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Tome I : Chapitre 26
Après s'être entraînés durant un moment, ils maîtrisaient tous moyennement le maniement des armes. Bien évidemment, en temps normal, ils auraient dû passer des années à s'entraîner avant d'atteindre ce niveau, mais, d'après Luis, qui les fit se réunir au milieu de la clairière, leur sang d'Êtres – Anges, Stryges, Neuris, Selkies... – augmentait leurs capacités d'apprentissage. Pour Lym qui avait passé sa vie à essayer de comprendre le sens de la trigonométrie et à se demander pourquoi les professeurs s'obstinaient à mettre des lettres dans les équations, ça ressemblait à une mauvaise blague, mais elle n'avait jamais vraiment prit de cours de peinture, ni beaucoup de classes de natation, et, si l'arc et les autres armes l'encombraient, l'épée et le pistolet lui paraissaient tout à fait maniables.
Lorsqu'ils furent réunis, en sueur et fatigués, devant Luis, il se racla la gorge avant de commencer à parler. Il avait seulement demandé aux nouveaux de venir les rejoindre, même si quelques élèves plus anciens s'étaient attroupés autour.
- J'espèce que vous vous êtes assez entraînés pour connaître l'arme qui vous correspond le plus. Vous devrez vous en servir pour combattre Êtres et ennemis...
- Comme l'Empire de Drake ? s'enquit un élève, curieux.
À ces mots, le visage de Luis sembla se durcir, son sourire, se crisper. Il reprit vite ses moyens, si vite que Lym se demanda encore si elle n'avait pas rêvé, et hocha la tête avec véhémence.
- Oui, exact. Alors, les nouveaux... Vous êtes combien ? Cinq ? Bien, ça devrait être rapide. Sachez que tout Dragomir qui se respecte doit emporter partout avec lui certains éléments. Avez-vous une idée de ce de quoi il peut s'agir ?
- Un dragon ? demanda Kosh.
- La classe ? ajouta Shay.
- Une épée ? tenta Lym.
- J'allais dire « un Equitem et une arme », donc, oui, en gros. Pour le dragon, c'est pas mon affaire mais celle de Marynna – je veux dire le professeur Zale. Pour la classe, comme a dit si justement monsieur Estrell, ça, c'est à vous de vous débrouiller. Pour l'arme, on est un peu plus dans mon domaine. Donc, chaque Dragomir a une arme attitrée, qu'il crée lui-même avec l'aide de son mentor – coucou, c'est moi, ça. Donc, je vous demande de rester juste ici, et de vous entraîner avec l'un des anciens, et d'attendre que je vous appelle. Commençons par toi, là, qui tremble comme une feuille. Suis-moi. En attendant, les autres, prenez votre déjeuner.
Le garçon le suivit en tremblotant comme du flan et Lym sentit l'excitation croître en elle ; elle allait avoir sa propre arme attitrée !
Tous les élèves s'éparpillèrent et se trouvèrent une place où manger ce qu'ils avaient ramenés de la cafétéria dans la matinée. Lym en profita pour demander à Elyra quelle était sa propre arme, et elle sortit avec fierté deux dagues de sa ceinture.
- Je te présente Samira et Savira, dit-elle en se rengorgeant.
- Attends... tu leur as donné un nom ? s'étonna Lym en haussant les sourcils.
- Ce n'est pas obligatoire, mais c'est conseillé. Les armes sont censées avoir un titre pour être considérées comme des armes nobles.
- Oh, je vois... J'ai entendu dire que certaines armes pouvaient être enchantées. C'est le cas des tiennes ?
- Exact. Tout Dragomir a avec lui au moins une arme magique. Ces deux dagues ont un sortilège qui fait qu'elles soient sœurs ; si l'une se brise, elle puise son énergie de l'autre pour se réparer toute seule, si j'en perds une, sa sœur me mènera à elle.
