36 - Kerch (2/3)
TW mention de violence sexuelle
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Rentrer dans le palais était aussi aisé que dans ses souvenirs. Peu de Voyants avaient la charge de surveiller l'entrée et, faufilés dans les Ombres, San et Yunho passèrent inaperçus. La richesse du lieu, bien qu'il y était habitué, le mettait toujours mal à l'aise face à la pauvreté de l'extérieur. L'entrée donnait sur un grand hall aux couleurs or et carmin si vives qu'elles donnaient mal aux yeux. Les armoiries de la famille Gang étaient sculptées à même les murs et recouvertes de feuilles d'or. Yunho fronça le nez et fit la moue.
— Le régent n'est même pas un vicomte d'une très noble famille et il étale plus sa richesse que mes parents.
— Il reste un noble non ? répliqua San en prenant le chemin vers le deuxième étage.
— Sa famille a eu son titre de noblesse depuis à peine une cinquantaine d'années et non pour leur prouesses à l'épée et leur noblesse de cœur mais pour leur fortune. Il n'a rien d'un noble. Il s'en fiche visiblement que l'or et le rouge soient réservés à la famille impériale.
San leva les yeux au ciel mais s'intéressa à ce que disait le Façonneur. La seule distinction qu'il connaissait était celle entre les nobles et les roturiers, rien de plus. Pour lui, il n'y avait pas de sous catégories parmi les puissants.
— Parce que les Jeong valent mieux ? demanda-t-il avec curiosité sans une once d'ironie ou de méchanceté.
— Ma famille est noble depuis la naissance de l'empire, même avant si je crois les histoires que me racontaient ma mère pour m'endormir quand j'étais tout petit.
— Eh bien elle n'avait pas tort, prince Yunho.
Yunho soupira au nom employé.
— Je n'arrive pas à croire qu'ils m'aient caché tout cela. C'est moi, mes pouvoirs ! Comment ont-ils pu...
— Quand on aime, on fait des choses stupides car on pense protéger ceux qu'on aime.
— Tu m'en diras tant.
La pique bien sentit renfrogna San mais, avant qu'il ne puisse réagir, ses Ombres captèrent une présence qui avançait droit vers eux. Il attrapa Yunho par le bras et le fit se cacher derrière de lourds et épais rideaux. Il vit les lèvres du Façonneur bouger et il plaque la main sur sa bouche par réflexe en lui faisant signe de se taire. Il jeta un coup d'œil hors de leur cachette et laissa s'éloigner les trois domestiques dans un autre couloir. Il relâcha le noble.
— Où devons-nous aller ? demanda Yunho en observant les portes fermées tout autour d'eux.
— Il y a une salle où le régent expose ses trésors au deuxième étage. Le livre doit sûrement y être, et si ce n'est pas le cas, il doit être dans sa suite.
— Comment être sûr qu'il ne l'a pas revendu ?
San jeta un regard à Yunho.
— Il ne vend jamais rien de précieux.
San restait à l'affût sur le chemin. Ils croisèrent quelques gardes et autres domestiques sur la route menant à l'escalier mais rien que San ne pouvait pas éviter. Les couloirs et pièces qu'ils traversaient se ressemblaient toutes. Les décorations luxueuses étaient faites des matériaux les plus rares du Nouveau Monde et les murs étaient couverts de chefs d'œuvres des plus grands artistes de l'empire. Les peintures les plus à la mode étaient celles qui imaginaient la vie dans l'Ancien Monde. Ils passèrent ainsi devant des toiles massives qui représentaient des navires sur les océans. Hayun et lui avaient passé tellement d'heures à contempler en cachette les vagues implacables en s'imaginant être des pirates qui voguaient sans peur sur l'immensité bleue. S'il y avait un rêve qu'il réaliserait pour eux, c'était bien celui-là.
— Le palais est-il aussi vide habituellement ? demanda Yunho avant de se mordre la lèvre. Je voulais dire quand tu... enfin...
San haussa les épaules.
— Non et c'est bien cela qui m'inquiète. Il y a peut-être un événement en ville où le régent se trouve. Quoi qu'il en soit, reste sur tes gardes, le deuxième étage est normalement mieux gardé à cause des salles des coffres. Si des soldats me repèrent et toi non, fuis. N'essaie pas de t'interposer.
— Quoi ? Il en est hors de question !
— Putain Yunho ! Tu es un Façonneur ! Un prince, dire cela à voix haute lui fit tout drôle. Ta vie vaut plus que la mienne.
Le noble ouvrit la bouche pour argumenter mais San le coupa.
— Tu m'as promis de faire tout ce que je te disais avant de rentrer dans le palais. Maintenant tu appliques ta promesse.
— Bien, soupira Yunho en croisant les bras sur son torse.
