voix basse avec un air grave et qui se taisaient sur leur passage, comme s'ils complotaient quelque chose.
En arrivant dans une ruelle presque déserte mais plus large qui laissait tomber à flots la lumière argentée de la lune, Lym se sentit soulagée. Le dédale obscur de Pruinae n'était pas des plus rassurants, surtout de nuit. Larrow les conduisit jusqu'à une boutique qui serait passé parfaitement inaperçue s'ils ne se dirigeaient pas vers sa porte tant elle était petite et commune. Vitrine exposant des flacons qui auraient autant pu contenir du chocolat que de la bouse de dragon, petites graines étranges empaquetées et entourées de rubans soyeux et longues branches d'arbres qui semblaient avoir été caramélisées, entassées dans des paniers tressés. La porte de verre et de bois verni activait une clochette qui tintait sur leur passage, et un petit paillasson les attendait, leur permettant de voir l'intégralité de la boutique elle-même ; elle était très sombre, avec seulement, pour l'éclairer, une petite bougie recouverte par une cloche de verre qui en filtrait la lumière pour lui donner une teinte violacée. Sur des tables d'exposition étaient installées toutes sortes de marchandises, nourritures étranges et exotiques, matériel de jardinage comme des graines, objets inconnus et pierres précieuses empilées dans des bols comme si elles n'avaient pas de réelle valeur alors qu'elles devaient à l'unité coûter une petite fortune.
Elyra s'attarda devant un vieux panier élimé dans lequel étaient placées de longues baguettes qui semblaient recouvertes de cristaux bordeaux, tandis que Larrow inspectait avec un air circonspect les pierreries pourpres entassées dans un gros bol en porcelaine. Lym prit avec intérêt et horreur un bocal dans lequel se trouvaient ce qui semblait être une dizaine d'ailes de papillons turquoise.
- Évitez de le faire tomber, ou vous devriez le repayer, murmura d'un ton allègre une voix dans son dos.
Elle sursauta brusquement et mit une main sur son cœur, portant l'autre à sa taille où elle avait laissé son pistolet noir. Par miracle, le bocal, survivant à son éternelle maladresse, retomba sur la table dans un équilibre précaire. Elle le reprit en soufflant, les mains un peu tremblantes.
- Si vous ne voulez pas que je le renverse, évitez de me faire faire une crise cardiaque ! pesta-t-elle en posant le pot sur une étagère avec un soin exagéré, sachant qu'avec sa maladresse il ne tarderait pas à exploser au sol autrement.
Shay, Kosh et Elyra regardaient celle qui avait parlé, bouche bée, tandis que Larrow, qui lui avait à peine jeté un coup d'œil, continuait d'examiner les pierres mauves. Il en souleva une, la soupesant, suspicieux. Lym, elle, essayait d'avoir l'air désinvolte, mais l'apparence de cette créature, qu'elle n'avait vue qu'en peinture, lui coupa le souffle.
C'était une femme, qui avait l'air assez jeune, avec des traits pointus et un regard acéré. Sa peau sombre était constellée de plaques noires et mouvantes qui ne cessaient de se déplacer, comme si elle était à moitié constituée de morceaux de galaxies piquetés d'étoiles étincelantes. Ses traits fins, son menton pointu et son sourire en coin lui donnaient un air espiègle, et ses énormes yeux dépourvus de blanc, entièrement noirs et eux aussi parsemés d'étoiles, évoquaient le ciel nocturne. Ses très longs cheveux d'un noir bleuté voletaient autour d'elle malgré l'absence de vent, comme si elle avait été sous l'eau.
- Bienvenue à l'échoppe Minuit, annonça solennellement la Nyx sans perdre son sourire.
(chapitre corrigé ✔)
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