36 - Kerch (1-3)
— Soyez prudents, que les étoiles suivent vos pas.
Yunho hocha la tête au conseil de Hongjoong, San se contenta de glisser sa capuche sur sa tête. Ce qu'ils s'apprêtaient à faire n'avait rien à avoir avec de la chance. Après des jours de négociation, Yunho avait fini par convaincre Mingi du bien fondé de leur plan. San, même s'il était toujours contre le fait que le Façonneur vienne avec lui, n'avait pas eu le choix. Yunho pouvait être buté quand il le souhaitait. Cela n'avait pas été facile mais tout le monde avait dû se rendre à l'évidence qu'infiltrer un palais à sept était une très mauvaise idée. Avant que les deux mages ne montent dans le petit canot, Mingi attrapa Yunho par la taille et déposa un baiser sur ses lèvres. L'Ombre jeta un œil à Wooyoung avec un sourire moqueur, le mettant au défi de dévoiler leurs sentiments à tout l'équipage. Le cartographe lui tira la langue et se jeta dans ses bras, lui mangeant presque le visage.
— Combien de mariages allons-nous fêter avant la fin de l'année ? se moqua Yeosang.
— Le chiffre va dépendre de ta capacité à prendre les devants, rétorqua Yunho avec un sourire plein de sous-entendus.
Le Marcheur changea de couleur sous les rires des autres. Heureusement pour le noble, Jongho était à la barre et n'avait rien entendu, il détestait qu'on étale sa vie privée devant tout le monde. Une fois que San eut réussi à détacher Wooyoung de sa taille, il sauta dans le petit canot enchanté. Yunho le suivit et prit les rames.
Ils s'éloignaient de l'Ateez, ou le Bteez comme l'appelait Wooyoung, en silence. Il n'y avait que le grand bâtiment et leur petit canot au milieu du ciel, quelques oiseaux volaient en cercle au-dessus d'eux à la recherche de nourriture. Plus les contours de Kerch cessaient de jouer à cache-cache derrière les nuages et plus l'appréhension remuait San tout entier. Sa respiration devenait plus hachée et son ventre se nouait. Il pensait que les années avaient atténuées sa peine mais ce n'était pas le cas, bien au contraire. La rage et la douleur qu'il gardait en lui depuis ce triste jour se mirent à flamber. Il était désolé de contrevenir aux ordre de Hongjoong mais San se sentait incapable de de juste se rendre sur l'île pour voler un livre.
Il allait prendre la vie de l'homme qui avait pris la sienne.
Il se l'était promis douze années plus tôt, s'était entraîné sans relâche pour ce jour. Jin Gang vivait ses derniers instants et ils allaient être proportionnels à la douleur que San portait depuis la mort de sa famille.
— Que sais-tu du régent Gang ? demanda-t-il sans préambule à Yunho.
Le noble ne parut pas surpris par sa question, ses yeux glissèrent vers le poignet de l'Ombre. Son tatouage de bonsaï azalée était camouflé par sa longue chemise noire. Ainsi il avait vraiment tout compris.
— Depuis que l'empereur Park l'a nommé régent de Kerch, il a envoyé à la mort des milliers d'innocents. D'après mon père, il entretient un trafic de mages et en garde certains pour sa protection personnelle au lieu de les confier à l'empire.
C'était cela que San avait enduré sept longues années durant, être le protecteur de Jin Gang ? Il avait été beaucoup de choses entre les mains du régent mais certainement pas son protecteur.
— Il collectionne les mages et vend à des Sang-In ceux qu'il juge trop faibles ou qu'il possède en doublon, rectifia San. Ce qui l'excite ce sont les mages rares, comme les Hurleurs, les Marionnettistes, les Ombres ou toi. Si tu tombes entre ses mains, il ne te rendra pas à l'empire, il te gardera pour lui comme ultime trophée et ton sort sera pire que la mort.
Yunho arrêta de ramer et planta ses yeux dans ceux de San.
— Je sais que tu ne m'apprécie pas mais...
Était-il en train de sous-entendre que San serait capable de le livrer au régent ? Même s'il détestait Yunho, il ne souhaitait de vivre ce qu'il avait vécu qu'à une seule personne au monde, son bourreau.
— ... Je suis désolé pour ce que tu as vécu à Kerch.
— Garde ta salive pour des gens qui en ont quelque chose à faire de tes excuses.
Le Façonneur serra les dents et encaissa le coup. Il se remit à ramer et le reste du trajet se fit en silence. San n'en revenait toujours pas que Mingi ait pardonné à Yunho aussi rapidement après ce qu'il avait fait. L'Ombre ne croyait pas un mot de ses excuses, pas après que ses actes l'aient mené au bord de la mort, une balle dans le thorax. Yunho aurait pu mourir sous ses lames, la culpabilité ne l'aurait pas effleuré. Le fait que le dernier Façonneur du Nouveau Monde soit une des personnes qu'il détestait le plus était ironiquement cruel. San avait été élevé à considérer Yunho et ses pouvoirs comme divins. Le noble était son roi, mais jamais il ne s'inclinera devant lui.