Ils restèrent silencieux jusqu'au moment d'atteindre les escaliers. San lui jeta un dernier regard d'avertissement avant de monter les marches en bois sculpté et incrusté de pierres précieuses. Mingi aurait déjà pris son couteau pour récupérer les pierres, quitte à charcuter le pin rouge. Une fois à l'étage, San sentit le changement dans l'atmosphère. Elle était chargée d'angoisse et d'inquiétude. Les escaliers donnaient sur un long couloir qui s'étirait à leur gauche et leur droite. Derrière la porte fermée devant eux, se trouvait un boudoir où le régent recevait ses invités de marque. Aucun serviteur ne montant la garde devant, San devina qu'il était vide.
Il jeta un coup d'œil à droite dans le couloir et aperçut plusieurs soldats en livrée rouge et or en poste devant la porte qui menait aux appartements de Jin Gang. La plus grande salle des coffres était attenante à la chambre du régent, c'était dire à quel point il tenait à sa richesse. Mais seul lui possédait la clé lourde et ancienne qui permettait de relier les deux pièces entre elles. C'était là où ils se rendaient. À gauche se trouvaient les chambres d'invités et d'innombrables salons et bibliothèques. Au sous-sol de la bâtisse, les bains étaient chauffés par la chaleur du sol volcanique. Tout en haut, les chambres minuscules des domestiques. San se demanda brièvement si la sienne, qu'il partageait avec Hayun, avait été donné à quelqu'un d'autre.
Il fit signe à Yunho de le suivre et ils traversèrent le couloir en silence. San ouvrit la porte sans faire aucun bruit puis la referma derrière eux. Le boudoir était plongé dans le noir. San voyait comme un plein jour et sursauta quand Yunho lui fonça dedans, véritablement aveugle.
— Il faut traverser trois salons, un couloir et une salle de bal pour atteindre les coffres.
Ils se mirent en marche sans attendre. San avait eu raison, les pièces et couloirs étaient plus surveillés dans cette partie du palais. Ils comptaient les rondes de gardes pour éviter de se faire surprendre. L'Ombre se méfiait tout particulièrement des quelques Voyants qui arpentaient le lieu mais davantage des domestiques. Ces petites mains étaient encore plus invisibles que lui lorsqu'il disparaissait dans l'obscurité.
— Pourquoi acceptent-ils de travailler pour le régent ? chuchota Yunho à la faveur d'une porte fermée.
— Parce qu'ils n'ont pas le choix. Gang menace leur famille, leurs amis et tous ceux qu'ils connaissent même de loin pour qu'ils obéissent. Au moindre faux pas, il tue une personne, puis une autre. L'enfer ne s'arrête jamais avec lui.
Quelque part dans ce palais, la haine du régent se faisait voir sur les visages maculés de sang des mages.
Il capta le regard de Yunho sur sa nuque. Il se posait des questions, San pouvait presque voir les rouages de son cerveau tourner à plein régime. Après ce qu'il leur sembla de heures à se camoufler derrière des pans de murs, des épais rideaux ou dans les Ombres, ils arrivèrent enfin à la salle des coffres.
L'immense pièce était plongée dans le silence. Du sol au plafond s'étendait plus de richesse qu'un millier d'hommes ne pourraient jamais dépenser. De l'or, des pierres précieuses et d'autres trésors en passant par des cartes ou des objets anciens.
Les murs sculptés de bonsaïs si réalistes qu'ils semblaient pousser contre la pierre rivalisaient avec le plafond peint. S'étendant sur toute la longueur de la salle, la fresque représentait la Fracture. Aussi éclatante et pâle que la lumière des étoiles et les cheveux aussi bleus qu'un ciel d'orage, Byeol se servait de sa magie pour faire léviter les îles volantes du Nouveau Monde. Son aura entourait les morceaux de terre alors que l'Ancien Monde sombrait dans le chaos, brisé en millions de morceaux et englouti par la lave et la matière noire que Yunho manipulait. Au milieu de cette ruine se tenait Jigu. Sa peau mat était parcourue de veines de la même couleur que ses yeux noirs brillants de mille feux. San eut un frisson. Son expression était celle d'un fou alors qu'il brisait une île volante entre son poing.
Et, au milieu de tout cela, se trouvait sûrement le livre. San avança dans la salle, Yunho sur ses talons. Le Façonneur admirait les objets anciens posés çà et là sur des commodes ou étagères.
— Beaucoup de reliques Préfracturiennes ont été retrouvées dans le désert d'Ilsan, expliqua San. C'est le régent qui dispose de la plus grande collection.
Yunho tendit la main vers une magnifique boussole peinte aux couleurs du soleil levant mais San l'interpella.
— Elle est Annihilée, je n'y toucherais pas si j'étais toi.
— La moitié des collections de Skywe sont Annihilés, dit soudain Yunho, le visage décomposé. La harpe favorite de ma mère l'est...