Elle prit avec soin les deux poignards, qui étaient nappés d'un bel or qui les faisait luire, et dont le pommeau était décoré de pierreries semi-précieuses. La lame dorée était tranchante et, bien que courte, entre les mains expertes en lancer de couteaux d'Elyra, elles devaient être redoutables. Elle nota mentalement de ne surtout pas se mettre Elyra à dos – si celle-ci pouvait être assez intimidante lorsqu'elle le voulait, avec ces couteaux à la main, il valait mieux ne pas se retrouver sur son chemin. Lym rendit précautionneusement Samira et Savira à leur maîtresse. Comme elle se souvenait de l'épée que Larrow faisait virevolter autour de lui un peu plus tôt, elle fut piquée par la curiosité. Elle se leva pour aller poser des questions à Larrow sur sa propre arme. Celui-ci, avec la même fierté indicible, lui tendit sa longue épée : pommeau délicat et torsadé comme la lame d'une xiphoskia, poignée solide et rigide, une garde en forme d'ailes de dragon déployées et une longue lame tranchante à la gouttière l'allégeant. Malgré celle-ci, elle était d'une certaine lourdeur qui ne semblait absolument pas gêner Larrow. L'épée était faite d'une sorte de cristal opaque et noir pour la lame, et de fer sombre pour la garde, la poignée et le pommeau. Le métal était glacial contre sa main.
- Elyra a mis un sort dans ses couteaux... Est-ce que ton épée en a un aussi ?
- Oui, on peut en faire un pour chacune de ses armes, tu verras. Cette épée-là est aussi reliée à Glass ; quand je la tiens dans ma main, je peux deviner les sentiments de ma dragonne même si elle est à des lieues de moi. C'est pratique, lorsqu'elle se sent mal et ne peut, ou ne veut, pas me dire pourquoi.
Faisant tourner l'arme entre ses doigts, elle admira la lame, incapable d'en arracher le regard.
- Elle a un nom ? demanda Lym, fascinée par la finesse et la brutalité combinées qui émanaient de cette épée.
- Draksaura, répondit Larrow en reprenant l'arme pour la faire tournoyer dans sa main. Littéralement « la tueuse de Drake ». Un jour, cette épée sera plantée dans son cœur et lui arrachera la vie. J'en ai fait le serment.
- Draksaura, répéta pensivement Lym. Je me trompe ou tu détestes tout particulièrement Drake ? Je veux dire, tout le monde le déteste, bien évidemment, mais je n'ai vu personne le haïr autant ou souhaiter aussi ardemment sa mort. Tu as littéralement nommé ton épée d'après lui.
Larrow se tut et se contenta de faire de grands moulinets avec Draksaura, fendant l'air avec un léger sifflement, tandis que Lym se demandait comment il la magnait avec une telle facilité et dextérité alors qu'elle peinait à la porter tant elle était lourde. Alors qu'elle allait se lever pour le laisser ruminer, il eut un soupir.
- Avant que Cléandra Coff et sa bande n'arrivent à l'Académie, celui qui me maintenait sauf des petites brutes, c'était le seul vrai ami que j'aie jamais eu. Il s'appelait Abel Seymour. Alors qu'on était en mission pour retrouver des videntis vers New York, Orion Elgar nous a devancés et s'est saisi des videntis que l'on voulait amener à l'Académie. Et... Abel s'est fait enlever avec les autres... Il a été emmené vers Arcem, l'île de Drake. Je ne l'ai jamais revu. Drake l'a tué ou bien a fait des expériences sur lui, comme avec tous les videntis qu'il a enlevés. Abel était mon seul ami, jusqu'à ce que je te rencontre. Il était si gentil, empathique... Il méritait une vie magnifique, pas ça. Il méritait tellement plus. Le pire, c'est qu'avant qu'il ne se fasse enlever, je lui ai fait une promesse. « Je ne te lâcherai pas ». Je crois que c'est raté...
- Oh, Larrow...
Elle sentit son cœur se serrer. Son amitié avec Abel ressemblait à la sienne avec Sofy ; elle aussi était sa seule amie jusqu'à ce qu'elle rencontre Larrow, et elle ne pouvait imaginer ce qu'elle ressentirait si elle venait à la perdre. Heureusement, en fait, qu'elle était une caecus, loin de la guerre contre Drake.
- Je suis désolée, dit-elle, le ton compatissant.
- Ne t'inquiète pas, je ne veux pas de ta pitié. J'ai laissé la tristesse derrière moi il y a des années de cela. Maintenant, tout ce que je veux, c'est qu'Abel soit vengé.