☁️☁️☁️
Ensan, la capitale colonisée de Kerch, n'avait pas changé. Le vent chaud du désert de Ilsan, pourtant bien plus au nord, venait alourdir l'atmosphère. San l'accueillit comme un ami qu'il n'avait pas vu depuis bien longtemps. Devant lui s'étendait la tentaculaire ville sable. La couleur du désert était partout, des blocs de pierre des murs d'enceinte aux tuiles des maisons. La partie Sud-Est de la ville était creusée dans la montagne qui se jetait droit dans la Mer de Nuages. Les habitations troglodytes étaient réservées aux prêtres et prêtresses du grand temple de Byeol, la Déesse des étoiles.
Ils avaient accosté dans un coin tranquille à l'écart des rondes des soldats du régent. Debout sur un pan de l'enceinte protectrice en ruine, San observait la ville qui l'avait vue naître. Kerch, bien que de loin la plus grande, était l'île la plus pauvre du Nouveau Monde et Ensan en était sa vitrine. Les habitations carrées construites en torchis s'empilaient les unes sur les autres. Les toiles blanches tendues sur les petites terrasses offraient de l'ombre sous le soleil de plomb. Les routes principales partaient des différentes entrées de la ville et allaient droit vers son centre. Autour d'elles, des centaines de petites rues courraient entre les maisons.
Au milieu de tout cela se trouvait le palais du régent. Les coupoles recouvertes d'or pointaient vers le ciel et reflétaient la lumière du soleil sur des kilomètres. Le lieu de vie du noble était presque aussi grand que le palais de Solas et tout aussi luxueux. Les grands murs cachaient un nombre infini de trésors mais aussi les plus précieux de tous dans le désert, de gigantesques bassins d'eau potable et des oasis de verdure. San avait passé de nombreuses années à observer son reflet dans l'eau translucide, entouré de palmiers.
Il prit une profonde inspiration et descendit vers le cœur de la ville, Yunho sur ses talons. San guidait le noble à travers les rues, passant devant des échoppes où la nourriture de qualité se faisait rare. Les légumes rabougris et la viande avariée attiraient les moucherons par centaine. De la poussière se soulevait du sol en terre à chacun de leurs pas. A chaque fois qu'ils croisaient des enfants des rues, Yunho leur donnait des pièces et les morceaux des galettes de riz que Minjae leur avait donné pour le voyage. San le regardait faire à la dérobée alors qu'il rajustait la capuche noir sur sa tête pour cacher ses mèches fuchsia. Il sentait les regards de certains habitants sur sa nuque. Même si cela faisait six ans qu'il avait fui la ville, les gens n'avaient pas oublié l'assassin drapé de noir qui obéissait au doigt et à l'œil au régent.
Il attrapa le poignet de Yunho et accéléra la cadence. Il relâcha un peu son emprise quand il entendit le noble retenir un gémissement de douleur derrière lui. San appuyait sur son poignet blessé.
— Il faut vite rejoindre le palais, les gens ne m'apprécient pas par ici.
— Pourquoi ? demanda innocemment Yunho.
— Sûrement parce que j'ai tué des membres de leur famille.
Il tourna la tête vers le Façonneur qui le regardait avec des yeux ronds, la bouche entre-ouverte. Les habitants continuaient de lancer des regards curieux à leur égard. Certains se posaient sur Yunho. Malgré ses vêtements couvrants, sa peau de lait contrastait avec celle tannée par le soleil des îlotiens. A part les soldats de l'empereur, il n'y avait pas beaucoup d'étrangers à Ensan. Les chercheurs de trésors et de reliques Préfracturienne préféraient s'aventurer dans le désert que dans la ville.
— Je n'étais pas vraiment un protecteur personnel de Jin Gang. J'étais son assassin personnel.
— Je suis-
— Désolé, oui je sais, le coupa San.
Il s'enfonça dans une ruelle pour échapper aux murmures qui le suivaient. Ce n'était pas le moment d'attirer l'attention de la garde du régent, leur mission reposait sur la discrétion. Une fois à l'abri, il relâcha doucement le poignet de Yunho qui le ramena contre son torse en grimaçant.
— Pourquoi as-tu pris le risque de venir ici ? lui demanda soudain San. Tu connaissais la réputation du régent.
— C'était trop dangereux de te laisser y aller seul.