Son bras retomba le long de son corps et il baissa la tête. Il avait l'air de beaucoup tenir à cet objet. San se rappela l'éventail de sa sœur à jamais disparu dans la Mer de Nuages, la dernière chose qui le reliait à elle. Il le comprenait mais c'était à cause de lui s'il avait perdu cet objet.
Le silence s'étira entre eux.
San s'était détourné pour chercher le livre.
— Tu n'as jamais regretté d'être un mage ?
L'Ombre serra si fort le bibelot en verre entre ses mains qu'il faillit le briser. Il avait traversé l'enfer parce qu'il était un mage. Qu'est-ce que Yunho croyait ? Il se retourna comme une furie vers le Façonneur mais celui-ci lui tournait le dos. San le devinait en train de tenir un vieux livre poussiéreux.
— J'ai adoré chaque seconde de ma vie à être l'esclave de Sang-In, siffla-t-il. Et putain ce qu'elles ont été longues.
Les épaules de Yunho tressaillirent et San souffla.
— J'ai regretté presque toute ma vie, finit-il par dire. Parfois encore je le regrette. Pourquoi ?
Yunho se retourna doucement et la page du livre qu'il tenait entre ses mains apparut nettement. Sur le dessin craquelé, un mage volait les pouvoirs d'un autre, dans un tourbillon d'aura. Le visage du mage volé était tordu de douleur. Un seul mot faisait gage de légende. Voleur.
— Tu n'es pas sérieux ? demanda-t-il.
— J'ai promis à mes parents de les rendre fiers. Père voulait que je devienne roi, souffla Yunho en se mordant la lèvre et en serrant le livre entre ses doigts tremblants. Mais si je n'étais pas à la hauteur ? Si tout le monde se rendait compte à quel point je suis terrifié ?
Et, au milieu du silence, le cœur de San se serra. Maman, j'ai peur. Un frisson remonta le long de sa colonne vertébrale. Il secoua la tête pour chasser ses souvenirs.
— Mingi et Hongjoong te trouvent à la hauteur, crois-le ou non mais cela veut dire beaucoup de choses. Byeol a tracé ce chemin pour toi, tu ne peux pas l'éviter. Elle ne l'aurait pas fait si tu n'étais pas à la hauteur.
— Et c'est toi qui me dis cela ? Ce n'est pas un peu hypocrite ?
— Je pensais que tu n'allais pas te relever après les événements de Kirizan et quand tu... Le sang partout dans la geôle de Yunho lui revint en mémoire et il planta son regard dans celui du Façonneur. Mais tu t'es relevé. Tu as tenu tête aux conseillers de Hasset, tu t'es jeté dans une bataille et tu n'as pas hésité à m'accompagner malgré les risques. Peut-être que finalement, tu es à la hauteur et tu mérites tes pouvoirs. Byeol ne trace pas notre vie au hasard.
Ce n'était pas des excuses, San ne s'en sentait pas encore capable. Mais au vu de l'éclat qui sembla briller un instant dans les yeux morts de Yunho, il eut l'impression que c'était tout comme. Il croyait au destin, malgré tout ce qu'il avait traversé. Il croyait en lui comme il croyait en Byeol car ils avaient mis Wooyoung et l'équipage de l'Ateez sur son chemin au moment où il avait abandonné.
Alors qu'il avait baissé sa garde, la porte s'ouvrit sur les soldats du régent. Yunho se glissa devant San, le camouflant par sa carrure avant que les cinq hommes ne se figent en l'apercevant. San se maudit pour sa stupidité en même temps qu'il maudissait Yunho pour la sienne. Qu'est-ce qu'il n'avait pas compris dans n'essaie pas de t'interposer et fuis ?! Alors que l'un des gardes partait en courant, San vit ses pires craintes se réaliser. Jin Gang allait savoir qu'un Façonneur se trouvait sous son toit. A cette pensée, une pierre tomba dans son estomac.
Il y avait trois Annihilateurs parmi eux et un Marionnettiste. L'Ombre sentait leurs aura emplir la pièce, même si celle de Yunho les écrasait par sa puissance. Il ne bougea pas un muscle par peur de se faire voir.
— Que fais-tu ici, Façonneur ? demanda une voix mielleuse.
Une idée surgit dans la tête de San. L'aura et la carrure de Yunho camouflaient les siennes, les mages ne l'avaient pas encore repéré. Il se fondit dans les Ombres et se cacha derrière une colonne de marbre blanc. Un des Annihilateur tourna la tête vers San mais Yunho fit appel à sa magie qui fractura le sol et les murs comme s'il s'agissait de feuilles mortes, le faisant se concentrer à nouveau pleinement sur le Façonneur.
— Je viens chercher le livre de Tanian.
