Chapitre 3 : Mauvaise passe
POV : Thomas
- Excusez-moi, vous pouvez me remettre la même chose ?
Le barman esquissa un sourire avant de me resservir un verre. J'avais choisi un alcool fort, plutôt que du vin. Ce n'était peut-être pas une bonne idée mais j'étais angoissé. Demain je mariais mon meilleur ami, j'étais témoin de son mariage et j'allais devoir passer un week-end entier avec sa famille, ses amis et toute sa belle-famille. Beaucoup de gens dans un espace, beaucoup de gens à me parler, beaucoup de gens qui exigeraient secrètement que je fasse honneur à mon rang et mon statut. J'étais le témoin de mariage de Minho et je n'avais pas le droit à l'erreur. J'étais l'erreur. L'erreur dans la vie parfaite de mon meilleur copain. Il était heureux, épanoui, amoureux et il se projetait avec la femme de sa vie. Une idylle.
Moi, à côté, je n'étais qu'un raté, une sorte de déchet de la société, incapable d'aller bien, sombrant jour après jour dans la solitude, le désespoir et la destruction. Depuis un mois, j'avais sombré à nouveau. J'avais appelé Minho en pleurs après qu'Ava m'est payé pour avoir couché avec elle. J'étais anéanti. Et pourtant j'y étais retourné, encore et encore, trois, quatre fois. Elle m'avait payé grassement à chaque fois, consciente que je la faisais jouir mieux que personne. Moi, je ne retirais aucun plaisir. C'était une sorte de peau que j'enfilais, neutre de toute émotion, capable de faire jouir chaque personne qui le souhaitait mais incapable de ressentir du désir.
Je me dégoutais de plus en plus. Pendant longtemps, j'avais vécu en accord avec moi-même vis-à-vis de vendre mon corps à autrui. Aujourd'hui, je me détestais de le faire. Peut-être parce que j'avais cru un instant m'être sorti de toute cette période sombre et finalement, à la moindre menace, je replongeais les deux pieds dedans. Encore et encore. J'étais lâche avec moi-même. J'étais répugnant même, je me haïssais d'agir de la sorte.
Je finissais à nouveau mon verre et en recommandais un d'emblée. Je savais que demain, j'allais revoir de vieilles connaissances, du lycée, de la fac et j'allais devoir sortir ce masque souriant et chaleureux qui ne m'allait plus depuis longtemps. J'allais devoir me forcer à faire semblant de m'intéresser à la vie réussie des amis de Minho, de leurs projets de bébé, de maisons en construction et autres réjouissances que tout adulte de ma génération se gosse d'obtenir et de faire. J'étais ridicule. J'allais leur parler quelques minutes de ma pathétique existence, en survolant les grandes lignes et je les écouterai avec un sourire ravi et hypocrite me raconter qu'ils repeignent la chambre du futur bébé. Ça me donnera sans doute envie de vomir et je ferai en sorte que ma coupe de champagne soit toujours pleine pour éviter de trop penser à l'échec de ma propre vie.
Je sentis une légère caresse sur mes épaules et mon dos. La main se posa au bas de mon dos et une présence à mes côtés se fit sentir.
- Quelle charmante rencontre ! Je n'aurais pas pensé te revoir ici... Tu m'en vois ravi. Tu te souviens de moi ?
Sa voix grave, assurée me susurrait à l'oreille. Je me tournais et tombais nez à nez avec un cinquantenaire en costard. Son visage était soigné, ses cheveux poivre et sel le rendaient terriblement séduisant. Je me rappelais très bien de lui. Il faisait partie des cinq personnes à cette maudite soirée, un de ceux qui avaient profité de mon corps et de ma crédulité pour assouvir leurs plus bas fantasmes. Mon sang se glaçait dans mes veines et j'ai dégluti.
- Je t'offre un verre ? Il me murmurait à nouveau, resserrant sa prise sur ma hanche pour me rapprocher de son corps.
- Tu veux quoi ? Je lui ai craché sèchement. J'étais là pour oublier ma pathétique existence, non pas pour faire face aux fantômes de mon passé.