San cligna des yeux, il ne s'attendait pas à cette réponse. Pourquoi Yunho s'entêtait à l'aider alors qu'il était plus que odieux avec lui ? Un vrai connard oui. Il soupira. Il n'avait rien à répondre à cela. Tout le monde s'était fait aux nouveaux pouvoirs du Façonneur et acceptait petit à petit tout ce qui s'était passé depuis leur capture à Asiaré. Pourquoi n'arrivait-il pas lui à tourner la page ? Wooyoung lui avait répété que sa haine était irrationnelle, il le savait très bien. Il ne pouvait juste pas détacher le noble de Yunho, même maintenant qu'il était une cible de l'empire.
— Alors nous serons tous les deux prisonniers si quelque chose se passe mal...
Il reprit sa route, Yunho sur ses talons. Il guidait le Façonneur dans les petites ruelles de la ville. Le soleil peinait à se glisser dans le maigre espace entre les maisons. Où qu'il posait ses yeux, il ne voyait que des murs beiges. Les odeurs de nourriture pourris et d'urine montaient à la tête. Yunho avait plaqué sa cape sur sa bouche et son nez. Les ruelles toujours vides étaient de vraies coupes gorges. San y avait toujours déambulé en s'y sentant en sécurité, c'était de lui dont les gens avaient peur.
Leur progression était rapide. Cela faisait six ans que l'Ombre n'avait pas foulé le sol de Kerch mais la cartographie de Ensan était gravée dans son esprit. Les murs d'enceinte du palais du régent se firent bientôt voir au bout de la rue dans laquelle ils déambulaient. Les choses sérieuses commençaient, ils n'avaient pas le droit à l'erreur.
Des gardes étaient postés tous les dix mètres autour du mur d'enceinte. San repéra les yeux rouges de Voyants postés en éclaireur sur le chemin de ronde. Il dirigea son regard vers l'ancien passage et sourit. Une partie du mur s'était effondrée huit ans auparavant quand des pirates avaient essayé de prendre d'assaut le palais à la recherche de ses trésors. Jin Gang les avait tous fait massacrer et avait fait accrocher les cadavres sur ce même pan de mur pour dissuader quiconque de venir l'attaquer. A présent, l'endroit était craint et plus personne n'osait s'y aventurer, même les soldats en charge de la ronde. Ils s'arrêtaient une centaine de mètres de chaque côté, bien assez pour se faufiler discrètement. San et Hayun étaient passés par là le jour de leur fuite. Il leur faudra juste une petite distraction.
— Comment allons-nous entrer ? demanda Yunho qui observait les gardes.
— Sais-tu escalader ?
Yunho le regarda avec des yeux ronds avant de hausser les épaules.
— Je montais aux arbres de la citadelle de Skywe.
San soupira. Ce n'était pas pour rien qu'il voulait y aller seul, il était bien plus efficace. Mais maintenant que Yunho était là, autant en profiter.
— Il faut créer une distraction, expliqua-t-il. Les tremblements de terre sont courants ici à cause du volcan au nord de l'île. Il faut que tu fasses trembler la terre juste assez fort pour que les gardes quittent leur position et aillent se mettre à l'abri.
— Et les habitants ? Je ne veux pas les blesser.
— Les maisons sont construites pour résister aux tremblements de terre, ne t'inquiète pas.
Yunho hocha la tête, toujours peu sûr de lui. Il ferma les yeux et San observa ses sourcils se froncer sous la concentration. Malgré lui, cela le fit sourire. A le voir ainsi, Yunho lui rappelait les jeunes mages qui peinaient à utiliser leurs pouvoirs. Les plus expérimentés n'avaient même pas besoin de bouger un muscle pour faire appel à leur aura.
— Concentre-toi sur ce que tu veux que ta magie fasse. N'ai pas peur de laisser tes pouvoirs prendre un peu le contrôle, ils savent mieux que toi comment faire.
Il se rapprocha et posa sa main sur celle de Yunho pour l'aider à guider sa magie.
— Vas-y.
Les premières secousses firent à peine trembler le sol mais, avant qu'il n'ait le temps de dire quoi que ce soit, la terre sous ses pieds prit vie. Il sentait chaque onde de choc remonter jusqu'à son cœur et faire trembler ses dents. Comme il s'y attendait, les maisons ne bronchèrent pas et les gardes disparurent des murailles.
— Viens !
Il attrapa le bras de Yunho et ils disparurent dans les Ombres. Les yeux de San naviguaient partout autour d'eux, à la recherche du moindre Voyant. Il se mit à courir quand la voie fut entièrement libre. Une vingtaine de mètres séparaient leur cachette de la naissance de la muraille. Les habitants et soldats avaient déserté la place pour se mettre à l'abri. Seuls quelques-uns gardaient toujours la porte du mur d'enceinte, dont un Voyant qui se déplaçait au ralentis.