Elle hocha la tête. Elle aussi avait été profondément peinée par la disparition de Zach et Cléa Alley, mais elle avait vite apprit à transformer cette tristesse en une colère noire. Rapidement, elle avait compris qu'il y avait deux types de colère ; celle où la voix tremble, les larmes humidifient les yeux et on a l'impression qu'à chaque mot sa voix pourrait se briser en sanglots, et l'autre, ou plus rien n'importe, les yeux sont secs et les poings serrés par la fureur, et la voix, insensible, dure, sèche et claquant comme un fouet. C'était ce dernier type de colère qu'elle voulait nourrir.
Lym le laissa s'entraîner pour aller rejoindre Shay et Kosh ; le quatrième nouveau, une fille aux grands yeux de biche et aux cheveux courts, fut à son tour appelée dans la cabane. Ce serait sans doute bientôt leur tour d'aller faire leur arme spéciale.
- Vous allez faire quoi, comme arme, vous ? demanda Kosh.
- Une épée, ou bien un arc, répondit Shay en haussant les épaules. Du moment que j'ai un pistolet, les deux me vont. Et toi ?
- Un glaive, répondit-il aussitôt.
Lym fit mine de réfléchir, alors qu'elle savait déjà qu'elle voulait une épée. Pourrait-elle en avoir une aussi belle que Draksaura ? Le seul problème, sans conteste, était le poids de ces armes : elles étaient si lourdes qu'elle ne parvenait pas à se battre avec rapidité et agilité, ce qui la ralentissait et la rendait pataude.
Apparemment, on pouvait appliquer un unique sortilège à son épée, comme les lames sœurs d'Elyra et l'empathie envers Glass de Larrow. Et elle, qu'utiliserait-elle ? Il fallait choisir avec sagesse, et elle en était consciente, puisque Luis ne leur proposait qu'un seul enchantement. Selon les explications de Kosh, plus d'un risquerait d'abîmer la qualité de l'arme elle-même. Elle pourrait alléger son épée d'un enchantement, non ? Oui, mais cela en valait-il la peine de gâcher son seul et unique enchantement ?
- Lymerya ? s'enquit Luis derrière elle.
Elle sursauta, avant de remarquer qu'il était seulement sorti de la cabane et que c'était son tour d'y entrer pour se constituer sa propre arme. Elle tourna un regard inquiet vers Kosh et Shay, qui lui firent des signes d'encouragement, et emboîta le pas à Luis.
- C'est Lym, ne put-elle s'empêcher de lâcher entre ses dents.
Elle se figea sur le pas de la porte ; le cabanon où elle n'était pas encore entrée était bien plus grand qu'il n'y paraissait vu de l'extérieur, et était constitué d'une sorte de grande forge, de livres poussiéreux à la reliure de cuir élimé entassés dans les coins, du lierre grimpant sur les murs et laissant voir de petites fleurs aux pétales d'un blanc rosé veinés de tons plus violacés. Contre un mur étaient alignés des dizaines d'enchanteurs, certains identiques, assez simple, longs et noirs, d'autres plus complexes et décorés.
De nombreuses armes étaient accrochées un peu partout sur les trois autres murs, et toutes sortes de matériaux différents étaient présentés sur une petite table ; fer, or, argent, cuivre, mais aussi d'autres plus insolites, comme du mica, du quartz, des pierreries telles que du saphir, ou encore une sorte d'améthyste piquetée de feuilles d'or. Il y avait aussi différents types de cordes et de bois pour l'arc, allant du chêne solide à une sorte de bouleau bleuté et fantomatique. Mais aussi des écailles de dragon, des plumes blanc et or qui avaient probablement appartenu aux ailes d'un Ange, une sorte de membrane violacée qui devait venir de celle d'un Egna, des fleurs de toutes les couleurs, des rubans, de petits cailloux qui brillaient comme des lucioles...
- Bien ! fit allègrement Luis, l'arrachant à sa contemplation des objets.
Tant bien que mal, elle s'empêcha d'attraper la plume entre ses doigts, réfrénant sa curiosité. Elle mourrait d'envie de lui demander si elle avait effectivement été cueillie dans le plumage d'un Ange. Cependant, lorsque le professeur alla se placer derrière la table, elle se souvint de l'arme qu'il était censée lui créer et sa concentration se détacha de la plume.