- Voyons, Tom... Me dit-il en passant ses doigts dans mes cheveux. Sa main baguée s'attarda sur ma nuque, il la saisit comme si je n'étais rien et rapprocha son visage de mon cou. Il y déposa son souffle. Je te veux toi... Dès que je t'ai vu, ça a ravivé des bons souvenirs. Et si je pouvais ne t'avoir rien que pour moi, une nuit, rien qu'à moi... hum...
- J'ai augmenté mes tarifs. C'est plus cher... beaucoup plus cher. Je lui répondais avant de finir d'une traite mon verre et de me lever.
- Ton prix sera le mien.
Il a payé mes verres au barman et m'a saisi par la taille avant de m'entrainer vers l'ascenseur. Là-haut, il m'a fait entrer dans une suite luxueuse et sa bouche s'est attaquée à mon cou. Ses mains m'ont agrippé avec force et j'ai lâché un petit gémissement lorsque j'ai senti ses dents sur la peau de mon cou.
***
- Putain, Minho ! Dis-moi où je peux trouver du fond de teint ! Je lui demandais, stressé, en voyant les marques qui ornaient mon cou.
Mon meilleur ami faisait les cent pas dans la chambre d'hôtel. C'était son mariage aujourd'hui et il avait refait le nœud de sa cravate une vingtaine de fois depuis dix minutes. Il était impatient et terriblement stressé aussi.
- Thomas, c'est le plus beau jour de ma vie bordel, pourquoi je suis autant en panique ?! Me dit-il en refaisant ses lacets, à nouveau, alors qu'ils étaient déjà bien fait.
Je l'ai attrapé par les épaules et je l'ai forcé à me regarder dans les yeux.
- C'est normal d'être paniqué mon vieux mais c'est Sonya, tu la connais, tu l'aimes plus que de raison et ça va être un moment merveilleux, je te jure. J'inspirais un grand coup alors que Minho hochait la tête, visiblement rassuré de me voir lui remettre les points sur les i. Maintenant, il faut que tu me sauves la vie. J'ouvris mon col de chemise et lui montrais les traces violacées et rouges qui ornaient mon cou. Sympa les photos de mariage avec votre meilleur ami qui s'est fait baisé sauvagement toute la nuit, vous me direz. Je sais, tu as tous les droits de m'engueuler, de me faire la morale et même de me baffer. Oui j'ai recommencé. Mais c'est pas le bon jour pour ça, tu dois profiter de cette journée géniale et magnifique et dans trois jours, t'as tous les droits de m'exploser la gueule à ce sujet. Pas avant. Ma tirade ne laissait pas le temps à Minho de se remettre des informations que je lui disais. Son expression avait changé du tout au tout. Il était passé de anxieux à en colère, puis il soupira longuement, fermant les yeux pour se concentrer. Il faut que je planque ça, Minho, qui peut me prêter du fond de teint ?
Quand Minho rouvrit les yeux, il avait évacué toute la frustration de mon annonce. Il savait maintenant que j'avais à nouveau vendu mon cul. Il savait déjà pour Ava, enfin pour la première fois, pas pour celles qui ont suivi. Il avait compris qu'hier, j'avais laissé quelqu'un prendre possession de mon corps contre de l'argent. Il avait tous les droits du monde d'être en colère. Il l'était, déçu aussi je pense, mais il garda son calme et me tapa sur l'épaule avant de m'attirer contre lui pour une étreinte.
- Je t'aime tellement Thomas, t'imagines même pas. Je te casserai les dents, c'est promis, mais t'as raison, pas aujourd'hui ! Va planquer ça ! Demande à Newt, le p'tit frère de Sonya, il doit avoir de quoi t'aider. Il a maquillé sa mère, sa tante et sa sœur tout à l'heure.
J'ai serré mon meilleur pote dans mes bras et je l'ai remercié. Je lui ai dit que je revenais dans un quart d'heure et que je serai comme neuf. Je sortais de la pièce, croisant en même temps la mère du marié qui venait voir si son fils était prêt pour son grand moment. Je traçais dans le couloir de l'hôtel. Le petit frère de Sonya... Il fallait que je trouve le petit frère de Sonya de toute urgence. Manque de pot, je ne l'avais jamais rencontré en personne. Je l'avais vu qu'en photo et j'espérais pouvoir mettre la main dessus avant le début de la cérémonie.