Yunho n'avait aucune chance et il le savait, il faisait seulement diversion pour que San puisse s'enfuir sans se faire repérer. Le mage se colla davantage contre la pierre froide et sa main plongea dans la poche de son pantalon de toile. Il n'avait pas le choix, il fallait qu'il fasse disparaître son aura. Il sortit un tissu et déballa l'objet qui se trouvait à l'intérieur. Le bracelet d'Annihilation parsemé d'émeraudes reflétait la lumière du soleil. Il était accordé à la dague de Jin Gang qu'il possédait, des symboles d'appartenance à la maison du régent. San gardait ces objets sur lui en permanence pour ne pas oublier, pas avant qu'il ne tue le noble de ses propres mains.
Il glissa le métal à son poignet en bannissant son appréhension et le réflexe de survie de sa magie. San avait besoin d'être invisible, et sans ses pouvoirs cette fois. La violence de la magie d'Annihilation le fit chanceler et il se rattrapa à la colonne en retenant un hurlement de douleur du bout des lèvres. Il lui fallut plusieurs secondes pour reprendre une respiration normale, les yeux fixés sur l'objet à son poignet. Ses Ombres lui manquaient déjà.
Un cri le ramena sur terre et il jeta un coup d'œil derrière la colonne. Yunho se tenait la tête et essayait de résister à la magie des trois Annihilateurs. San avait de la peine pour lui mais il ne pouvait rien faire de sa cachette, il ne devait pas se faire prendre sinon s'en était fini d'eux. L'aura des mages de Jin Gang était étouffante et l'Ombre était presque reconnaissant de porter le bracelet d'Annihilation. Les genoux de Yunho se dérobèrent sous son propre poids et il s'effondra au sol en hurlant.
Alors que le Façonneur avait cessé de résister, une ombre tout droit sortie des cauchemars de San passa la porte, recouvrant Yunho. Le régent était drapé de la couleur or réservée à la famille impériale. Son visage ridé reflétait les horreurs qu'il avait fait subir à tant de gens en son nom. Il était tout simplement inhumain. Chacun de ses pas résonnaient sur le marbre noir de la salle alors qu'il se dirigeait vers son nouveau jouet, une moue satisfaite tordant son visage. San était figé derrière la colonne, incapable du moindre mouvement. Les doigts osseux couverts de bagues se tendirent comme des griffes et Jin Gang attrapa le Façonneur par la gorge. Il le remit sans ménagement à genoux. Les yeux injectés de sang du régent se plissèrent avant qu'un sourire dévoilant des dents en or ne déforme son visage ruiné par les dépravations et la haine.
— Jeong Yunho, quel plaisir de te voir ! Je comprends mieux à présent pourquoi tes pauvres parents déclinaient toujours mes propositions de dîners à Kerch. Qu'est-ce qu'une mère et un père ne feraient pas pour protéger leur enfant n'est-ce pas, quitte à se mettre à dos tout l'empire et mourir pour lui ?
— Vous êtes une ordure, cracha Yunho.
— Et encore, tu n'as rien vu de ce qui t'attend.
Un bandeau d'Annihilation serti de diamants se retrouva enfoncé sur sa tête. Le Façonneur serra les poings et cracha au visage du régent. Cela rappela à San le soir de l'enlèvement, quand Yunho avait craché au visage de Hongjoong. Avant même que Jin Gang ne puisse réagir, Yunho sortit une dague d'un des plis de sa cape et se jeta sur lui. Le Marionnettiste leva la main et le corps du jeune noble se figea en plein mouvement, épargnant l'œil de Jin Gang. Le régent frappa le Façonneur de toute ses forces contre sa tempe et Yunho se retrouva projeté au sol, le visage en sang. L'ancien propriétaire de San attrapa le mage par les cheveux et tira dessus pour que leurs regards se croisent.
— J'ai maté des mages plus fougueux que toi. Tu finiras bien par plier, Façonneur.
San se détourna quand les coups se mirent à pleuvoir sur Yunho. Il plaqua ses mains sur ses oreilles pour ne rien entendre, la respiration affolée. Il devait respirer, se calmer, ne surtout pas céder à la panique. Chaque cri étouffé du Façonneur qui l'atteignait malgré ses mains faisait écho aux siens. Il se revoyait les bras en sang, incapable de bouger. Il retint un hurlement alors que les digues dans sa tête cédèrent, écrasant son cœur. San ne pouvait plus respirer. Il cherchait de l'air, se débattant pour maintenir son esprit noyé par les vagues de souvenirs à flots. Il ne devait pas sombrer, pas maintenant.
Il se laissa glisser contre le poteau, les jambes tremblantes et le souffle erratique. Les larmes roulaient sur ses joues sans qu'il n'ait le moindre contrôle dessus. Tout son corps le lâchait, à commencer par son esprit. Surmené par les réactions de son être, il ne pouvait que se laisser aller. Il avait trop longtemps lutté.
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— Quand arrêteras-tu d'échouer ?!
Le coup de poing envoya San au sol. Le régent de Kerch le toisait, ses poings serrés recouverts de sang. L'Ombre crache de la salive mêlée de carmin sur le carrelage en marbre.