- On va commencer la construction. Quelle arme voudrais-tu créer ?
- Une épée, répondit immédiatement Lym en se souvenant de sa souplesse et du tranchant de la lame qu'elle avait utilisée.
- Parfait. En fait, c'est extrêmement simple : tu vas imaginer l'épée de tes rêves, celle que tu trouverais la plus facile à manier et qui pourra être comme une compagne de batailles pour toi. Moi, je lirais dans tes pensées et créerai par rapport à l'image que tu auras l'épée parfaite pour toi, puis nous utiliserons ces livres de sorts, là, pour lui appliquer le sortilège de ton choix. Un seul, en revanche. Je ne compte plus le nombre d'armes qui ont été brisées car elles avaient été fragilisées par la magie. Compris ?
Elle hocha la tête, bien qu'un peu anxieuse. Quelle était l'épée de ses rêves ? Sans doute l'une de celles du Hobbit ou quelque-chose dans ce goût-là...
- Attendez, lança-t-elle en fronçant les sourcils. J'ai une question.
- Oui ?
- Si on applique un enchantement qui rend une lame incassable, est-ce qu'ensuite on peut lui appliquer d'autres sorts ?
Il entrouvrit la bouche, l'air un peu surpris par la question, mais reprit contenance bien vite ;
- Non, si ce n'est pas la dureté de la lame qui est affectée, ce sera autre chose. Sa vitesse, sa précision...
- Et si on lui applique un enchantement de dureté, de vitesse, ET de précision. Là on peut ajouter toutes celles qu'on veut ?
- Non, l'arme sera désavantagée d'une façon ou d'une autre... Trop de magie l'abîmerait...
- Mais si on lui applique un sort qui empêche la lame d'être abîmée par la magie... ?
Luis leva les yeux au ciel, l'air déboussolé et amusé tout à la fois.
- Ça va être un cauchemar d'être ton professeur, pas vrai ? Et, pour répondre à ta question, impossible. Cet enchantement-là n'existe pas.
- Pas encore. On peut créer de nouveaux sorts, non ?
Cette fois, il se mit franchement à rire, et son rire était contagieux.
- Je suis sûre que tu seras celle à l'inventer. J'ai entendu dire que ton père était un excellent Enchanteur.
- J'aimerais bien éviter de parler de mes parents, rétorqua Lym d'un ton un peu sec, même de son propre point de vue.
- D'accord... sourit Luis, l'air compréhensif. Problèmes de famille. Mon meilleur ami avait la même chose, je connais. Bon, on fabrique cette arme ou pas ?
Elle acquiesça sans hésiter.
- Bon, alors, je vais lire dans tes pensées. Donc, ne flippe pas, d'accord ? Je te conseille de fermer les yeux.
Elle hésita. Ayant toujours été un peu méfiante, elle ne faisait pas vraiment confiance à la plupart des adultes. En plus, les sentiments que lui inspiraient Luis étaient assez contradictoires. Il avait l'air d'être un excellent professeur et un très bon épéiste, mais elle avait aussi un peu de mal à lui faire confiance. Ses yeux orageux semblaient cacher des milliers de secrets. Juste au cas où, et sans trop savoir d'où lui venait ce réflexe, elle frôla du bout des doigts la crosse du pistolet qu'elle avait récupéré pour l'entraînement avant de fermer les yeux, sur le qui-vive, et d'essayer d'imaginer l'arme la plus parfaite qui soit. Elle visualisa mentalement sa lame au tranchant incomparable, sa forme gracieuse, sa légèreté idéale, essayant de la parfaire simplement avec sa pensée, bien que cela lui parût un peu trop étrange. Elle entendit une sorte de sifflement aigu et faillit ouvrir les yeux pour voir ce qui se passait, mais elle savait que l'image qu'elle avait de son épée vacillerait si elle pensait à autre chose.