Une fois stoppé devant l'imposant mur de pierre, San lâcha la main de Yunho mais força ses Ombres à le garder avec lui dans l'obscurité. Il grimaça quand la douleur pinça son cœur, il n'avait pas l'habitude de pratiquer ce genre de magie et sa dernière expérience n'avait pas été très concluante. Sauf qu'il ne pouvait pas tenir Yunho en même temps qu'ils escaladaient la muraille.
— Tu es prêt ? demanda-t-il au Façonneur qui scrutait la pierre à la recherche de prise.
— Oui allons-y. Je vais te suivre.
San hocha la tête et commença à escalader. Il jetait de temps à autre des regards derrière lui pour s'assurer que Yunho le suivait toujours. Plus ils grimpaient et plus les prises se faisaient rares. Les doigts de San ripaient souvent contre la pierre et il jura quand un de ses ongles se retourna. Cela faisait un mal de chien. Quelques gouttes de sang perlèrent sur ses mains et sa manche. Heureusement, le trou dans la muraille n'était plus si loin. Il étendit le bras, fléchit sa jambe et se propulsa un mètre plus haut. Il rattrapa la prise d'une seule main et chercha avec ses pieds de quoi s'agripper, sans succès. Ses muscles étaient douloureux à force d'être sollicités en permanence. La sueur roulait le long de ses tempes et rendait ses mains moites.
— A ta droite.
Il suivit les conseils de Yunho et repéra une prise près de son pied. Il remercia le mage d'un hochement de tête et poursuivit sa route. La fissure dans la muraille était à moins de quelques mètres et cela le fit soupirer de soulagement. Il n'était pas certain de réussir à escalader le mur entier. Forçant sur ses jambes et ses bras qui tétanisaient et tremblaient, il réussit à atteindre, centimètres après centimètres, son objectif. Au prix d'un dernier effort, il appuya ses paumes sur le parapet et força sur ses bras pour se hisser dessus. San roula dans la poussière et s'arrêta, dos contre le sol en prenant de lentes inspirations. Il avait réussi.
— S-San !
L'Ombre bondit sur ses pieds et se pencha vers le vide. Yunho se tenait à une main à une minuscule excroissance du mur, le reste du corps pendu vers le sol. Il avait l'impression de voir la peur se refléter dans ses yeux noirs. San eut le réflexe de se pencher juste à temps. Yunho glissa mais San le rattrapa au vol. Le corps du Façonneur claqua contre la pierre mais il tint bon.
— Je te tiens, rassura San.
Il prit appuie avec son pied contre la balustrade pour s'aider à remonter le Façonneur. Même s'il était fin, Yunho restait grand et pesait son poids. Il tira Yunho en sécurité et ils tombèrent tous les deux contre la pierre, le souffle erratique. San sentait son cœur battre dans sa gorge alors qu'il avalait difficilement sa salive. Chacun de ses muscles le tirait et ils restèrent quelques minutes sans bouger. Dans le creux de la muraille, ils étaient invisibles et l'Ombre relâcha sa magie pour ne pas s'épuiser davantage.
Il tourna la tête vers Yunho et, avant que le noble n'ouvre la bouche, il le coupa.
— Ce n'était rien, Mingi me tuera si je ne te ramène pas vivant de toute façon, se justifia San en haussant les épaules.
Il se leva et épousseta sa cape et ses vêtements.
— Oui, évidemment.
Malgré le fait que San lui tournait le dos, il entendait le sourire dans la voix de Yunho. Sans perdre plus de temps, ils quittèrent la muraille pour se mettre à l'abri dans les jardins, passant par des escaliers taillés dans la pierre. Les murailles entouraient l'îlot de verdure qui cachait lui-même en son sein le palais du régent. Le chemin de graviers ne dépassait pas d'un millimètre sur l'herbe tendre de l'oasis. Autour d'eux, les arbres à soie se mélangeaient aux palmiers et poivriers. Une petite rivière traçait son chemin entre les arbres, seuls les clapotis de l'eau montraient sa présence. Plus loin, celle-ci se jetait dans d'immenses bassins où les innombrables fontaines crachaient le liquide transparent à grands bruits à toutes les heures de la journée ou de la nuit. Où qu'il posait ses yeux, San ne voyait que des nuances de vert et des petites touches de couleurs dues aux parterres de fleurs. Les murs du palais étaient camouflés par la verdure.
— C'est magnifique, s'extasia Yunho en faisant glisser ses doigts sur les immenses feuilles de palmier.
San ne pouvait pas le contredire. La seule chose qu'il voulait, c'était ouvrir grand les portes du palais pour que les habitants de Ensan puissent profiter de l'eau qui leur manquait tant.
— A partir de maintenant, tu feras tout ce que je te dis de faire, ordonna San. C'est pour notre sécurité.
Yunho hocha la tête. Devant eux, les portes du palais sculptées d'arabesques et recouvertes de feuilles d'or se faisaient voir entre les feuillages. San prit une grande inspiration. Il était temps pour lui de faire face à son passé.
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