J'apercevais le père de Sonya au bout du couloir, sa voix portait. Il semblait en pleine dispute avec un jeune homme blond. En m'approchant, je distinguais le physique longiligne et élégant de ce qui pouvait très bien être le frère de la mariée.
- Je te jure, Newt, tu ne fais pas honte à ta famille, aujourd'hui ! Tu as intérêt de filer droit ! T'as intérêt d'être impeccable et respectueux ! C'est le jour de ta sœur alors ne viens pas tout gâcher !
Son visage me disait quelque chose, c'était lui. Newt. Il semblait dépité. A vrai dire, vu ce qu'il se prenait de la part de son père, je comprenais.
- Déjà que t'es habillé comme un clown encore. Sonya n'a pas besoin que tu lui foutes sa journée en l'air avec tes sottises. Je te promets qu'au moindre écart, je te fous à la porte !
- Monsieur Lamora, Newt, vous tombez bien ! Je dis en arrivant près d'eux, les coupant en plein milieu de leur dispute, enfin... engueulade pour Newt visiblement qui prenait les mots durs de son père plein les dents sans broncher. Je lui attrapais le poignet pour éviter qu'il ne m'échappe pas et déclarais au beau-père de Minho. J'emprunte votre fils, j'ai une affaire urgente à régler et j'ai vraiment besoin de lui !
Le père de Sonya, d'abord hébété d'être interrompu me reconnut et accepta. Je filais avec Newt, sans lui demander son avis, le tenant fermement par le poignet. J'entrais dans ma chambre d'hôtel, claquais la porte derrière nous et me retournais vers lui, plus déterminé que jamais.
Ses deux grands yeux noirs s'ouvrirent un peu plus et le rouge lui montait aux joues. Je l'ai trouvé mignon, tout gêné comme ça et je lui ai souris.
- Minho m'a dit que tu pouvais m'aider. Est-ce que tu peux me mettre du fond de teint. J'ai un très sérieux problème et ça risque de faire tâche si le témoin apparait comme ça devant les invités. Je déboutonnais le col de ma chemise et tirais dessus pour montrer les différentes traces de morsure et de suçons que j'avais dans le cou. Je t'en prie, il faut que je planque ça.
- Outch, t'as passé la nuit avec un vampire ? Me dit-il avec une pointe d'humour dans la voix. Je lui souris, un peu gêné, d'un coup, de montrer mon cou meurtri à un total inconnu. Il se pinça la lèvre. Bon, bouges pas, je reviens, je vais chercher mes affaires pour te refaire une beauté...
Il est parti rapidement, laissant la porte ouverte derrière lui et je me suis assis dans la salle de bain, sur le bord de la baignoire, j'ai déboutonné un peu plus ma chemise et j'ai enlevé ma veste pour qu'il puisse être à l'aise. Je me suis mis à me ronger les ongles. Les minutes me paraissaient si longues.
Newt est revenu avec une trousse noire. Il a hésité un moment et est rentré dans la salle de bain avec moi. Il a allumé la lampe au-dessus du miroir et a enlevé sa veste. Il portait un costume bleu clair rayé de blanc et je trouvais ça très élégant. Je trouvais aussi que son père était dur de lui dire qu'il ressemblait à un clown. En dessous, sa chemise noire lui épousait parfaitement la taille. C'était très beau. Il a remonté ses manches dans un geste expert et s'est passé la main dans ses cheveux blonds. J'avais toujours trouvé que Sonya était belle, charmante et d'une beauté particulière mais plus mes yeux vagabondaient sur son jeune frère plus je me disais qu'il n'avait rien à envier à sa sœur ainée. Il est très beau lui-même.
- Menton en l'air. Me dit-il avec autorité. Ses deux doigts relevaient mon menton et je contemplais désormais le plafond.