Elle continua donc de faire flotter l'image devant ses yeux, la perfectionnant, espérant qu'elle ne soit pas trop farfelue. Au bout d'un moment, elle finit par entrouvrir les yeux, dévorée par la curiosité, et ce qu'elle vit la laissa bouche bée ; au milieu de la cabane, entre Luis et elle, une épée était en train de se former, flottant à un mètre du sol. Le sifflement qu'elle avait entendu était le son que faisaient les petits éclats de matériaux en volant au travers de la salle pour venir se ficher à l'épée et adhérer à sa lame : lentement, l'arme, exactement comme elle l'avait imaginée, se formait sous ses yeux ébahis. Lorsqu'elle fut enfin terminée, Luis rouvrit les yeux avec un léger soupir de soulagement lorsqu'il découvrit qu'il avait réussi son œuvre.
Lym s'approcha et prit de ses doigts tremblants l'arme qui flottait au milieu de la cabane ; l'épée, faite d'un cristal transparent légèrement bleuté, était taillée comme une pierre précieuse, avec des milliers de facettes aux mille couleurs dont chacune faisait tournoyer de petites lueurs irisées, reflétant les rayons du soleil qui filtraient du toit pour couvrir les murs de petites taches de couleur mouvante. Sa poignée était finement travaillée, sa lame, tranchante et éblouissante, sa garde formait des volutes de cristal finement ciselées, et malgré son apparence fragile, la lame aurait sans doute découpé l'or comme s'il s'était agit de beurre. On aurait dit une stalactite de cristal qu'on aurait fichée sur une poignée fabriquée par un talentueux artisan de verreries.
Elle allait si bien entre ses doigts qu'elle avait l'impression d'avoir dans la main un prolongement de son bras, et elle était d'une longueur incroyable, phénoménalement grande et longue, mais aussi d'une légèreté surprenante, comme si elle tenait seulement un souffle de verre. Avec fascination, elle fit tourner l'épée entre ses doigts, faisant ricocher des myriades de couleurs sur les murs qu'elle mouchetait de lumière.
- Elle est magnifique, souffla-t-elle.
- Ravi qu'elle te plaise ! répondit gaiement Luis en reprenant son souffle, comme si la création de l'arme l'avait épuisé.
Il alla se servir un verre d'eau à l'aide d'une petite carafe de porcelaine posée dans un coin, en équilibre sur un tas de livres poussiéreux, tandis que Lym se trouvait dans l'incapacité de détacher ses yeux verts et avides de la lame éblouissante de sa nouvelle épée. Cette magnifique arme était-elle vraiment à elle ?
- Maintenant, si tu veux bien, on va procéder à l'application du sortilège, reprit calmement Luis en attrapant l'un des gros volumes à la reliure de cuir et en l'ouvrant, faisant voleter de la poussière dans la salle.
Revenant à la réalité, Lym hocha la tête, les doigts toujours crispés autour de l'arme, et se tourna vers le professeur.
-
- Déjà, je te conseillerai de choisir un enchanteur judicieusement. Bien évidemment, contrairement à cette épée, tu changeras probablement d'enchanteur par la suite, mais c'est tout de même une décision importante.
Il indiqua l'étalage de baguettes de pierre, et, tenant toujours son épée nouvellement façonnée comme si elle avait peur de la voir disparaître en la lâchant, elle inspecta les différents choix qui s'offraient à elle. Simples baguettes de roche noire torsadée étaient les plus courantes. Cependant, il y en avait de couleurs variées – bleues, dorées, blanches... Certaines étaient créées à base de matériaux différents, également. Cristaux ; bois ; une sorte de mousse cyan phosphorescente à l'air douteux...
- Pourquoi y en a-t-il d'aussi différentes ? demanda-t-elle en frôlant du bout des ongles une longue baguette d'opale de feu.
- C'est surtout le côté esthétique, à vrai dire. Certains croient que le matériau peut ajouter de la puissance aux sorts, ou bien de la perpétuité. Mais c'est surtout une histoire de superstition. On en a plusieurs pour que ceux qui y croient puissent avoir l'enchanteur qu'ils veulent.
Bien qu'elle fût brièvement tentée d'attraper l'une des baguettes en argent, scintillante sous les rayons hagards qui s'égaraient entre les tuiles du plafond, elle finit par se raviser. À la place, elle prit l'enchanteur le plus classique de tous – noir, en pierre, et simple. Il attirerait moins l'attention que les autres, plus extravagants. Avec son épée étincelante qui attirerait déjà l'œil, elle avait tout intérêt à faire profil bas pour le reste.