— QUAND SERAS-TU ENFIN UTILE ?!
Il ne pouvait se résoudre à tuer, à devenir un monstre comme Jin Gang. Il n'avait que douze ans, comment pouvait-il mettre un terme à la vie de simples innocents ? S'il le faisait, Byeol ne lui pardonnerai jamais. Il ne sera qu'un assassin.
— Je-je ne peux pas faire ça... s'il vous plaît...
Il hoqueta quand le coup de pied frappa son estomac. Le régent cracha à ses pieds.
— Je crois que tu oublies bien trop souvent que j'ai un pouvoir de vie ou de mort sur ta sœur. Feras-tu enfin ce que je te demande si je lui arrachais un bras ? Je devrais le faire maintenant, pour te montrer que mes menaces ne sont pas du vent.
San se remit sur ses genoux en chancelant.
— Non ! Non ! Ne faites pas ça.
— Alors il va falloir obéir. Ce sera la vie de ta sœur contre celle de l'homme que je te demande de prendre, Ombre.
Le
Vent
Du
Désert
Soufflait.
San, enveloppé dans sa longue cape noir observait sa cible du haut des taudis qui servaient de maison dans cette partie de la ville. Il avait pisté l'homme à travers tout Ensan, de la mine d'or où il travaillait à sa maison près des temples de Byeol. Son uniforme de mineur maculé de poussière était facilement repérable. Sanl ignorait pourquoi il devait mourir ce soir mais il en savait suffisamment. Une vie pour une vie, cet inconnu pour sauver sa Hayun.
L'homme était proche de chez lui, il jouait avec les clefs de la maison où il ne remettra plus jamais les pieds vivant. Inconscient du danger, il se permettait même de siffloter. San sauta du toit et sortit des Ombres, aussi silencieux que la brise. En quelques pas à peine, il était tout contre le dos de l'homme. Son souffle dû le trahir car le mineur se retourna, les yeux écarquillés de surprise et de peur. Il se calma un bref instant quand il le vit.
— Putain gamin ! Me fait pas peur comme ça tu veux ?
Sa voix se tut quand il aperçut la dague brillante entre les mains de San.
— Jin Gang m'envoie régler vos dettes, dit-il sur un ton tremblant malgré la fermeté qu'il y mettait.
— A-Attend ! J'ai des enfants !
Le coup l'avait déjà achevé. Le corps s'effondra sur le sol, gorgeant la terre de rouge. Une incision nette dans la gorge. La seule chose qu'il pouvait espérer était que ce malheureux n'avait pas souffert.
Alors qu'il tournait les talons, une voix fluette résonna dans la petite cour.
— Papa ?
Il se retourna.
Il le regretta.
La petite fille avait lâché son doudou en forme de renard des sables dans le sang encore chaud. Elle était jeune, cinq ans peut-être, mais assez pour reconnaître la mort sur cette île maudite abandonnée par Byeol. Les larmes roulaient à grosses gouttes alors qu'elle hoquetait de plus en plus fort.
— PAPA ! PAPA ! Réveille-toi ! R-reste !
San observait la scène, comme un spectateur impuissant alors qu'il en était le cruel auteur. Son cœur se fendait à chaque hoquet qui traversait la gamine. Elle leva alors son visage rouge, ravagé vers San. Par Byeol, il n'oubliera jamais son regard. Comment la haine pouvait consumer un être d'un si jeune âge ?
— MONSTRE ! FUMÉE !
Elle l'insultait avec le tout maigre vocabulaire qu'elle possédait. San ne bougeait pas, elle non plus. Finalement, quand les premiers adultes arrivèrent attirés par les cris, il disparut dans les Ombres. Il avait détruit son âme pour sauver sa sœur.
San ne fut plus jamais le même après cette nuit.
Coups
Après
Coups,
Le
Temps
Passait.
Les cadavres s'accumulaient sur son passage, toujours sur le joug de la même menace et du même tyran. Mais la violence du régent changeait de ton. Il avait remarqué que San grandissait. Et il n'était pas le seul. La plupart des soirées que le régent organisait avec d'autres nobles restaient flous dans l'esprit de San. Combien étaient-ils à chaque fois ? Il était incapable de le dire. Qu'est-ce qu'ils faisaient exactement ? Il était incapable de le dire. Les nobles lui tournaient autour comme des vautours devant une charogne.
Tout se mélangeait. Les rires gras, les mains sur sa peau qui arrachaient ses vêtements, la douleur. Les regards des innocents avant que sa lame de frappe, la douleur. Toujours la douleur.
☁️☁️☁️
Quand il reprit ses esprits, il était seul.
Le silence était revenu dans la pièce, la seule chose qu'il entendait était les cris dans sa tête. Combien d'âmes portait-il sur sa conscience ? Six années d'enfer qui ne s'effaceront jamais.