Il commença à appliquer une crème sur ma peau, puis je le sentais jouer avec un pinceau. Ses gestes étaient d'une douceur infinie. J'avais l'impression que chacun de ses touchers était une caresse. Il me détendait avec sa douceur, comme s'il apaisait du bout de ses doigts chaque parcelle de mon corps. Mes yeux se baladaient sur son visage. Impassible, concentré, on aurait dit un artiste en train de travailler sur la plus importante de ses peintures. Il semblait imperturbable. Ses yeux étaient soulignés de crayon noir, leur donnant encore plus de profondeur.
- Merci... Souffla-t-il à un moment. Ses yeux rencontraient les miens et son pinceau restait en suspens. Merci pour m'avoir sorti de cette répression paternelle.
- T'avais l'air de passer un sale quart d'heure, c'est sûr. Mais il n'y a pas de quoi. Je pense que je te serai milles fois plus redevable lorsque ton œuvre sera terminée. Je soufflais avec un sourire.
Il se planta devant moi avec un sourire triomphal.
- J'ai terminé. Et oui, t'es encore plus beau que la première fois que je t'ai vu. Me dit-il avec un sourire plus doux. Ses yeux se plongeaient dans les miens et je crois qu'à cet instant-là, ils sont trouvés mon âme.
Il s'est approché et m'a relevé mon col de chemise, il l'a boutonné et m'a autorisé à regarder mon reflet dans le miroir. J'ai eu envie de rester là, entre ses doigts...
- Je peux camoufler tes cernes, un peu si tu le souhaites. Me proposa Newt lorsque je le félicitais pour son travail. J'hochais la tête. Il m'invita à m'asseoir à nouveau. Ses doigts attrapaient encore mon menton et il tourna mon visage vers la lumière. A cet instant, j'avais l'impression d'exister. Ses yeux, sa manière de me regarder, de s'appliquer, de passer délicatement ses doigts ou son pinceau sur ma peau... C'était d'une douceur inouïe...
- Les garçons, Minho vous cherche !
Le photographe du mariage venait de passer par là, son arme en main et nous informa que le marié avait demandé notre présence. Newt referma sa trousse. Le charme était rompu, l'instant salvateur et doux qu'il m'avait offert s'était évaporé dans l'air. Je revenais à la réalité.
Il remit sa veste, moi la mienne, jetant un coup d'œil dans le miroir pour être sûr que tout était en place. Je semblais moins fatigué, en effet, presque rayonnant. Newt s'approcha de moi. Je m'attardais un instant sur notre reflet dans le miroir.
- Un p'tit sourire, Monsieur le témoin ! Me glissa-t-il dans l'oreille et le son de son appareil photo se déclencha. Il venait de nous prendre en photo. J'ai souri encore.
- On en fera une pareille, demain matin au réveil, tu verras qu'on sera beaucoup moins frais et beaux que ça ! Je lui disais pour rigoler. Il ricana et sortit de la salle de bain. Je le rattrapais et fermais ma porte de chambre pour rejoindre Minho. Merci encore Newt, tu me sauves la vie. Vraiment.
- Faisons un marché, Thomas. Me dit-il en se retournant. Je pense que ce week-end va être un enchainement de moments gênants où on voudra fuir, parce que tout mariage qui se respecte a son lot de moments cringe. Sortons-nous de l'embarras mutuellement dès qu'un de nous est dans une mauvaise passe... Exemple, la tante Jeanne-Marie te raconte depuis trois quart d'heures comment elle a planté ces géraniums dans ses jardinières et tu n'as trouvé personne pour te remplacer. Hop, tu m'appelles d'un signe discret et j'invente un bobard subtil pour te soudoyer et on part loin... très loin... de cette charmante tante barbante au possible...
J'ai rigolé à ses bêtises. Minho et Sonya m'avaient plus d'une fois raconté les histoires de ce Newt, une vraie usine à contes et autres anecdotes loufoques.
- Avec grand plaisir ! Je lui dis en lui tendant la main. Il la serra énergiquement et m'offrit un magnifique sourire.
Minho nous appelait du bout du couloir...
A suivre,
Love, Ali.
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