- Intéressant choix, commenta Luis, les yeux plissés, et Lym eut l'impression qu'il jugeait précautionneusement chacune de ses actions. Bon, il est temps d'enchanter ton épée. Tu sais déjà ce que tu veux faire ?
- Pas vraiment, avoua-t-elle.
Soudain, une idée germa dans son cerveau lorsqu'elle se souvint de l'un de ses livres préférés où le héro avait lui aussi une épée qu'il pouvait transformer en stylo pour qu'elle puisse passer inaperçue. Un sourire se forma sur ses lèvres.
- Est-ce que je peux faire en sorte qu'elle se transforme en stylo ?
- En stylo ? répéta Luis en fronçant les sourcils.
Elle réfléchit un instant ; non, le stylo n'était peut-être pas une si excellente idée que ça. Elle risquait de le perdre, étant donnée ses légendaires maladresse et désorganisation, et elle ne pouvait lui appliquer qu'un seul sortilège, alors celui qui ferait qu'elle ne perde jamais le stylo était exclu.
- Ou autre chose, un objet un peu passe-partout.
- Comme un bracelet ? demanda Luis, l'air intéressé par son idée.
- Je suis pas très fan des bracelets. Peut-être un pendentif, mais un truc discret...
Elle n'avait jamais vraiment aimé les joyaux et les pierreries qu'arboraient les princesses Disney, pour tout dire. Trop encombrant à son goût.
- Je pense que ça peut se faire, approuva-t-il.
Il se mit à feuilleter le livre, libérant à chaque fois qu'il tournait une page une volée de poussière qui le faisait toussoter ; enfin, il sembla trouver ce qu'il cherchait car il sourit avec satisfaction et prit l'épée des mains de l'élève, qui la lui céda à regret. Il planta l'arme par terre, entaillant le bois déjà mal en point, puis commença à tracer l'enchanteur des symboles dans le bois, qui se mirent à rougeoyer comme des braises sans pour autant brûler le plancher.
- Pourquoi les enchantements, ça brille ?
- Tu verras ça en cours de Contrôle, promis. Maintenant, laisse-moi procéder, s'il te plaît, j'ai besoin de silence.
Elle allait répliquer mais décida de se taire, de peur de déconcentrer Luis et de fausser par la même occasion l'enchantement de son épée. Lorsque les runes antiques furent tracées, elles se mirent à briller et leur lueur enveloppa l'épée de cristal comme elle enveloppait Lym lorsqu'elle se téléportait.
Ensuite, la lumière retomba et les inscriptions du sol commencèrent à disparaître lentement comme si l'on les effaçait avec une gomme. D'abord, elle crut que son épée avait disparu, puis elle remarqua le pendentif qui gisait sur le sol de la cabane ; elle se pencha pour le ramasser. Au bout d'une corde de métal glacé pendait un prisme scintillant, une petite pierre brillante qui, comme l'épée, projetait des myriades de petites lumières sur les murs. Dans le cristal, elle vit, gravé, finement ciselé, le symbole des Dragomirs, l'œil ouvert gracieusement dessiné.
- Voilà, fit fièrement Luis. Attache-la autour de ton cou, et, si tu l'arraches, elle se transformera en épée.
Un peu sceptique mais aussi curieuse, elle attacha la chaîne avec des gestes précautionneux, puis referma la main autour du prisme et l'arracha d'un coup sec. La chaîne se brisa, et, entre ses doigts, la petite pierre s'allongea pour devenir la longue épée cristalline. Avec émerveillement, elle regarda l'épée puis demanda :
- Et comment je la retransforme en pendentif ?
- Choisis-lui un nom. Lorsque tu diras son nom à haute voix, comme un enchantement, avec l'épée dans les mains, elle reprendra son autre forme.
Elle serra les doigts autour de la poignée qui épousait sa main à la perfection, à la taille et à la légèreté stupéfiante, puis songea au prisme qu'elle voulait revoir et un nom, simple et pur, à la consonance claire comme le cristal qu'elle tenait au bout de sa main tendue, apparut dans son esprit sémillant.
- Prysm, énonça Lym, et l'épée se rétracta pour redevenir une petite larme de cristal pendant au bout d'une intacte chaîne argentée.
(chapitre corrigé ✔)
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