Des années d'enfer qui attendaient Yunho si San ne le sortait pas de là. Cette pensée perça le voile de son esprit encore tourmenté et il bougea. Chancelant et tremblant, il se leva aidé de la colonne de marbre derrière lui. Le réconfort de ses Ombres lui manquait. Il jeta un regard à la salle du trésor et sut que le livre n'y était pas. Il était ailleurs, encore mieux gardé. La chambre du régent.
Trouver le livre, tuer Jin Gang et sauver Yunho. San se dirigea par automatisme vers les appartements du régent. Le palais n'avait pas changé, les mêmes vieilleries ornaient toujours les murs. San fit glisser une de ses dagues dans sa paume et entailla un portrait du régent sur toute sa longueur. Les peintures ne faisaient de loin pas honneur à l'horreur qu'était son visage. Il n'avait pas essayé de crocheter le verrou entre la salle du trésor et la chambre du régent, celui-ci était de trop bonne facture pour qu'il réussisse. Il avait déjà échoué par le passé.
Quand les premiers soldats apparurent dans son champ de vision, il se reconcentra entièrement sur le présent. Il ne devait pas tomber entre les mains du régent. Malgré toute la bonne volonté du monde, personne sur l'Ateez ne pourrait leur venir en aide si cela arrivait. San était seul avec lui-même. Il tira une autre lame de sa ceinture et releva le menton. Il allait faire ce qu'il avait toujours fait, tuer sur son passage. Être digne du nom qu'on lui avait donné et qu'on crachait comme une malédiction, Yeongi Goemul, le monstre de fumée.
Il ferma les yeux et prit une profonde inspiration. Le dernier bain de sang à cause de Jin Gang. Quand il les rouvrit, il était prêt. Il avisa les six gardes en poste devant la chambre du régent. D'autres viendraient du bout du couloir quand ils entendront la bataille. D'autres encore des pièces adjacentes. Même sans ses Ombres, il pouvait les vaincre.
Il s'approcha en silence, ses pas ne faisant aucun bruit. Il sourit quand il leva sa lame, les appartements du régent étaient insonorisés. Et le carnage commença.
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San se tenait immobile dans le salon principal des appartements du régent. Tout était exactement comme dans ses souvenirs, excepté les taches de sang qu'il laissait derrière lui. Encore et toujours du rouge et or, des commodes incrustées de pierre précieuse et des tableaux de grands maîtres accrochés aux murs. Les faibles raies de lumière qui filtraient à travers les rideaux plongeaient la pièce dans l'ombre. Il serra plus fort sa dague couverte de sang entre les mains. Il n'y aurait qu'une issue à ce combat.
Alors qu'il fit un pas vers la chambre du régent, celui-ci en sortit et ferma la porte derrière lui. Il ne parut pas surpris en se retournant de se retrouver face à San.
— Cela faisait longtemps. Tu reviens vers moi ? Ce n'est pas comme si tu t'étais enfui alors que tu m'appartenais toujours. Tu m'appartiens toujours, San.
— Je ne suis l'esclave de personne !
Le régent eut un petit rire moqueur.
— Ton espoir me toucherait presque. Si tu ne te sentais plus esclave, tu ne serais pas là. Tu es esclave de ta vengeance, de ta colère qui t'aveugle. Tu m'appartiens toujours. Tu m'appartiendras toujours, j'ai créé la personne que tu es aujourd'hui.
Il n'avait rien créé du tout. Il avait détruit San et marché sur ses restes. La personne qu'il était aujourd'hui, qu'il essayait de devenir, il la devait à l'équipage de l'Ateez, à Wooyoung. Il se battait tous les jours contre ce que Jin Gang avait fait de lui. Ce n'était pas lui, il ne voulait plus que ce soit lui.
— Je ne t'ai jamais appartenu, gronda San.
Le régent sourit d'un air cruel.
— Chacun se crée les chimères qu'il est prêt à affronter. Mais je dois te remercier de m'avoir offert un Façonneur sur un plateau d'argent. Yunho m'appartient maintenant, corps et âme. Le seul Façonneur du monde. J'en prendrai soin, comme j'ai pris soin de toi toutes ces années.
San eut envie de vomir. Le regard de prédateur de Jin Gang était ce qui le terrifiait le plus au monde. Il n'osait pas imaginer ce qu'il avait fait subir à Yunho.
— Il ne t'appartient pas ! Je ne repartirai pas sans lui !
— Tu défends des nobles de l'empire à présent ? Il appelle à l'aide comme toi au début. Il te ressemble beaucoup. A ta sœur aussi.
Chaque mot était comme un coup de couteau supplémentaire. Il me ressemble beaucoup.
— Où est-il ?!
— Là où tu passais toutes tes journées quand tu n'étais pas en ville. Tu n'es plus l'objet le plus précieux de ma collection malheureusement.
Il serra les poings et sentait sa magie se battre contre celle d'Annihilation. Ses yeux se portèrent vers la chambre du régent derrière la porte fermée. Un brasier de haine s'alluma dans ses pupilles.
— Si tu ne l'a ne serait-ce que touché-
— Que comptes-tu faire ? Toi seul dans un palais remplis de tes ennemis ?
— Quels ennemis ?
L'ambiance tamisée des appartements du régent jouaient en sa défaveur. Son sourire se fanant au fur et à mesure qu'il découvrait le sang qui maculait toute la tenue de San.
— Tu es seul. Seul avec moi.
Comme il s'y attendait, le régent se mit à hurler à l'aide. Quel couard. Cet homme envoyait les autres mener ses guerres à sa place, c'était à peine s'il savait se servir d'une lame. Mais à cet instant les rôles étaient inversés, San n'était plus l'agneau et Gang le loup, il était le chasseur et le régent sa proie. Pour tout ce qu'il lui avait fait, ce qu'il lui avait enlevé.
Et comme tant de fois par le passé,
Sa main ne trembla pas.
Jin Gang recula de plusieurs pas chancelants, posant ses mains sur le manche du couteau serti d'émeraude dont la lame était enfoncée dans son cœur. L'or de ses vêtements se teintait de rouge carmin. San aurait pu contempler ce spectacle des heures durant avec l'irrépressible envie qu'il remplace celui du charnier qu'il avait découvert chez lui ce matin-là. Les corps morts de ses parents, ses grands parents, ses cousins et cousines. Il se rapprocha du régent et l'attrapa par ses vêtements avant de coller son visage immonde au sien.
— Comment s'appelaient-ils ?
Un rictus se forma sur les lèvres noircies de Jin Gang. Malgré le sang qui perlait le long de son menton et sa fin proche, jamais il n'exprimera le moindre remords.
— Oh San, crois-tu vraiment que je me souvienne de chaque cafard que j'écrase sous ma semelle ?
San eut l'impression de voir mourir sa famille une seconde fois. Elle avait été massacrée pour rien et il n'y avait pas une âme pour s'en souvenir, pas même celui qui avait commandité l'acte. S'il n'avait pas eu le bracelet Annihilé autour de son poignet, la magie de San aurait déjà explosée. D'un geste sec, il retira le couteau du cœur du régent et lui trancha la gorge. San vit les yeux de son bourreau devenir vitreux alors que son corps tombait en arrière pour s'écraser dans un bruit sourd contre le sol lustré.
Des gouttes de sang teintaient le parquet à mesure qu'elles glissaient de la lame de couteau. San était debout devant le cadavre, il ne bougeait pas. C'était tout ? Comment une décennie de souffrance pouvait-elle s'arrêter après un geste aussi simple ? Il ne clignait pas des yeux, incapable de se détourner du corps. Les larmes rejoignirent bientôt le sang sur le sol. Son esprit était vide, comme si penser lui était devenu étranger. Il n'avait eu en tête que sa vengeance toutes ces années durant et maintenant qu'il avait accompli sa mission, c'était comme si rien n'avait changé. Le chagrin lui compressait la poitrine.
Pourquoi avait-il toujours aussi mal ?
Dans un cri de rage, il se jeta sur la dépouille de Jin Gang et frappa. Il frappa, frappa, frappa sans relâche comme si chaque coup de couteau lui faisait remonter le temps, comme si toutes les vies volées allaient s'échapper des chairs du monstre qui les avaient prises, comme si cela pouvait encore servir à quelque chose...
Une porte claquant contre le mur lui fit relever la tête. Yunho s'approchait pas à pas en boitant, ses yeux fixés sur l'acharnement de l'Ombre. Le mage faisait peine à voir. Les coups de Jin Gang étaient toujours aussi violents. Il adorait par-dessus tout frapper au visage pour que ses jouets puissent voir la douleur se refléter dans n'importe quel miroir. Le bandeau d'Annihilation serti de diamants brillait sur son front. Mais par dessous tout, il avait un livre que San commençait à reconnaître entre les mains.
— San ?
Le Façonneur s'accroupit à ses côtés et retira les doigts crispés de San sur le manche du couteau. Celui-ci releva la tête et croisa le regard de Yunho.
— Je pensais que sa mort me guérirait...
Yunho le serra dans ses bras quand San craqua, le visage enfoui dans sa nuque. L'Ombre n'avait pas la force de se détacher de lui, au contraire, il s'accrocha aux plis de sa cape. La douleur lui broyait les entrailles. Il rêvait de sentir le parfum de Wooyoung, la seule odeur qui lui rappelait la maison. Avec le temps, les souvenirs de sa famille s'étaient effacés, ne laissant que des visages floues et la fugace sensation de sécurité. Seuls les traits de Hayun restaient gravés dans son esprit, imprimés au fer rouge dans son crâne. Il s'en voulait d'avoir oublié l'apparence de ses parents.
Il hurla contre l'épaule de Yunho. Il ne voulait plus rien ressentir. Tous ces actes l'avaient conduit à ce moment précis. Par Byeol qu'il en avait rêvé, cauchemardé ; planter encore et encore cette lame dans le cœur du monstre qui hantait ses pas. Il n'avait fait qu'ajouter un cadavre à la longue liste des personnes qu'il avait tuées. Rien ne s'arrêtait à la mort de Jin Gang, rien ne commençait non plus parce que rien n'avait changé à ses yeux. San ne retrouvera jamais sa vie d'avant, encore moins ceux qui l'avaient peuplée.
Le Marionnettiste qui avait attaqué Yunho entra dans la pièce et se figea devant le corps mort de son maître avant de s'attarder sur les deux mages responsables. Silencieuses, des larmes se mirent à rouler sur ses joues et il tomba à genoux devant San et Yunho, le front contre le sol.
— Votre Altesse...
— Tu es libre maintenant, déclara le Façonneur. Emmène tous ceux qui te sont chers et part loin d'ici. Sur les quais, il y a un navire nommé Lumière Pourpre, demande asile au capitaine au nom des mages de l'Ateez et construis-toi une nouvelle vie.
— Me-merci... Je vais annoncer la nouvelle aux autres mages. Méfiez-vous des Sang-In.
Il repartit aussi vite qu'il était arrivé. San savait qu'il avait raison, Jin Gang n'était qu'un criminel parmi d'autres. Il savait aussi que partout dans le Nouveau Monde, des mages comme lui criaient silencieusement vengeance. Sa tragédie personnelle n'avait au fond rien de bien unique et c'était le plus dur à digérer. Combien d'enfants vivaient-ils dans la peur au milieu d'hommes et de femmes sans scrupules qui ne pensaient qu'à se faire de l'argent grâce à leurs dons ?
— Que t'a-t-il fait toutes ces années ? questionna Yunho d'une voix douce.
L'esprit de San était partagé entre ne rien vouloir dire et tout raconter. Mais le silence pesait depuis trop longtemps sur ses épaules. Et sans même y réfléchir, il se mit à parler.
— Le plus gros mensonge, c'est celui qui énonce qu'on ne meurt qu'une fois. Ici, je suis mort des milliers de fois mais on m'a toujours ramené à la vie.
Il prit une profonde inspiration, bien calé entre les bras de Yunho.
— J'ai tué pour la première fois à douze ans. Si je ne le faisais pas, Jin Gang tuait ma sœur. Je n'arrive pas à oublier ce qu'il s'est passé quand j'ai planté ma dague dans son cœur. Je... je crois que je suis mort encore une fois. A chaque fois que je tuais, j'étais acteur de ma propre fin, encore et encore.
Il n'osait pas croiser le regard de Yunho, la tête toujours plongée dans le creux de sa nuque. Le noble caressait doucement son dos sans rien dire. Il lui laissait tout le temps qu'il souhait pour parler.
— A chaque fois que je finissais une mission, il y en avait une autre. Il a fini par me présenter à ses amis à qui il avait confiance, des nobles de tout l'empire qui étaient plus loyaux en la richesse et le pouvoir qu'en l'empereur. Il y avait beaucoup de dîners. Ils se servaient de moi pour tuer leurs ennemis. Ils... ils jouaient avec moi, avec mon corps et je ne pouvais rien y faire.
L'emprise de Yunho se resserra autour de son corps tremblant. San hoquetait à mesure que les images revenaient, toujours plus nombreuses, toujours plus nettes, toujours plus horribles. Cela avait duré jusqu'à ses dix-sept ans, au moment de prendre la fuite. Il n'avait jamais rien dit à Hayun de peur qu'elle ne fasse une bêtise. C'était la première fois qu'il verbalisait cette partie de sa vie. Il n'aurait jamais pensé raconter ce qu'il avait subi, encore moins à Yunho. S'il on lui avait raconté cela un mois plus tôt, il ne l'aurait jamais cru.
— San... je n'ai pas les mots pour te dire à quel point je suis navré.
La voix grave mais douce du Façonneur résonna tout près de son oreille et apaisa San. Yunho continuait de caresser son dos et San se raccrochait à ce geste pour ne pas sombrer à nouveau. Ils restèrent dans cette position un long moment, jusqu'à ce que les hoquets de l'Ombre se calment.
— Il faut y aller, lui chuchota Yunho en brisant le silence.
— Il... Je veux aller quelque part, c'est important.
— Bien sûr, où tu veux.
☁️☁️☁️
Toujours vivants après la lecture de ce gros bébé de plus de 6000 mots ? xD
J'espère que ça vous a plus ! Ce découpage est un peu foireux mais poster un chapitre de plus de 13000 mots c'est non xD
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